ROUMANIE • Un autre avenir pour les malades mentaux
Un hôpital psychiatrique du pays a créé une petite entreprise qui aide les patients à reprendre confiance en eux et tente de changer l’image de la maladie mentale dans la société.
Un hôpital psychiatrique du pays a créé une petite entreprise qui aide les patients à reprendre confiance en eux et tente de changer l’image de la maladie mentale dans la société.
Le site Internet de l’hôpital psychiatrique de Câmpulung Moldovenesc
“Nouveau ! Visitez la collection printemps”, annonce le site de l’hôpital psychiatrique de Câmpulung Moldovenesc, dans le nord-est de la Roumanie. D’un simple clic apparaît une fenêtre dans laquelle sont proposés quantité d’articles : icônes, poterie, vêtements, produits artisanaux… “Nous pensons même créer prochainement des robes de soirée…”, confie l’administrateur de la “fabrique”, le Dr Alexandru Paziuc.
Ce site est l’un des maillons d’un projet – la création d’ateliers d’ergothérapie – qui a pour vocation de changer l’image de l’opinion à l’égard des malades mentaux et de conduire ces derniers à se sentir utiles. Aujourd’hui, l’hôpital encaisse chaque mois plusieurs dizaines de milliers de lei [quelques milliers d’euros] grâce à la vente des produits, et ces fonds sont utilisés pour financer de nouvelles installations de l’unité médicale. Cet “hôpital des fous” n’a ni gardien, ni barreaux aux fenêtres, ni portes fermées avec des cadenas. Parmi les patients, on croise des ingénieurs, des enseignants, des médecins ou des étudiants qui ont craqué à un moment donné. “Nous avons aussi des journalistes, la maladie ne fait pas de différence”, sourit Alexandru Paziuc, soulignant qu’en Europe une personne sur quatre souffre de troubles mentaux.
“Malheureusement, nous avons encore cette idée ancrée selon laquelle le malade mental est irrécupérable et dangereux. C’est complètement faux”, poursuit le psychiatre. Le projet des ateliers d’ergothérapie a été lancé en 2002-2003 sur le modèle d’un autre établissement du pays, ainsi qu’avec des idées “importées” d’hôpitaux en Allemagne. Le problème majeur, continue le médecin, reste que ces services ne se retrouvent plus à la sortie de l’hôpital. “Dans l’idéal, ce genre de structures devraient être financées par les services sociaux et mises en place en ville… Malheureusement, notre travail s’arrête aux portes de l’hôpital. Nous ne pouvons pas construire un autre monde pour malades mentaux ; notre devoir se limite à les comprendre et à trouver les meilleures solutions pour les intégrer.” Toutefois, pour démontrer la faisabilité de son propos aux autorités et montrer que l’initiative est rentable tant pour la communauté que pour les patients, le Dr Alexandru Paziuc met en place la première entreprise sociale de Câmpulung Moldovenesc. Avec l’appui d’une fondation, Horizons, et du Dr Klaus Silberberger, un psychiatre allemand, ce projet emploie des personnes qui souffrent ou ont souffert d’un handicap mental. L’entreprise a loué les serres de la ville et compte produire des fleurs et des légumes, qui sont vendus. “Cela va créer environ trente emplois et, sur un poste, on peut employer deux à trois personnes, car, étant sous traitement, nombre d’entre elles ne travailleront que deux à trois heures par jour”, explique le psychiatre. Cette démarche consistant à intégrer le patient dans la vie professionnelle et à lui donner des responsabilités va même plus loin. Ainsi, à l’hôpital de Câmpulung Moldovenesc, un ancien patient a longtemps fait partie du conseil d’administration. “J’ai toujours dit que, lorsqu’on veut faire quelque chose pour le patient, il faut d’abord s’adresser aux intéressés eux-mêmes”, argumente le Dr Paziuc.
L’unité médicale de Câmpulung Moldovenesc peut traiter environ 1 200 patients par mois. Présent à l’hôpital, le Dr Silberberger, médecin à Kaufbeuren en Allemagne, est l’un des professionnels qui ont initié un système de soins psychiatriques communautaires. Il explique qu’outre les problèmes financiers, le plus gros problème dans les hôpitaux psychiatriques en Roumanie est lié aux mentalités locales. A Kaufbeuren (50 000 habitants), le nombre de lits en hôpital psychiatrique a été réduit, mais, en contrepartie, des services externalisés ont été développés. La grande majorité des malades n’ont pas besoin d’aller jusqu’à l’hôpital : ils disposent de centres où ils se rencontrent et passent leur temps libre, bénéficient de logements protégés et travaillent dans des entreprises sociales. “Cela compte beaucoup, car ils surmontent leur solitude, rencontrent d’autres personnes et accroissent leur estime de soi. Ce genre de prise en charge peut sembler cher, mais nous avons démontré que la réduction de la durée d’hospitalisation allège les coûts par ailleurs. Il est important que ces personnes soient traitées au sein même de la société, où elles doivent apprendre à mieux gérer la maladie”, ajoute Klaus Silberberger.
REPÈRE Histoire
Pendant l’époque communiste, les hôpitaux psychiatriques de Roumanie ont retenu prisonniers des dissidents ou autres personnes internées pour motifs politiques.
Après la chute du communisme, en 1990, un scandale a éclaté à la suite de la découverte par une commission d’enquête mandatée par la Commission européenne que des dizaines de patients étaient morts de faim et de froid dans l’hôpital spécialisé de Poiana Mare, non loin de la ville de Craiova (sud du pays).
Pendant l’époque communiste, les hôpitaux psychiatriques de Roumanie ont retenu prisonniers des dissidents ou autres personnes internées pour motifs politiques.
Après la chute du communisme, en 1990, un scandale a éclaté à la suite de la découverte par une commission d’enquête mandatée par la Commission européenne que des dizaines de patients étaient morts de faim et de froid dans l’hôpital spécialisé de Poiana Mare, non loin de la ville de Craiova (sud du pays).
Aujourd’hui, certains “hôpitaux des fous”, comme on les appelle encore en Roumanie, ont eux aussi intégré à leur conseil d’administration des malades en voie de récupération.
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