Funérailles d'une personne indigente à Aix-en-Provence le 7 avril. Photo Clement Mahoudeau. AFP
Face à l'impossibilité de se rendre au chevet des patients dont le pronostic vital est engagé, un collectif de personnalités civiles appelle le gouvernement à imaginer des espaces pour dire au revoir à ses proches.
Tribune. Nous sommes inquiets pour nos proches, pour l’avenir, pour nous-mêmes. Nous sommes des citoyennes et des citoyens ordinaires, de diverses professions, de différentes régions. Nous savons les personnels hospitaliers surchargés. Nous savons l’urgence par laquelle sont acculé·es les professionnel·les de santé et les aidant·es. Nous les remercions grandement de leur courage. Nous sommes également certain·es de leur désarroi face à la mort, à la douleur d’autrui. Il va de soi que nous comprenons la nécessité de protéger les soignants et nous-mêmes, et nous comprenons les mesures de restriction des visites.
La visite aux proches gravement souffrants est un besoin vital. Privés de ce droit élémentaire, de nombreuses familles, des conjoint·es, vivent le même traumatisme. Aujourd’hui, c’est l’ensemble des patient·es, dont certain·es sont jeunes, parents, en phase aiguë ou terminale, qui ne peuvent être accompagné·es dignement à l’aube de leur mort. Nous sommes horrifié·es à l’idée que des personnes n’aient pu dire adieu à leurs proches ou lorsque nous apprenons que les ancien·nes décèdent seul·es dans les Ehpad, dans les hôpitaux, loin de leurs enfants, de leurs petits-enfants. L’idée ne pas revoir des personnes chères, qu’elles soient souffrantes ou agonisantes, est terriblement anxiogène. Nous imaginons la terrible angoisse de celle ou de celui qui meurt séparé·e de ses proches.
Les cérémonies de deuil, les adieux aux agonisant·es, les rituels funéraires existent dans toutes les cultures humaines. Dans les réponses gouvernementales à cette pandémie, ces rites, ces moments fondamentaux ne sont pas respectés. Le «protocole funéraire» qui s’y substitue aujourd’hui laissera des traces, des blessures profondes qui perdureront. Le gouvernement emploie le terme «résilience» pour qualifier le programme de lutte contre l’épidémie. N’oublions pas la signification de ce mot. Aucune épreuve ne devrait nous mener à résilier notre humanité.