L’identité (Photomaton 2)
Le photomaton (auMusée de l’Élysée à Lausanne jusqu’au 20 mai), ce n’est pas seulement un procédé, c’est aussi une représentation, un portrait, une identité. Cette exposition, m’a-t-on dit, regroupe 6992 visages : le photomaton est rarement utilisé pour représenter autre chose qu’un visage (ou plusieurs à la fois, sept au maximum, paraît-il). Et donc, naturellement, d’abord, une question sur ce qu’est le portrait. À travers les surréalistes, puis la Factory, ce thème est amplement développé ici. Le fait que la photographie automatique soit désormais possible a bien sûr captivé les adeptes de l’écriture automatique, et ces bandes de portraits où Prévert, Tanguy, Aragon, Queneau, Éluard et même Breton font les pitres, sont bien connues, ainsi que la frise des yeux clos autour de la femme nue cachée dans la forêt. Si Warhol est aussi un grand adepte du photomaton, il en est surtout un transformateur, produisant à partir d’eux de nombreuses sérigraphies, elles aussi bien connues.
Mais, au-delà de cet aspect historique, l’exposition aborde la question de l’identité, de la manière dont le photomaton la révèle, ‘connais-toi toi-même’ des temps modernes. De ce point de vue, la révélation de l’exposition est l’artiste israélien Alain Baczynsky, dont Pompidou vient d’acquérir les archives photomatiques et dont une quinzaine de photos sont présentées ici (voir son livrepour plus d’images) : de 1979 à 1981, après chaque séance de psychanalyse, Baczynskyse rend dans un photomaton voisin, mu par la pulsion de compléter l’analyse par une image. Chacune est datée au verso et agrémentée d’un commentaire, quelques mots ou tout le verso, en général acerbe, voire violent. Baczynsky règle ses problèmes avec sa mère, avec sa judaïté, avec le monde. Il montre sa résignation ou sa
rage, il mime parfois ses séances (mangeant ici un billet de 50FF, honoraires de l’époque). J’ai trouvé extraordinaire cette photo (en haut) où il raye compulsivement son visage, déchire sa bouche dans un refus de la parole et ne préserve que ses yeux, seule résistance possible face au langage. Vers la fin, avant d’interrompre son analyse (et de partir vivre en Israël), son visage disparaît peu à peu de l’image, on ne voit plus que ses vêtements, de face, puis de dos, puis le rideau, seul. Fin de partie.
Deux autres séries également très fortes (à côté deCindy Sherman et de Gillian Wearing, dont les pièces fictionnelles montrées ici sont, me semble-t-il, moins liées à la spécificité du photomaton) sont celles deSusan Hiller et de Anita Cruz-Eberhard. La première, modeleuse d’inconscient, insomniaque, se lève la nuit et va se prendre en photo dans lephotomaton de gare le plus proche, à demi consciente, presque en transes dirait-on ; elle agrandit ensuite ces photos, les recouvre de peinture et de calligraphies indéchiffrables
.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire