Le chercheur Christophe Degryse pointe, dans une tribune au « Monde », les effets pernicieux, et notamment les conséquences sociales, de la prétendue « libération des contraintes » qu’apporterait le télétravail.
Publié le 29 mai 2020
Tribune. L’une des conséquences inattendues de l’épidémie de Covid-19 est un changement d’attitude assez radical des employeurs et de nombreux salariés à l’égard du télétravail. Entreprises technologiques et industries plus traditionnelles annoncent que le travail à distance sera désormais la nouvelle norme. Il n’est donc pas inutile de s’interroger sur les conséquences sociales que pourrait entraîner une telle évolution.
Si le télétravail est aujourd’hui présenté, parfois à raison, comme une opportunité pour se libérer de contraintes telles que les navettes quotidiennes, le temps perdu dans les embouteillages, voire la supervision tatillonne du supérieur hiérarchique, il convient aussi d’en souligner le prix. En s’installant dans la durée, les nouvelles pratiques de télétravail commencent à révéler quelques signes d’un impact social plus profond que celui attribué à un déplacement du lieu de fourniture du travail.
Tout le monde a en tête ces masques à bec d’oiseau que portaient les médecins de la peste. Ce long bec contenait des parfums et des épices, destinés à neutraliser les miasmes contenus dans l’air entourant les malades. Cette pratique est devenue toutefois marginale dès le 18ème siècle et il a fallu attendre la fin du 19ème pour voir apparaître les masques faciaux tels que nous les connaissons actuellement.
La Revue de presse des idées |La pandémie de COVID-19 a popularisé cet accessoire digne d’une mythologie de Barthes : le masque. Nous sommes amenés à vivre avec lui pendant longtemps, ce pourquoi il nous faut réfléchir à ce qu’est cet objet, et ce que nous voulons en faire.
Comme plus personne ne l’ignore, la France a malencontreusement jeté son stock de masques un peu avant l’épidémie de COVID-19. Il faut dire qu’ils étaient jetables. Et qu’ils étaient périmés. Ce qu’il aurait sans doute fallu faire, c’est en racheter autant qu’on en avait jeté. Cela aurait été très peu écologique, mais sans doute fort utile. Et même si la question écologique n’a probablement pas pesé beaucoup dans le non-renouvellement du stock de masques, il n’en reste pas moins qu’il s’est agi là d’une action fort polluante.
Nous sommes donc face à une (nouvelle) injonction contradictoire : il nous faut à la fois avoir des stocks de masques et en même temps ne pas polluer. Cet état de fait est relevé par l’historien des sciences Bruno Strasserdans un entretien accordé au journal Le Monde. Il y évoque une étude récente qu’il a réalisée conjointement avec le médecin et historien de la chirurgie Thomas Schlich :
"Nous nous sommes demandés pourquoi le masque était devenu un objet de consommation jetable alors qu’il ne l’a pas toujours été. Jusque dans les années 1970, c’est-à-dire très récemment, les masques médicaux étaient presque tous réutilisables. Ils faisaient l’objet de recherches poussées, ils étaient évalués scientifiquement, et leur développement a conduit à des modèles dont les performances étaient considérées comme très satisfaisantes, souvent même supérieures à celle des masques jetables".
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ne s'aiment guère. Les noms d'oiseau volent d'ailleurs parfois entre eux. Collectifs interurgences, interblocs, interhôpitaux d'un côté, syndicats santé sociaux de l'autre. À l'heure où le Ségur de la santé ouvre ses débats, chacun se revendique comme "le" porte-voix des hospitaliers.
Entre les syndicats et les collectifs hospitaliers, la défiance est réciproque. Si Sud participe sans souci à leurs actions, la CGT est parfois plus hésitante. Avec FO, la CFDT et l'Unsa, la frontière est fermée. (S. Caillet/BSIP)
Tout est (re)parti le 19 mai d'un courrier commun adressé au ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, par les cinq syndicats représentatifs de la fonction publique hospitalière : CGT, FO, CFDT, Sud et Unsa (par ordre de résultats aux dernières élections professionnelles organisées fin 2018, lire notre article). En vue des négociations à venir dans le cadre du Ségur de la santé, ils lui rappellent être "les seules organisations [...] représentatives" à même de pouvoir y participer. Dans leur collimateur, sans le dire, les collectifs hospitaliers apparus en 2019 sur le devant de la scène médiatique et politique.
