Fin de vie : "Les malades veulent être maîtres de leur destin"
| 06.02.12
Michel Salmon est mort le 22 mars 2011, trois ans après l'accident vasculaire cérébral qui l'avait rendu tétraplégique à 53 ans, enfermé dans son corps. Atteint d'un locked-in syndrom, Michel ne pouvait plus se déplacer, ni parler, bouger etmanger seul. Un soir, dans leur vie d'avant, il avait demandé à Catherine, sa femme, de ne "pas le laisser comme ça", si "un jour ça (lui) arriv(ait) ". Mais lorsque le médecin a proposé la trachéotomie (respiration artificielle), l'ancien cheminot a accepté.
Deux ans plus tard, épuisé de cette vie entre lit et fauteuil, ses rêves pour seule échappatoire, Michel Salmon a demandé l'arrêt des traitements. La loi Leonetti l'y autorise, mais l'équipe médicale a, dans son cas, refusé. Philippe Tronchet, chef de service à l'hôpital de Berck, "comprend le désir de (son patient), mais pour un médecin ce n'est pas naturel d'abréger la vie".
Le documentaire d'Anne Georget qui, pendant trois ans, a suivi Michel Salmon et sa famille, raconte ce "combat pour être entendu" et le travail de médiation du centre d'éthique clinique (CEC) de l'hôpital Cochin, à Paris, qui a fini par trouverune solution acceptable pour la famille et l'équipe médicale : une chambre à la maison médicale spécialisée en soins palliatifs Jeanne-Garnier, à Paris, où Michel mourra trois semaines plus tard.
Mercredi 1er février, le CEC a présenté ce film en avant-première, avant sa diffusion sur France 2, mardi 7 ("Le Monde TéléVisions" du 6 au 12 février). A la suite de la projection, le débat est lancé entre des soignants, des familles au vécu proche de celle de Michel, des partisans (nombreux) d'une légalisation de l'euthanasie et des pionniers des soins palliatifs. Très vite, le public s'emporte contre ces médecins "à la surdité sélective" qui ne comprendraient pas les demandes d'en finir. Philippe déplore "le blocage psychologique de l'équipe qui suit (s)on beau-frère. Qu'en est-il du droit de sortir de l'institution ? Avec un généraliste, les choses seraient beaucoup plus simples". Le mari de Sophie ne peut plus s'exprimer, mais "l'établissement (lui) refuse l'intervention".
INCOMPRÉHENSION
"Quelles représentations avez-vous des malades ?, demande Thomas Sagnier, représentant des usagers de l'AP-HP aux médecins. Vous êtes formés à guérir. Mais les malades sont de plus en plus nombreux à vouloir être maîtres de leur destin. De plus en plus, ce pouvoir imaginaire vous sera contesté."Incompréhension, crispation.
"On comprend ces demandes, mais n'oubliez pas ceux qui sont en face, les soignants, répond Gilbert, intervenant en unité de soins palliatifs. On ne peut passimplifier les choses comme ça, "c'est mon choix, il n'y a qu'à le faire". Etre impliqué dans une décision qui hâte le décès met en cause le sens de notre existence." Et la fin de Michel Salmon, qui dura plus de trois semaines ? "Est-ce une limite de la loi ?, demande un sociologue. La personne ne souffre peut-être pas, mais l'entourage ?" "Faut-il se rendre maître de toutes les fins de vie ?, réplique Daniel d'Hérouville, chef de service à Jeanne-Garnier. La fin de vie prend du temps aussi dans la vraie vie."
"Je ne sais pas s'il faut légiférer, ni dans quel sens, finit par trancher Véronique Fournier, responsable du CEC, mais nous n'avons rien à gagner à opposerpatients et médecins. Très peu de demandes sont aussi fortes que celle de cet homme. Si on légalise sur une euthanasie volontaire, contre les médecins, on vabraquer les médecins. En France, les soins palliatifs s'opposent à l'euthanasie, or, il faudrait que l'euthanasie devienne le soin palliatif ultime."
Emeline Cazi
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