Fréquent chez les soignants des services de réanimation et de soins intensifs, l’épuisement professionnel initialement décrit par Maslach, se caractérise par 3 éléments : épuisement émotionnel, dépersonnalisation et diminution de l’accomplissement professionnel. La détresse morale se définit comme l’incapacité à agir selon ses valeurs personnelles et l’idée que l’on se fait de ses obligations en raison de contraintes internes et externes. Les deux sont des phénomènes assez proches dont les déterminants seraient similaires, comme par exemple l’association à un événement pénible - décès d’un patient, prise de décision éthique- avec l’épuisement professionnel. Les spécialistes de ces questions suggèrent que la conséquence la plus dommageable de la détresse morale est l’épuisement professionnel.
Cette étude, conduite d’août à septembre 2015, s’est proposée d’estimer la prévalence de l’épuisement professionnel et de la détresse morale et leurs degrés de gravité respectifs, et surtout de rechercher d’éventuelles corrélations entre la détresse morale et l’épuisement professionnel, chez l’ensemble des personnels soignants des services de réanimation et de post réanimation ayant travaillé plus de 6 mois dans un hôpital brésilien de plus de 400 lits : médecins, infirmières, aides soignantes et kinésithérapeutes respiratoires. Un auto-questionnaire a permis de recueillir les éléments recherchés selon le Maslach Burnout Inventory (MBI) et le Moral Distress Scale-Revised (MDS-R). 283 des 389 (72,7 %) soignants ont accepté de participer.
18 % des médecins en épuisement professionnel grave
Les médecins participants, qui couvraient tous à la fois les services de réanimation et de post réanimation, étaient des hommes en majorité (66,6 %). Leur âge moyen était de 38,71 ± 6,65 ans. Ils gagnaient tous plus de $2 350, ne passaient pas plus d’une heure sur la route chaque jour et travaillaient en moyenne depuis 8,33 ± 7,06 ans en réanimation ou post réanimation. Les résultats montrent que 18,2 % d’entre eux étaient en épuisement professionnel grave. Pour ce qui est des autres catégories professionnelles, 23,1% étaient également en épuisement professionnel grave (intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 18,0 à 28,8 %), sans différence significative entre elles.
Les valeurs moyennes des MDS-R pour les services de réanimation et de post réanimation ont été respectivement de 111,5 et 104,5, (p = 0,446). Plusieurs questions MDS-R étaient significativement associées à l’épuisement professionnel et les répondants dont les scores étaient > à 100 points étaient plus souvent en état d’épuisement professionnel (28,9 vs 14,4 %, p = 0,010). Après analyse en régression logistique, la détresse morale était indépendamment associée avec l’épuisement professionnel (OR [odds ratio] = 2,4 ; IC95 de de 1,19 à 4,82, p = 0,014).
Ce n’est pas tous les jours le carnaval…
Bien que monocentrique, et certainement très liée à la culture locale et aux difficultés personnelles ou familiales des soignants dans un pays en crise, cette étude confirme qu’une forte proportion de soignants des services de réanimation et de post réanimation, présente de épisodes de détresse morale qui résulteraient de l’opiniâtreté professionnelle et de la dispensation de soins inutiles ou injustifiés. Cette détresse morale est très souvent associée à l’épuisement professionnel. Par contre, le travail de nuit ne serait pas plus générateur de détresse morale et d’épuisement professionnel. Peut être parce que lorsque le chat est parti, les souris dansent ?
Dr Bernard-Alex Gaüzère
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire