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mercredi 2 septembre 2009

Refus politique de la peur

Préparer la rentrée du Collectif NON À LA POLITIQUE DE LA PEUR

La question éthique, …., s’articule d’une orientation du repérage de l’homme par rapport au réel
Jacques Lacan[1]


La réunion de convergence du 6 juin a été fort riche en informations, en échanges, mais également en questionnements. Le compte-rendu qui vous a été adressé précédemment en a fait un bon retour.

Nous avons une suite à construire à cette rentrée. Contribuer activement à revivifier les luttes antitotalitaires et anti casse des services publics. Dans cette perspective, nous sommes à la recherche de formes nouvelles d’action qui permettent d’être entendus et qui soient des leviers pour changer les rapports de force.

Le mouvement des « désobéisseurs » est exemplaire. Les sanctions sont tombées une fois les écoles et facs fermées ! Sans doute faudrait-il leur permettre de retrouver la parole pour faire comprendre en quoi leur critique pratique contient dénonciation, opposition, refus et proposition.

De même, le collectif Base Élève peut attester de ses résultats, mais aussi de leur usage concret possible pour aboutir à l’élimination de l’usage (pernicieux ?) de contrôle social.

Il serait des plus utiles que nous puissions disposer, notamment par le travail du Mouvement anti délation, d’informations sur les resserrements au niveau des collectivités territoriales du contrôle social et de la marche vers la société de surveillance. Quelle action démonstrative peut s’imaginer alors ?


Le domaine de la santé sera occupé par de nombreuses initiatives en septembre et en octobre.

Le collectif des 3 C prépare la rentrée, notamment : la recension des suppressions de postes dans les hôpitaux, pour illustrer la portée du phénomène et les mensonges de la ministre ; la riposte aux nouvelles dispositions concernant la Poste confirmant la perspective de privatisation ; la relance de la « bagarre » sur les franchises médicales.

A peine adoptée la loi Bachelot, la répression tombe : le docteur Pierre Paresys, ancien président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie, militant syndical connu, se voit refuser le renouvellement de la chefferie de service (il est psychiatre chef de service depuis 15 ans dans le Nord) au prétexte qu’il exprime publiquement son opposition à la politique du directeur de son hôpital de rattachement et de l’Agence Régionale du Nord Pas de Calais. C’est ce que nous appelons un délit d’opinion. Il se trouve que Pierre Delion, professeur de psychiatrie à Lille, est lui-même tracassé, dénoncé par une association de parents militante contre la psychiatrie au titre de ses conceptions du soin psychique. Je soumets à notre discussion une initiative à Lille en Octobre 2009 sur le thème « psychiatrie et politique de la peur », où les 2 Pierre seraient activement présents, et où pourrait être également fait le démontage des effets renforcés par la Loi Bachelot de plus de 20 ans de réformes hospitalières.

La psychiatrie encore.

Ø La réforme répressive de la loi portant sur l’hospitalisation psychiatrique comme une loi de santé mentale disloquant la psychiatrie de service public se profilent pour la rentrée. Nous devons être aux côtés de l’Appel des 39 – La nuit sécuritaire, de l’Union Syndicale de la Psychiatrie, des syndicats et organisations qui s’opposeront vigoureusement contre ces lois. Il y a déjà la proposition de rencontre à Lille. L’Appel des 39 prévoit un Forum national les 4 et 5 décembre 2009 à Paris (tout en se réservant des actions auparavant en cas de parution des projets de lois annoncés juste avant). Je propose que nous en soyons.

Ø Le samedi 10 octobre est la journée internationale pour la santé mentale.
Le Comité Européen : Droit, Éthique et Psychiatrie envisage d’organiser ce jour là à Bruxelles, en co organisation avec la Ligue Bruxelloise Francophone de Santé Mentale, un forum européen centré sur le thème « L’humain et la santé mentale ». Le collectif « Non à la politique de la peur » y sera invité, ainsi que l’Appel des 39, la LDH et d’autres organisations encore. Ce serait —après Milan le 21 mai

La montée en puissance de la répression policière en lien évident avec l’offensive néo-libérale est très inquiétante. La réaction de nombreuses organisations, et en particulier du Collectif Liberté, Égalité, Justice (CLEJ)[2], est une première riposte positive. Je vous invite également à signer la pétition lancée par Stéphane Gatti. Nous devrons discuter de la nécessité de réagir très vite par une large constellation d’organisations et collectifs, et d’idées d’initiatives à soumettre aux autres.

D’autres sujets peuvent venir à l’ordre du jour, comme par exemple Pôle Emploi et le traitement de l’aggravation massive du chômage, ……

Enfin, cette prochaine réunion pourrait décider une conférence de presse de rentrée sur la base d’un texte princeps de rentrée et de présentation à la presse de situations et de propositions.



Voilà de nombreux points à l’ordre du jour qui feront sans doute ressentir à beaucoup d’entre nous la nécessité d’une réunion de rentrée nombreuse, réflexive et active : LUNDI 31 AOÛT à 18 heures au local de la Ligue des Droits de l’homme 138, rue Marcadet – 75018 Paris

Cordialement à tous,

Claude Louzoun

«[1] La citation complète est la suivante : « Eh bien, chose curieuse pour une pensée sommaire qui penserait que toute exploration de l’éthique doit porter sur le domaine de l’idéal, sinon de l’irréel, nous irons au contraire, à l’inverse dans le sens d’un approfondissement de la notion du réel. La question éthique, pour autant que la position de Freud fait faire un progrès, s’articule d’une orientation du repérage de l’homme par rapport au réel. » Jacques Lacan, L’éthique de la psychanalyse, Le séminaire Livre VII, éditions du Seuil, Paris, 1986, pp. 20-21. [2] La réunion de rentrée du CLEJ est le mercredi 16 septembre à 18 heures au local du syndicat de la magistrature.









Publié sur slate (http://www.slate.fr)
Les antidépresseurs, conséquence ou cause de la crise?

Une récession nerveuse

Les ventes d'antidépresseurs sont-elles une conséquence ou la cause de la crise?
Caitlin McDevitt [1] Lundi, 31 août 2009


Dans un climat économique maussade, il est amusant de pointer les «
éclaircies» — les secteurs ou les produits qui marchent très bien pendant que les autres vont mal. Par exemple, cette année, il y avait de nombreuses études indiquant que certains produits — le rouge à lèvres, le chocolat et les pâtes [2] — sont allés à l'encontre du mouvement général de l'économie et ont enregistré des ventes en hausse. Les supermarchés ont gagné en affluence aussi, car les familles ont plus mangé à la maison et moins au restaurant. En février, une histoire particulièrement édifiante [3] relatait le renouveau des affaires pour les cordonniers, car les gens faisaient réparer leurs vieilles chaussures plutôt que d'en acheter des neuves. Bien que ces histoires soient plutôt optimistes, la nouvelle d'une augmentation des ventes [4] d'antidépresseurs malgré — ou peut-être grâce à — la récession était quant à elle tout simplement déprimante.


Le sentiment d'impuissance, le pessimisme, une profonde tristesse persistante — les principaux symptômes de la dépression — n'étaient pas du tout en baisse quand l'économie s'est écroulée. Environ 164 millions d'ordonnances pour des antidépresseurs ont été prescrites en 2008 aux Etats-Unis, 4 millions de plus qu'en 2007, selon IMS Health, une société se spécialisant dans le conseil et l'information pour l'industrie de la santé. Les antidépresseurs ont été le troisième médicament le plus prescrit en 2008, avec des ventes de 9,6 milliards de dollars, en hausse par rapport aux 9,4 milliards dépensés l'année précédente.


Quand les antidépresseurs font du bien à l'économie


Le mois dernier, Eli Lilly & Co. [5] (LLY) a rapporté que ses ventes de Cymbalta au deuxième trimestre — qui est en passe de dépasser l'Effexor aux Etats-Unis au palmarès de l'antidépresseur le plus vendu — ont progressé de 14% par rapport à l'année dernière. La dépendance nationale à ces drogues est une tendance persistante. Une étude publiée en août dans les Archives of General Psychiatry a démontré que de 1996 à 2005, la consommation d'antidépresseurs aux Etats-Unis a doublé.


Bien qu'il soit inquiétant que de plus en plus d'Américains soient considérés comme suffisamment malheureux par leurs médecins pour nécessiter une telle prescription, il y a peut-être du réconfort à trouver dans le fait que les antidépresseurs peuvent faire du bien à l'économie. La dépression coûterait aux Etats-Unis jusqu'à 83 milliards de dollars par an, selon une étude publiée dans le Journal of Clinical Psychology en 2003 et analysant [6] le coût des maladies. L'étude a trouvé que les coûts liés au traitement de la dépression représentaient 26% de la charge totale, et que deux fois ce montant - 52 milliards de dollars - pouvaient être attribués aux journées de travail manquées et à la perte de productivité. «C'est sur le lieu de travail que sont engendrés les coûts les plus importants», a dit Paul Greenberg, l'économiste spécialisé dans le secteur de la santé qui a mené l'étude.


Les effets des drogues


Calculer la productivité perdue n'est jamais une science exacte, mais il n'est pas difficile de comprendre pourquoi les employés déprimés seraient moins efficaces au travail. Non seulement ils travaillent moins de jours, comme l'a démontré l'étude, mais les symptômes de la maladie peuvent rendre très difficiles l'accomplissement de leur tâche. «Si vous dressez une liste de symptômes fortement liés aux mauvais résultats au travail, vous voyez que les symptômes de la dépression correspondent presque exactement avec ce qui fait décliner la productivité», a expliqué Greenberg, citant les difficultés rencontrées par les personnes déprimées pour se concentrer, se souvenir de détails et prendre des décisions. Les antidépresseurs sont conçus pour faire — et le font réellement pour beaucoup de gens — diminuer une partie ou presque tous ces symptômes.


Les compagnies pharmaceutiques sont promptes à indiquer les effets positifs de ces drogues sur les personnes - toutes les personnes. Dans la campagne publicitaire d'Eli Lilly pour Cymbalta, «la Dépression fait mal»), une voix féminine demande, "Où est-ce que la dépression fait mal?» La réponse: «Partout». Et puis, «A qui la dépression fait mal?». Oui, vous l'avez devinez: «A tout le monde».


Du Zoloft gratuit pour ceux qui ont perdu leur emploi


Malheureusement, il y a un marché cible pour ces publicités. Selon les estimations, 15 millions d'Américains souffrent d'une dépression majeure, mais la plupart ne sont pas traités. [7] Et, en fait, l'industrie dont la vocation est de rendre les malheureux heureux est particulièrement rémunératrice. Pendant que d'autres maladies coûteuses — telles que les maladies de coeur ou le cancer — frappent tard dans la vie, la plupart des gens tombent dans la dépression quand ils sont beaucoup plus jeunes, normalement entre 15 et 30 ans. En plus de commencer tôt, la dépression peut s'avérer fréquente. Jusqu'à 75% de personnes qui font une dépression récidivent, et lors de chaque apparition, le risque d'une nouvelle récidive augmente [8].


Les compagnies pharmaceutiques reconnaissent l'importance d'entrer en contact avec les clients tôt et souvent, dans l'espoir que ceux qui auront besoin de prendre ces médicaments sur le long terme restent fidèles à leur marque — à tel point qu'elles sont prêtes à distribuer gratuitement leurs capsules. En mai, le groupe Pfizer [9] (PFE) a annoncé [10] qu'il offrirait plusieurs de ses produits — dont l'antidépresseur Zoloft - gratuitement à ceux qui ont perdu leur emploi ou leur assurance médicale.


«Notre but est d'aider les gens à passer cette période», a déclaré dans un entretien le Docteur Jorge Puente, le chef des produits pharmaceutiques de Pfizer hors Etats-Unis et Europe. L'autre objectif était sans doute moins charitable: dissuader les patients de troquer les médicaments Pfizer contre des génériques moins chers.


Les antidépresseurs au secours de médias


L'industrie pharmaceutique n'est pas la seule à profiter de cette hausse de la consommation d'antidépresseurs. Les grands groupes pharmaceutiques sont notoirement connus pour leurs grandes campagnes de marketing — soutenant ainsi les revenus des entreprises qui dépendent du marché de la publicité. «Elles sont bien sûr une grande source de revenus publicitaires», dit Charles Barber, auteur de Comfortably Numb: How Psychiatry is Medicating a Nation [11] («Comment la psychiatrie dope une nation») Au premier trimestre 2009, pendant que la publicité automobile — depuis longtemps la catégorie leader en matière de publicité aux Etats-Unis — chutait de 28%, selon les classements de Nielsen [12], le montant dépensé pour des pubs pharmaceutiques était relativement stable. Il s'est quand même érodé, mais seulement de 11%. Le secteur pharmaceutique était le troisième plus gros investisseur publicitaire pendant la période. Sans ces dépenses, beaucoup de groupes de médias qui se débattaient déjà dans un marché publicitaire en plein marasme auraient plus souffert encore.


Wall Street camé


Prenons, à titre d'exemple, Redbook, le magazine américain «de la femme qui jongle avec sa famille, sa carrière et ses besoins personnels» et qui, selon les chiffres les plus récents de Magazine Publishers of America [13], a perdu 10% de ses pages publicitaires ce printemps par rapport à l'année dernière. Dans le numéro du mois de septembre, le magazine abrite des publicités pour trois antidépresseurs: Pristiq, Cymbalta et Abilify. Puisque la plupart des malades de dépression sont des femmes, les magazines dont le public cible est féminin reçoivent un coup de pouce supplémentaire des entreprises encourageant la consommation d'antidépresseurs.


Mais le plus grand bien que les antidépresseurs puissent fournir, bien sûr, c'est à ceux qui les prennent. Si les effets salutaires sont ceux recherchés par les personnes qui en ont besoin, quelques sceptiques ont néanmoins expliqué que ces capsules peuvent altérer les mentalités. Il y a presque une décennie, Randolph Nesse, professeur de psychiatrie à l'Université du Michigan, a suggéré [14] que les traders consommant des antidépresseurs prendraient des risques excessifs et donc de mauvaises décisions. Ils pourraient «devenir beaucoup moins prudents qu'avant, s'inquiétant trop peu des véritables dangers», a-t-il écrit [15]. Il a prédit que, alors que de plus en plus de personnes trouveraient du soulagement dans ces médicaments, l'effet engendré au niveau collectif sur Wall Street serait une bulle qui finirait par s'éclater, «avec des conséquences économiques et politiques potentiellement catastrophiques».


Est-ce le Prozac le responsable de la récente chute libre des marchés? C'est peut-être un peu exagéré, mais si c'est le cas, il aurait été plus juste d'appeler dès le début la «grande récession» par son nom: une dépression.
Caitlin McDevitt
Traduit par Holly Pouquet

vendredi 21 août 2009








ACTUALITE MEDICALE

Dépistage des troubles métaboliques sous antipsychotiques de 2e génération : du non suivi des recommandations !
Publié le 16/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/9E/document_actu_med.phtml

Plusieurs antipsychotiques de deuxième génération sont associés à une augmentation du risque de troubles métaboliques : prise de poids, hyperglycémie, dyslipidémie. En 2004, l’American Diabetes Association (ADA) a ainsi publié un consensus recommandant l’évaluation de la glycémie à jeun et du bilan lipidique à l’initiation puis lors du suivi chez tous les patients traités par antipsychotiques de deuxième génération.

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact des recommandations de l’ADA sur le dépistage des troubles métaboliques chez les patients traités par antipsychotiques de deuxième génération. Les données administratives rapportant les bilans glycémiques et lipidiques réalisés chez des patients bénéficiant d’une prise en charge financière par assurance privée aux USA ont été analysés. Parmi les 9 millions d’assurés des 4 compagnies ayant accepté de participer à l’étude, 18 876 adultes ont débuté un traitement par antipsychotique de deuxième génération (ziprasidone, clozapine, rispéridone, olanzapine, quétiapine, aripiprazole) entre le 01/2001 et le 12/2006. Une cohorte de 56 522 patients ayant un diabète de type 2 non traités par antipsychotiques a été évaluée pour déterminer s’il existait une variation temporelle dans la fréquence des bilans sanguins.

Durant la période de suivi, la glycémie à jeun et le bilan lipidique ont été évalués avant le début du traitement par antipsychotiques de deuxième génération chez respectivement 23 % et 8 % des patients en moyenne. L’évaluation annuelle était réalisée pour le bilan glycémique chez 38 % des patients, et pour le bilan lipidique chez 23 % des patients. L’analyse temporelle de la fréquence avec laquelle ces bilans étaient réalisés retrouvait une tendance à l’augmentation régulière, parallèle à celle qui était observée chez les patients diabétiques. La publication des recommandations de l’ADA n’a pas modifié cette évolution, et elle n’a pas été associée à une augmentation du dépistage.

Cette étude montre que le dépistage des anomalies métaboliques reste insuffisant chez les patients traités par antipsychotiques de deuxième génération. Les recommandations de l’ADA n’ont pas eu l’impact escompté.
Dr Laurence Du Pasquier
Morrato EH et coll. : Metabolic screening after the American Diabetes Association ‘s consensus statement on antipsychotic drugs and diabetes. Diabetes Care 2009 ; 32 : 1037-1042.



ACTUALITE MEDICALE
Le DSM-V vers son starting-block
Publié le 15/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/9D/document_actu_med.phtml


Enfin ! Depuis le temps que la littérature psychiatrique évoquait cette « Arlésienne », le DSM-V, une date précise pour sa publication (Mai 2012) est mentionnée dans un article consacré à l’essor de ce fameux « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ». Le DSM connaît en fait plusieurs origines. Si sa première édition (DSM-I) remonte à 1952 ? et sa seconde à 1968, l’ère « moderne » commence en 1970, avec un article d’Eli Robins et Samuel Guze dans l’American Journal of Psychiatry (consacré à la « validité du diagnostic en psychiatrie, avec application à la schizophrénie ») et des textes de 1972 et 1978 sur la « recherche de critères diagnostiques ».

Sous l’égide de l’APA (Association américaine de psychiatrie), la mouture estampillée DSM-III opère la synthèse de ces travaux précurseurs en 1980 avec une « révolution » faisant grincer les dents chez certains psychiatres attachés au point de vue psychanalytique, puisque celui-ci est abandonné alors au profit du modèle biomédical : apport de la génétique, des examens complémentaires, inscription dans la mouvance des essais thérapeutiques et des techniques cognitivo-comportementalistes… Ce virage conceptuel est confirmé lors du DSM-IV publié en 1994 et actualisé en 2000 sous la forme du DSM-IV-TR (pour Text Revision) [1].

