Un texte, adopté hier, annule des dispositions votées sous Sarkozy en 2011 qui durcissaient le régime d’internement sans consentement.
Il y avait urgence hier à l’Assemblée. A la veille des vacances parlementaires, les députés ont adopté une proposition de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie. Le 20 avril 2012, le Conseil constitutionnel avait censuré quelques points de la loi du 5 juillet 2011 sur les conditions de l’hospitalisation des malades mentaux. Et fixé un délai d’inconstitutionnalité au 1er octobre 2013. Il fallait donc agir avant.«Notre texte est certes modeste mais il est indispensable»,note le député socialiste Denys Robiliard, rapporteur de la proposition de loi.
Et cet élu d’expliquer : «La loi de 2011 était née sous des auspices très sécuritaires, après un fait divers dramatique à Grenoble.Il fallait, par exemple, en finir avec les dérapages comme l’apparition d’un casier psychiatrique. Nous avons essayé simplement, par petites touches, de remettre le malade au cœur du système.» Avec un peu de regret, il ajoute : «On pouvait rêver d’une réforme de grande ampleur, mais il faut parfois savoir faire preuve d’humilité.»
Difficiles ou dangereux, deux catégories de malades
Ce député n’a pas tort : avancer doucement. Car si cette proposition de loi est limitée, elle semble bien utile. Le Conseil constitutionnel s’était interrogé sur quelques points techniques. D’abord, autour de la question du statut des malades hospitalisés, dans ce que l’on appelle les unités pour malades difficiles (UMD). Ce sont des lieux de soins très particuliers, aux allures carcérales, où la sécurité est omniprésente. Il y a une dizaine d’UMD en France : s’y côtoient des malades agités, des malades asociaux que les équipes ont du mal à contenir, e aussi des malades déclarés irresponsables pénaux.
«Dans la loi de 2011, il y avait une ambiguïté, a expliqué à l’Assemblée la ministre de la Santé, Marisol Touraine. On confondait la notion de malades difficiles avec celle de malades dangereux. Et au final, pour sortir d’une UMD, il fallait remplir des conditions impressionnantes.» «Cela devenait comme un casier psychiatrique, qui allait suivre le patient toute sa vie», a fait remarquer le député Robiliard. «Or, je le dis nettement, a poursuivi la ministre, les UMD sont des lieux de soins. Et nous avons décidé de les remettre dans le droit commun.» Donc, pas de loi particulière, ni de règlement spécifique pour permettre la sortie du patient. Ce sont des malades comme les autres. La seule exception reste dans le statut des personnes, déclarées irresponsables pénalement : ceux ou celles qui auront commis des crimes particulièrement graves garderont un statut particulier.
Les juges devront aller à l’hôpital valider ou non
Le Conseil constitutionnel avait obligé la loi de 2011 à une modification de taille dans le processus de la décision d’hospitalisation sous contrainte : il avait imposé la présence d’un juge des libertés et de la détention (JLD). Celui-ci devant valider l’hospitalisation dans les 15 jours.
Le gouvernement comme les députés ont voulu aller un peu plus loin. Et donner plus de garanties aux malades. «Tout le monde nous le dit, cette audience où le juge valide ou pas cette décision d’hospitalisation doit se tenir à l’hôpital, et non pas au tribunal, ni encore moins par vidéo conférence comme cela se fait. Notre proposition de loi le dit clairement, insiste Denys Robiliard.L’audience aura ainsi lieu toujours à l’hôpital, sauf dérogation. De même, la présence d’un avocat nous paraît essentielle, et c’est la seconde nouveauté.»
La commission des affaires sociales aurait voulu que le juge statue plus vite. «Deux semaines, c’est trop long», a rappelé Denys Robiliard qui a proposé de raccourcir fortement ce délai : «Nous en avons discuté avec la chancellerie et avec le ministère de la Santé. Mais c’est vrai que l’on bute sur un problème de moyens. Pour la justice, l’intervention du juge s’est faite à moyens constants. Or cela a correspondu, en un an, à plus de 60 000 décisions. Si on raccourcit le délai à 8 jours au lieu de 15, cela veut dire 8 000 décisions de plus.» Est-ce réalisable ?
Les JLD se disent débordés, d’autant qu’il y a une grande inégalité territoriale : aujourd’hui 24 tribunaux rendent la moitié des décisions, et certains départements comme la Haute-Loire sont à deux doigts de craquer, faute de magistrats. Finalement, gouvernement et députés devraient se mettre d’accord sur un délai de 12 jours.
Retour au régime antérieur des permissions de sortie
Dans sa dynamique sécuritaire voire carcérale, la loi de 2011 avait eu l’idée saugrenue d’interdire toutes les sorties d’essai des malades, ou du moins de les rendre très difficiles.«Une aberration thérapeutique», avait réagi le monde de la psychiatrie. «Pour un malade, une sortie de 24 ou 48 heures accompagnée, c’est nécessaire et utile. Avec la loi de 2011, tout était bloqué. C’était le règne de la peur, tout le monde se couvrait», nous disait un psychiatre de Grenoble. La proposition de loi suggère de revenir aux pratiques classiques, avec des permissions encadrées et accompagnées. On le voit, ce sont de petites modifications. Hier, à l’Assemblée, une trentaine de députés de tous bords en ont débattu. Sans coups d’éclat. Aucune grande envolée, mais au final des petites avancées pour les malades. Le texte a été adopté hier en fin d’après-midi.
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