Le projet Cap'Falc, soutenu notamment par l'Unapei, vise à mettre au service de la transcription en facile à lire et à comprendre (Falc) des algorithmes d'intelligence artificielle et de "machine learning". Il devrait être opérationnel en 2021.
Un laboratoire de recherche de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) et Facebook AI Research, en partenariat avec l'Unapei, est en train de concevoir un outil d'aide à la transcription en facile à lire et à comprendre (Falc). Nommé Cap'Falc, il devrait voir le jour en 2021, selon un communiqué de l'Unapei. "À l'heure où la demande de transcription augmente, Cap'Falc permettra de répondre à la demande tout en capitalisant sur l'expertise d'usage si incontournable des personnes handicapées dans la production des textes en Falc pour in fine une société plus accessible et plus inclusive", explique Luc Gateau, président de l'Unapei. En effet, de plus en plus de documents sont produits en Falc. Très récemment, peuvent être citées à titre d'exemple les très nombreuses fiches d'explications des gestes barrières durant la pandémie de Covid-19. Ainsi, "l'objectif de notre projet de recherche était de voir si nous ne pouvions pas utiliser des outils d'intelligence artificielle qui peuvent aider les ateliers à traiter plus de demandes", raconte Louis Martin, doctorant au sein de l'équipe Almanach d'Inria et de Facebook AI Research à Paris, interrogé par Hospimedia.
LA PRESSE ISABELLE DUCAS Publié le 29 mai 2020 QUEBEC
Alors que le Québec se déconfine depuis quelques semaines, des centaines de patients hospitalisés en psychiatrie n’ont toujours pas le droit de mettre le nez dehors, même sur un balcon, après deux mois à l’intérieur. D’autres sont enfermés 24 heures sur 24 dans leurs petites chambres, dans des conditions inhumaines, dénoncent des défenseurs des droits des personnes souffrant de problèmes de santé mentale.
Pas toujours facile d'avancer quand on a le moral à zéro, même avec des antidépresseurs. Des approches différentes sont à l'étude pour retrouver de la joie de vivre et voir bientôt le bout du tunnel.
Traverser une dépression peut arriver à n'importe qui, à n'importe quel moment. Et les seniors sont particulièrement touchés. "Plus on avance en âge, plus le risque augmente : le cerveau est un peu plus fragile et la maladie souvent mal diagnostiquée, cachée derrière d'autres plaintes douloureuses ou cognitives", rappelle le Pr Anne Sauvaget. Les chercheurs planchent sur des solutions, pas toutes conventionnelles, pour compléter ou remplacer les antidépresseurs et redonner de l'espoir à ceux chez qui les médicaments ne marchent pas.
Un spray nasal pour booster les médicaments
Malgré un ou deux traitements antidépresseurs, cela ne va toujours pas ? Les médecins ont peut-être trouvé une alliée capable de faire céder ces dépressions résistantes. "La kétamine est utilisée depuis des années en anesthésie et dans la prise en charge de douleurs chroniques, en perfusion.
Le confinement et la complexité d’un retour à l’école avec les protocoles sanitaires nous rappellent, si cela était encore nécessaire, l’importance des échanges et des liens humains qui se tissent entre enseignants et enfants.
Alors qu’on s’interroge beaucoup sur le « monde d’après » fleurissent les appels à un renouvellement des pédagogies ou des espaces scolaires – on peut notamment citer la tribune publiée dans Le Monde invitant à faire classe à l’extérieur.
Toutefois, ce besoin d’horizons nouveaux ne s’est pas manifesté subitement avec le confinement. C’est une ambition des pédagogies alternatives apparues dès le début du XXe siècle, et qui rencontrent toujours un large succès, en témoigne l’engouement pour la pédagogie Montessori.
Comment dépasser le cadre de l’utopie, et appréhender ce bouillonnement d’idées en tant que réelles perspectives pour demain ? Et si le cinéma permettait de tracer des voies concrètes à explorer ? Voici une sélection de documentaires qui peuvent aider à voir l’école sous un autre angle.
L’école du changement
En 2018, un documentaire d’Anne Schiffmann et Chergui Kharroubi, L’école du changement est consacré à deux nouveaux établissements d’enseignement secondaire bruxellois qui ont fait le choix de méthodes actives – c’est-à-dire sortant du cadre du cours magistral où l’élève est en simple situation d’auditeur pour lui donner une position d’acteur de ses apprentissages. Un choix que reflètent ces propos d’un professeur que l’on entend dans le film :
« Ce qu’on veut faire maintenant, c’est un travail où on va parler en groupe. On ne va pas rejoindre le tableau où il y aurait le savoir que je, a priori, vais vous donner. On va se regarder les uns les autres parce que le savoir il est chacun de nous. »
Les réalisateurs se sont immergés pendant un an dans les établissements pour suivre le quotidien des élèves et donner vie à ces pédagogies. L’un des mérites du film est de ne pas s’enfermer dans la connaissance didactique de ces pédagogies qui forment en réalité une galaxie, composée de multiples courants (Freinet, Montessori, Decroly ou Steiner), avec leurs spécificités.
Ici, les réalisateurs observent les transformations d’une communauté éducative,les hésitations, les doutes de l’équipe enseignante, mais surtout leur engagement et leur enthousiasme. Loin d’être un institution figée, l’école paraît ainsi comme une aventure.
L’institut Covid-19 Ad Memoriam réunit chercheurs, soignants, artistes, juristes, associations de victimes, autorités spirituelles et culturelles et grands courants de pensée, représentants de la société civile, philosophes ou encore entrepreneurs pour « penser ensemble la pandémie de Covid-19, qui constitue une rupture anthropologique majeure pour la société française et, plus largement notre monde globalisé », annoncent dans un communiqué commun les organismes publics de recherche qui financeront initialement le projet, à savoir l'Université de Paris, le CNRS, ENS-PSL, l'Inserm et l'Institut de recherche pour le développement (IRD).
« Maroc, de quoi avons-nous peur ? », c’est le titre de l’ouvrage collectif regroupant les réflexions de 54 personnalités de différents horizons qui pensent le Maroc d’aujourd’hui et de demain. Un travail colossal qui vient de paraître. Interview avec l’une des collaboratrices, le docteur Imane Kendili, psychiatre addictologue, cheffe de service Psychiatrie-Addictologie à la clinique Andalouss et vice-présidente du Centre africain de recherche en santé.
Quelle est la force de l’ouvrage « Maroc, de quoi avons-nous peur ? », tout particulièrement aujourd’hui à l’heure du confinement et de la pandémie de Coronavirus (Covid-19) ?
C’est le résultat d’un travail colossal qui a pris plus de deux ans à être mis sur pied. L’idée est celle de l’écrivain et journaliste, Abdelhak Najib. Il a fallu contacter tous les intervenants, sélectionner les bons textes parce que dans le tas, il y en avait qui ne cadraient pas du tout avec l’esprit du livre qui est de produire une réflexion responsable, juste, sans langue de bois et surtout sans provocation, pour ne pas tomber dans des dérives analytiques soit démagogiques, soit idéologiques servant les intérêts des uns et des autres. Il n’y a rien de tout cela dans cet ouvrage de 610 pages. Au contraire, il offre une multitude de points de vue qui versent tous dans la même direction : réfléchir le Maroc d’aujourd’hui et de demain, et apporter des éléments de réponse à de nombreuses problématiques qui handicapent la bonne marche de notre cher Maroc. La force de ce livre est justement de sortir à ce moment précis de l’histoire du pays. Le fait qu’il soit lu durant le confinement, et après le déconfinement, permet de se projeter dans le Maroc de demain, en posant les bonnes questions sur le Maroc dont nous repavons tous : ce Maroc conquérant, ce Maroc solidaire, ce Maroc de la cohésion à tous les niveaux pour le bien de tous.