Mais toute classification est victime de son aspect réducteur : comme le résument les auteurs, « les psychiatres se trouvent désormais confrontés à une pléthore de phénomènes de comorbidité, car les patients n’ont pas exclusivement des troubles de l’humeur ou à type de somatisation ou d’anxiété, mais ont tendance à développer un mélange de symptômes empruntés à plusieurs catégories ». Penchés sur le berceau du futur DSM-V depuis 1999, les chercheurs doivent relever plusieurs défis pour « faire face aux questions ayant émergé depuis 30 ans ».

Interrogation fondamentale : comment définir un trouble mental ? Autre point : comment aborder une affection mentale dans toute sa diversité, malgré la disparité apparente de stades de développement pouvant s’étendre tout au long de la vie ? Enfin, comme pour toute prétention à affubler autrui d’une marque de « différence », au risque de le stigmatiser : quelle place accorder à des critères contextuels, notamment aux caractéristiques culturelles ? Une classification quelconque a-t-elle valeur à l’universalité ?
[1] http://www.dsmivtr.org/
Dr Alain CohenRegier DA et coll. : The conceptual development of DSM-V. Am J Psychiatry 2009 ; 166-6 : 645–650.


ACTUALITE MEDICALE
Grandeur et décadence d’un modèle
Publié le 14/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/98/document_actu_med.phtml


Professeur de psychiatrie à l’université de Boston (Massachusetts), S. Nassir Ghaemi publie un ouvrage ayant le même titre que son article du British Journal of Psychiatry, « Grandeur et décadence du modèle bio-psychosocial ». Proposé par George Engel [1] en 1977, lequel s’appuyait notamment sur des précurseurs comme Adolf Meyer et Roy Grinker [2], ce modèle est considéré outre-Atlantique comme le « courant dominant » (mainstream ideology) de la psychiatrie contemporaine. Laquelle serait critiquée pour son aspect « trop biologique », occultant la dimension humaine, avec risque de dérive scientiste ou, du moins, de relégation des interventions psychosociales derrière le paravent de la médecine et de la pharmacologie.

Vu comme « antidote » à ce risque, le paradigme en question (dit bio-psychosocial) est censé tenir « le milieu de la route » entre les trois dimensions essentielles de la psychiatrie (organique, psychique et socioculturelle). Ce qui est en accord avec la recommandation d’Engel (1978) selon laquelle : « Il faut tenir compte des trois niveaux (biologique, psychologique et social). Aucune maladie, aucun patient, ni aucun contexte ne peuvent se réduire à un seul de ces aspects, toujours plus ou moins présents ». Mais cet arbitrage entre plusieurs courants ne parvient plus, semble-t-il, à endiguer la vague du « tout biologique » déferlant désormais sur la psychiatrie.

Pour SN. Ghaemi, l’apogée du modèle bio-psychosocial aux États-Unis coïncide avec « la notoriété du DSM-III, vers 1980, les avancées de la psychopharmacologie et le déclin de la psychanalyse ». A noter toutefois que dans cette synthèse bio-psychosociale, certains concepts psychanalytiques (comme les mécanismes de défense) sont préservés.

Mais en prônant une position éclectique, à mi-chemin de discours bien tranchés (biologique, psychologique ou social), ce modèle sécrète lui-même ses limites. Car paradoxalement, l’éclectisme se muerait en son contraire pour engendrer le dogmatisme, puisqu’en laissant chacun libre de suivre sa propre inclination, il n’impose aucun garde-fou contre un nouveau dogme ! Ce retournement d’une vertu en son contraire rappelle un aphorisme du philosophe Schelling (1795) où la revendication de liberté débouche sur la soumission : « Prouver ainsi précisément sa liberté, par la perte de sa liberté elle-même, et sombrer encore avec une proclamation de la volonté libre. »

Ce modèle conserve pourtant un atout : abordant le réel de manière globale (vision « holistique » [3]) par opposition à tout parti pris de spécificité (réductionnisme), il s’appuie sur l’idée que « plus, c’est mieux » : on aurait plus de chances de cerner la vérité en multipliant les perspectives, dans une meilleure approche de la complexité.

[1] http://en.wikipedia.org/wiki/George_L._Engel[2] http://www.medscape.com/viewarticle/547497_2[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Holisme

Dr Alain Cohen
Ghaemi SN : The rise and fall of the biopsychosocial model. Br Journal of Psychiatry 2009 ; 195 : 3-4.






Mon ordi vaut bien ton psy !

Publié le 07/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/2F/document_actu_med.phtml


Certains médecins contribueraient-ils imprudemment à scier la branche où ils sont assis ? On est en droit de s’interroger à la lecture de cette étude néerlandaise comparant l’efficacité du traitement « classique » de la dépression (c’est-à-dire par un praticien humain) à celle d’un « cyber-traitement » par programme informatique disponible sur l’Internet… pour ne trouver en fin de compte « aucune différence significative » entre ces deux méthodes !

Par les mânes de Lacan, le protocole en question n’a, on l’aura compris, rien à voir avec la psychanalyse, mais s’apparente aux thérapies cognitivo-comportementalistes (CCBT) [1]. Motivation des chercheurs : réduire la proportion des dépressions ambulatoires non traitées, en orientant les patients vers des sites à finalité « vicariante » du thérapeute : par la barbe de Freud, on n’a plus (assez) de psychiatres, mais on a encore des idées… et des ordinateurs !

Âgées de 18 à 65 ans et devant bénéficier d’un premier traitement pour une dépression, 303 personnes ont donc été orientées au hasard soit vers leur médecin (de la vraie vie), soit vers un logiciel compatible tout silicium et au nom explicite, Colour Your Life, soit vers une combinaison des deux (l’homme + la machine). Vous repeignant ainsi la vie en rose, le cyber-thérapeute est défini comme un « programme en ligne, multimédia et interactif ». Bilan édifiant, après un suivi de 6 mois : « aucune différence dans l’évolution entre ces trois procédés » (intervention humaine, informatique pure, ou association des deux). Ex-æquo avec le site cognitivo-comportementaliste, le corps médical classique doit pourtant se réjouir de ce résultat très flatteur, puisqu’une autre étude aurait montré « qu’une technique CCBT délivrée par ordinateur serait plus efficace que la thérapie délivrée par le médecin traitant » !

Néanmoins prudents, les auteurs (humains) de cette enquête précisent que « les techniques de type cognitivo-comportementaliste sans intervention humaine ne peuvent bénéficier à tous les sujets souffrant de dépression ». Verra-t-on bientôt un clone de Jung sur Second Life ?

[1] Computerised Cognitive Behavioural Therapy : technique cognitivo-comportementaliste assistée par ordinateur.
Dr Alain Cohen

De Graaf LE et coll. : Clinical effectiveness of online computerised cognitive-behavioural therapy without support for depression in primary care : randomised trial. Br J Psychiatry 2009 ; 195 : 73-80.



jeudi 20 août 2009

ARMENTIÈRES
Mon fils, ce schizophrène
Publié le mercredi 19 août 2009 à 06h00
http://www.nordeclair.fr/Actualite/Justice/2009/08/19/mon-fils-ce-schizophrene.shtml

Schizophrène ou « borderline », en tout cas instable, cet homme de 35 ans réclame son argent de poche au couteau, séquestre sa mère de 74 ans. Délogé par le GIPN, il part en hôpital psychiatrique.

Massif mais empâté, le cou penché à angle droit du dos offrant un profil de vieillard, un phrasé d'enfant rechignant à avouer ses bêtises, Hervé B. ne passe pas inaperçu. Avocat et procureure s'accordent sur le « malaise » de la situation. Car les faits sont très graves.
Le 11 mars dernier, le jeune homme réclame un peu de liquide à ses parents. Régulièrement, il les menace pour parvenir à ses fins. Les parents, conscients de ses troubles psychiatriques - il ingurgite 10 sortes de médicaments chaque jour -, lui passent ses excentricités. Mais le climat est malsain. Plus tôt, il avait étranglé sa mère, lui disant « en rigolant », « je vais te tuer et te mettre dans un cercueil ».

Il rattrape son père de 77 ans, le met au sol, le frappe
Cette fois, il n'attend même pas la réponse, attrape un couteau et le brandit contre sa mère de 74 ans. Son père, 77 ans, tente timidement de s'interposer. Face à l'insensé molosse, il préfère fuir. Son fils lui court après, le met au sol et le frappe. Il tente même de le rapatrier à l'intérieur puis se ravise et s'enferme avec sa mère. Volet baissé. Trois longues heures. Un négociateur est envoyé ; le GIPN doit intervenir. Jouant de sa crédulité, un policier entre dans l'appartement déguisé en agent du Samu puis maîtrise l'individu à coup de Taser. Le prévenu sera envoyé d'office pendant 4 mois en hôpital psychiatrique.
Son geste, il l'explique confusément. « Je l'ai pas frappé, j'ai fait du chantage. Et puis mon père a pris le couteau et m'a piqué... » Lorsque la présidente Reliquet lui demande pourquoi il voulait de l'argent, ce dernier répond : « C'était mon anniversaire. - Et vous vouliez acheter quoi ? - De la vodka et du cannabis. » Hervé Belot a déjà été condamné pour des faits de violences. Deux expertises concluent à une altération de la responsabilité, même si l'une le dit victime de schizophrénie quand l'autre évoque un « état limite » ou « borderline ». Il confie quand même aux deux psys avoir « souvent envie de tuer des gens ». La présidente Reliquet lance une perche : « Comment nous convaincre que vous ne recommencerez pas ? » À laquelle il répond : « Bah, mes parents sont partis en maison de retraite. » Badaboum.
Dans un brillant mais long, lent, lancinant réquisitoire, la procureure Courtalon procède à une admirable relecture de l' Histoire de la folie à l'âge classique avant de ménager l'impératif de dissuasion et celui de compréhension en requérant 16 mois de prison, dont 10 avec sursis. Tout aussi brillant, Me Simon Perot fait le procès du régime de psychiatrie à domicile « qui consiste à dire aux malades "devenez votre propre gardien". » « Mon client ne peut pas porter la responsable de la disparition des psychiatres de tournée, de la fermeture un à un des centres spécialisés ! S'il va en prison, il verra quatre fois la psy. Vous croyez qu'il va sortir stabilisé ? » C'est dépité qu'il écoute le jugement : deux ans de prison dont un an avec sursis.
NICOLAS CAMIER > nicolas.camier@nordeclair.fr
Les drogues psychédéliques utiles en psychiatrie ?
Mardi 18 août 2009
http://news.doctissimo.fr/les-drogues-psychedeliques-utiles-en-psychiatrie-_article5182.html

Donner des substances hallucinogènes à des patients psychiatriques, voilà un postulat au minimum incongru. Pourtant le psychiatre lyonnais Olivier Chambon confirme l'intérêt de ces substances pour traiter certaines pathologies psychiatriques résistantes aux traitements habituels. La médecine psychédélique a-t-elle un avenir ?

Le LSD, l'ecstasy, les champignons à psilocybine (hallucinogènes), l'ayahuasca ou encore l'iboga sont des substances capables de provoquer des hallucinations ou d'exacerber les sens. Elles sont donc prohibées par les sociétés occidentales dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie. Cependant ces substances sont étudiées par de nombreux scientifiques, en raison de possibles effets thérapeutiques.

Selon le Dr Oliver Chambon, auteur du livre La médecine psychédélique - Le pouvoir thérapeutique des hallucinogènes, "les drogues psychédéliques sont de retour, mais cette fois dans les laboratoires et les hôpitaux, et pour leurs indications thérapeutiques. Dans le monde entier, de nombreux scientifiques s'intéressent à ces substances hallucinogènes pour étudier leur action sur certaines pathologies résistant aux traitements psychiatriques, notamment les dépressions chroniques, la dépendance alcoolique, le stress post-traumatique." Le Dr Chambon ajoute qu'elles ne sont pas étudiées "en France où ces substances sont assimilées à des drogues", à l'instar de ce qui se passe avec l'usage thérapeutique du cannabis.

De plus ces substances ne provoquent pas de dépendance et n'ont pas d'effets stupéfiants, contrairement à l'héroïne ou l'alcool (pas d'obscurcissement de la conscience). Les études déjà menées montrent par exemple le rôle positif de l'association d'une petite dose du principe actif de l'ecstasy dans la prise en charge de troubles anxieux, ou encore l'intérêt du LSD ou des champignons hallucinogènes, également à doses contrôlées, dans le traitement des algies vasculaires du visage (douleurs violentes s'apparentant à des migraines, touchant la moitié d'un visage).

En conséquence, le Dr Chambon affirme qu'"il existe actuellement bien assez de données de recherche et de publications, au niveau international, pour étudier, en France, l'efficacité des médicaments psychédéliques dans des affections psychiatriques résistant aux autres approches, avec de grandes chances d'obtention de gains thérapeutiques importants".

Cet appel à une extension de la recherche médicale sur ces substances dans le but d'élargir les possibilités de traitements des cas difficiles sera-t-il entendu ?

Sources :

- "La médecine psychédélique. Le pouvoir thérapeutique des hallucinogènes", Dr Oliver Chambon, Ed. Les Arènes, 396 pages, en librairie

- "How could MDMA (ecstasy) help anxiety disorders? A neurobiological rationale." Johansen P et coll., J Psychopharmacol. 2009 Mar 9.

- "Response of cluster headache to psilocybin and LSD." Sewell RA et coll., Neurology. 2006 Jun 27;66(12):1920-2.

lundi 17 août 2009



SANTÉ
Quel avenir pour la psychiatrie publique ?
le 17.08.2009
http://www.leprogres.fr/fr/france-monde/article/1885693,192/Quel-avenir-pour-la-psychiatrie-publique.html

Hôpitaux saturés, manque de structures pour soigner les malades en ville, la psychiatrie publique peine à remplir sa mission de soins.

Comme le reste de l'hôpital, la psychiatrie publique va mal. Après la promulgation de la loi Hôpital, patient, santé et territoire, elle attend sa propre réforme.

Depuis une quarantaine d'années, l'hôpital psychiatrique s'est effacé au profit d'une organisation par secteurs géographiques : le patient doit pouvoir bénéficier au plus près de chez lui de soins en continu. S'il reste emblématique, l'hôpital n'accueille plus désormais qu'une minorité des malades : 70% sont suivis à l'extérieur, dans des structures de soins ambulatoires, et ne seront jamais hospitalisés. Mais les lits d'hôpitaux ont fermé plus vite que ces structures ne se sont développées. Aujourd'hui, plusieurs hôpitaux affichent des taux d'occupation supérieurs à 100 % et sont au bord de l'explosion. Ils peinent à accueillir des malades en crise faute de place ailleurs pour les patients « stabilisés ». Certains de ces malades restent des mois dans des structures censées être de courte hospitalisation, d'autres se retrouvent à la charge de familles qui n'en peuvent plus ou encore à la rue.

La psychiatrie est désormais évoquée à la page faits-divers dans les médias, à la suite de violences au sein d'un établissement ou d'une agression commise par un malade. C'est d'ailleurs quelques semaines après le meurtre d'un passant à Grenoble par un patient de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, que Nicolas Sarkozy a présenté, le 2 décembre 2008, l'aspect « sécuritaire » de la future réforme comprenant notamment 30 millions d'euros pour renforcer la sécurité des hôpitaux, 40 millions pour créer quatre unités pour malades difficiles (dont une à l'hôpital du Vinatier de Lyon), et une extension du principe de l'hospitalisation d'office aux soins en ville. En janvier, le rapport Couty a dégagé 26 propositions pour réformer l'organisation en réunissant notamment le secteur psychiatrique et le médico-social. Les deux projets ont déclenché la colère des syndicats de psychiatres. Le gouvernement a promis de retravailler sa copie...

Confronté aux mêmes difficultés que ses homologues, l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Lyon nous a ouvert ses portes pour présenter la réalité des soins psychiatriques au quotidien.



Pas de trêve estivale pour l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu
le 17.08.2009 04h00
En août, ça continue de bouchonner à l'entrée et à la sortie de cet hôpital lyonnais. Les médecins doivent sans cesse chercher des solutions pour assurer le suivi des soins aux patients.
http://www.leprogres.fr/fr/france-monde/article/1885680,192/Pas-de-treve-estivale-pour-l-hopital-Saint-Jean-de-Dieu.html

Peu de malades et de soignants dans le parc et dans les couloirs : ce mardi, l'hôpital psychiatrique de Saint-Jean-de-Dieu, dans le 8 e arrondissement de Lyon, semble gagné par la torpeur aoûtienne. A l'unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD), le service « post urgences », seule une jeune fille agitée sort sans cesse de sa chambre pour venir dans le bureau infirmier, véritable tour de contrôle située face à l'entrée sécurisée. Comme la plupart des patients, elle est envoyée par les urgences des Hospices civils de Lyon. « Il n'y a pas encore moyen de lui parler », explique le Dr Lionel Reinheimer, chef du service, précisant que sous l'effet des médicaments, ces crises aiguës « ne dépassent pas les 48 heures ». Comme cette jeune fille, déjà venue ici il y a deux ans, de nombreux patients sont hospitalisés en urgence car ils ont arrêté leur traitement. En théorie, ils doivent quitter l'UHCD au bout de 72 heures, le plus souvent pour aller en clinique ou dans une autre unité de l'hôpital. Quand ce circuit fonctionne bien, « c'est valorisant de voir un patient hyper mal ressortir calmé », remarque le Dr Reinheimer. Mais depuis des mois, c'est « le bouchon continu »: il y a en permanence 8 à 9 patients des deux UHCD (23 lits et 2 chambres d'isolement) qui attendent une place ailleurs. Des chambres de patients en permission sont utilisées en leur absence, des lits supplémentaires installés dans des chambres individuelles voire dans des salles d'activité... Les malades en crise attendent plusieurs heures aux urgences des HCL avant qu'une place ne soit trouvée. Fin mai, c'est dans un réfectoire que 5 patients ont dormi. À la suite de ce coup d'éclat, le directeur, Jacques Marescaux, et le président de la commission médicale, Bernard Joli ont convaincu l'Agence régionale d'hospitalisation de financer la création d'une nouvelle unité de 20 lits pour des patients cérébro-lésés, à hauteur de 1,3 M d'euros (pour un coût total de 1,68 M). Elle ouvrira en décembre et sera certainement vite remplie car le champ d'action est vaste : malades psychotiques, accidentés de la route, patients souffrant de maladies neuro-dégénératives... Dans l'unité de secteur du Dr Patrick Briant, 3 patients sur 26 attendent une place dans ce type de structure. Le plus ancien est là depuis 1998. En géronto-psychiatrie, les assistantes sociales bataillent pour convaincre les maisons de retraite d'accepter des patients dans leurs services dédiés aux personnes âgées désorientées. Certains malades stabilisés au bout de deux mois doivent patienter jusqu'à un an. Car, là, ce n'est pas la lourdeur de la pathologie qui compte mais les moyens financiers... «Pour quelqu'un qui peut payer plus de 2 500 euros mensuels, l'attente est ramenée à une vingtaine de jours », explique Nicole Orrao, assistance sociale. Dans ce même service, se trouve un patient condamné car « il joue de l'arme blanche quand il a bu ». Il est actuellement « stabilisé » car il ne boit pas à l'hôpital, mais « vu le prix d'une journée d'hospitalisation cela coûte cher uniquement pour ne pas boire d'alcool!», remarque la chef de service, le Dr Florence Dibie-Racoupeau.

L'hôpital accueille à peine 30 % des malades suivis en psychiatrie publique, « mais ça bouffe 90 % de notre temps », note le Dr Briant qui freine sur les lits supplémentaires dans son unité car il ne veut pas « dégrader le soin ». «Il y a 20 ans, les patients étaient gardés en moyenne 240 jours, aujourd'hui, c'est 30 jours. Juste le temps d'évaluer les effets indésirables graves des médicaments. Il faut 3 mois pour voir si on est dans le bon sens et 3 ans pour évaluer les résultats », explique le psychiatre. Si le suivi des soins n'est pas assuré, c'est l'arrêt garanti. « Déjà à l'hôpital, la moitié seulement prend ses médicaments. A l'extérieur, dans le meilleur des cas, ils arrêtent au bout de deux ans », explique le psychiatre qui estime qu'il faut actuellement 2 à 3 rechutes pour arriver à une prise en charge correcte. Un projet d'hôpital de jour de 15 places est développé pour essayer de ne pas perdre les patients qui n'adhèrent pas au suivi ambulatoire.

À 18 heures, 8 patients étaient entrés à Saint-Jean-de-Dieu et 2 étaient en attente. La moyenne est de 4 à 10 entrées quotidiennes. Avec 16 lits supplémentaires, l'hôpital a souvent un taux d'occupation de 108 %. « Ça fait penser à Verdun, soupire le Dr Bernard Joli. On s'impose des souffrances à soi et aux autres. »

dimanche 16 août 2009




Samedi 15 Aout 2009

CORSE. Après le meurtre familial commis par un adolescent, un psychiatre bordelais tente une explication

http://www.sudouest.com/accueil/actualite/france/article/677228/mil/4992831.html

« Tuer sa famille ressemble à un acte psychotique »

L'enquête se poursuit à Albitreccia, en Corse, après qu'un adolescent de 16 ans s'est accusé du meurtre de ses parents et de ses frères jumeaux de dix ans, dans la nuit de mardi à mercredi. Le jeune garçon s'est présenté spontanément, jeudi, à la gendarmerie de Pietrosella, en compagnie de l'un de ses oncles auquel il s'était confié, après avoir erré plusieurs heures autour de la maison familiale.

Hier soir, le jeune homme a été mis en examen pour assassinats et placé en détention au quartier des mineurs de Borgo. Les enquêteurs ont confirmé que les quatre victimes ont été tuées dans leur sommeil. « Tous ont été retrouvés dans leur lit, il n'y avait aucune trace de lutte ou d'une quelconque tentative de fuite », a indiqué l'un des responsables de l'enquête. Sur les indications de l'adolescent, le fusil dont il affirme s'être servi a été retrouvé par les gendarmes dans un bosquet, non loin de la maison familiale.

Aucune explication

Entendu par la police et son avocate, il reconnaît les faits mais n'explique pas son geste. Au centre Jean-Abadie de Bordeaux, pôle aquitain de l'adolescence du CHU, le docteur Philippe-Pierre Tedo, psychiatre, pose un regard d'expert sur ce terrible drame : « L'adolescence se définit comme un processus de remaniement physique et psychologique. Le jeune vit une période de turbulences, il doit apprendre à gérer son corps, se questionne sur son narcissisme, l'estime de soi, son identité et ses identifications : "D'où je viens ?", "Qui sont mes parents ?". Au lieu de mettre des mots sur leur malaise, certains ne peuvent faire autrement qu'agir leur malaise : ils passent à l'acte. Anorexie, boulimie, scarifications, tentative de suicide. Des actes graves, espérant que les adultes entendront. L'acte meurtrier de la famille est un moment psychotique, un moment d'étrangeté, le jeune perd le contrôle de lui-même. Les personnes les plus proches deviennent, dans son délire, des dangers. Il s'agit d'une psychose d'acte. À 20 heures, il va bien, à minuit il gamberge, à 4 heures il tue quelqu'un. Un moment de folie, de décompensation. C'est un état grave qui relève de la psychiatrie. »

Difficile à repérer

L'adolescent meurtrier en Corse ne présentait aucun signe extérieur de malaise. D'après son entourage, il était agréable, souriant et bon élève, plutôt sportif, adepte des jeux vidéo. Comme la plupart des jeunes de sa génération. Troublant.

« Difficile de repérer la dangerosité d'un malaise, nous travaillons là-dessus au centre Abadie. Il y a souvent des signes avant-coureurs. Le retrait scolaire, l'isolement, le silence ou l'agressivité. En général, ces ados ne parlent pas de leurs difficultés. Souvent, l'on constate qu'ils évoluent dans des contextes de violence familiale, violence psychologique invisible en surface. Avec des secrets de famille, des névroses cachées, des séparations. Le jeune se trouve perdu et passe à l'acte. »

A priori, l'adolescent auteur présumé des faits en Corse échappe à cette description. Pas de signe précurseur, il avait passé un mois au nettoyage de la plage voisine, sa famille avait l'air « soudée, aimante ».

En raison de son âge, le parquet d'Ajaccio souhaite que rien ne soit dévoilé des auditions. Le jeune homme sera présenté à un juge de la liberté et de la détention qui devra statuer sur son sort.

Auteur : i.castera@sudouest.com



samedi 15 août 2009

«Les psys ont tué mon fils», accuse une mère

SUICIDE | Un jeune Vaudois diagnostiqué schizophrène avait menacé de se défenestrer. Sa maman a attendu de l’aide sept mois durant. En vain. Son fils a passé à l’acte. Témoignage et explications.
http://www.24heures.ch/vaud/actu/psys-tue-fils-accuse-mere-2009-08-14


© FLORIAN CELLA | Jeudi dernier, Nicole Cottet-Pineau a publié un faire-part vindicatif dans nos colonnes. Elle en veut aux psychologues, à qui elle reproche de n’avoir pas cru à la dangerosité de l’état de son fils. Après l’enterrement, elle témoigne «pour faire bouger les choses».
SYLVAIN MULLER | 15.08.2009 | 00:05

«La famille de Cédric Lamotte a la douleur de faire part de son décès, survenu à cause de l’incompétence des psychologues.» Paru jeudi dans nos colonnes, ce faire-part révélait à la fois la douleur et la détresse d’une famille. «Le 13 janvier, mon fils a été déclaré atteint de schizophrénie, explique sa maman, Nicole Cottet-Pineau. Comme son frère souffre de cette maladie depuis plusieurs années, Cédric a déclaré au médecin qu’il préférait se jeter par la fenêtre. J’ai passé sept mois à chercher de l’aide. Lundi matin, j’ai encore cherché à joindre son psychologue, mais on m’a répondu qu’il était en vacances et que quelqu’un me rappellerait.» Personne n’a rappelé, et Cédric a mis sa menace à exécution. «Aujourd’hui, je me fiche des éventuelles réactions à ce faire-part; je veux juste que sa mort serve à faire bouger les choses.»

Sentiment d’abandon
Le désespoir et l’incompréhension face à l’absence d’encadrement et de soutien, malgré un diagnostic de schizophrénie posé. Ce sentiment est partagé par Michel Rubattel, papa d’un malade. «On se sent complètement abandonnés. D’un côté, on nomme un tuteur, car notre fils ne peut plus se gérer; et, de l’autre, quand on s’inquiète de savoir comment il va et s’il prend ses médicaments, on nous répond qu’il est majeur et donc libre de ses choix. Les parents n’ont rien le droit de faire, si ce n’est de répondre au téléphone quand on nous appelle pour dire qu’on a perdu sa trace. C’est complètement incohérent.»

Interdit de soigner contre la volonté d’un malade
Responsable du Centre d’expertises psychiatriques, sur le site de Cery, du département de psychiatrie du CHUV, le professeur en psychiatrie Jacques Gasser apporte quelques pistes de réponse, sans donner de détails en raison du secret médical. «Le début de la maladie est effectivement très délicat, confirme le professeur. La prise régulière de médicaments est nécessaire pour que le patient puisse mener une vie normale. Mais le droit interdit de traiter contre son gré une personne capable de discernement.» Il en résulte donc parfois la situation contradictoire que vivent les familles: les malades sont pris en charge lors de crises, mais plus suivis lorsque leur état s’améliore. Se croyant guéris, ils stoppent leur traitement de leur plein gré, ce qui provoque une rechute. «Tout repose sur l’acceptation de la maladie. Malheureusement, certains patients doivent passer par plusieurs de ces cycles avant d’accepter de prendre un traitement toute leur vie», déplore le professeur.

