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dimanche 27 novembre 2011


Violences faites aux femmes : les 25 novembre se suivent et se ressemblent

Point de vue | LEMONDE.FR | 25.11.11 
Une affiche de la campagne d'éducation contre les comportements sexistes et les violences faites aux femmes diffusée en novembre 2006.

En 1999 l'Assemblée générale des Nations unies déclarait que le 25 novembre serait désormais la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Depuis, chaque année, les associations féministes se rassemblent pourinterpeller les gouvernements et faire reculer les violences sexistes.

En France, 75 000 femmes sont violées par an et plus de 150 meurent sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon. A peine 10 % des femmes violées portent plainte et environ 2 % des violeurs sont condamnés. Le harcèlement sexuel touche 40 % des femmes en Europe. Des chiffres qui dépassent l'entendement et qui ne bougent quasiment pas d'une année sur l'autre.
Comme chaque 25 novembre, nous aurons sans aucun doute l'occasion d'entendre le gouvernement rappeler ses engagements et le premier ministre fera quelques annonces pour prouver sa détermination. Jouant dangereusement sur l'émotion suscitée par un fait divers tragique, il déclarera vraisemblablement le renforcement des dispositifs répressifs qui s'avèrent depuis des années peu efficaces. Puisque nous sommes à quelques mois de la présidentielle, nul doute que les candidates et candidats à l'élection présidentielle s'engageront également sur le terrain de la lutte contre les violences.
Parce que les responsables politiques refusent de s'attaquer réellement aux violences sexistes, les 25 novembre se suivent et se ressemblent.
Les crimes sexistes sont un fait social et politique qui nécessite un engagement qui aille largement au-delà des mesures spécifiques contre les violences. Nous ne sommes pas uniquement en présence d'une succession de faits individuels dramatiques : quand 75 000 femmes sont violées chaque année dans un pays, cela fait société. Les violences sont à la fois l'expression la plus dure de la domination qui persiste sur les femmes et le reflet d'une organisation sexuée de notre société, où femmes et hommes, s'ils ont légalement les mêmes droits, n'ont pas encore les mêmes statuts et les mêmes possibilités d'émancipation.
Les violences sexistes ne sont pas, pour l'immense majorité d'entre elles, le fait de psychopathes, de malades qu'il faudrait soigner. Elles sont le fait d'hommes que tout le monde qualifierait de "banals", pour lesquels on dirait – on l'a d'ailleurs beaucoup entendu ces derniers mois – "je le connais bien, ce n'est pas possible". Des patrons comme des employés. Des riches comme des précaires. Des Français comme des étrangers. Des noirs comme des blancs.
Les violences sexistes concernent, pour l'immense majorité d'entre elles, des femmes que tout le monde qualifieraient de "banales", pour lesquelles on dirait"tiens, je n'aurais pas pensé que…". Des cheffes d'entreprise, des mères de famille, des étudiantes, des employées ou des cadres sup. Des femmes discrètes comme des grandes gueules. Des jeunes comme des personnes âgées. Des minces comme des rondes. Des hétérosexuelles comme des lesbiennes.
Ces violences sont une honte pour notre pays. Et tant que la chape de plomb qui pèse sur elle ne sera pas levée, l'égalité femmes hommes restera lettre morte.
Que la droite refuse d'aborder les violences comme un fait social, cela se comprend aisément, elle qui n'a jamais intégré dans son programme politique l'analyse des rapports sociaux de sexe. Pour elle, les violences seraient une déviance qu'à force de réprimer, on devrait pouvoir faire disparaître. De plus,vouloir lutter contre un fait social d'une telle ampleur demande quelques moyens : pour éduquer, pour prévenir, pour accueillir, pour juger, pour soutenirles associations. Et puisque le gouvernement a fait de la rigueur et de l'austérité l'alpha et l'oméga de sa politique, on l'imagine mal annoncer des moyens financiers pour lutter contre des crimes qui au final, passent pour l'immense majorité d'entre eux totalement inaperçus. La droite fait le pari qu'annoncer en grande pompe des mesures sécuritaires ramènera sans doute plus d'électeurs du Front national.
C'est à la gauche de répondre à l'aspiration exprimée par des dizaines de milliers de citoyennes et citoyens dans les différents appels lancés par les associations féministes. Luttant pour l'émancipation des individus de toute forme d'oppression, la gauche sait que les violences envers les femmes dans la sphère privée et publique sont imbriquées dans les inégalités qui existent dans toutes les sphères de la société : économique, politique et sociale. La gauche sait aussi que c'est en parlant des violences, en faisant de la domination masculine un sujet politique qu'on permettra de lever le silence et d'entendre la parole des femmes, aujourd'hui bafouée. La gauche sait enfin que si elle veut transformer en profondeur la société, elle doit faire de l'égalité femmes-hommes une priorité de son mandat.
Si le nouveau gouvernement qui arrivera au pouvoir en 2012 prend des mesures immédiates pour enfin appliquer la loi votée en juillet 2010, engage un travail massif de prévention, d'éducation et de formation des professionnels, nous pourrons peut-être nous retrouver le 25 novembre 2012 pour faire la fête. Mais pour ceci, il y a une condition indispensable : intégrer dans les logiciels politiques une analyse des rapports sociaux de sexe et affirmer la volonté de les transformer pour aller vers l'égalité. Sur ce sujet, à gauche, le travail est devant nous.

