Médicaments : quand est-ce qu’on innove ?
Clotilde Cadu - Marianne | Lundi 6 Février 2012
Le magazine indépendant Prescrire a fait le bilan 2011 du médicament. Les résultats ne sont pas brillants : des progrès thérapeutiques rares, une évaluation insuffisante des produits de santé et des pilules plus dangereuses qu’utiles mises sur le marché.
C’est une première. Depuis 1981, le magazine indépendant Prescrire récompense les médicaments qui apportent un vrai progrès aux patients. En 2011, pas un seul cachet n’a trouvé grâce aux yeux de la revue. « L’année 2011 est une année décevante pour les patients et les soignants en attente de nouveaux médicaments apportant de réels progrès thérapeutiques », regrette l’équipe de Prescrire dans son dernier numéro.
Sur 92 nouveaux médicaments analysés, seuls 3 apportent un progrès notable, 13 ont été jugé « éventuellement utiles ». La grande majorité, 53 exactement, « n’apporte rien de nouveau », selon le journal. Plus grave encore : un nouveau médicament sur 6 serait plus dangereux qu’utile. La faute à des agences de sécurité sanitaire encore trop clémentes, qui octroient un peu trop facilement les autorisations de mise sur le marché (AMM) « prématurées ou sur la base d’une évaluation souvent médiocre », note Prescrire. Chaque année, les rangs déjà bien fournis de la pharmacopée française (12.000 AMM !) s’étoffent de nouvelles pilules et gélules qui ne servent pas à grand chose (si ce n’est à rien). A cet égard, le bilan 2010 de la Haute autorité de santé est édifiant. Tandis que quatre médicaments se voyaient délivrer une amélioration du service médical rendu (ASMR, qui correspond au progrès thérapeutique) majeure ou importante, 263 recevaient la mention « absence d’amélioration »…
« De 1945 à 1985, l’industrie pharmaceutique a parfaitement rempli sa mission, découvrant 80 à 90% des molécules vraiment importantes », souligne le professeur Philippe Even. Ces années-là, 40 molécules nouvelles sortaient des labos chaque année. Aujourd’hui, les nouveautés se comptent presque sur les doigts des deux mains. Contrainte par une exigence de retour sur investissement, l’industrie produit essentiellement des copies de médicaments, qui, fatalement, n’améliorent pas le service médical rendu. « Les labos continuent à labourer les mêmes terres », note Serge Rader, pharmacien. Les statines contre le cholestérol se comptent ainsi par dizaines, tout comme les anti-hypertenseurs, tous copies les uns des autres.Dans le même temps, le nombre de malades potentiels est gonflé artificiellement. Ainsi, en abaissant les normes de 3 grammes à moins de 2 grammes, le cholestérol est devenu une épidémie touchant 7 millions de Français, contre 1 million quand les normes étaient plus hautes… Il suffisait juste d’y penser !
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