La problématique est la même pour la justice de paix, qui doit décider de l’éventuelle nomination de curateurs ou de tuteurs. «Nous sommes totalement dépendants de l’expertise psychiatrique, constate Nicolas Perrinjaquet, le premier juge de paix des districts de Lausanne et de l’Ouest lausannois. Par contre, le but de ces éventuelles nominations est seulement de sauvegarder le patrimoine des malades. Les curateurs et les tuteurs n’ont aucune responsabilité médicale.»

Evolution des traitements
Président de l’Association vaudoise des psychologues, Raphaël Gerber souligne aussi l’évolution de la société: «Il y a deux siècles, les malades mentaux faisaient l’objet de mesures de contention et d’enfermement. La prise en charge de la souffrance psychique a, heureusement, nettement progressé et la liberté individuelle a pris beaucoup d’importance. Mais la schizophrénie reste une maladie à la fois grave et dont les causes ne sont pas complètement déterminées.»

Voir www.lilot.org et www.graap.ch

jeudi 13 août 2009

Slate.fr Les diagnostics délirants de la psychiatrie américaine «Addiction à Internet», «Amertume» et «shopping excessif» pourraient devenir des troubles du comportement.
http://www.slate.fr/story/8667/lassociation-americaine-de-psychiatrie-prise-de-folie-diagnostique
mardi, 4 août 2009


Si la carrière florissante de Madeleine Wickham [2] nous a appris une chose, c'est bien que l'addiction au shopping rapporte. Sa série consacrée à «L'accro du shopping», écrit sous le nom de plume «Sophie Kinsella», est bien connue de toutes les amatrices de «chick-lit [3]». La comédie romantique «Confessions d'une accro du shopping [4]», première d'une longue série d'adaptations (avec Isla Fisher dans le rôle-titre), a rapporté plus de 100 millions de dollars dans le monde. Le film n'est pas franchement hilarant, mais son message tient debout: aimer s'acheter des vêtements élégants n'est pas une pathologie; c'est un style.

En se demandant avec beaucoup de sérieux (et un certain amateurisme) si le shopping effréné est ou non une maladie mentale, l'Association américaine de psychiatrie [5] («American Psychiatric Association [6]», ou APA) semble en passe de perdre de vue cette distinction. La cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux («Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders», ou DSM), réalisé par l'association, est prévue pour paraître en 2012. L'APA ne décide pas que du sort des accros du shopping: elle se demande également si l'utilisation abusive d'Internet, l'activité sexuelle «excessive», l'apathie et l'«amertume» prolongée peuvent être considérées comme des «troubles mentaux». Avis aux Américains : si vous passez des heures à surfer sur le Web, si vous faites plus souvent l'amour qu'un psychiatre vieillissant ou si vous n'arrêtez pas de vous plaindre du gouvernement et de ses dépenses injustifiées, prenez garde! Vous faites peut-être partie des 48 millions de malades mentaux que compte déjà notre pays; du moins selon l'APA.

Comment l'Association procède-t-elle pour déterminer à partir de quel moment un pleurnicheur normal bascule dans le trouble mental, ou pour préciser à partir de quel stade l'activité sexuelle devient «excessive»? Mystère. Derrière les portes de l'APA, à Arlington (Virginie), les subtilités du débat doivent donner quelques maux de tête aux spécialistes. Débat qui, comme nous allons le voir, a même fait l'objet d'une prise de bec publique...

Est-il encore normal d'être anxieux et amer après la perte d'un emploi? Peut-on encore soupirer en songeant au faible niveau de sa retraite? Si l'APA ajoute l' «amertume post-traumatique» à la liste des troubles mentaux dans la prochaine édition de sa bible diagnostique, ce sera simplement parce qu'un petit groupe de spécialistes de la santé mentale juge que leurs contemporains ne devraient pas accorder trop d'importance à ce genre de problèmes.
Le Normal et le Pathologique

L'affaire donne à réfléchir, et elle peut aussi faire douter de la sagesse des rédacteurs de cette nouvelle version du manuel. L'association ne peut pas clairement définir le moment où un comportement donné (se sentir mal suite à un coup du sort, par exemple) bascule du normal vers le pathologique [7]. Pour ceux d'entre nous qui suivent le débat avec intérêt (et d'aussi près que l'association le permet), parler des révisions du DSM revient à faire la chronique d'une catastrophe annoncée. Le problème, c'est qu'il est difficile d'en savoir plus: tous les rédacteurs ont signé un contrat qui les empêche de parler de leur activité.

Quand il a fait son apparition, en 1952, le manuel diagnostic de l'APA n'était qu'une édition fine, à spirale, qui se contentait de faire l'inventaire de troubles caractéristiques des années cinquante: «comportement passif-agressif», «instabilité émotionnelle», «personnalité inadéquate»... Le manuel n'était alors qu'un simple guide pratique de la psychiatrie; il n'avait pas encore la prétention d'être une liste exhaustive de tout ce qui touche de près ou de loin à la santé mentale. Prétention acquise en 1980, avec la publication de la troisième édition («DSM-III»), qui répertoriait déjà plus de 100 troubles mentaux (plusieurs d'entre eux sont d'ailleurs encore contestés). La «personnalité inadéquate» n'avait pas complètement disparu; elle avait été remplacée par le terme «troubles de la personnalité mixtes, atypiques ou autres» (ce qui ne faisait, de fait, que compliquer les choses). Plus effrayants encore: la «personnalité évitante», le «trouble oppositionnel avec provocation», et la «phobie sociale». Aux dernières nouvelles, ce dernier trouble concerne les personnes ayant peur de manger seules en public et redoutant «l'humiliation et l'embarras». Le DSM renferme d'autres pépites : l' «intoxication à la caféine», le «trouble du calcul», le «problème relationnel dans la fratrie» ou le «frotteurisme» (ou «acte de toucher et de se frotter contre une personne, généralement par surprise, dans le but d'en retirer une excitation d'ordre sexuel»).

Le DSM actuel recense trois fois plus de troubles qu'il n'en contenait en 1952, et il est sept fois plus long que la première édition. Rien ne dit que les douzaines d'ajouts récents soient scientifiquement recevables. Robert Spitzer, rédacteur de deux précédentes éditions, dont celle qui a officiellement validé le «trouble de stress post-traumatique», a récemment admis que ses collègues étaient maintenant dans l'obligation de «sauver le trouble de stress post-traumatique contre lui même».

Devant ses membres et les médias, l'APA prétend que sa méthodologie est rigoureuse et basée sur les faits; qu'elle s'en tient aux données et aux essais sur le terrain. Mais le simple fait que l'APA ait réuni un groupe de travail pour plancher sur l' «amertume», l'apathie, le shopping excessif et l'addiction à Internet démontre, comme l'a dit Allen Frances (qui a dirigé le groupe de travail du DSM-IV) au magazine Psychiatric News [8] le mois dernier, que le DSM-V «fait fausse route». «Je ne pense pas qu'ils comprennent l'étendue des problèmes qu'ils sont en train de générer. Et je crains qu'ils ne soient pas assez ouverts d'esprit pour faire marche arrière», a-t-il déclaré.

Méthodes secrètes

La procédure employée par le DSM-V, le secret entourant le travail d'élaboration du manuel et la compétence de ses membres ont soulevé un bon nombre d'interrogations. Parmi les sceptiques, Frances et Spitzer se font particulièrement entendre. Dans une lettre ouverte, ils réprimandent les dirigeants de l'APA, leur reprochant d'avoir institué une «mentalité de forteresse rigide». «Les problèmes répétés [que nous avons observés]... nous ont forcés à intervenir publiquement», ont-ils ajouté.

L'absence de transparence est leur inquiétude première. En juillet dernier, Spitzer a mis en garde les lecteurs de Psychiatric News [8]: selon lui, le voile de mystère entourant les révisions du manuel a atteint une épaisseur sans précédent, et la situation est alarmante. Il a cité le contrat que les participants au projet sont obligés de signer, dont voici un extrait:

«Je m'engage, pendant la durée de cette mission et après celle-ci, à ne pas divulguer, fournir, ou mettre à disposition de qui que ce soit, et à ne pas utiliser de quelque façon que ce soit ... une Information Confidentielle. Je comprends que le terme « Information Confidentielle » comprend tout Travail de Recherche, manuscrit non-publié, brouillon et tout document en prépublication, compte-rendus de discussion, correspondance interne, informations sur le processus de développement et toute information écrite ou non-écrite, sous quelque forme que ce soit, qui émane de (ou qui se rapporte à) ma tâche au sein du groupe de travail de l'APA. »

L'APA prétend que ce paragraphe n'avait pas pour but d'exclure les contributions de collègues intéressés par le projet ou d'interdire de donner des informations aux médias (nous les attendons toujours, soit-dit en passant!). Le président de l'APA et le vice-président du groupe de travail du DSM-V ont fermement écarté toute critique visant le secret entourant la rédaction du manuel. Ils affirment, contre toute évidence, que la procédure est «un modèle de transparence et de coopération». Selon eux, le contrat aurait été conçu pour protéger la propriété intellectuelle des auteurs. (Le DSM est déjà sous copyright). Mais le contrat engage le signataire au-delà de la publication du DSM-V; pour le respecter, les participants doivent garder pour eux l'ensemble de leurs brouillons, notes et fiches de travail. Nous ne saurons donc sans doute jamais pourquoi et comment «amertume», colère et addiction à Internet sont devenues des troubles du comportement. Une telle zone d'ombre était prévue de longue date, sinon, l'APA n'aurait pas fait des pieds et des mains pour que le contrat soit respecté. Quand Spitzer a demandé à consulter les minutes des premières discussions, l'APA lui répondit que si elle lui fournissait, elle serait dans l'obligation de les mettre à la disposition de tous.

Les objections de Frances furent suivies d'une lettre ouverte à l'APA (signée de Frances et Spitzer). Extrait : «Si vous n'améliorez pas rapidement le processus d'évaluation interne de la DSM-V, les critiques venues de l'extérieur vont se multiplier. Une controverse publique de ce type remettrait en question la légitimité même de l'APA, qui pourrait alors cesser de réaliser les DSM: un scénario que nous voulons tous éviter.»

Les malades qui s'ignorent

Spitzer et Frances s'opposent farouchement à deux propositions d'ajouts au nouveau manuel: les diagnostics dits « pré-seuils » et « pré-morbides ». Les deux termes soutiennent la théorie dite «de l'embrasement»: certains psychiatres pensent en effet qu'il est possible de prévenir une maladie mentale chez l'enfant et le nourrisson bien avant l'apparition des premiers symptômes. En pratique, comme l'a rapporté le St Petersburg Times en mars dernier, des psychiatres de Floride ont, en 2007, administré des psychotropes non-approuvés par la Food and Drug Administration [9] à 23 enfants de moins d'un an. Ils ont poursuivi leurs essais sur 39 bambins âgés d'un an, 103 de deux ans, 315 de 3 ans, 886 de quatre ans et 1801 de cinq ans. Et ce pour la seule Floride. On frissonne en songeant à tout ce qui peut se passer dans les autres Etats.

En octobre 2005, Darrel Regier, alors directeur médical adjoint de l'APA, l'avait dit à la Food and Drug Administration lors d'un comité consultatif, (et la théorie de «l'embrasement» nous le rappelle): selon l'APA, 48 millions d'Américains souffrent déjà de troubles mentaux. Les diagnostics «pré-seuil» et «pré-morbides» «pourraient ajouter des dizaines de millions de malades» à cette liste, selon Spitzer et Frances. «La majorité d'entre eux seraient des faux positifs, qui s'exposeraient alors inutilement aux effets secondaires et aux dépenses liées au traitement.» Si l'APA persiste dans cette voie, en 2012, elle pourrait considérer que les maladies mentales touchent... la moitié de la population du pays.

Spitzer et Frances en concluent qu'«en s'évertuant à accroître la sensibilité diagnostique, le groupe de travail du DSM-V est restée insensible à des risques d'importance: multiplication des faux positifs, médicalisation à outrance des personnes normales, et banalisation du concept même de diagnostic psychiatrique.» Spectaculaires accusations, venant de spécialistes qui, à eux deux, ont supervisé l'ajout de plus de 150 troubles du comportement au manuel en vingt-quatre ans.

Au regard de son passé et des critiques de deux anciens rédacteurs du DSM, est-il normal que l'APA puisse prendre des décisions d'une telle importance sans avoir à rendre des comptes? Si rien n'est fait pour redresser le tir, l' «amertume» deviendra un trouble de la personnalité d'ici trois ans. Et certains jours, je me dis que je devrai alors sans doute me compter parmi les malades mentaux.
Christopher Lane
Traduit par Jean-Clément Nau
© Confessions d'une Shopaholic, d'après le roman de Sophie Kinsella.

Un goût de Paprika pour Wolfgang Petersen
http://www.cinema-france.com/news9371_un-gout-de-paprika-pour-wolfgang-petersen.html

Déjà adapté en 2006 sur grand écran avec le long-métrage de Satoshi Kon, le manga « >Paprika » de Yasutaka Tsutsui va repasser par la case cinéma mais cette fois-ci par une autre entrée.

Par celle de Hollywood d'une part et en tant que film live sous l'œilleton du réalisateur Wolfgang Petersen en plein travail d'adaptation dit-on.

L'histoire : Dans un futur, la médecine a mis au point un appareil appelé DC Mini permettant d'enregistrer les rêves de patients en psychiatrie. C'est alors que l'invention est dérobée. Le délit est d'autant plus grave que mis entre de mauvaises mains, la DC Mini peut s'avérer très dangereuse. Pour savoir qui en est l'auteur, le Dr. Atsuko Chiba décide de plonger dans le monde des songes grâce à son alter ego fantasmagorique Paprika.



mercredi 12 août 2009

La mobilité des fonctionnaires vaudra aussi à l’hôpital
Le projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires que le Parlement a définitivement adopté, hier, jeudi, concerne aussi l’hôpital. Globalement, l’objet de ce texte, résumé par le ministre du Budget Éric Woerth, est de « permettre à chaque fonctionnaire de découvrir les différents métiers ou territoires de l'État » (aujourd’hui, moins de 5 % de fonctionnaires servent hors de leur corps d'appartenance).

Ses dispositions sont toutefois contestées par les syndicats qui y voient la porte ouverte à une remise en cause de la stabilité de l’emploi et à une réduction des effectifs.

Surtout centrées sur la fonction publique d’État, les nouveautés introduites par la future loi changent les règles par exemple en matière de droit au départ, de cumul des temps partiels (un agent de l'État pourra cumuler plusieurs emplois à temps partiel relevant des trois fonctions publiques – État, territoriale, hospitalière – représentant au total un temps complet), de recours à l’intérim (les trois fonctions publiques pourront avoir recours à des agences d'intérim pour de s « remplacements », des « vacances d'emploi », un « accroissement temporaire d'activité » ou un « besoin occasionnel ou saisonnier ») ou de cumul emploi public-privé (passage de 1 à 2 ans de la durée pendant laquelle le fonctionnaire qui crée ou reprend une entreprise peut cumuler son activité privée avec son emploi public ; possibilité d'exercer une activité privée lucrative pour les agents occupant un emploi à temps non complet représentant moins de 70 % de la durée légale du travail – au lieu de 50 % aujourd'hui).
› K. P.
Quotimed.com, le 24/07/2009




LADEPECHE.FR
PUBLIÉ LE 30/07/2009 04:35 | LADEPECHE.FR
Cri d'alarme sur l'hôpital de Lavelanet et le CHIVA
Santé. Le syndicat «Force ouvrière» s'adresse au directeur régional de l'agence d'hospitalisation.
http://www.ladepeche.fr/article/2009/07/30/646933-Cri-d-alarme-sur-l-hopital-de-Lavelanet-et-le-CHIVA.html

Marie-Odile Soula est déléguée syndicale « Force ouvrière » pour l'Ariège sur le secteur santé. Entretien.

Vous venez de mettre publiquement et sévèrement en cause les décisions récentes du directeur de l'ARH concernant l'hôpital de Lavelanet et le CHIVA. Pourquoi ?

Par courriers des 29 et 30 juin dernier, l'ARH vient d'une part de décider de la liquidation progressive de l'hôpital de Lavelanet (arrêt des blocs opératoires la nuit) ; d'autre part, en paralysant les investissements du CHIVA, elle compromet l'avenir de la santé dans le département. Ne nous y trompons pas, il ne s'agit pas d'un débat budgétaire mais politique et stratégique sur un sujet primordial et qui engage les Ariégeois pour plusieurs années.

Pourquoi les décisions concernant le CHIVA ont-elles un impact départemental ?

Directement parce que certains projets concernent d'autres établissements (comme les 20 lits de psychiatrie financés par le CHAC). Indirectement parce que par l'étendue de son offre technique, humaine et sa situation géographique, le CHIVA est un hôpital de référence.

Pourtant l'ARH justifie ses décisions dans les 2 cas par les déficits de ces établissements

C'est précisément cela qui est injuste et scandaleux dans les 2 cas. D'emblée, la situation de l'hôpital de Lavelanet n'a rien à voir avec celle du CHIVA.

Le CHIVA, qui n'était pas jusque là déficitaire, a une situation globalement saine. Les projets de l'hôpital 2012 (extension des urgences, mise en conformité de la réanimation et de la dialyse avec extension du nombre de lits, mise à disposition de 20 lits de psychiatrie financés par le CHAC) avaient été validés par l'ARH il y a deux ans mais retardés. L'ARH prend prétexte que le CHIVA a un léger déficit (de l'ordre de 1,6 %) et qu'il dépasserait le seuil prévu (2,5 %) par une circulaire pour tout paralyser.

Il prend le problème à l'envers en s'appuyant sur une situation prévisionnelle non équilibrée. C'est une décision « auto réalisatrice » car s'il n'investit pas, le CHIVA va générer progressivement plus de déficit ! M. le directeur de l'ARH aurait dû mieux lire la circulaire dont il s'inspire et se renseigner sur sa signataire : d'une part, la circulaire lui donne la possibilité de passer outre la crispation comptable notamment dans le doute sur le franchissement du seuil.

