La maternité Port-Royal du groupe hospitalier Cochin-Broca-Hôtel-Dieu est le vaisseau amiral de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), probablement la maternité la plus moderne de France, en tous cas la plus grande d'Ile-de-France. De niveau III, elle est équipée pour les grossesses les plus à risque et destinée à permettre 6 000 naissances par an. Elle a absorbé le flux de patients des maternités de Saint-Vincent-de-Paul (Paris XIVe) et de Saint-Antoine (Paris XIe), récemment fermées au nom de l'efficacité économique de la santé publique.
La jeune femme qui a perdu son bébé le vendredi 1er février ne présentait pas de grossesse pathologique. Son terme était arrivé, elle avait rendez-vous le jeudi matin pour déclencher l'accouchement. Lorsqu'elle s'est présentée, elle fut renvoyée chez elle faute de place, après qu'ait été vérifié que tout était normal. Le soir, constatant que le bébé ne bougeait plus, elle est revenue à l'hôpital, où elle accoucha d'un bébé mort.
MANQUE DE LITS D'HOSPITALISATION ET DE PERSONNEL SOIGNANT
Le professeur Dominique Cabrol, chef du service d'obstétrique de la maternité Port-Royal décrit une maternité "en saturation totale". Les personnels ne cessent dénoncer le manque de lits d'hospitalisation et de personnel soignant en nombre suffisant. Il y a un an, les syndicats ont pointé un "danger grave et imminent" en raison des sous-effectifs dans cette même maternité.
Or l'été dernier, 19 lits sur les 119 de la maternité ont été fermés pour orienter les soignants vers des objectifs d'"efficience" car la durée de séjour des patientes était jugée trop élevée. Au total, 15 % des lits ont été supprimés à la maternité Port-Royal-Cochin.
Nous redoutons qu'une autre raison explique en réalité la fermeture des lits de la maternité Port-Royal. En effet, cette maternité fait partie d'un groupe hospitalier en pleine restructuration : Cochin-Hôtel-Dieu-Broca. La direction de l'AP-HP a le projet de transformer l'hôpital Hôtel-Dieu, dans le IVe arrondissement de Paris, en un centre de soins, d'accueil et de consultations de jour et d'y installer le siège de son administration. Mais là où le bât blesse, c'est que peu à peu tous les lits d'hospitalisation seront supprimés.
Ainsi, il a fallu trouver de la place à Cochin-Port Royal pour accueillir de nombreux services (cancérologie, chirurgie viscérale et ambulatoire, médecine interne, pneumologie et chirurgie thoracique...) et l'AP-HP cherche encore des locaux pour un certain nombre de services encore présents à l'Hôtel-Dieu. L'ophtalmologie de l'Hôtel-Dieu, l'un des plus prestigieux et performants services de France, a été pressenti dans le pavillon Albarran de Cochin. Seul problème : ce bâtiment est occupé par l'urologie. La direction du groupe hospitalier aurait-elle décidé, à la fin de l'été, de ne pas rouvrir les lits de la maternité pour y installer le service d'urologie ? La question doit être posée.
RESTRUCTURATIONS ET FERMETURES DE LITS
Les promoteurs du projet d'"Hôpital universitaire de santé publique" du nouvel Hôtel-Dieu voudraient quant à eux que celui-ci fonctionne sans lits d'hospitalisation. Une formule malheureuse d'hôpital "pour gens debout" fut même employée. Or nous voyons bien que ce qui manque dans une situation d'urgence, ce sont des lits, pour les malades comme pour les parturientes.
Réaffirmons qu'une vie justifie que l'on redouble de sagesse avant d'accélérer des réorganisations qui touchent directement à l'intégrité des patients, donc des habitants, des employés et des visiteurs du centre de Paris. Les restructurations et fermetures de lits (en maternité, urgences, hospitalisation conventionnelle) pourraient être perçues comme les responsables de ce drame. Il ne faudrait donc pas que l'administration cherche hâtivement des responsables parmi les équipes médicales, alors que le problème pourrait se trouver dans la réduction des moyens accordés aux soignants, qui prennent de plus en plus souvent des risques au détriment des patients.
D'autres drames pourraient survenir si la politique hospitalière n'était pas infléchie. La situation sanitaire du centre de Paris pourrait se détériorer si l'AP-HP ne corrige pas son projet pour l'Hôtel-Dieu. En effet, il nous semble que la direction doit réfléchir davantage aux conséquences d'une fermeture des urgences, aujourd'hui ouvertes 24 heures sur 24, accueillant 300 malades par jour, ainsi que des services comme la médecine interne, la psychiatrie, l'ophtalmologie et les blocs opératoires. L'Hôtel-Dieu est le seul hôpital des neuf premiers arrondissements de Paris, dans l'arrondissement (le IVe) le plus visité de la capitale, avec 13 millions de touristes et au carrefour de toute l'Ile-de-France, près des gares RER Saint-Michel et les Halles.
Il faut d'urgence renouer le dialogue avec toutes les parties-prenantes de ce projet, sans invectives, mais dans la clarté et la transparence dues au personnel et aux citoyens.
Gérald Kierzek, urgentiste à l'hôpital Hôtel-Dieu et Christophe Girard, maire du IVe arrondissement de Paris
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