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dimanche 30 mars 2014

Du neuf pour le médecin traitant avec le parcours des vieux

21.03.2014


De nouveaux parcours de soins des personnes âgées sont en train de se mettre en place dans neuf régions. Et, dans tous les sites, les médecins traitants sont les chevilles ouvrières de ces PAERPA. Pour autant, la question se pose : cette révolution conceptuelle qui préfigure la future « Stratégie nationale de Santé » va-t-elle vraiment renforcer la place le généraliste au cœur du système de santé. Et, si oui, comment ? Et avec quels moyens ?
À quoi ressemblera la « médecine de parcours » qui est au cœur de la « stratégie de santé » de Marisol Touraine ? Très probablement à ça. Six lettres pour un acronyme – PAERPA – qui signifie « Personnes âgées en perte d’autonomie ». Un sigle qui ne vous dit sans doute pas grand chose mais qui pourrait, demain, changer votre façon d’exercer.

Le Dr Hugues Deballon, engagé dans l’un de ces parcours de santé en est convaincu. Le PAERPA concrétise en effet la fameuse « révolution du premier recours » prônée par la ministre de la Santé. « Ce système expérimental va au-delà des personnes âgées. C’est un laboratoire de tout ce qui va se passer pour les maladies chroniques, les cancers, les ALD… On est dans la modélisation d’un système général », affirme ce généraliste SML qui n’a pas peur des nouveautés.

À Loches, objectif déshospitalisation

Vice-président de l’URPS Centre, le Dr Deballon est fier que le Lochois (cher à la ministre qui en est l’élue...) ait été choisi, en raison de la présence d’un pôle de santé pluridisciplinaire (organisation virtuelle qui rassemble un peu moins de 200 professionnels de santé !) comme pilote pour trois ans. Il faut dire que l’ensemble des professionnels de ce pôle de santé d’Indre-et-Loire réfléchit depuis longtemps en termes de « parcours ». Messagerie sécurisée, protocoles pluriprofessionnels, lien avec l’hôpital d’Amboise pour le volet médical de synthèse et le dossier de liaison des urgences. Deux documents indispensables à la bonne coordination ville-hôpital et… nécessaires à la mise en place du PAERPA !

Toutes les conditions étant remplies, pas étonnant que le territoire remporte, avec huit autres, l’expérimentation dont l’objectif est le maintien à domicile des personnes âgées de 75 ans et plus ainsi que la limitation du recours aux urgences hospitalières. Ces patients fragiles mais souvent autonomes risquent, en effet, pour des raisons médicales ou sociales, de tomber dans un circuit sans fin d’hospitalisation en réhospitalisation. Et de mobiliser au passage entre un quart et la moitié des dépenses de santé. L’enjeu, sanitaire, mais surtout économique, est de taille. En recentrant le suivi des personnes âgées sur l’ambulatoire, l’état imagine donc faire des économies.

Quid de la contrepartie réservée aux libéraux de santé ? Bonne nouvelle : il y en a une. Une rémunération forfaitaire de 100 euros par patient et par an. De quoi mettre du beurre dans les épinards à condition que la population ciblée soit nombreuse. Cette somme peut être allouée en fonction de la réalisation d’un document, le plan personnalisé de santé (PPS) qui résume la situation médicale psychologique et sociale du patient, à la structure (maison ou pôle de santé) ou directement aux professionnels de santé engagés dans le PAERPA.

« C’est la première fois que le secteur médical et médico-social sont réunis », explique, de son côté, Philippe Marissal. Chargé de mission gériatrie, le vice-président de MG France, a organisé le 20 février une journée de formation sur le PAERPA. « Les généralistes doivent savoir gérer les équipes de soins de proximité et pouvoir identifier une personne âgée en perte d’autonomie », dit celui qui imagine déjà la possibilité de décliner le PPS à d’autres pathologies, de l’intégrer dans tous les logiciels métiers, de le partager via une messagerie sécurisée commune.

En Mayenne, tous les généralistes mobilisés

Dr Duquesnel

Modélisation, extension, généralisation… C’est peut-être pour cela que Luc Duquesnel (photo) ne se contente pas de parler d’expérimentation. Pour le chef de file de l’Unof, le PAERPA est plus que ça. Il s’agit d’un véritable « prototype ». « L’approche parcours se différencie de l’approche traditionnelle de régulation de l’offre de soins en ce qu’elle ne prend pas comme point de départ un type de structure ou le traitement d’une pathologie mais une population donnée » peut-on lire dans le cahier des charges du PAERPA. Un protocole qui pourrait donc être étendu et décliné à d’autres populations « à risque » comme, par exemple, « les jeunes et l’alcool », suggère Luc Duquesnel.

Comme dans le Lochois, en Mayenne aussi, autre territoire pilote, « les professionnels de santé libéraux ont l’avantage d’être déjà organisés, ce qui facilite, entre autres, la protocolisation des pratiques », explique le généraliste qui représente l’URPS au sein du comité stratégique départemental du PAERPA. Le territoire mayennais est, en effet, marqué par un exercice pluriprofessionnel coordonné et regroupé en maisons ou en pôles de santé, comme celui de Renazé dans le sud ou celui de Mayenne où exerce le Dr Duquesnel. En outre, dans ce département rural, l’offre sanitaire et médico-sociale est dense. Sur les 300?000 habitants que compte le département, le PAERPA concernera environ 10% de la population ainsi que l’ensemble des 217 généralistes.

À Paris, une équation plus compliquée


Dr Jean-Philippe Grundeler

Mais dans d’autres territoires, l’expérimentation semble plus difficile à mettre en place. Absence de messagerie sécurisée commune, manque de coordination faute de relations formalisées… Des freins susceptibles d’interférer avec la réussite du programme au niveau national. Illustration concrète à Paris. Alors que le programme a été lancé en grande pompe le 19 décembre à la mairie du Xe arrondissement, en présence du directeur de l’ARS Ile-de-France, Claude Evin, sa mise en place prend du retard. Le Dr Jean-Philippe Grundeler (photo) qui assistait à la cérémonie en tant que vice-président de l’URPS paraît plus qu’inquiet : « On nous demande de lancer le projet dans quinze jours alors que c’est très flou… » Sur le papier pourtant, le programme doit bien concerner le nord-est de la capitale (IXe, Xe et XIXe arrondissements) mais ce généraliste SML semble sceptique. « Certes, l’ARS est prête à donner 100 euros par patient et par an mais, à côté de ça, on n’a aucune idée sur les autres éventuels financements. »

Du côté de l’ARS, on explique que le « phénomène urbain qui caractérise la métropole complexifie effectivement la donne ». « Il n’y a pas de structuration de type maison ou pôle de santé mais une médecine de ville individuelle qui nécessite des nouvelles interfaces, un système d’information renforcé. » La situation est d’autant plus complexe que la population n’est pas homogène. Dans les trois arrondissements de la capitale concernés, le quartier de l’Opéra n’est pas très loin de celui de Belleville où la population est plus défavorisée. Autre point noir : Paris présente « un phénomène de très fort isolement des personnes âgées qu’il faut appréhender et essayer de réduire ». Mais la Ville-Lumière a aussi ses atouts : 330 généralistes libéraux sur les trois arrondissements concernés, de nombreux infirmiers et pharmaciens ainsi que des acteurs qui peuvent facilement intervenir à domicile.

Des questions dans le Grand-Nancy

Dr Jean-Jacques Derlon

Dans d’autres territoires pilotes, comme à Nancy, « l’expérimentation n’a pas encore commencé », affirme Jean-Jacques Derlon de MG France, lui aussi engagé dans le PAERPA et qui explique que le territoire du Grand Nancy a été choisi comme site expérimental, notamment en raison de la présence du réseau de gérontologie Gérard-Cuny. Plus critique, un autre généraliste nancéen, Remi Unvois, redoute que, plus qu’aux généralistes l’expérimentation bénéficie à l’hôpital en « confortant l’activité ambulatoire de l’hôpital en favorisant des activités de bilan de gériatrie ». Avec, à terme, une « baisse de l’activité des généralistes » du territoire et, par conséquent, craint-il, de leur revenu.

« Sans une véritable revalorisation de la visite à domicile, on va à l’échec », affirme ce président (CSMF) de l’URPS Lorraine qui s’est engagé à reculons : « Si ça ne tenait qu’à moi, je n’aurais pas pris ». Pourtant, l’expérimentation concerne bien la totalité des généralistes du Grand Nancy, environ 400, estime le Dr Unvois qui reconnaît, tout de même, au PAERPA un atout.

Les problèmes médico-sociaux, souvent « gérés à bout de bras » par certains généralistes consciencieux seront, désormais, plus facilement encadrés et les démarches administratives, espère-t-il, simplifiées. Reste que beaucoup reste encore à décider. Quid des gardes-malades, des transports sanitaires ? Les patients concernés par le PAERPA et qui ne sont pas en ALD seront-ils, en fonction de leur adhésion au programme, mieux remboursés ? Rien n’est moins sûr.

Et après ? Généralisation au compte gouttes ?

Même s’il faudra attendre la fin de l’expérimentation pour qu’une évaluation ait lieu, on planche déjà au ministère de la Santé sur une généralisation du parcours personnes âgées à tout l’Hexagone. Mais avec une prudence qui commence à agacer certains. Fin janvier, la CSMF dénonçait « un PAERPA peau de chagrin dont les effets seront si limités qu’ils seront impalpables ». « Plus on avance, plus le potentiel se rétrécit », affirmait son président. 

Destiné à l’ensemble des plus de 75 ans, il n’y aurait, selon lui, en réalité que les plus malades, 20% d’entre eux, qui seraient véritablement concernés par l’expérimentation.

Michel Chassang persiste et signe. Le PAERPA, c’est « beaucoup de bruit pour pas grand-chose ». Pas en tout cas de quoi changer la vie des généralistes. Même si le dispositif devrait à terme effectivement être généralisé, il ne représenterait, selon un rapide calcul du chef de file de la Conf’, que 150 millions d’euros à peine pour les médecins généralistes. « À titre de comparaison, estime-t-il, un euro de revalorisation sur la consultation, ce serait 250 millions d’euros ! »

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