Christophe Gattuso 21 février 2024
Médecin au pôle locomoteur du CHU de Brest, le Dr Yannick Guillodo s’alarme des dangers pour la santé des écrans et de la sédentarité qu’ils entraînent. Dans « Le smartphone tue », paru aux éditions Baudelaire (100 pages, 13,50 euros), il appelle à une prise de conscience collective et à un usage raisonné. « Le smartphone, c’est trois heures par jour et pas tous les jours », clame-t-il, dans l’entretien qu’il a accordé à Medscape édition française. Il met aussi en garde contre le brain hacking, nouvelle discipline mixant neurosciences et algorithmes, a pour objectif de créer une addiction aux écrans.
Le smartphone est le nouveau facteur de risque pour la santé du 21e siècle.
Medscape édition française : Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer si catégoriquement que « le smartphone tue » ?
Dr Yannick Guillodo
Dr Yannick Guillodo : Ce titre est un appel. Il vise à percuter et à montrer les impacts du smartphone sur la santé psychique mais aussi et surtout sur la santé physique. Le smartphone est le nouveau facteur de risque pour la santé du 21e siècle. Il attaque les trois piliers de la prévention : bien manger, bien bouger et bien dormir. Une heure de smartphone équivaut à une heure de sédentarité en plus. L’obésité augmente ainsi que le risque de maladies cardiovasculaires. On sait aussi qu’une heure de sommeil en moins, c’est 20 % de risque supplémentaire de faire du diabète.
Depuis quand vous intéressez-vous à cette problématique ? Quel a été l’élément déclencheur ?
Dr Y.G. : A la fin des années 1990, nous, médecins du sport, avons été les premiers à montrer la nécessité de bouger plus. A côté de mon activité auprès de sportifs de haut niveau*, je me suis aperçu que la sédentarité gagnait du terrain chez M. et Mme tout le monde. Je suis très inquiet de voir la société se sédentariser, plus encore depuis la crise Covid.
* Le Dr Guillodo a été le médecin des Lions indomptables du Cameroun lors de la Coupe du monde de football en 2010. Il vient d’être nommé medical manager pour les JO, et s’occupera de la santé.
Observez-vous une dégradation de l’état de santé des Français du fait de cette sédentarisation ?
Dr Y.G. : Oui, j’observe deux choses : de jeunes adultes font du sport, parfois à très haut niveau et jusqu’à l’extrême. Et à contrario, des Français n’ont pas d’activité physique et leurs capacités se sont réduites. Le confinement a accentué cette sédentarisation. Avec le télétravail, les gens ont eu la satisfaction d’avoir plus de temps pour eux. Mais plus de temps pour faire quoi ? Le plus souvent, plus de temps pour ne rien faire ! Beaucoup d’activités ont été détruites. Le temps de transport pour se rendre sur son lieu de travail, par exemple, était un moment pour bouger.
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