Faire d’une histoire douloureuse une force positive

Journée de réflexion sur les violences faites aux femmes, dans la commune d'Almensilla, près de Séville (M.G./Le Monde.fr)
Dans une salle municipale d'Almensilla, dans la banlieue de Séville, une trentaine de femmes de tous âges sont réunies à l'occasion d'une journée de réflexion sur les violences conjugales organisée par la mairie. Elles écoutent les témoignages d'Antonia Avalos Torres et de Gracia Prada (il y a quelques jours, nous vous avions présenté ces femmes et lacommunauté solidaire d'épargne et de crédit qu'elles ont mise en place).
L'auditoire est attentif et oscille entre bonne humeur et inquiétude quant à la gravité du sujet abordé."Aujourd'hui, vous nous voyez comme des femmes bien dans notre peau, bien maquillée, jolies, entreprenantes. Mais cela n'a pas toujours été le cas, explique Antonia, sans se départir d'un grand sourire. Avant, nous ne parlions pas. Mais notre message, c'est qu'on peut sortir de la violence." Gracia précise : "Le plus difficile quand on a subi des violences, c'est de l'admettre devant la société. Souvent, on a honte."
Antonia Avalos Torres et Gracia Prada livrent leurs témoignages aux habitantes d'Almensilla. (M.G./Le Monde.fr)
Antonia et Gracia ont fait de leur histoire un "témoignage positif". Elles ne se disent jamais "victimes", mais "survivantes". Aujourd'hui, elles aident et conseillent d'autres femmes ayant subi des violences, par le biais de la fondation Ana Bella qui les emploie, une association sévillane fondée en 2006 et qui vient d'être récompensée par le ministère de santé publique.
L'histoire de la fondatrice de l'association est elle-même exemplaire. Ana Bella s'est mariée à 18 ans. Bien trop tôt, dit-elle. Trop jeune pour réaliser que le comportement tyrannique de son mari, qui l'empêchait de sortir seule et la défiait en permanence, n'était pas un comportement "normal". Il aura fallu onze ans à Ana pour se résoudre à quitter le confort matériel d'une maison pour se retrouver du jour au lendemain dans un centre d'accueil avec ses quatre enfants de 8, 6, 4 ans et 9 mois. Sans expérience professionnelle, la jeune femme doit reprendre le travail et se battre pour offrir une vie digne à ses enfants. De cette difficile expérience, elle tire une motivation sans faille pour aider des femmes dans sa situation et décide de monter une association.
Ana Bella conseille des femmes victimes, les soutient dans les difficiles démarches juridiques, les accueille parfois plusieurs semaines ou plusieurs mois chez elle, se démène pour leur trouver du travail et un logement. Aujourd'hui, la Fondation est organisée, emploie une dizaine de femmes, est propriétaire de deux logements qui peuvent accueillir des familles, compte plusieurs juristes et psychologues bénévoles, a lancé une entreprise de nettoyage et une de catering.
Reportage sur la fondation Ana Bella réalisé par Canal Sur
La prévention dans des écoles et l'apport de témoignages, comme ici à Almensilla, est un autre aspect essentiel du travail de la Fondation. A Almensilla, la discussion s'échauffe quand le débat porte sur le dépôt de plainte. A quel moment faut-il le faire ? Les assistantes sociales d'Almensilla insistent pour déposer plainte au plus vite. Antonia et Gracia nuancent : "Le plus important pour porter plainte est de se sentir d'abord protégée. Nous ne pouvons faire pression pour dénoncer car nous savons la panique que cela peut provoquer." Pour Antonia, le processus doit être engagé par la femme, quand elle se sent prête. "Chacune doit faire son propre cheminement pour acquérir sa liberté. Notre devoir est d'apporter tous les outils – juridiques, médicaux, psychologiques, financiers – nécessaires à ce processus. Mais la démarche doit venir de chacune."
Chary Contreros approuve. Elle aussi a longuement hésité avant de porter plainte et a gardé un souvenir amer de certains rendez-vous avec des assistantes sociales qui la poussaient à engager les démarches alors qu'elle ne se sentait pas prête. Aujourd'hui, femme fière et indépendante, à la tête d'une petite entreprise de nettoyage, Chary a néanmoins toujours peur. Son ancien mari habite dans le même village, il lui arrive de voir sa voiture garée près de la boulangerie ou du distributeur automatique. "Je ne peux pas quitter ce village. Mes parents vivent ici et ils ont besoin de moi", dit-elle, tout en estimant qu'un jour, pour être complètement libérée, il lui faudra certainement faire le pas.
La lutte contre les violences conjugales en Espagne
Fin 2004, l'Espagne votait l'une des lois les plus avancées contre les violences de genre. Adoptée à l'unanimité des députés, l'Espagne a été un des premiers pays à prendre le problème comme un phénomène global, affectant tous les aspects de la vie des femmes. La loi a posé les galons d'une série de mesures s'appliquant dans les domaines de l'éducation et de la prévention, de la santé, de l'accueil et de la protection des victimes, de la formation professionnelle, etc. La législation est enviée à l'étranger, mais suscite quelques critiques en interne. "Quand sept ans après son entrée en vigueur, on dénombre 500 assassinats, il est difficile de rester optimiste sur l'efficacité de cette loi", écrit l'avocate féministe Lidia Falcon dans le quotidienPublico, qui reproche à cette législation d'être trop restrictive sur les cas auxquels elle s'applique.
Mathilde Gérard

