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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 28 septembre 2011


Le Baclofène, à consommer avec précaution

29.08.11

Les témoignages sont nombreux de personnes sorties de l'alcool grâce au Baclofène. "Après trente années d'alcoolisme, j'ai un jour entendu parler du Baclofène sur France Inter en février 2010, raconte Yves Brasey. Une révélation : un médicament existait pour guérir de l'alcoolisme sans se résigner à une abstinence à vie ! Je suis sorti de mon déniavec l'aide de ma compagne. Il y a eu un moment magique. Je n'ai plus ressenti l'envie irrépressible de boire." Cet ancien chef d'entreprise de 57 ans, vice-président de l'association Baclofène, prend aujourd'hui 30 mg/jour et va tenter d'arrêter définitivement le médicament."Aujourd'hui, je bois raisonnablement de l'alcool, je ne suis plus dépendant. Je suis guéri.


"Commercialisé depuis 1974 (sous le nom de Liorésal et ses génériques), le Baclofène est un relaxant musculaire, qui agit dans le traitement des contractures douloureuses d'origine neurologique. Les premières études mentionnant son effet sur la réduction de l'envie d'alcool datent de plus de dix ans. Mais les posologies utilisées dans ce cas sont supérieures à celles validées par l'autorisation de mise sur le marché (AMM), qui sont au maximum de 80 mg/jour en indication neurologique.Il est donc prescrit hors AMM dans cette indication. Des médecins le délivrent, d'autres non. Mais les faits sont là : les demandes ne cessent de croître. Les ventes ont doublé entre 2000 et 2010, avec une augmentation plus marquée depuis 2008, selon un compte rendu interne de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Le nombre de patients sous Baclofène est passé de 80 000 en 2007 à quelque 100 000 en 2010. Ainsi, 20 000 personnes prennent cette molécule pour combattre l'alcool.
Devant cet engouement, l'Afssaps s'est emparée du sujet et a adressé, début juin
, "une mise en garde contre une utilisation du Baclofène chez les patients alcoolo-dépendants", en raison de "l'absence de données robustes d'efficacité dans cette indication" et a rappelé les risques.L'annonce, cet été, d'un nouvel essai thérapeutique a relancé le débat. Il va êtremené par le docteur Philippe Jaury, médecin libéral et professeur de médecine générale à Paris-Descartes, auprès de 300 personnes en ambulatoire. "Notre hypothèse est que le placebo marche à 20 % et que le Baclofène marche entre 40 % et 60 %", prévoit le docteur Jaury. Cet essai va être associé à une autre étude, annoncée depuis de longs mois. Elle est coordonnée par le professeur Michel Detilleux, responsable de l'unité d'alcoologie de l'hôpital Cochin, et vaporter sur 210 patients avec une posologie maximale de 90 mg/jour, en milieu hospitalier. Certains regrettent sa trop faible posologie. Le service d'addictologie de l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif va également piloter cet essai."Une validation scientifique est indispensable", indique le docteur Bertrand Nalpas, directeur de recherche à l'Inserm. "Je n'ai pas d'hostilité au médicament, mais la question est : "Le Baclofène a-t-il un intérêt dans cette pathologie, et si ça marche pour 50 % des patients, quelle est leur typologie ?"", questionne le docteur Nalpas.En attendant les résultats, d'ici un an, la Société française d'alcoologie a rédigé un rapport prudent. "L'idée n'est pas de dire de ne pas utiliser ce médicament, mais de prendre des précautions", explique le Pr François Paille, auteur du rapport, président de la Fédération française d'addictologie. "On ne peut pas sepasser des règles habituelles d'évaluation des médicaments pour cette pathologie", ajoute-t-il.Renaud de Beaurepaire, responsable du pôle de psychiatrie de l'hôpital Paul-Guiraud à Villejuif (Val-de-Marne), y croit. Fin 2008, il a ouvert une consultation hebdomadaire Baclofène. "Je traite plus de 300 patients avec un effet optimal chez environ 50 % d'entre eux. 15 % à 20 % pour lesquels ça ne fonctionne pas. Je constate beaucoup d'effets secondaires, mais toujours bénins." C'est le livre du docteur Olivier Ameisen, cardiologue, Le Dernier Verre (éd. Denoël, 2008), qui a changé la donne. Il y raconte sa guérison de l'alcoolisme grâce au Baclofène à hautes doses (jusqu'à 270 mg/jour).Des associations se sont créées, Aubes en janvier 2010, Baclofène en mai, afin"d'aider les gens à trouver des prescripteurs", explique Sylvie Imbert, présidente de l'association Baclofène. 
Sites et forums vantent les effets "miraculeux" du Baclofène et son innocuité.
"Il n'y a pas de remède miracle à cette maladie multifactorielle. Mais je prescris du Baclofène depuis deux ans à une centaine de patients. C'est un formidable anxiolytique. Mais les effets secondaires ne sont pas anodins. Il a été bénéfique pour 25 à 30 personnes. La moitié a dû l'arrêter. Je mets en garde contre l'automédication", précise Philippe Batel, psychiatre et addictologue.Le sujet reste très controversé. Les réunions à l'Afssaps à ce sujet ont été houleuses. "La lenteur des essais s'explique peut-être par le fait que le Baclofène n'est plus rentable pour les laboratoires", ironise le docteur Ameisen.Pascale Santi

L'alcool, troisième cause de mortalité en France

Selon la Société française d'alcoologie, environ 10 % des adultes en France ont une consommation problématique d'alcool (soit 4 à 4,5 millions), dont 1,5 à 2 millions de personnes, surtout des hommes, alcoolo-dépendantes. En 2007, 110 000 séjours hospitaliers sont directement liés à des pathologies provoquées par l'abus d'alcool.

Troisième cause de mortalité en France, l'alcool serait responsable de plus de 40 000 décès directs et indirects chaque année. Il serait la cause de 30 % des accidents mortels de la route, soit 2 200 décès par an.

La consommation d'alcool est en baisse en France, qui fait toutefois partie des pays les plus consommateurs, avec 12,3 litres d'alcool vendus par habitant de 15 ans et plus, selon le Credoc. Les deux tiers des volumes de boissons alcoolisées bues sont des vins. Les catégories les plus aisées sont celles qui en consomment le plus.

Une consommation normale, selon l'OMS, est de 3 verres au maximum chez les hommes et de 2 verres chez les femmes.



MERCREDI 17 AOÛT 2011


Vitesses

Jérôme Lèbre
b
Août 2011 – Hermann – “Le bel aujourd’hui” – 28 €

L'accélération des transports et de l'information donne le sentiment que tout va trop vite, et de plus en plus vite, jusqu'au temps lui-même. Mais cette impression générale de vitesse absorbe sans vraiment rassembler le mouvement local, la perception de l'espace et du temps, l'expérience de l'écriture ou de la pensée. Elle risque de nous laisser aux prises avec une vitesse unique qui n'est qu'une ombre projetée par un impensé : celui de la valeur profonde de la lenteur, du repos, des racines et de la Terre. Cet essai vise à combattre cet impensé et à insister sur la pluralité des vitesses. Il défend l'idée que toute vitesse se mesure sur le fond incommensurable d'une vitesse infinie, qui n'est de l'ordre de l'expérience que si l'expérience elle-même (donc aussi l'impression de vitesse) n'est pas univoque. Contre l'attente d'une catastrophe généralisée, il entend préserver l'imprévisibilité des événements et la survenue à contretemps de chaque invention.

Librairie La Procure


Pathosophie
Pathosophie
Viktor von Weizsäcker
traduit de l'allemand par Joris De Bisschop, Michèle Gennart, Marc Ledoux et al.
J. Millon , Grenoble
collection Krisis
Parution :  avril 2011


RésuméL'auteur, considéré comme l'un des fondateurs de l'anthropologie médicale, avait choisi de pratiquer la médecine dite interne et de combiner cette pratique avec la pensée philosophique et psychanalytique. il montre comment l'ordonnancement dynamique et les moments critiques sont dictés par le souci de situer l'homme malade dans la mise à l'épreuve qu'est la vie (le pathique).

Quatrième de couvertureAvec Pathosophie, Viktor von Weizsäcker construit une nouvelle anthropologie dans laquelle la dimension passionnelle et pathique de l'homme est à la fois la base et l'origine d'une médecine repensée de pied en cap.

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JEUDI 21 JUILLET 2011


L’EN-JE LACANIEN n°16 : La Parole / L’Ecrit

Rédacteurs en chef : Michel Bousseyroux, Didier Castanet et Antonio Quinet
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Editions Erès – Juin 2011 – 25 €

Lacan a d'abord privilégié la fonction de la parole (pleine), puis celle de l'écrit, à partir de l'instance de la lettre. Qu'est-ce que l'inconscient dans son rapport à la parole ? C'est la pensée, le pensé insu, inconscient. Entre ce pensé et le parlé, il y a un écart qui se retrouve entre le parlé et l'écrit. Dans cet écart, il y a l'inconscient en tant qu'il est de l'ordre de ce qui se lit avant tout. Mais d'écrit, dans l'inconscient, il y a plus que l'on n'écroit. Or, l'écrit, Lacan le rappelle, est fait pour ne pas se lire, et c'est ce pouvoir d'illecture qu'a aussi à maintenir le psychanalyste.

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dimanche 25 septembre 2011


MERCREDI 21 SEPTEMBRE 2011


Psychanalyse et politique : les liaisons dangereuses ?

(cet article est une version de travail. Pour consulter l'article final, publié dans Le Cercle psy, cliquez ici.)


Nous sommes en 1929. Alors qu'une terrible crise économique s'abat sur le monde, Sigmund Freud est d'humeur maussade. Sa santé est mauvaise, il n'est guère optimiste sur son avenir et s'ennuie à Berlin. Jusqu'au jour où il rencontre William C. Bullit, diplomate américain aussi familier de la Maison Blanche que de Lénine. Les deux hommes lient conversation. Leur causerie aboutira au texte probablement le plus atypique du corpus freudien : un stupéfiant portrait psychopathologique du président Thomas W. Wilson, plus connu pour son plan de reconstruction de L'Europe en « quatorze pointes » que pour sa certitude d'être en communication directe avec Dieu à toute heure du jour et de la nuit. Si Freud ne s'est jamais engagé dans un parti politique et qu'il n'est ni le réactionnaire fascisantque certains ont voulu voir, ni un progressiste en matière politique, on trouve dans plusieurs de ses textes, deTotem et Tabou à Pourquoi la Guerre ? en passant parPsychologie des foules et analyse du moi et Malaise dans la civilisation des réflexions sur la répression des pulsions dans la civilisation contemporaine et les raisons sociales des névroses. A la fin de Malaise dans la culture, Freud mentionne l'existence de « névroses sociales » qui frapperaient certaines civilisations. Mais immédiatement après, il souligne que d'une part il faudrait définir ce qu'est une société « normale » et, surtout, il s'interroge sur l'efficacité d'un tel diagnostic puisque, dit-il, «personne ne dispose de l’autorité suffisante pour imposer une thérapie aux masses ? » Alors, quel rapport au juste entre cette métapsychologie et la « politique »? Réelle et profonde, ou contingente et anecdotique?

« On couche les politiques sur des divans imaginaires »

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6480-1329-Couverture
Septembre 2011 - CNRS Alpha

