La folie au cinéma, pour le pire et pour le meilleur
La véritable folie clinique est rarement bien représentée à l'écran au profit du grand spectacle, mais permet parfois de mettre le doigt sur certains symptômes précis.
- Keira Knightley dans «A Dangerous Method» -
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Les pathologies psychiatriques ont toujours été une source d’inspiration pour les scénaristes de cinéma. Mais l’écran est déformant et donne une image de la folie très souvent caricaturale. (Attention: cet article comporte plusieurs spoilers).
Le dernier film de David Cronenberg, A Dangerous method, met en scène Freud (Viggo Mortensen), Jung (Michael Fassbender) et une patiente hystérique, Sabina Spielrein. Prise de spasmes, déchaînée, se tordant de rage, l’actrice Keira Knitghley donne véritablement corps à la pathologie.
De Psychose à American psycho, de Shine à Shinning, le cinéma a abondamment puisé son inspiration dans la folie. Les scénaristes raffolent des pathologies mentales: elles sont efficaces du point de vue de la narration et très pratiques pour faire rebondir une histoire.
Mais certaines maladies sont plus prisées que d’autres. Un article de Slate.fr expliquait par exemple que la tumeur au cerveau, très présente dans les séries, est une vraie «bénédiction scénaristique».
Des symptômes intéressants, une fin tragique tout en restant propre: idéale pour faire venir les larmes aux yeux du spectateur, sans le faire tourner de l’œil.
Comme la tumeur au cerveau, la schizophrénie est surreprésentée au cinéma, car très efficace pour décontenancer le spectateur et permettre de bons rebondissements de situation. Elle est à la base de nombreux films: Psychose, Un homme d’exception, Shutter Island...
La folie selon Hollywood
Mais la véritable folie clinique est rarement bien représentée à l’écran. «Au cinéma, comme dans l’imaginaire de la société, on n’échappe pas à la caricature pour parler de la psychiatrie»écrit le psychiatre Edouard Zarifian:
«Ce qui est spectaculaire est nécessairement privilégié: les crises, les hallucinations, les délires mais aussi les dédoublements de la personnalité qui constituent des énigmes très visuelles.»
Pour reprendre l’exemple de la schizophrénie, au cinéma, elle se traduit toujours par une double personnalité (Fight club) et les hallucinations sont très souvent visuelles (Donnie Darko).
Mais cliniquement, les schizophrènes présentent plutôt des hallucinations auditives ou de la sensibilité interne et le dédoublement de la personnalité se réduit le plus souvent à des attitudes inadaptées ou à des délires non organisés.
«Rares sont les films qui s’attachent à une description clinique d’une pathologie caractérisée», poursuit Dr. Zarifian:
«Le plus souvent l’approximation est reine et même lorsque des diagnostics sont énoncés, leur représentation ne correspond pas à la réalité […] bien souvent, la représentation de la folie n’a pas pour but d’offrir une description clinique réaliste –comme celles des pathologies médico-chirurgicales de la série Urgences– mais de constituer une métaphore des drames de l’existence humaine.»
Des films conseillés par des psychiatres
Les représentations cinématographiques des maladies mentales sont donc souvent très éloignées de la réalité médicale. La faute aux fantasmes sur la folie d’une société à la fois voyeuse et distante vis-à-vis de ces malades et la faute aux contraintes inhérentes de l’industrie du divertissement: un format d’environ deux heures, la nécessité de raconter une histoire, de mettre en scène des personnages efficaces.
Mais selon le Dr. Gil Cohen, psychiatre, auteur d’une thèse intitulée Psychiatrie et cinéma: la représentation de la clinique psychiatrique à l’écran tout n’est pas à jeter. «Le cinéma est forcément déformant. Mais si on s’intéresse à certains points, à certaines scènes, on peut extraire des choses intéressantes pour décrire la réalité clinique», explique-t-il.
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