LE MONDE |
De récentes déclarations, malvenues, sur une France supposément de « race blanche », ont suscité de vives réactions. Car, outre le caractère complètement anachronique et scientifiquement erroné du concept de race appliqué à l’espèce humaine, ces propos sous-entendent qu’il existerait une France idéale et primitive, exempte de toute influence extérieure, qui serait donc à préserver comme un patrimoine. La « France des clochers », avec son « long manteau d’églises et de cathédrales », comme l’affirmait l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy.
Cette polémique est d’autant plus malvenue qu’elle est contemporaine d’une arrivée de réfugiés sur le sol européen devenue plus importante en raison de la guerre en Syrie. Elle a relancé, parfois en creux, le débat sur le regard que la France porte sur les étrangers, sur ceux qu’elle considère comme étant étrangers, et sur les contours d’une identité nationale que des tentatives de définition récentes et avortées, parce que très discutées et discutables, à travers la création d’un ministère ayant porté ce titre entre 2007 et 2010, avaient pourtant échoué à résoudre.
Nous n’avons pas pour ambition de répondre à toutes les questions complexes soulevées par ce débat. Nous souhaitons simplement donner notre avis, depuis la place qui est la nôtre. Journaliste scientifique, historien spécialiste de la représentation de la préhistoire et préhistorien, nous proposons d’éclairer la discussion sur deux points : d’abord replacer ces questions dans la longue durée, pour montrer qu’elles n’ont, hélas, rien de nouveau ; apporter ensuite un éclairage sur nos ancêtres, c’est-à-dire ceux qui ont occupé l’actuel territoire de la France, et plus largement l’Europe, lors de la lointaine période appelée paléolithique (âge de la pierre taillée), il y a plusieurs dizaines de milliers d’années, et sur ce qu’ils nous ont légué.
Le scénario qui se dégage, loin des représentations ethno et européo-centrées, est celui de longues et complexes migrations, inhérentes à l’humanité, de mélanges de populations parfois entre espèces proches dont nous portons encore la trace dans nos gènes (Néandertal et Denisova), et d’un mode de vie à l’échelle continentale, inventé par des chasseurs-cueilleurs migrants à la peau certainement pas aussi blanche que d’aucuns la souhaiteraient.