Pourquoi, après des décennies de critique, de discrédit, voire d’ignorance, l’empathie connaît-elle aujourd’hui un regain d’intérêt théorique en philosophie, en psychanalyse et en sciences sociales ? C’est à cette question que cet ouvrage collectif souhaite répondre en interrogeant les recherches contemporaines sur l’empathie à partir de ses paradoxes théoriques, cliniques et moraux : une compréhension d’autrui à la fois affective et cognitive, identificatoire et sélective, automatique et inégalement distribuée. En examinant les perspectives récemment ouvertes qui montrent l’empathie sous un jour nouveau, en prenant en compte la complexité de son histoire et de ses modèles, la diversité de ses pratiques et de ses usages, les auteurs proposent des analyses originales qui la remettent au cœur d’une dialectique de l’affectivité et de la représentation, de l’intersubjectivité et des rapports sociaux, de l’expérience individuelle et de l’expérience sociale. Cet ouvrage s’appuie sur des rencontres et des programmes de recherche pluridisciplinaires qui renouvellent l’approche de l’empathie, en examinent les mécanismes, les usages et la portée dans les sciences sociales, la philosophie morale et sociale, et la psychanalyse. Il constituera un instrument irremplaçable de découverte, d’approfondissement et de critique d’une notion qui a enfin trouvé toute sa place dans la pensée contemporaine.


Le corps, porte-parole de l'enfant et de l'adolescentMarika Bergès-Bounes et Jean-Marie Forget (ed.)
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Septembre 2011 – Erès 

Comment parler du corps de l’enfant sans le chosifier, sans en faire seulement un paquet de chair, en le reconnaissant comme marqué du sceau du désir des parents et chargé de leurs rêves ? Cet ouvrage s’efforce d'offrir des outils de compréhension des manifestations du corps souffrant, souvent difficiles à décrypter chez l'enfant. Des psychanalystes et des professionnels engagés dans leurs rencontres avec l’enfant et l’adolescent proposent un tour d’horizon de la clinique actuelle qui permet d’ajuster leurs questionnements théoriques à la singularité de chacun. Ils s’efforcent de différencier, dans la constitution du symptôme corporel, la part respective qui revient à l’initiative de l’enfant manifestant sa subjectivité, à la trame familiale dans laquelle il s’inscrit et à l’incidence du discours consumériste actuel.
Marika Bergès-Bounes et Jean-Marie Forget sont psychanalystes à Paris, membre de l’Association lacanienne internationale.

Infirmiers en psychiatrie : tranches de vies en Paca


De la prison à l’appartement thérapeutique, du centre d’accueil d’urgences des personnes hospitalisées sous contrainte à la médiation thérapeutique par l’art, le métier d’infirmier en psychiatrie s’exerce de multiples manières. Des soignants se sont réunis en Paca pour échanger sur leurs pratiques.


« Le degré de civilisation d'une société se mesure à la manière dont elle traite ses fous », affirmait le psychiatre Lucien Bonnafé au début du XXe siècle. En pleine refonte des modalités d’hospitalisation sous contrainte, les infirmiers de psychiatrie réfléchissent plus que jamais à la manière d’améliorer leurs pratiques. Ainsi le Serpsy  (Soin étude et recherche en psychiatrie) de Provence-Alpes-Côte d’Azur a-t-il organisé le 15 septembre une après-midi de réflexion sur le thème « Le soin infirmier en psychiatrie aujourd’hui, qu’en est-il ? ». Des échanges nourris par des témoignages sur le quotidien d’infirmiers travaillant dans diverses structures, à l’hôpital ou en-dehors.
Laurent Séguy, infirmier psychiatrique en prison,  a été le premier à prendre la parole face aux 200 personnes présentes ce jour-là au centre hospitalier Edouard Toulouse de Marseille.  Durant une vingtaine de minutes, il a confié la difficulté qu’il y a à se trouver quotidiennement face à des détenus considérés comme très dangereux, condamnés à des lourdes peines, et en l’occurrence incarcérés à la Maison centrale d’Arles. L’infirmier a levé le voile sur cet univers carcéral où l’on vit dans des cellules fermées en permanence, où l’intimité nécessaire aux soins est souvent très difficile à organiser face à des gardiens qui ont peur de leurs détenus, lesquels sont parfois atteints de pathologies psychiatriques très lourdes. « Pourquoi tu soignes un monstre ? », lui demandent parfois les gardiens… L’infirmier n’en démord pas : on ne peut pas réduire une personne à ses actes.
Rétablir la confianceAprès cette immersion en prison, c’est de l’hospitalisation sous contrainte dont il a été question avec Yves Benoist et Raphaël Jacquetin, infirmiers au pavillon d’accueil du centre hospitalier psychiatrique de Laragne (05). Lorsqu’il leur est demandé de sortir de leur structure pour aller chercher des personnes dont l’hospitalisation sous contrainte vient d’être décidée, ont-ils raconté, il n’est pas rare qu’on leur dise que le patient « est calme, tout à fait d’accord pour venir ». C’est alors que la question a fusé: « Quelqu’un qui a déjà mobilisé des policiers, un préfet et un juge peut-il vraiment être calme ? » Il arrive pourtant que certains patients reviennent se présenter d’eux-mêmes, sans contrainte cette fois. Là, c’est une vraie victoire, insistent les infirmiers ; le fruit d’années de travail et de mise en confiance.
Ont ensuite témoigné Vannina Philipi, infirmière au centre hospitalier spécialisé Montperrin d’Aix-en-Provence, à propos de la médiation thérapeutique par l’art, puis Anne-Laure Friard-Brame et Marie-Laure Vella, exerçant dans le même hôpital, pour parler de la complémentarité entre les métiers d’infirmière et d’éducatrice spécialisée. Enfin, Nicole Taliana, cadre de santé en psychiatrie, s’est penchée sur le rôle du cadre prenant soin de son équipe.
Laure de Montalembert


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Les psychiatres de cité
MARDI 27 SEPTEMBRE 2011


Par Claire Hédon
La prise en charge des populations les plus vulnérables telles que les personnes résidant dans les Zones Urbaines Sensibles représente un enjeu particulier pour la psychiatrie publique. Un environnement défavorable, un faible niveau d’éducation et des retards dans l’accès aux soins se cumulent avec le caractère toujours stigmatisant de la maladie mentale. Cette question a rassemblé nombreux spécialistes ce mois-ci à Grenoble à l’occasion d’une journée d’étude dédiée à La psychiatrie publique à l’épreuve des zones urbaines sensibles. Alors y a t-il une épidémiologie et une clinique spécifiques de ces territoires urbains ? Si oui, les acteurs de la psychiatrie publique ont-ils les moyens de maintenir une offre de soins qui garantisse aux populations concernées une véritable équité ?
Pour en parler :
  • Dr Pierre Murry, psychiatre et chef de Pole Grenoble Sud-Isère au CH Alpes-Isère.
  • Tao Adohane, psychologue clinicien et psychothérapeute dans le champ social et de l’enfance en région parisienne. Auteur d’Itinéraires déracinés aux éditions de L’Harmattan.
  • Michel Dzalamou, Psychologue clinicien au service psychiatrique du CHU de Brazzaville.
En fin d’émission, à l’occasion du G20 « Travail/Emploi » qui se tient les 26 et 27 septembre à Paris, Médecins du Monde, Oxfam France et Avocats pour la Santé dans le Monde se mobilisent pour interpeller les leaders du G20 en faveur de la couverture maladie universelle. Pour en parler : Pierre Salignon, directeur général de Médecins du Monde.


LIVRES Jeudi dernier à 0h00

Perdre la tête par temps de révolution


CRITIQUELaure Murat explore les relations entre troubles politiques et folie au XIXe siècle
Par DOMINIQUE KALIFA

«Jamais il n’y eut autant de maladies mentales qu’après l’orage de la Révolution», écrit Michelet dans Ma jeunesse : «La vie nerveuse semblait atteinte dans ses sources mêmes.» L’idée d’une relation directe entre les désordres de la vie publique et ceux de l’esprit trouble le XIXe siècle. Dès 1816, le Dr Esquirol estime que les «malheurs politiques» du pays conditionnent ses délires. Dix ans plus tard, son collègue Félix Voisin explique comment «les commotions politiques produisent les maladies mentales».C’est cette relation singulière entre l’histoire et la folie, entre le politique et le pathologique qu’explore le livre de Laure Murat, archives des asiles de la Seine à l’appui.
Rationalisation. La Révolution constitue un évident point de départ. L’aliénisme moderne y trouve sa source, tant sur le plan de l’organisation que sur celui des pratiques médicales. A Bicêtre à compter de 1793, puis à la Salpêtrière où il officie vingt-cinq ans, Philippe Pinel s’efforce de rationaliser le traitement de la folie, qu’il considère comme une altération curable de la raison.
Mais la Révolution est en elle- même porteuse d’anxiétés psychiques : à l’ordre stable de l’Ancien Régime, elle substitue un monde où l’individu est promu sujet politique et social, acteur de son propre destin. On perçoit qu’un tel bouleversement, lié au choc de la Terreur, ait pu susciter des dérèglements. Pour Pinel, un quart des internés de Bicêtre a vu sa «raison aliénée par les événements de la Révolution». La guillotine, autre invention médicale et politique du temps, symbolise bien ce risque de «perdre la tête».
S’y ajoutent les différents usages politiques de la folie. Certaines convictions jugées déraisonnables sont vite rangées du côté de la pathologie. Le député Jacob Dupont, qui prêche l’athéisme à l’Assemblée en 1792, est interné pour«rêveries métaphysiques et révolutionnaires» et la carrière de la féministe Théroigne de Méricourt s’achève en 1794 à la Salpêtrière.
La Terreur transforme de nombreuses maisons de santé en lieux de réclusion et la tendance s’accentue sous l’Empire, qui confond internement médical et détention administrative. De nombreux opposants font ainsi l’expérience de l’asile, comme l’abbé Fournier, les complices de Cadoudal ou encore le général Malet. Sous la Restauration, on interne des journalistes comme Paul-François Dubois ou des caricaturistes comme Philippon ou Daumier, coupables de délits d’opinion.
A compter de 1830, les révolutions relancent l’attention des aliénistes, qui diagnostiquent le morbus democraticus. On dénonce les utopies comme une déraison, la conspiration comme un désordre intellectuel, le communisme comme une monomanie. A l’hôpital d’Arbois, le Dr Bergeret affirme que les cas de folie se sont multipliés par dix en 1848. «J’ai toujours pensé que dans les révolutions et surtout dans les révolutions démocratiques, les fous jouent un rôle politique considérable», surenchérit Tocqueville. D’autres, comme l’aliéniste allemand Wilhelm Grisienger, contestent ce constat, simple projection suscitée selon eux par l’effervescence du moment.
«Panophobie».Les comptages opérés par Laure Murat dans les registres d’admission confirment cette version : ni 1830, ni 1848 ou 1871 n’enregistrent de pic particulier. Mais la population asilaire est profondément troublée par les événements : le spectre de la barricade ou de l’insurrection hante les esprits, les guillotinés imaginaires animent les cabanons. Le paroxysme est atteint en 1871, au lendemain de la Semaine sanglante, lorsque tout s’enchaîne en visions de cauchemar: les obus, les Prussiens, les communards, les versaillais et les flammes de la guerre civile. Des aliénistes parlent de «panophobie» ou peur de tout.
«Moi colossal». Le cas d’école, qui donne son titre au livre, réside dans la figure devenue lieu commun de «l’homme qui se prend pour Napoléon». L’identification aux grands de ce monde est bien sûr un symptôme classique de dérèglement mental, mais cette identification-là est particulièrement révélatrice des désirs et des anxiétés du temps. Sa relation au contexte est évidente puisque c’est après le retour des cendres de l’ex-empereur, en décembre 1840, que l’on recense le plus grand nombre de cas. Mais quelque chose de plus profond, que les aliénistes vont intituler «monomanie orgueilleuse», se joue autour de Napoléon. Qu’est-il d’autre en effet que ce«moi colossal», perversion de la conscience individuelle, que ce héros démocratique, sorti de nulle part et devenu Dieu et surhomme à la fois, que cet être au psychisme dissocié (Bonaparte vs Napoléon) incarnant toutes les contradictions du sujet moderne ? Prudent, le livre de Laure Murat ne nous dit pas pour qui on se prend aujourd’hui.