Le viol conjugal, un crime peu sanctionné

LEMONDE | 25.11.11
Première image d'un montage de photos tirées d'un film de sensibilisation pour renforcer la lutte contre les violences conjugales.
Première image d'un montage de photos tirées d'un film de sensibilisation pour renforcer la lutte contre les violences conjugales.AFP/-
Devant la juge, l'homme reconnaît les viols, ce qui devrait donner lieu à un procès en assises. Néanmoins, la vice-procureure du tribunal de Paris, Danièle Marhic, suggère à Elodie de "correctionnaliser" son affaire, requalifiée en "agression sexuelle". Elle accepte, afin que son époux soit moins lourdement sanctionné. Il est condamné à dix-huit mois de prison avec sursis, et 600 euros de dommages et intérêts, ce qui ne couvre même pas les frais d'avocat.
Cette histoire est emblématique des affaires de viol conjugal, estime le Collectif féministe contre le viol (CFCV). "Très souvent, la violence physique commence pendant la grossesse", a constaté Marie-France Casalis, cofondatrice du CFCV, lors d'un colloque organisé par la Préfecture de police de Paris. Les experts psychologiques ont d'ailleurs noté que le mari d'Elodie P. souffre d'une "forte angoisse d'abandon", réactivée par l'arrivée du deuxième enfant.
"DÉQUALIFIÉS"
On reconnaît dans cette affaire un phénomène d'emprise, dont les ressorts ont été mis au jour par la psychiatre Marie-France Hirigoyen. D'abord, le mari impose l'isolement, vis-à-vis de la famille, des amis qui, à ses yeux, "sont tous des imbéciles", a expliqué Mme Casalis. Souvent il y a privation du téléphone, comme a essayé de le faire le mari d'Elodie.
Ces tentatives s'accompagnent souvent d'humiliations, de paroles dévalorisantes. "Ces femmes perdent l'estime d'elles-mêmes", explique MmeCasalis. Le mari inverse les responsabilités : si la relation s'est envenimée, c'est la faute de la femme. Une stratégie pour la dissuader de porter plainte. L'homme instaure un climat de peur, tout "en étant charmant avec les policiers ou les thérapeutes". Il tape, mais "fait croire qu'il n'y a pas eu d'agression, en offrant des fleurs ou un dîner au restaurant, constate Mme Casalis. Si bien que ces femmes qui viennent nous demander de l'aide nous disent : "Il est tellement gentil !"...".
Ce qui les décide à porter plainte, c'est la peur que le mari s'en prenne aux enfants. Elles le font à leurs risques et périls. Elles peuvent, certes, demander en urgence une protection au juge aux affaires familiales. Mais il se passera au moins un mois avant l'audience contradictoire. Une période pendant laquelle tout peut arriver, et parfois le pire, constate l'avocate d'Elodie, Me Isabelle Steyer.
Lorsqu'elles ont le courage de maintenir leur plainte, en dépit des pressions et de leur propre ambivalence, les faits sont systématiquement "déqualifiés", ironise le Collectif, pour suggérer qu'ils sont requalifiés "à la baisse". "Les affaires sont renvoyées devant le tribunal correctionnel, alors qu'elles relèvent des assises, parce que la justice n'a pas les moyens d'une audience de deux jours avec des jurés payés, et que les prisons sont saturées", déplore le Collectif.
En 2010, il y a eu 35 condamnations aux assises, 194 en correctionnelle. Le viol conjugal est passible de vingt ans de prison. L'agression sexuelle, elle, de sept ans.

