Présentation de l’article
Quelques points méconnus d’histoire et d’épistémologie des thérapies comportementales et cognitives
P.-H. Castel
P.-H. Castel
Avertissement : ami lecteur, ce billet consacré à l’explication de P.-H. Castel sur le cognitivo-comportementalisme, est rébarbatif, et en maintes occasion, se révèlera déprimant. Il use, en outre, d’un vocabulaire tristement spécialisé (soit technique). C’est qu’avec les neurosciences, on pénètre dans le monde du futur, un monde où la poésie a disparu, ou l’esprit a cessé de souffler. Ici règne la mécanique neuronale de l’organisme et de l’espèce, et la novlangue scientifique qui va avec. La Science of Happiness a viré au cauchemar naturaliste.
J’ai repris le déroulement de l’article de P.-H. Castel, en excluant le problème de la demande des associations de malades psychiques en France (demande sociétale à prendre en compte si la santé et ses professionnels veulent évoluer dans le bon sens, précisément démocratique). C’est une question cruciale et l’un des enjeux de la résistance de la psychanalyse, face à l’expansion des neurosciences. J’aborderai ce point traité par P.-H.Castel dans son article, dans un autre billet. Pour plus de détails sur les concepts abordés, lire l’article in extenso de P.-H. Castel (1’).
Présentation
La revue de psychanalyse, la célibataire, a publié cet été un numéro intitulé Lecognitivo-comportementalisme en question. On y trouve un article de P.-H. Castel(1) qui rend compte de son intervention aux journées organisées par l’AlI (Association Lacanienne Internationale) les 12 et 13 juin 2010 à la Pitié-Salpêtrière, études théoriques et cliniques ducognitivo-comportementalisme.
Son article, Quelques points méconnus d’histoire et d’épistémologie des thérapies comportementales et cognitives, apporte dans un premier temps des éclaircissements utiles et circonstanciés sur l’histoire américaine du cognitivo-comportementalisme ainsi que son articulation progressive aux neurosciences. Son approche est également épistémologique. Epistémologie : discipline qui prend la science ou les sciences pour objet. Dans son article, P.-H. Castel examine les principes des TTC et neurosciences, en vue d’en déterminer la valeur et leurs prolongements en termes d’application dans la société et les Institutions (parmi elles, la Santé Mentale). Il fait également l’histoire de leurs élaborations successives et pointe un certain nombre de problèmes, ou paradoxes, qui leur sont liés.
Dans un deuxième temps, il montre que si la France n’est pas totalement acquise à cette dérive scientiste du soin psychique, c’est du fait de son ancrage idéologique dans une conception de l’humain qui privilégie l’individu en tant que « sujet » (être individuel dont l’irréductible singularité est interdépendante des idéaux de la société, marquée historiquement par les droits de l’homme et du citoyen et la res publica), à l’opposé de la notion anglo-saxonne de « self », ou « moi autonome », fondement institutionnel de la société anglo-saxonne, « communauté autogouvernée par se s membres ». Il pose ainsi que la spécificité des contextes culturels entre pour beaucoup dans le succès et l’implantation durable du modèle cognitivo-comportementaliste des neurosciences. Enfin, il met au jour que la crise concernant les approches thérapeutiques des maladies mentales est moins un problème strictement scientifique qu’une donnée anthropologique et historique: il s’agit « d’une reconfiguration de l’idée de l’homme ».
L’article détaille les principales étapes qui ont marqué l’évolution des TCC (Thérapies Cognitivistes et Comportementalistes) et leurs applications pratiques, tout en décortiquant leurs soubassements scientifiques, idéologiques, culturels, et politiques. Il montre également que l’expansion des TCC est un mode de gestion du malaise socio-économique actuel, marqué par la culture et l’époque.Il se conclut sur une note optimiste : la psychanalyse a encore un avenir en France à la condition qu’elle accepte le principe de réalité qui consiste à faire face aux évolutions de la demande sociétale, tant du côté institutionnel (évaluation scientifique) que du côté des citoyens (demande de participation démocratique à la santé). A la condition, enfin, qu’elle connaisse et (reconnaisse) son ennemi, dans toute sa complexité.A ce titre, il met en garde les chercheurs et « psychistes » français, trop peu nombreux à s’intéresser, de près et en détail, à la nébuleuse neuroscientiste, dont les contours scientifiques apparaissent flous, parce qu’ils sont méconnus.
