blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

jeudi 18 août 2016

Pour des esprits rationalistes et sécularisés, tout fou de dieu est un fou tout court

LE MONDE Par Jean Birnbaum
Dès le lendemain du massacre qu’il a perpétré à Nice le 14 juillet, Mohamed Lahouaiej Bouhlel a été décrit comme une personnalité fragile, dépressive, aux tendances psychotiques. Le tueur présentait notamment « des problèmes avec son corps », a témoigné un psychiatre tunisien naguère consulté par le jeune homme.
« C’est l’acte d’un fou », a résumé l’une de ses voisines au Monde. Depuis lors, beaucoup ont posé la question : même si le carnage de Nice a été prémédité, peut-on vraiment parler d’entreprise terroriste à propos d’un homme qui n’avait pas toute sa raison ?

L’inactivité au travail, une forme de résistance au manque de sens professionnel ou à une frustration

LE MONDE  | Par Margherita Nasi
Dans son roman Le Roi pâle, David Foster Wallace met en scène un employé d’un centre de traitement de déclarations fiscales qui meurt à son poste de travail. Il y restera plusieurs jours avant qu’on s’aperçoive de son décès. Cette satire critiquant la futilité d’un travail monotone et déshumanisant est d’autant plus inquiétante qu’il ne s’agit pas vraiment d’une satire. En 2004, un employé du bureau des impôts en Finlande est mort de la même façon. Il aura fallu deux jours aux cent employés qui travaillaient à son étage pour s’en apercevoir.

Dans « Le Roi pâle » (éd. Au Diable Vauvert), David Foster Wallace critique la futilité d’un travail monotone et déshumanisant.
Dans « Le Roi pâle » (éd. Au Diable Vauvert), David Foster Wallace critique la futilité d’un travail monotone et déshumanisant.

L’histoire a attiré l’attention du sociologue suédois Roland Paulsen. Alors qu’on ne fait que parler de l’intensification du travail, de pratiques managériales coercitives, de burn-out et d’excès de stress, comment expliquer l’existence de ce cadavre passant inaperçu pendant quarante-huit heures sur son lieu de travail ?
Paresse ou révolte ?
Le chercheur suédois a son explication : le système capitaliste est bien moins efficace qu’on ne croit. Il suffit de se pencher sur la façon dont les employés occupent leurs heures de travail pour s’en rendre compte. C’est pourquoi dans son ouvrage Empty Labor (Cambridge University Press, 2014), Roland Paulsen s’intéresse à un phénomène étonnant : le travail inoccupé.
Différentes enquêtes suggèrent que les salariés consacrent entre 1,5 heure et 3 heures par jour à des activités autres que le travail : coups de fils, courriels personnels, achats sur Internet, consultation des réseaux sociaux… C’est cette réalité que décortique cet ouvrage nourri d’entretiens avec des employés de secteurs variés, du marketing à la finance, en passant par l’industrie manufacturière ou pharmaceutique. Tous consacrent la moitié de leur temps de travail, voire plus, à des activités qui ne sont pas liées à leur emploi. Pourquoi ? S’agit-il de paresse, de mécontentement, de révolte ?
Se réapproprier le temps
Le chercheur livre son analyse au Monde : dans la plupart des cas, l’inactivité au travail est liée au manque de sens, ou à une frustration à l’égard de l’entreprise ou d’un manageur. « J’ai interrogé des personnes dans le secteur des soins, personne ne néglige l’aide aux patients. En revanche, on évite les tâches administratives. La démarche peut devenir politique : ces employés se réapproprient du temps qu’ils sont obligés de vendre pour avoir une vie décente. C’est une solution individuelle à des problèmes structurels. »

La guerre, c'est nul de toute façon

 

Sur le blog de Luc Perino Épidémies de suicide

En 1774, la publication des « Souffrances du jeune Werther » a provoqué une épidémie de suicide en Allemagne. Cette première observation de contagion suicidaire a été nommée ‘effet Werther’.

Le phénomène de contagion culturelle est connu pour des pathologies comme l’anorexie, plus spécifique à certains environnements culturels ou religieux.
La biomédecine, plus apte à étudier les épidémies virales ou bactériennes, peut cependant expliquer certains des multiples facteurs des épidémies suicidaires.
Après des phases de maturation physique, cognitive et sexuelle, l’adolescence (plus ou moins prolongée), est une phase de vie, propre à sapiens, où domine la maturation sociale. Ce qui explique que les déterminants culturels dominent parfois les déterminants biologiques, jusqu’à mettre la vie en danger. C’est à l’adolescence que se révèlent la plupart des addictions et qu’apparaissent les premiers symptômes de maladies sociales telles que la schizophrénie. En génétique des populations, on nomme ‘effet fondateur’ la fréquence anormalement élevée d’une mutation dans un groupe humain, suite à l’isolement géographique de la population initiale. C’est le cas de la mucoviscidose dans certaines régions du Canada. Sur le versant culturel, le ‘biais de conformité’ est la fréquence élevée d’une conduite par imitation d’un modèle dominant ou très valorisé dans certains groupes sociaux. Ses effets dévastateurs possibles sur toute une société ont été étudiés par le biologiste et géographe Jared Diamond.
Le phénomène de mode et d’imitation a été bien établi dans l’épidémie de suicide de la première génération d’après-guerre en Micronésie : le suicide avait acquis une dimension culturelle chez les jeunes hommes de 15-24 ans.
Le taux de suicide des adolescents augmente de 7% dans la semaine qui suit une information ou un reportage télévisé sur le suicide en général ou celui d’une célébrité. Cependant, il ne faut pas accuser la presse de tous les maux, car dans les vagues locales de suicide par imitation, le cas initial n’avait été relaté dans la presse que dans 25% des études.

« Nos prisons sont des concentrés de misères »

LE MONDE IDEES | Par Thierry Kuhn (président Emmaüs France) et Samuel Gautier (réalisateur du documentaire A l'air libre)

Une nouvelle fois, nos prisons sont au centre des attentions politiques et médiatiques : record absolu du nombre de prisonniers, surpopulation galopante, conditions de détention inhumaines et dégradantes, baisse dramatique du nombre d’aménagements de peine, taux de suicide intra-muros alarmant… Rien que nous n’ignorions déjà. Bien davantage que des lieux privatifs de liberté, nos prisons sont, par leur essence même, des concentrés de misères affectives, sociales, sanitaires ou encore sexuelles. « École du crime » dans la bouche même de surveillants pénitentiaires exténués, institution génératrice de sourdes colères et de frustrations extrêmes, l’institution carcérale échoue lamentablement à remplir les fonctions qui lui sont assignées : protéger la société et réinsérer ceux d’entre nous qui lui sont confiés. « Si la prison était une entreprise, il y a bien longtemps qu’elle aurait fait faillite » énonçait il y a quelques années Patrick Marest, alors délégué général de l’Observatoire international des prisons (OIP). Avec un taux de récidive de plus de 60 %, la prison est en effet loin d’assurer à chacun de nous tranquillité et sécurité.

La secrète invention de l’abstraction par Hilma af Klint

LE MONDE  | Par Emmanuelle Lequeux

Un portrait d’Hilma af Klint réalisé par un photographe anonyme dans les années 1900.
Un portrait d’Hilma af Klint réalisé par un photographe anonyme dans les années 1900.
Hilma af Klint l’avait pressenti : personne ne pourrait, en son temps, comprendre son art. Née en 1862, en Suède, la modeste peintre du ­dimanche s’était donc contentée de dévoiler à ses contemporains d’anodins paysages, de naïfs bouquets, des portraits tout bêtes. Mais dans le secret de son atelier, une révolution se jouait. Aventurière en chambre, Hilma dérogeait à toutes les règles apprises à ­l’Académie royale des beaux-arts de Stockholm, dont elle était sortie en 1887. Elle inventait, tout ­simplement, l’abstraction. Ni plus ni moins.

Le retour en grande pompe des Shadoks

LE MONDE | Par Philippe Dagen (Sète (Hérault), envoyé spécial)

« Ba be bi bo bu » (1993), du collectif Taroop & Glabel.
« Ba be bi bo bu » (1993), du collectif Taroop & Glabel. FRAC LANGUEDOC-ROUSSILLON
Episode connu de l’histoire du journal Le Monde : le 15 mars 1968, Pierre Viansson-Ponté intitule une chronique « La France s’ennuie ». Les « événements » de mai 1968, comme on dit, commencent une semaine plus tard, le 22, à Nanterre, et prennent de l’ampleur à partir du 3 mai, date du premier affrontement entre la police et les étudiants autour de la Sorbonne. Entre ces faits s’en glisse un autre, que ne mentionne pas la chronologie politique. Le 29 avril, à 20 h 30, l’ORTF – la télévision d’Etat, la seule qui existe alors en France –, diffuse le premier épisode d’un étrange dessin animé, les Shadoks. Le créateur, Jacques Rouxel (1931-2004), est membre du « service de recherche » de l’ORTF, que dirige le compositeur Pierre Schaeffer.
Les Shadoks sont des créatures à deux pattes maigres, au corps plus ou moins sphérique et au long bec triangulaire. On dirait que ce sont des oiseaux, s’ils n’étaient incapables de voler et s’ils n’avaient des dents. Leur intelligence est nettement en dessous de la moyenne, leur langue se réduisant à quatre syllabes : « ga », « bu », « zo », « meu ». Leur maître à penser, le professeur Shadoko, est cependant l’inventeur de maximes philosophiques aux conséquences infinies. En voici deux : « Tout avantage a ses inconvénients, et réciproquement » « S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème. »
Machines célibataires
Cette dernière pourrait être de Marcel Duchamp, lequel meurt le 2 octobre de cette même année 1968 et a donc pu regarder la première série d’épisodes, au nombre de 52. Si tel est le cas, il aura soupçonné que l’activité prin­cipale des Shadoks – fabriquer des pompes et pomper tout le jour, car « Je pompe donc je suis » – n’est pas sans rapport avec les machines célibataires et inutiles qu’il avait lui-même conçues un demi-siècle auparavant.
On ne rappelle là ces quelques éléments qu’afin de permettre à celles et à ceux qui sont nés durant la longue absence des Shadoks, disparus en 1974 et très brièvement réapparus en 2000, de prendre la mesure de leur importance historique et ­culturelle. Une autre façon de l’éprouver est de se rendre au Musée international des arts modestes (MIAM), fondé à Sète (Hérault) par Hervé Di Rosa, où une exposition célèbre ces créatures et leurs inséparables rivaux, les Gibis. 

L'hôpital de Châteauroux recherche des familles d'accueil pour enfants malades

Par Justine DincherFrance Bleu Berry et France Bleu jeudi 18 août 2016
Photo d'illustration.
Photo d'illustration. © Maxppp - RadioFrance

Le centre hospitalier de Châteauroux, dans l'Indre, recrute des assistants familiaux. Quatre postes sont à pourvoir. Il s'agit d'accueillir, à la maison, des enfants ou adolescents atteints de troubles psychologiques, le temps d'une soirée, d'un week-end ou d'une semaine.
Appel à toutes les bonnes volontés ! L'hôpital de Châteauroux recherche quatre assistants familiaux pour s'occuper d'enfants malades, de manière ponctuelle, à la maison. Cette mission s'inscrit dans le cadre d'une démarche thérapeutique. Les enfants concernés sont tous pris en charge par le service de psychiatrie infanto-juvéline du centre hospitalier de Châteauroux.
Soulager les familles d'enfants malades
Ces enfants ou adolescents sont atteints de troubles psychologiques légers, ou souvent detroubles graves de la personnalité. Il peut s'agir d'enfants autistes, par exemple. L'accueil ponctuel de ces petits patients chez les assistants familiaux permettent de soulager un peu les familles. "Il ne s'agit en aucun cas de se substituer à la famille naturelle", explique Marinette AUBARD, cadre administratif au sein du service de psychiatrie infanto-juvénile, "parfois ces enfants malades sont difficiles, les familles peuvent être épuisées... Et puis on va travailler avec eux les notions de socialisation" en les accompagnant dans des familles d'accueil.

Que coûte et que rapporte l’entreprise libérée ?

LE MONDE | Par Isaac Getz (Professeur à l’ESCP Europe)

Beaucoup d’entreprises traditionnelles pratiquent la « mobilité interne », mais combien parmi elles offrent à leurs « salariés de base » - un opérateur, un mécanicien, une caissière - d’évoluer vers des responsabilités dites « managériales » ? (Photo: Déborah François dans le film français de Pierre Rambaldi, "Les Tribulations d'une caissière", sorti en salles mercredi 14 décembre 2011. STUDIO 37/REZO FILMS

Hyacinthe Dubreuil (1883-1971), le premier auteur français qui, dans les années 1930-1940 a postulé la liberté d’action de l’ouvrier comme le principe fondamental de l’organisation de l’entreprise, aimait citer un grand zoologiste du XIXe siècle : « Toutes les fois qu’un fait nouveau et saisissant se produit dans la science, les gens disent d’abord : Ce n’est pas vrai. Ensuite : C’est contraire à l’ordre et à la religion. Et à la fin : Il y a longtemps que tout le monde le savait ! ». En d’autres mots, il prévoyait que sa théorie de transformation radicale du lieu de travail serait d’abord reçue comme fausse ou dangereuse, et terminerait comme une évidence, voire, galvaudée (il considérait cette dernière possibilité comme la plus inquiétante).

mercredi 17 août 2016

La psychiatrie reconfigure son offre de soins entre l'Ardèche et la Drôme




Depuis le 1er juin, une nouvelle organisation de l'offre de soins en psychiatrie est opérante en Ardèche et dans la Drôme avec des soins désormais assurés par deux établissements spécialisés : le CH Sainte-Marie à Privas (Ardèche), établissement de santé privé d'intérêt collectif (Espic) qui relève de l'Association hospitalière Sainte-Marie ; le CH Le Valmont à Montéléger (Drôme). Ce maillage, évoqué par l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes dans un communiqué, s'accompagne sur les années 2017-2020 de la reconstruction complète de ces deux établissements de santé mentale sur leur site principal. Objectif affiché : "Offrir à terme aux patients de meilleures conditions d'accueil" en sachant que "dans l'immédiat, les sites d'hospitalisation complète de Romans et Saint-Vallier sont maintenus jusqu'à l'achèvement des travaux sur le site de Montéléger", ajoute l'agence.

La nouvelle sectorisation de la psychiatrie en Ardèche et dans la Drôme.
La nouvelle sectorisation de la psychiatrie en Ardèche et dans la Drôme.



Cette nouvelle sectorisation s'affranchit des limites départementales pour respecter les bassins de vie, ce qui conduit à rééquilibrer la population desservie par chaque établissement (396 500 habitants pour le CH Sainte-Marie avec quarante-neuf communes drômoises qui relèvent désormais de son territoire d'intervention, 438 000 habitants pour le CH Le Valmont avec vingt-cinq communes ardéchoises), ainsi qu'à répartir plus équitablement les ressources, souligne l'ARS.