CFCV.asso.fr. Tél. : 0800-05-95-95.

 


Le plan 2011-2013 de lutte contre les violences faites aux femmes

Le troisième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes couvre la période de 2011 à 2013. Il s’inscrit dans la continuité des précédents en maintenant sur les questions de violences intrafamiliales, de mariages forcés et de polygamie une vigilance soutenue. Mais il aborde également la question des violences sexistes et sexuelles au travail, ainsi que le viol et les agressions sexuelles, et les liens entre la prostitution et la traite des êtres humains. Il conjugue trois orientations : protection, prévention et solidarité.
Protection : dans chaque département seront mis en place un accueil de jour en charge de préparer ou d’éviter le départ du domicile de la femme victime d’un conjoint violent, un « référent violences » coordonnateur de l’action publique et un lieu de rencontre familiale permettant que la femme victime de violences au sein du couple ne soit pas exposée lorsque le conjoint éloigné du domicile rencontre leurs enfants communs.
Prévention : un programme d’études permettra d’évaluer l’efficacité des politiques publiques sur l’ensemble des volets du plan. Des formations destinées à améliorer le repérage et la prévention des situations de violence seront dispensées à l’ensemble des professionnels : magistrats, policiers et gendarmes, travailleurs sociaux, professionnels de santé et aussi personnels des ambassades et des consulats et personnels de l’état civil.
Solidarité : les violences faites aux femmes engagent la responsabilité citoyenne des personnes témoins de ces violences, proches, voisins, ou collègues de travail. Trois campagnes d’information seront lancées à destination du grand public sur la dénonciation du viol, sur les violences sexistes et sexuelles au travail et sur les liens existant entre prostitution et traite des êtres humains.
Au lendemain de la grande cause nationale 2010 dédiée aux violences conjugales, ce plan témoigne que la lutte contre les violences faites aux femmes est au coeur des préoccupations du Gouvernement. Il mobilisera 31,6 millions d’euros sur trois ans, soit une augmentation de plus de 30 % par rapport au plan précédent.
Synthèse du plan (pdf - 96.1 ko)


Les RTT, un dossier en souffrance pour les personnels des hôpitaux

LEMONDE.FR | 24.11.11

Six mois de RTT à poser en moins de six semaines. C'est à cette impossible équation qu'une réunion entre le ministre de la santé et les syndicats de médecins hospitaliers a tenté de répondre, mercredi 23 novembre. Au lendemain de cette troisième rencontre depuis la rentrée, le résultat est cinglant : le dossier est bloqué, selon les syndicats.

"CRISE DE CONFIANCE" ENTRE MINISTÈRE ET MÉDECINS
La réunion, pourtant, commençait sur un accord entre la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) du ministère de la santé et les syndicats : "pour la première fois, l'administration validait nos estimations alors que, jusqu'à présent, nous n'avions aucune base documentaire", explique au Monde.fr le Dr François Aubard, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH). Comme le plus important syndicat de praticiens, le ministère de la santé constatait  les 2,1 millions de jours de RTT acumulés par les 41 000 médecins hospitaliers. Pour chaque médecin, c'est environ six mois de RTT qui ont été stockées sur des comptes épargne-temps (CET) et dont l'échéance arrive le 2 janvier 2012. Une date connue de tous : le dossier est vieux de dix ans, lorsque la loi sur les 35 heures est appliquée aux hôpitaux publics.
C'est dans ce contexte que le syndicat a proposé trois pistes mercredi : la"monétisation" ou le paiement d'une partie de ces journées ; l'utilisation de congés ; la transformation de ces CET en point-retraites. Joint par Le Monde.fr, le ministère de la santé affirme que toutes les pistes sont étudiées, avec une"solution mixte" possible, et un prolongement de la date butoir du 2 janvier 2012. Réaction du CMH : tous les médecins sont appelés à poser leurs congés dès janvier 2012. Une forme de menace devant la "crise de confiance" entre le ministère de la santé et les médecins, déplore le Dr François Aubard. Le médecin estime qu'avec un projet de décret incluant les trois solutions, le gouvernement n'agit pas et "repousse le problème". Devant la crainte de perdre ces heures, et afin de garantir leur paiement, le syndicat médecin a même demandé la"sanctuarisation" de ces CET par la Caisse des dépôts et consignations.
PAS DE PERSONNEL, PAS DE BUDGET
Si, depuis 2002, les journées de RTT s'accumulent, c'est pour deux raisons. D'abord parce que le personnel manque pour remplacer les médecins en congés. Ensuite parce que le budget fait défaut pour payer ces heures de repos qui ne peuvent pas être prises par les praticiens surchargés de travail. Une première fois, en 2008, un remboursement partiel de ces RTT est mis en place : 30 % des stocks sont rachetés. A l'époque, Hervé (son nom a été changé), chirurgien à Marseille, entre en litige avec son établissement. "Les 30 % m'ont été versés de façon parcellaire", commente le médecin "l'hôpital n'avait pas d'argent". Il décide de poursuivre son hôpital au tribunal administratif, pourrecevoir la totalité de la somme trois ans plus tard, au printemps 2011. Selon le Dr François Aubard, ce genre de litige est courant, "les engagements de 2008 [n'ayant] pas été tenus". Et trois ans plus tard, Hervé a encore environ 140 journées de récupérations à poser.
Une première fois, en 2008, un remboursement partiel des RTT est mis en place : 30 % des stocks sont rachetés.AFP/PATRICE COPPEE
Au sein de l'hôpital, la situation des médecins est particulière : le rachat de leur CET est particulièrement cher, 300 euros bruts par journée. A elles seules, les RTT des 41 000 médecins représentent la moitié des heures accumulées par les 411 000 salariés des hôpitaux. Le coût pour l'Etat de cette monétisation s'élèverait ainsi à quelque 600 millions d'euros. Autre spécificité : le métier est caractérisé par une démographie déclinante. "Entre 2010 et 2018, 31 % des praticiens vont partir à la retraite", explique le président du syndicat. Une caractéristique qui rend la transformation des CET en point-retraites peu séduisante pour le gouvernement, et réduit les solutions envisageables.
TOUT L'HÔPITAL EN SURPLUS DE RTT
A l'hôpital, la question des RTT ne se limite pas aux médecins. Le coût de leurs journées est un peu moins élevé et leur situation se règle généralement chaque année, mais les autres catégories de salariés ont également accumulé un peu moins de deux millions de RTT. "On pensait que ces RTT soulageraient notre charge de travail. Etant donné que nous sommes toujours sur le qui-vive, cela fait du bien d'avoir des jours de repos en plus," commente un aide-soignant en psychiatrie sous réserve d'anonymat, de peur que "sa direction ne lui mette la pression".
Car dans les hôpitaux, l'ambiance est pénible, témoignent aide-soignants et infirmiers : les équipes fonctionnent "à flux tendus". L'organisation des plannings est source de tensions et de pressions. En huit mois de travail, cet aide-soignant d'un hôpital de l'ouest de la France a cumulé 90 heures de RTT, essentiellement pendant l'été lorsque le personnel prend ses congés. "J'aimerais qu'on m'en paye la moitié, mais ils ne le feront pas : le budget est trop serré. Nous sommes dans un cul-de sac, mais j'essaierai de me battre pour ne pas perdre ces heures"témoigne l'aide-soignant.
En filigrane, c'est donc le manque de moyens de l'hôpital qui se dessine derrière l'accumulation de RTT. "Les conditions de travail se dégradent, l'hôpital est plein, le personnel démotivé, épuisé", rapporte l'aide-soignant. Dans son service, pendant la période particulièrement tendue de l'été, une infirmière retraitée a été rappelée, avant de revenir pour un contrat de deux mois cet hiver. Un autre salarié a également effectué des remplacements, au pied levé, tandis que des infirmières d'autres services viennent aussi ponctuellement prêter main-forte. Un système qui impacte la qualité des soins :  "c'est l'enfer", commente l'aide-soignant, "les remplaçants ne connaissent rien à la psychiatrie et le patients aussi ont peur".
"BIDOUILLAGE" GÉNÉRALISÉ
Les RTT sont alors prises dans le "bidouillage", hors des échéances et du cadre posés par la loi, explique une infirmière d'un hôpital du nord de la France sous couvert d'anonymat, avec une "négociation" permanente entre les cadres et le personnel. Dans son établissement, l'aide-soignant en psychiatrie évoque "des magouilles", tandis qu'Hervé, le chirurgien, compte cumuler suffisamment de jours de repos pour prendre une année sabbatique.
Alors qu'il est demandé aux directeurs d'hôpitaux de présenter un budget en équilibre en 2012, certains craignent que le coût de ces RTT plombe l'assurance maladie. "Les hôpitaux n'ont en provision que l'équivalent de 30 % de ces RTT selon les syndicats, 50 % selon le ministère", estime le Dr François Aubart. Certains hôpitaux sont "face à un vrai problème d'approvisionnement", admet le ministère de la santé. Au ministère, sans s'avancer sur des solutions privilégiées, on n'écarte pas que des fonds soient "débloqués" pour les établissements en difficulté. Pour désamorcer l'explosion des RTT, une quatrième réunion avec les syndicats est prévue avant la fin de l'année, le 5 décembre.
Flora Genoux


Paiement des RTT des médecins hospitaliers : blocage entre gouvernement et syndicats

LEMONDE.FR avec AFP | 24.11.11

Les syndicats de médecins hospitaliers ont déploré, mercredi 23 novembre, que le ministère de la santé refuse de s'engager à leur payer, d'une manière ou d'une autre, avant la fin de l'année, les 2 millions de jours de RTT qui se sont accumulés sur leurs comptes épargne-temps (CET).

Résultat de l'application de la loi sur les 35 heures aux hôpitaux publics en 2002, plusieurs millions de journées de RTT n'ont pu être prises par les personnels, en raison de leur important temps de présence auprès des malades. A eux seuls, les 41 000 médecins représentent la moitié des RTT accumulés par les 411 000 salariés des 1 300 hôpitaux publics français. Chaque médecin a stocké en moyenne environ six mois de RTT. Le coût pour l'Etat d'un remboursement de ces journées s'élève à quelque 600 millions d'euros. Un peu moins de deux autres millions de RTT ont été accumulés par d'autres catégories de salariés des hôpitaux, notamment des directeurs et des cadres, mais le coût pour l'Etat est moins élevé.
Une troisième réunion de concertation depuis le mois de septembre entre les syndicats de médecins hospitaliers et la direction générale de l'offre de soins (DGOS) du ministère de la santé n'a pas rassuré les praticiens, qui craignent devoir s'évaporer ces RTT difficiles à prendre.
PROBLÈME CONNU DEPUIS DES ANNÉES
"Nous sommes dans une situation de blocage", a déclaré le docteur François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), un des plus importants syndicats de praticiens hospitaliers, qui entend faire monter la pression. "Devant le risque de remise en cause de la notion même de CET, nous allons réunir nos instances jeudi et je vais proposer que nos membres déposent des demandes de congés dès janvier", a-t-il affirmé. Le président de la CMH a indiqué qu'il se pourrait que d'autres syndicats de praticiens fassent de même car"il y avait un constat partagé autour de la table" du côté des médecins de cette situation de blocage. Selon le Dr Aubart, le gouvernement a trop tardé pourrégler un dossier dont on connaît l'échéance depuis près de dix ans.
PLUSIEURS OPTIONS
L'une des solutions pour apurer ce stock de RTT est la "monétisation", c'est-à-dire le paiement aux médecins de tout ou partie de ces journées. Un remboursement partiel des RTT par le gouvernement a eu lieu en 2008, à hauteur de 168 millions, soit 30 % du stock de l'époque, selon le journal Le Parisien. Mais depuis, les CET des médecins se sont à nouveau remplis.
Un autre moyen de régler le problème est d'inciter les médecins à prendrerégulièrement leurs congés en les remplaçant. Mais cette solution est peu réaliste car les praticiens absents sont difficiles à remplacer, surtout dans les petits établissements. Il y a même, dans certains cas, des postes vacants non pourvus.
Dernière piste possible : transformer le CET en compte épargne-retraite permettant au médecin de partir avant 67 ans, l'âge de départ pour les praticiens depuis la réforme, ou encore de travailler à temps partiel les dernières années avant la cessation d'activité. Cette solution séduit nombre de médecins, mais beaucoup moins le gouvernement, étant donné que la moyenne d'âge des praticiens est déjà élevée (57-58 ans) et que les départs à la retraite vont s'accélérer dans les prochaines années.
Selon le Dr Aubart, la DGOS ne s'est avancée sur aucune des trois solutions possibles. "On nous a seulement proposé de publier un décret visant à autoriserles trois options", c'est-à-dire en remettant à plus tard le règlement de cette question.


Mineurs : Claude Guéant veut donner au parquet un pouvoir de "sanction immédiate"

LEMONDE.FR avec AFP | 23.11.11
Regrettant le manque de cohérence des textes régissant la législation des mineurs, il a appelé à "adapter la loi à l'évolution des réalités".
Regrettant le manque de cohérence des textes régissant la législation des mineurs, il a appelé à "adapter la loi à l'évolution des réalités". AFP/LIONEL BONAVENTURE
"Les cours d'assises des mineurs siègent cinq ans après la commission des actes", a regretté le ministre, lors d'un entretien avec l'AFP concernant l'étude annuelle de l'ONDRP sur la délinquance qui, selon lui, montre "une augmentation de la violence des actes commis par des mineurs".
"Il faut trouver les moyens d'une réponse plus rapide, par exemple, en enserrant le temps de l'instruction, le temps du jugement, dans des délais raisonnables, qui seraient fixés par la loi, par exemple en donnant aux parquets des compétences de sanction immédiate", a argumenté le ministre. M. Guéant a répété sa volonté de voir s'engager "un travail pour aboutir à la création d'un nouveau code pénal des mineurs""un travail pour après les élections présidentielle et législatives".
"UNE RÉPONSE IMMÉDIATE"
Regrettant le manque de cohérence des textes régissant la législation des mineurs, il a appelé à "adapter la loi à l'évolution des réalités". Le ministre souhaite "mettre fin" au sentiment d'"impunité" qu'auraient, selon lui, les mineurs délinquants. "Il faut que la justice des mineurs puisse avoir une réponse immédiate. Il faut au minimum qu'il y ait un placement dans des institutions qui permettent un rappel à l'ordre, une remise dans le droit chemin. Puis, il faut aussitraiter de la rapidité de la justice des mineurs", a-t-il énuméré.
Après le meurtre d'Agnès, 13 ans, avoué par un lycéen de son établissement, M. Guéant avait déjà indiqué que la réforme de la justice des mineurs et de l'ordonnance de 1945 serait "une des priorités" après les élections du printemps.

Pour en savoir plus :
>> Lire l'article du Monde sur le rapport de l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP) :  "Les mineurs commettent la moitié des vols violents"
>> Lire l'analyse que fait le sociologue Laurent Mucchielli du rapport de l'ONDRP : "Le rapport de l'ONDRP dément en réalité l'augmentation des violences"


RÈGNE ANIMAL – L’homme est-il seul à pouvoir se suicider ?