Les principales étapes du développement du cognitivo-comportementalisme
P.-H. Castel contextualise et périodise (sur 5 décennies) les étapes scientifiques etinstitutionnelles du développement des TTC.Il montre la préséance du comportementalisme sur le cognitivisme, puis leur articulation difficile et complexe, enfin leur intégration aux neurosciences.
Le comportementalisme
Tout commence dans le contexte de la guerre froide avec Hans Eysenck (chercheur à l’Institut psychiatrique du Kings Collège àLondres) qui, en 1952, publie un article contre les psychothérapies. En bonne logique popperienne (2), Eysenck veut formaliser le mode opératoire de Freud et Skinner, pour tester empiriquement leurs hypothèses et vérifier l’efficacité de leurs pratiques thérapeutiques. Skinner, auxEtats-Unis, a théorisé le « conditionnement positif « (ou par la récompense), d’où l’idée d’ Eysenck de tester son mode opératoire, par l’introduction de stimuli aversifs pour mesurer la réaction des patients.
A la suite, les travaux de B. Wampold soutiennent qu’il n’y a aucun moyen de démontrer qu’un mode opératoire particulier (psychodynamique ou de l’ordre du conditionnement) serait plus efficace qu’un autre. Toutes les approches thérapeutiques concernant les troubles psychiques sont efficaces. Point méconnu en France : il établit également l’efficacité des psychothérapies longues d’inspiration psychanalytique.
Eysenck, Wolpe et Lazarus , défenseurs de la théorie comportementale importent et diffusent leurs concepts aux Etats-Unis dans un contexte où le déconditionnement des soldats de retour des camps communistes est à l’ordre du jour. Ils proposent, contre Skinner, plutôt de gauche, prônant les idéaux démocratiques et humanistes de la Bahaviour Thérapy, une science de la psychothérapie falsifiable, expérimentale et quantifiable. La Behaviour Thérapy ou Science of Happiness préconisait une transformation sociale des états mentaux. Dans le même temps, autre paradoxe apparent, les comportementalistes Anglais s’opposent à l’industrie pharmaceutique, pour la raison que les tranquillisants facilitent le travail des psychanalystes auprès des malades psychiatriques. De là, un glissement, qui aura un écho certain auprès des associations de malades, l’institution psychanalytique est complice des labos pharmaceutiques. P.-H. Castel note que c’est exactement l’inverse aujourd’hui en France : les psychanalystes reprochent aux TCC de favoriser les traitements psychotropes.Ce qui est vrai,contrairement aux Etats-Unis, où les comportementalistes sont opposés aux traitements médicamenteux. Particularité française dans ce domaine : la banalisation des TCC s’accompagne d’une augmentation des soins neuroleptiques.
Des années 60 aux années 70, le courant comportementalisme anglais s’oppose au behaviorisme américain et finit par l’emporter. H. Mowrer, théoricien de l’apprentissage, crée la base épistémologique des thérapies du comportement. Il articule tout symptôme mental à 2 conditionnements, un conditionnement pavlovien, en réponse à une angoisse, premier dans l’ordre processuel, et un deuxième, opératoire , qui en renforçant le 1er, bloque en définitive la situation, laquelle devient symptôme. La thérapie doit agir sur le second conditionnement, par exposition au stimulus désagréable, et ainsi peut débloquer la situation (éteindre l’affect d’angoisse) et lever le symptôme (cas de la phobie). Avec un tel dispositif, l’explication causale des névroses est abandonnée. Ce qui est épinglé comme symptôme, est, en réalité, un de ses troubles. On soigne la partie pour le tout, et le tour est joué.