mardi 16 août 2016

Il faut croire en nos enfants, par Marie Rose Moro

LE MONDE |  | Par Marie Rose Moro (pédopsychiatre, psychanalyste, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à Paris-Descartes)
Notre monde se rétrécit malgré les moyens de communication qui devraient permettre de se parler, de voyager, d’échanger, d’apprendre les uns des autres, plus facilement. On évoque plus volontiers le djihadisme, le nihilisme, la violence, les bouleversements de la mondialisation que l’engagement, les valeurs, l’envie d’ailleurs.
Dans ce monde, quelle place pour notre jeunesse, pour nos enfants ? Quelles promesses faire à ceux qui naissent aujourd’hui et à ceux, adolescents qui, pour devenir adultes, ont besoin de désirer le monde et de vouloir le changer. Comment permettre à nos enfants de faire leur propre récit ?
Je m’inquiète de voir les rêves de notre jeunesse, détruits, ou moqués. Mais parfois, je m’inquiète aussi de ne pas la voir assez combative, de la voir renoncer devant un effort qui lui semble indépassable tant on lui a dit que le monde est injuste et inquiétant. Je m’inquiète de la non-convocation de la diversité de la connaissance et de celle des imaginaires.
L’obsession du déclin
Nous avons un rôle important à jouer auprès de la jeunesse dont nous sommes, pour l’heure, responsables. Parfois en la regardant, nous repensons à notre propre jeunesse : ne vivait-on pas mieux ? Les idéaux n’étaient-ils pas plus forts ? Tout cela n’est qu’une vue de l’esprit.
Nulle objectivité, juste un récit retravaillé par les yeux d’adultes et par ceux d’une époque. Le monde dans lequel nous avons grandi n’était ni plus, ni moins beau que celui dans lequel nous vivons actuellement. Il est, tout simplement. Mais de cette perspective naît l’obsession du déclin ou du retour en arrière.
Comment voulez-vous que jeunesse se fasse si on ne cesse de lui répéter qu’elle vit une époque affreuse et que nous courons à notre perte ? On ne peut accuser cette jeunesse de maux qui ne relèvent pas d’elle, ni briser ses rêves ou nepas croire en eux. Tel groupe de jeunes vient de créer une clinique du droit à Paris, remède à l’injustice, tel autre imagine un astucieux dispositif pour que les familles précaires puissent se grouper pour acheter de l’énergie…
Plutôt que d’avoir peur ou de perdre espoir, ce que nous demandent nos adolescents, c’est d’être authentiques et de leur transmettre des histoires et des outils de vie. Mais cette transmission ne doit pas être un fardeau, au contraire, il s’agit de liberté et d’optimisme.
C’est pourquoi nous devons apprendre à nos enfants à être libres de construire leur propre identité dans un monde qui leur donne parfois envie de ne jamais sortir de chez soi. Libres de vouloir changer le monde mais surtout de s’en donner les moyens.

« L’attention est un rempart contre la désolation »

LE MONDE | Par Mara Goyet
Il faut se souvenir des retrouvailles avec les élèves quelques jours après les attentats du 13 novembre 2015. Ils comptaient sur leurs professeurs pour les rassurer, ils comptaient sur l’école et ses murs pour les protéger.
Nous, nous étions désemparés : nous ne pouvions pas leur affirmer que cela ne pourrait plus jamais arriver. Nous ne pouvions rien leur jurer, à peine pouvions-nous leur expliquer. Il a fallu improviser, et ce qui m’est venu, c’est de leur faire raconter. Le moment où ils ont appris qu’à Paris, on était en train de tuer des gens rassemblés.
Le récit de petites choses s’est ainsi déployé, comme en creux de l’affolement généralisé : des pizzas commandées, des familles sur des canapés, des disputes pour la télécommande, ou alors un réveil alarmé alors qu’on était déjà couché.
Comment résister
En filigrane, en creux, sous le tragique et l’apocalyptique, il y eut alors comme une poignante évocation du bonheur, des vendredis soir sans histoires. Puis du samedi assommé, dans un Paris déserté. Dimanche, la vie qui reprend, la quête du pain, la Seine qui coule. La vie, simple et tranquille. Celle qu’on ne voit pas passer.
Ne nous trompons pas, je ne plaide pas pour un enseignement du goût des petites choses. Ni pour une forme de repli sur l’infime par temps dépressif. Je ne veux pas devenir professeur de la délicate saveur du lait imprégné de céréales chocolatées, enseignante ès mignonnettes et historiettes.
Non, simplement je songe aux paroles sages de Sancho Panza à la fin de Don Quichotte :« Hélas ! Ne mourez pas, Monsieur ; suivez plutôt mon conseil et vivez encore longtemps. Parce que la plus grande folie que puisse faire un homme dans cette vie, c’est de se laisser mourir, tout bêtement, sans que personne ne le tue, et que ce soient les mains de la mélancolie qui l’achèvent. »
Et je me demande comment résister. Comment faire une place aux raisons d’espérer qui ne trahisse pas la réalité ? En novembre 2015, en classe, des détails apparemment insignifiants ont éloigné pour un moment ces mains.
La basse continue du tragique
Les « mains de la mélancolie », en classe, ne sont jamais loin. Sans que l’enseignement de l’histoire-géographie soit une leçon de ténèbres, force est de constater que nous passons l’année à évoquer des territoires dévastés, ségrégués, menacés (qu’un écoquartier peine à consoler), des individus morts, forcément morts. Tous morts.