On connaît l'exemple du chien fidèle se laissant mourir après son maître ; on a vu un canard se maintenir sous l'eau assez longtemps pour se noyer après la mort de son partenaire, des rats-taupes nus atteints d’une maladie contagieuse aller mourir seuls,loin de leur colonie, et des baleines se jeter par dizaines sur les plages, comme le 14 novembre dernier sur la pointe de Farewell ("adieu", en anglais), en Nouvelle Zélande, en un simulacre de suicide collectif désespérant  – les autorités locales se sont résolues à euthanasier les survivantes deux jours plus tard, rappelle Slate.
Mais peut-on aller au-delà de comparaisons anthropomorphiques plus ou moins douteuses, se demande aujourd'hui Slate, et affirmer qu'une bête est capable de se suicider ? Un animal peut-il avoir conscience de son existence et conceptualiser la relation de cause à effet qui mènera de son acte à sa disparition, éventuellement à l'abrègement de ses souffrances ?
La question a passionné les scientifiques et la presse anglaise à l'époque victorienne, rappelait en 2010 Edmund Ramsden, chercheur au département d'histoire de l'université d'Exeter. A partir de l'année 1845, on vit ainsi fleurir les drames animaliers dans les feuilles d'outre-Manche, tel "le cas d’un chien de race terre-neuve qui s’était, à plusieurs reprises, jeté à l’eau, restant immobile et 'gardant obstinément la tête sous l’eau pendant quelques minutes'", rappelle Slate (c'est alors que l'affaire du canard amoureux mentionné ci-dessus avait été évoquée).
Bravement, donc, Slate rassemble des éléments de preuve modernes. Le site souligne que certains animaux, dauphinsprimatespies et éléphants, en reconnaissant leur image dans un miroir pourraient démontrer une certaine conscience de leur individualité. Certains savent "faire semblant", en jouant : serait-ce le signe d'une capacité à se projeter au-delà de ce monde matériel ?
Poussant vers des espèces dont les états d'âme indiffèrent la plupart d'entre nous, Slate relève que certaines algues unicellulaires peuvent, face à un stress pourtant surmontable, activer un processus de mort programmée. "Des chercheurs ont récemment découvert que le 'suicide' de certaines cellules favorisait la croissance des cellules survivantes." Ces algues meurent donc "pour le bien de la communauté", en martyrs.
Enfin, Slate note l'existence d'un parasite qui provoque chez les rongeurs une certaine attirance pour leur pire ennemi, le chat, et se demande si ledit parasite,Toxoplasma gondii, pourrait également infecter l'humain et le pousser ainsi à passer à l'acte, en conscience altérée, mais en conscience tout de même.
Photo : AFP PHOTO/MARIO LAPORTA
Tribune de Genève



23.11.2011

La neuropsychanalyse, un « faux-nez » pour la psychanalyse?

À la fin des années 80, dans la foulée de la parution de L’homme neuronal, le mensuel La Recherchefaisait état d’un dialogue manqué entre le psychanalyste André Green et le neurobiologiste Jean Pierre Changeux1. L’approche scientifique était accusée par le psychanalyste de « déni de la vie psychique » et plus généralement, de présenter une vision réductionniste de l’homme. En dépit de quelques tentatives isolées, le dialogue semblait impossible, d’autant que les années 90 virent, surtout hors de France, la psychanalyse et Freud remis en cause2. C’est pourquoi, lorsqu’en 19983 et 19994, Eric Kandel publiait dans la grande revue américaine de psychiatrie (Am J Psychiatry) deux articles (le second venant compléter et préciser l’objet du premier qui avait été à l’origine d’une correspondance très animée) invitant la psychanalyse à se rapprocher des neurosciences, ces parutions connurent immédiatement un certain retentissement, au point d’être traduits in extensodans une revue française d’obédience psychanalytique assez stricte (L’Évolution Psychiatrique5). Il est possible que les travaux de Kandel sur l’aplysie, un mollusque marin, qui lui ont valu un prix Nobel en 2000 pour la découverte du mécanisme de la potentialisation à long terme (LTP), support de la mémoire à l’échelle synaptique, ne constituent pas le meilleur viatique pour aborder le domaine du refoulement et de la résolution de l’Œdipe. Nonobstant, l’obtention du Nobel conférait finalement à ces considérations, somme toute assez générales, une légitimité naturelle à ouvrir des voies nouvelles6. De fait, ces deux articles contribueront à précipiter la création d’une discipline alors encore en pénible gestation aux mains de quelques initiés new-yorkais du Neuroscience and Psychoanalysis Study Group au NYPY depuis les années 90 : la « neuropsychanalyse ». Une société internationale de neuropsychanalyse est alors fondée en 2000, dont le 10e congrès annuel s’est tenu à Paris en 2010 et dont la revue « Neuropsychoanalysis » est l’organe officiel (http://www.neuro-psa.org.uk/npsa/). Les ouvrages vont suivre, avec notamment, en langue française, et particulièrement ces cinq dernières années, plusieurs livres édités chez des éditeurs généralistes7, y compris et jusque dans la collection « Que Sais-Je ? » des PUF, témoignant d’un certain dynamisme et d’un soif de reconnaissance. Découverte majeure ? Effet de mode ? Tentative de sauvetage ? Les neurosciences des émotions, l’étude des processus non conscients, l’asymétrie fonctionnelle cérébrale, parmi d’autres, sont des domaines de recherche qui n’ont pas attendu la «neuropsychanalyse » pour être sérieusement investis. Le plaquage des concepts psychanalytiques (refoulement, pulsion, Oedipe) sur les résultats issus de ces recherches apparaît dès lors comme une simple méthode interprétative, qui ne peut constituer autre chose qu’une lecture orientée – et nullement scientifique – de données élaborées dans un tout autre contexte…


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