Le cognitivisme
Le cognitivisme, qui va à son tour se développer et se diffuser, part de la RationalEmotive therapy d’Albert Ellis. C’est un courant psychologique opposé dans ses principes au comportementalisme. Ellis défend l’idée de la constitution subjective du symptôme sur la base de 4 étapes : ABCD. A pour Adversity (événement désagréable) ; B pour Belief (croyance négative) ; C pour Consequences in Behaviour (effets sur le comportement) ; D pour Dispute (examen des croyances du malade et début de la thérapie). Sa théorie donne un rôle causal aux croyances, déplaçant ainsi la psychogénèse vers la « mentalité », notion psychologique : ensemble des habitudes d'esprit et de croyances, revu et corrigé dans le sens de l’individu, plus que du groupe.Cette théorie s’institutionnalise peu à peu aux Etats-Unis.
A partir de ce nouveau modèle, se constitue deux courants : l’un, néopositiviste, importé d’Angleterre, l’autre, pragmatique et behavioriste, opposé à Ellis. Désormais, la notion de « self » comme « constitution du soi » (qui vaut, comme support de la subjectivité, tirée du côté du moi et des croyances) s’impose. Cette option implique la subjectivité dans la construction cognitive. Le trouble et la guérison du trouble passent par cette construction, prémisse de la théorisation future impliquant l’idée d’un schéma cognitif.
La conjonction des thérapies comportementales et cognitives se fera aux Etats-Unis, sur la base de la notion de self, - notion fondamentale (anthropologique). Le self est porteur des valeurs de la société américaine : self-reliance (confiance en soi), self-goverment (autonomie), ou self-help (se prendre en charge soi-même), sont les bases des institutions américaines (fédéralisme, droit, etc.). La notion américaine de démocratie de ce point de vue, diffère de la notion française. La société américaine repose sur un ensemble de moi autonomes (« atomisés ») regroupés autour de valeurs et de traits communs pour faire valoir leurs droits. De là, aux USA, la force des associations de malades et le fait que l’idéal thérapeutique des cognitivistes correspond à l’idéal social et politique, et répond à la demande démocratique des associations.
Dans ce contexte, Aaron Beck, ancien psychanalyste, inscrit dans la mouvance de l’Ego psychology, crée l’expression« thérapies cognitives » et invente l’échelle psychométrique dite de Beck, permettant de mesurer leurs effets. Elle figure parmi les nombreux outils des TCC. « Quand vous vendez de la technique, souligne P.-H. Castel, plus l’instrument qui vous permet d’en mesurer l’effet, alors vous pouvez vraiment lancer un mouvement d e conquête. »
A partir des années 70, la montée du cognitivisme fragilise le comportementalisme pur, autour notamment du traitement de la dépression, laquelle contrairement à la phobie, résiste aux techniques comportementalistes. Les premières thérapies cognitivistes sont encore des thérapies sociales. Leurs critères sont cognitifs et sociologiques, mais non psychologiques. Elles ciblent la prise en charge des relations à autrui. « Cognitif » est employé comme adjectif et utilisé par les sociologues de l’époque. Ce terme renvoie aux « raisons » et aux « croyances » (3) de la personnalité(self comme construction subjective, impliquée dans le groupe et la collectivité) dans ses interactions avec autrui .
Un basculement de la notion se fait quand les neurosciences se fédèrent autour du traitement de l’information, et suite à la polémique Chomsky/Piaget. Le mot cognitif s’inscrit dans le mentalisme : le comportement via la notion de croyance est impliqué dans le fonctionnement neuronal(4). « Le symptôme (devient)intrinsèquement mental » versus le symptôme, comme réponse ( comportement). Ce basculement génère un conflit entre anti-mentalistes et mentalistes, -soit entre comportementalistes et cognitivistes-, autour des théories des uns et des autres, et de l’efficacité de leurs applications thérapeutiques. Selon les 1ers, c’est le conditionnement des comportements qui agit sur le symptôme mental, en termes de rationalisations, selon les seconds, c’est l’action sur les schémas cognitifs qui modifient les comportements pathologiques, dans le cas de pathologies purement mentales comme la dépression. Bien plus, le cognitivisme ajoute à la confusion, en mettant en continuité thérapies cognitivo-comportementalistes et psychanalyse, autour de l’équivalence : ce que les « cognitions négatives » sont à l’« imagerie mentale », les « associations libres » le sont aux « représentations mentales » pré-conscientes. L’action thérapeutique dans un cas (« remédiation cognitive »), comme dans l’autre (« interprétation du refoulé »), s’exerce sur les perceptions faussées au profit de la cognition, entendue comme représentation opératoire de la réalité, base du raisonnement et des actions(de ce que la philosophie appelait, jadis, « l’aperception »).
Le second behaviorisme
Après avoir brouillé les cartes, les TCC, devenues plus cognitivistes que comportementalistes, remportent aux Etats-Unis la bataille institutionnelle, dans les années 80,au moment de la révolution conservatrice, et de l’institution du DSM III. Ce second behaviorisme, revu et corrigé par le cognitivisme, correspond au retour du paradigme individualiste en santé mentale et au discrédit de l’action sociale en santé mentale. Dans le même temps (1984), une 1ère validation clinique (EBM, Evidence Base d Medecine) se met en place, et avec elle la norme dite de « restructuration cognitive », sorte de maïeutique consistant à combattre les « cognitions négatives » ou « irrationalités de la pensée».
Problème : les deux modèles (cognitiviste et comportementaliste) sont incompatibles. Pour le cognitivisme, le symptôme, comme fonctionnalité défaillante, est une production de l’individu (les schémas dans le cerveau résultent de l’individuation de l’espèce humaine), et donc modifiable par le dedans (par l’organisme). Pour les comportementalistes, le symptôme est construit par le dehors et donc modifiable par le dehors (5). Si l’on prend le problème des apprentissages, ils ne seront pas traités de la même façon selon qu’on l’aborde par la causalité interne (organique), ou externe. La conjonction des 2 paradigmes paraît improbable jusqu’au moment où on s’avise (toujours du point de vue de l’efficacité thérapeutique) que la combinaison des deux techniques obtient de meilleurs résultats que lorsqu’elles sont séparées. On s’aperçoit alors que le cognitif a le pouvoir de « médier » le comportemental. Désormais, les deux techniques vont pouvoir s’articuler.
Le paradigme biologique (évolutionnaire), retour du naturalisme
Une transition vers le sens neurospychologique actuel précède l’intégration définitive des TCC aux neurosciences. C’est, précise P.-H. Castel, quand on a commencé à travailler sur les modes d’inférences des agents. Et qu’on a été capables d’informatiser en termes de problemsilving, en intelligence artificielle (IA), ces inférences. Et c’est pa r l à que la notion purement sociologique de cognition est devenue le problème de s neurosciencescognitives. La cognition passe de l’acception selon laquelle « le langage et le sens ont une consistance propre, autonome, dans l’explication de l’action sociale » à celle d’ « état informationnel », régulateur des actions et sélectionné, du point de vue de l’espèce, - pas de l’individu. »
Cette dernière étape marque l’entrée du cognitif dans le biologique « qui devient un schéma de représentation, de comment les organismes régulent leurs actions dans le milieu dans lequel ils vivent avec leurs congénères. S’impose alors l’idée, -je cite -, d’une testabilité scientifique du modèle TCC, en essayant de les faire correspondre, dans une relation, un à un , avec les circuits cérébraux.
L’explication neuro-biologique, après les approches psychologique et sociologique, re-naturalise les fonctionnements psychiques, implantés dans l’organisme et l’espèce, en termes d’évolution et d’adaptation au milieu. Cette théorie naturaliste de l’esprit (Fodor) s’inscrit dans des considérations darwiniennes. La théorie neurobiologique sur les états cérébraux se disjoint des pratiques cognitives plus pragmatiques. Les TCC continuent de combattre les perceptions négatives (croyances corrigeables), non par la parole, mai sen rectifiant le schéma cognitif par une action sur les pensées.
Les neurosciences ne distinguent plus biologique, psychologique et social, puisqu’elles sont reconnues comme des normes neurobiologiques, (des lois fonctionnelles de la neurobiologie).(6) « Ce qui me paraît inadmissible, explique J .-P. Castel, c’est que l e traitement des croyances et des raisons, des « états mentaux sont traités comme de « choses », est (…) revendiqué comm e «étant la grande avancée que l’on devrait à la philosophie, qui sert de toile de fond à la science cognitive contemporaine, et qui est le naturalisme. »
Pour les neurosciences sociales, paradigme intégratif des sciences humaines et sociales d’autrefois, le cerveau a remplacé le langage (7). Ce nouveau paradigme permet d’homogénéiser les TCC, les neurosciences et la neuropsychiatrie, à la suite les explications causales cliniques, les traitements et leurs techniques. On cherchera ainsi à corriger le schéma cognitif des patients inadaptés après avoir fait un bilan fonctionnel, par des contraintes mécaniques sur les agents pathogènes.
Tautologie : les perceptions négatives ou croyances faussées ne sont rien qu’un épiphénomène du dysfonctionnement neuronal. La pensée résulte d’activations neuronales et quand il y a dysfonctionnement dans le cerveau, ceux-ci produisent des désordres mentaux. La causalité des troubles mentaux est raccordée à une biologie cérébrale perturbée. La thérapeutique consiste alors à rectifier par deshabituation les cognitions négatives. On reste dans la logique du conditionnement/déconditionnement, mais avec d’autres instruments.
Le passage de l’explication scientifique à son application pragmatique, a créé des tensions dans le champ des TCC, lesquelles se sont organisées en 2 orientations. L’une, détachée de la psychopathologie, s’est spécialisée dans l e domaine du bien-être et du coaching, l’autre implantée dans les institutions de la Santé et prenant en charge les troubles, psychiatriques ou non (prise en charge anti-douleur, par exemple), s’est mise au service de la gestion économique globale de la société, -rajoutons, et sécuritaire.
Cette second série, plus technique, s’incorpore aux neurosciences cognitives. Dans le traitement des pathologies psychiatriques comme la schizophrénie (8), la technique s’appuie sur le concept théorique d’ endophénotype (en.wikipedia.org/wiki/Endophenotype -) Il sert à modéliser les fonctions neuronales pour comprendre le comportement via la construction d’un état intermédiaire entre le niveau moléculaire et le niveau comportemental des cognitions et des précognitions. Et ce, au niveau de la mécanique non consciente. Les précognitions renvoient aux apprentissages pré-sociaux et deviennent une cible thérapeutique. De là, la notion de « remédiation cognitive » : « traduction pratique, précise J.-H. Castel, de l possibilité d’agir dans les pathologies psychiatriques lourdes au niveau de cette structure intermédiaire qui est présociale, prérelationnelle, préconsciente, et cetera. En améliorant le traitement de ces routines, qui sont des routines de base du fonctionnement cognitif, on peut améliorer le sort de s schizophrènes, par exemple. » Cible, - je cite - : les symptômes négatifs, non pas au niveau molaire (apragmatisme), mais au niveau moléculaire (routines), ces petits gestes qui dérangent le quotidien. Le traitement s’attaque, non plus à la partie (le trouble) pour le tout (symptôme), mais à la plus petite partie (particule) du symptôme (9). L’émiettement du symptôme, favorisé également par le DSM III, puis IV, est parvenu à son terme !
Bien plus, J.-H. Castel attire notre attention sur une ultime transformation du paradigme cognitif, à la suite, sur la mutation corrélative de la santé mentale. L’orientation actuelle des neurosciences devrait aboutir de façon imminente à la figure thérapeutique, appelée par A. Ehrenberg, le « cognithérapeute » voire le « neurothérapeute ». Ce thérapeute d’avant-garde « intégrera neurosciences, TCC des ca s psychiatriques lourds, remédiation cognitive, amélioration quantifiable du bilan fonctionnel des individus, et certainement demandera la création de nouvelles institutions de soin. » L’article prévoit également que les TCC vont évoluer, l’une vers l’intervention psychosociale, l’autre, vers des traitements issus des neurosciences, plus cognitifs que jamais. L’effet en sera idéologique. Le malade sera malade de son cerveau, et non plus du milieu(famille/société), pas plus qu’il ne saurait avoir aucune responsabilité dans l’affaire, en termes de subjectivité propre, comme de desiderata ou revendications personnelles. J’ajoute à l’analyse de P.-H. Castel, qu’au fond, le symptôme comme défense et construction singulière, perd de sa créativité réparatrice. Il devient une « chose purement mentale » (une entité strictement neuronale et fonctionnelle ). On est loin de la cosa mentale , où Léonard de Vinci voyait le signe de la création et de la connaissance. Le signe d’un désir irréductiblement humain.
Notes
1- P.-H Castel est psychanalyste, docteur en philosophie et en psychologie, historien des sciences, directeur de recherche au CNRS et directeur de recherches au CERME3 (Centre de Recherche Médecine, Sciences, Santé, Santé Mentale et Société).
Le cognitivo-comportementalisme en question, la célibataire, revue de psychanalyse, (clinique, logique, politique), n° 22, été 2011, Ed. EDK.
2- Falsiabilité, néologisme créé par K. R. Popper, en 1934. « Dans les sciences empiriques, dont fait partie la psychologie expérimentale, caractère d’une théorie de pouvoir être soumise à un test empirique négatif, confronté à une expérience susceptible de l’infirmer. La falsiabilité établit une démarcation entre la science et des conceptions qu’aucune expérience ne peut démentir comme le marxisme et la psychanalyse. » Nouveau Vocabulaire de la philosophie et des science s humaines, L.-M . Morfaux et J. Lefranc, Ed.Armand Colin.
3- Cet emploi du terme « cognitif » ne renvoie-t-il pas au fond à la notion de « mentalité » issue de l’ethnologie, discipline née à la même époque que la sociologie (voir Lévy-bruhl et Durchkeim) ? La mentalité, ensemble de croyances archaïques (en termes psychologiques, fausses ou négatives) se distinguant de la rationalité (en termes psychologiques, de raisonnements, adaptés à la réalité).
4- En sorte, « le fonctionnement neuronal est le psychique lui-même et son essentielle réalité »versus, « L’inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité » , Freud.
5- On remarque dans la pensée scientiste et son discours le recours fréquent aux truismes (évidences), -symptomatique d’une certaine impuissance à raisonner dialectiquement.
6- En re-naturalisant le psychisme (langage et sens, plus actions), la science achève de déshumaniser l’homme, puisqu’elle l’ampute de ce qui fait sa spécificité humaine propre. On peut craindre que le pouvoir ne s’appuie sur ce retour ontologique à la nature, et vire ainsi, si c’était le cas, à un néo-totalitarisme qui emprunterait au naturalisme ses mots d’ordre et valeurs.
7- La psychanalyse et la linguistique n’ont plus qu’à faire profil bas. Et tant qu’on y est, supprimons les poètes !
8-Voir wikipédia, à l’article « Endophénotype » (mal traduit de l’anglais), et plus précisément, ceci concernant la schizophrénie :
« Dans le cas de la schizophrénie,le symptôme manifeste pourrait être une psychose , mais les phénotypessous-jacents sont, par exemple, un manque de filtrage sensoriel et un déclin de la mémoire de travail. Ces deux traitsont une composante génétique claire et peut donc être appelé endophénotypes. [2] Un candidat pour la schizophrénieest endophénotype préimpulsion l'inhibition , la capacitéd'inhiber la réaction aux stimuli surprenants.
Les gènes distincts qui pourraient caractériser certains traits endophenotypic dans la schizophrénie comprennent:
Concepts
-Behaviorisme (de l’anglais behaviour, conduite, comportement) : méthode de psychologie expérimentale appliquée à l’homme (Watson) et à l’animal (Pavlov), se bornant à l’étude des comportements (ensemble des réactions de l’organisme) comme réponses à un stimulus externe, sans faire référence à la conscience.
Néo-behaviorisme : au couple stimulus-réponse est ajouté l’importance de l’organisme en situation (Tolman). Prolongement philosophique : continuité de la vie animale à la vie humaine, le passage de l’une à l’autre s’opère par le fai t de l’évolution. La conscience et la vie intérieure sont considérées comme des entités génétiques, potentiellement mutatives, du fait des changements du milieu extérieur avec lequel l’homme se trouve en rapport (voir évolutionnisme ou transformisme : Lamarck et Darwin).
Toute réponse (langage et pensée compris) à un stimuli a une signification nécessairement adaptative. De là, on glisse de l’étude des comportements, à ses applications : méthodes de conditionnement ayant pour but de faire acquérir un comportement plus adapté, du dressage de l’animal aux techniques thérapeutiques psychiatriques, (guérison de la phobie, cures de désintoxication, etc.) et éducatives, en passant par la propagande et la publicité...
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