RDA, pays de cobayes
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La carrure d'Herbert Bruchmüller remplit l'encadrement de la porte de sa maison villageoise. Il respire à grands coups. Son visage est rouge, peut-être en raison du traitement de sa maladie cardiaque. Il parle fort, comme s'il lui fallait encore couvrir le bruit des chantiers et des usines dans lesquels il a passé sa vie d'électricien est-allemand. "J'ai rien reçu, pas une explication, pas une excuse", dit-il.
Herbert Bruchmüller ne parle pas là des nazis qui, en 1941, ont envoyé son père sur le front de l'Est, comme presque tous les hommes de ce village de Dannigkow, non loin de Magdebourg, en République démocratique allemande (RDA). Il ne parle pas non plus des Soviétiques qui n'ont libéré son père des camps de travail forcé que cinq ans après la guerre. Et pas davantage du régime communiste est-allemand, lequel, dans les années 1950, a saisi la ferme, les bêtes et les champs de la famille pour les intégrer dans une coopérative que l'économie socialiste allait couler corps et biens.
Il parle des médecins de la RDA. Juste avant la chute du Mur, en 1989, ils l'ont soumis à son insu à des tests de médicaments possiblement dangereux. Il parle des autorités de l'époque, qui ont vendu leurs concitoyens pour quelques millions de marks ouest-allemands. Il parle des compagnies pharmaceutiques occidentales qui l'ont utilisé, lui et peut-être 50 000 de ses compatriotes, comme des cobayes bon marché et incapables de faire valoir leurs droits. Durant l'un de ces tests, un homme est mort, juste à côté d'Herbert Bruchmüller.