D'autre part la signataire de la circulaire, Mme Poder est une ancienne magistrate de la Cour des comptes qui comprend parfaitement que des effets de seuil ne peuvent paralyser des décisions opportunes !

Pour le centre hospitalier du pays d'Olmes, vous parlez de budgets passés mensongers

Les déficits à l'hôpital de Lavelanet sont liés à la gestion calamiteuse de la précédente équipe. Le directeur de l'ARH a accepté pendant des années la fiction de l'équilibre du budget que lui a présentée l'équipe sortante. L'équipe entrante en septembre 2008 a demandé un audit. Nous sommes fixés : 15 % de déficit, c'est-à-dire une situation de faillite. Mais au dernier conseil d'administration du 15 juillet dernier, des langues ont commencé à se délier sur les approximations budgétaires passés…

L'autre injustice serait que le nouveau directeur de l'hôpital et le maire actuel de Lavelanet, président du conseil d'administration, soient les responsables et les exécutants du démantèlement du centre hospitalier du pays d'Olmes, dont leur prédécesseur porte la responsabilité.

Que proposez-vous ?

Pour nous, il faut rétablir les chiffres du passé et c'est aux responsables de la situation et notamment l'ARH de donner les moyens de sa pérennité au centre hospitalier du pays d'Olmes. Surtout, nous n'accepterons pas que le personnel et les patients fassent les frais d'une situation et de décisions contestables dont ils ne sont pas responsables.

Concernant le CHIVA, vous dites que les décisions de l'ARH sont à chercher ailleurs que dans sa situation financière. Où d'après vous ?

La vraie question pour chaque acteur, c'est de savoir si il croit à son hôpital et quelle part de petit confort personnel il est prêt à sacrifier pour cela.




Le figaro.fr

Décès du philosophe Francis Jeanson

AFP
02/08/2009 | Mise à jour : 21:26

Le philosophe Francis Jeanson, fondateur d'un réseau de soutien au FLN pendant la guerre d'Algérie (réseau dit des "porteurs de valise"), est mort à 87 ans, samedi soir près de Bordeaux, a-t-on apris auprès de sa famille.

Auteur de nombreux ouvrages notamment sur Jean-Paul Sartre dont il était très proche, collaborateur de la revue Les Temps modernes, Francis Jeanson est mort à la Clinique d'Arès où il avait été hospitalisé, a précisé son fils Olivier.

Francis Jeanson qui se voulait le défenseur des causes justes, s'était engagé aux côtés des combattants algériens après le déclenchement de la guerre d'Algérie, créant un réseau permettant de collecter et transporter fonds et faux-papiers pour les militants du FLN opérant en France.

Dans "Notre guerre", un livre paru en 1960 et immédiatement saisi, il s'était expliqué sur son combat, répondant à ceux qui lui reprochaient de soutenir les ennemis de son pays, qu'il défendait les valeurs de la France qu'elle même trahissait.
Jugé par contumace, condamné en octobre 1960 à dix ans de prison ferme au terme du procès de son réseau, il est amnistié en 1966. Il se tourne alors vers l'action culturelle, puis l'action sociale en milieu psychiatrique.

Né le 7 juillet 1922 à Bordeaux, licencié de lettres et diplômé d'études supérieures de philosophie, Francis Jeanson rejoint en 1943 les Forces françaises d'Afrique du Nord. Devenu reporter au quotidien communiste Alger républicain en 1945, il rencontre Albert Camus et Sartre. Ce dernier lui confie la gérance de la revue Les Temps modernes (1951-1956). Parallèlement, Jeanson crée et dirige aux éditions du Seuil la collection "Ecrivains de toujours".

En 1955, il publie "L'Algérie hors la loi", qui dénonce l'échec du système d'intégration des masses algériennes et affirme la légitimité des hors-la-loi du FLN, avec lequel il prendra contact. Du militantisme de la pensée, il passe à l'action et crée deux ans plus tard le "réseau Jeanson" qui sera démantelé en 1960. Il entre alors dans la clandestinité, quittant la France pendant quelques années.

Amnistié, Jeanson participe notamment à des expériences de psychiatrie ouverte et des réseaux de réflexion pour faire sortir la maladie mentale des murs de l'hôpital.
Engagé jusqu'au bout, il est président de l'Association Sarajevo en 1992 et candidat sur la liste "L'Europe commence à Sarajevo" du professeur Léon Schwartzenberg pour les élections européennes de 1994.







International
Les signes annonciateurs de schizophrénie, nouvelle cible des chercheurs
AP | 03.08.2009 | 19:37
http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/international/20090803.FAP7157/les_signes_annonciateurs_de_schizophrenie_nouvelle_cibl.html

Repérer les signes annonciateurs d'une schizophrénie et les traiter pour stopper l'évolution de la maladie: c'est l'espoir que caressent les psychiatres américains qui sont de plus en plus nombreux à former des équipes au repérage de ces tout premiers signes.

Car si cette phase au cours de laquelle les malades peuvent avoir des hallucinations auditives et visuelles ou des pensées bizarres, sans réellement y croire, est connue d'eux depuis des décennies, les médecins ne savent toujours pas la traiter.

Certains de ces signes précoces sont presque imperceptibles. "Parfois, les enfants disent que les lumières semblent différentes", et que les fenêtres sont trop brillantes, souligne Ann Lovegren Conley, infirmière praticienne à l'université du Maine du Sud. Ce peut être le signe "qu'il ne s'agit pas d'une dépression typique ou d'un stress réactionnel", précise-t-elle. "Il y a quelque chose en plus".

A l'opposé, les personnes souffrant de psychose avérée s'accrochent à des explications irrationnelles. Quand quelqu'un interprète un étrange halo de lumière à l'entrée de la chambre à coucher comme un message urgent annonçant la mort d'un proche, "c'est le signe qu'il a basculé dans la psychose", observe le Dr Thomas McGlashan, professeur de psychiatrie à l'Université de Yale.

A l'heure actuelle, pour affiner le diagnostic de psychose débutante, les spécialistes ont recours à des outils, notamment la lecture de scanners, l'étude de l'ADN et la recherche hormonale.

Pour améliorer ses connaissances, l'infirmière Conley s'est mise en rapport avec le programme PIER (Portland Identification and Early Referral program), une des 20 cliniques des Etats-Unis qui étudient de près les signes annonciateurs de schizophrénies. PIER a formé cette infirmière, tout comme des milliers de ses consoeurs, de conseillers et autres pédiatres, au repérage de cette pathologie, dans Portland et sa région.

Ce programme met l'accent sur les thérapies non pharmacologiques pour les patients âgés de 12 à 25 ans, bien qu'environ les trois quarts d'entre eux prennent des traitements anti-psychotiques. Il comprend des réunions de groupes dans lesquelles les patients et les familles débattent des moyens de venir à bout de la tension au jour le jour. Le programme se consacre aussi au maintien des enfants à l'école, dans leurs familles et plus généralement dans la société.

Subventionnée par des dons de la Fondation Robert Wood Johnson, la méthode PIER est par ailleurs expérimentée en Californie, dans l'Oregon, le Michigan et l'Etat de New York.

Etudier la schizophrénie débutante est une tâche ardue pour le petit mais croissant nombre de chercheurs de la région car cette maladie y est relativement rare. Une communauté normale peut afficher un cas pour 10.000 habitants chaque année, et une partie seulement va pouvoir entrer dans une étude.

Cette année, un projet dont l'objectif est de découvrir les signes biologiques qui pourraient aider au diagnostic de psychose débutante a démarré sur les chapeaux de roue. Le projet est subventionné par l'Etat fédéral. Déjà, la preuve est faite que l'association d'un scanner et d'un questionnaire standard peut apporter une aide réelle, déclare Tyrone Cannon, de l'Université de Californie à Los Angeles.

Ces recherches pourraient aussi montrer la voie de meilleurs traitements en mettant au jour les bases biologiques de la psychose, ajoute M. Cannon, l'un des principaux chercheurs impliqués dans le projet.

En ce qui concerne le traitement des signes annonciateurs, les scientifiques déclarent avoir des approches prometteuses, sans pour autant disposer de traitement franchement efficace pour prévenir l'apparition de la maladie.

De faibles doses d'anti-psychotiques atténuent les symptômes. Mais on ne sait pas si ces drogues peuvent prévenir la psychose. Les effets collatéraux comme la prise de poids, posent un réel problème, de nombreux patients traités n'ayant de toute façon jamais développé la maladie. Plus grave encore, cette prise de poids peut détourner les jeunes patients du traitement anti-psychotique, même s'ils évoluent vers une psychose et qu'ils en ont besoin.

Quant aux traitements pycho-sociaux, les chercheurs les trouvent prometteurs, notamment ceux qui tentent d'aider les patients à gérer leur anxiété, à comprendre et à interpréter leurs symptômes. Des efforts pour soutenir les plus jeunes complètent cette formation, notamment pour les aider à garder leur travail, rester en contact avec leurs pairs, éviter le chômage et l'isolement social à terme, que ces jeunes entrent ou pas dans la psychose, soulignent les experts.

Si aucun résultat officiel n'a été publié depuis ses débuts il y a huit ans, le programme PIER semble toutefois efficace. A Portland, "on voit tous les jours des enfants aller mieux ", assure le Dr William McFarlane, directeur du programme. AP