Faire soin |Deuxième temps de notre série qui donne la parole à des artistes dont la pratique se situe à la frontière des mondes de la santé, de l’aide sociale, du soin et de celui de la création. Aujourd’hui, le musicien et performeur Fantazio, qui travaille depuis près de vingt ans avec des musiciens et musiciennes autistes.
Fantazio est musicien, auteur et performeur. Voilà des années que son parcours de création - nomade, multiple, voyageur - passe par des lieux qui accueillent des personnes autistes. Des lieux où il fait de la musique, parfois ponctuellement, ou au contraire dans un compagnonnage qui peut durer vingt ans. Comme en témoigne le disque Cosmic Brain enregistré récemment avec les Turbulents, le groupe de comédiens, musiciens et chanteurs de l’ESAT (Etablissement et Service d'Aide par le Travail)Turbulences à Paris.
Dans ce podcast, Fantazio revient au micro de Marie Richeux sur sa démarche, qui consiste à rassembler les choses et les êtres, à questionner notre rapport fou à la norme, et à aller, confiants et joyeux, vers des mondes où beaucoup de choses nous échappent.
Les nombreux ateliers que le musicien a menés au long des années l’ont convaincu de l’importance d’un cadre clair, face à la confusion ou aux débordements que l’on peut observer dans le cas de patients atteints de troubles du spectre autistique. Cela ne l’empêche pas, au contraire, de croire au mélange, à l’inconnu, à l’hétérogénéité, et d’emprunter détours et digressions qui font toute l’épaisseur et la joie de sa parole.
Marie Richeux : Comment votre pratique artistique en est-elle venue à se mélanger à une pratique de soin ?
Fantazio : En 2000, je suis arrivé à l’hôpital de jour Adam Shelton qui était tenu par Howard Buten, et là, j’ai rencontré Philippe Duban, un psychologue qui a eu une vie assez étonnante, entre solidarité au sens large et soin. Après, il a ouvert sa structure Turbulences qui est un ESAT, un lieu où les autistes étaient autonomisés. A l'époque, il n’y avait pas de lieux pour les jeunes majeurs, ou très peu. Il a donc ouvert ce lieu de vie avec des gens qui passent. D'ailleurs, quand on y est, on ne se dit pas qu’on est dans un lieu de soin. De toute façon, l’autisme, c’est indéfinissable. Si ce n'est peut-être par cette seule définition : un monde mental très chargé au sein duquel la domestication du langage et des codes sociaux reste lointaine. La domestication qu’on a tous intégrée n'est qu'une forme de folie normée : on dépose le tampon là-dessus et on dit que c’est la norme. Par la suite, j'ai toujours gardé contact avec Les Turbulents et par la suite, on m’a appelé, souvent par hasard, pour intervenir dans d'autres centres ou des hôpitaux psychiatriques. Je me souviens d’un jour, dans le sud, on était en résidence dans une salle, pour de la musique, et on s’est retrouvé avec des adultes âgés de 50, 60 ans, atteints de troubles psychiques inconnus, qui n’ont pas même de nom.
Si nos corps sont désormais déconfinés, nos visages restent cachés par mesure de protection des autres et de nous-mêmes. Quelles sont les conséquences de l’effacement du visage dans l’espace public ? Le masque est-il un vecteur de solitude absolue, d’inquiétante étrangeté, ou, au contraire, un support d’expression personnelle, une possibilité de créer de nouveaux rites au quotidien ? À en croire la philosophe Corine Pelluchon, le sociologue David Le Breton, le romancier Nicolas Mathieu et l’anthropologue Michel Agier, le masque n’a pas fini de nous étonner.