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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 26 octobre 2018

De l’inégalité des inconscients chez Carl Jung

La correspondance inédite entre Carl Jung et son disciple Erich Neumann, de 1933 à 1950, éclaire les ambivalences du célèbre psychologue suisse.
LE MONDE DES LIVRES  |  Par 

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Correspondance. Zurich-Tel-Aviv (1933-1959) (Die Briefe 1933-1959. Analytische Psychologie im Exil), de C. G. Jung et Erich Neumann, présenté par Martin Liebscher, traduit de l’allemand par Véronique Liard et de l’anglais par Florence Serina, La Compagnie du livre rouge/Imago, 352 p.

Au Canada, des médecins pourront prescrire des visites au musée

Des patients atteints de maladies mentales ou physiques pourront être envoyés voir gratuitement des expositions au Musée des beaux-arts de Montréal.
LE MONDE | 

L’initiative lancée par le Musée des beaux-arts de Montréal et Médecins francophones du Canada permettra à des patients de visiter gratuitement leurs expositions, dans un but thérapeutique.
L’initiative lancée par le Musée des beaux-arts de Montréal et Médecins francophones du Canada permettra à des patients de visiter gratuitement leurs expositions, dans un but thérapeutique. DAVID BOILY / AFP

Des visites au musée prescrites par des médecins. Dès le 1er novembre, certains médecins canadiens pourront conseiller à leurs patients souffrant de dépression, de diabète ou de maladies chroniques d’aller profiter d’une exposition, dans un but thérapeutique.
Cette initiative, lancée par le Musée des beaux-arts de Montréal et Médecins francophones du Canada (MFDC), permettra aux milliers de médecins membres de cette association d’envoyer gratuitement leurs patients dans le musée québécois. Ces « prescriptions muséales » sont uniques au monde, assure l’institution culturelle.
Pendant un an, explique la Montreal Gazette, ce projet pilote autorisera les docteurs du MFDC à faire jusqu’à cinquante prescriptions de ce nouveau genre. Pour cette visite gratuite, le patient pourra se faire accompagner par un adulte – un aide-soignant ou un membre de sa famille – et deux enfants.
« On oublie nos souffrances et nos anxiétés »
« De plus en plus d’études le démontrent : le contact avec les œuvres d’art a un réel impact sur l’état de santé physique et mentale de la population », assure dans un communiqué la docteure Hélène Boyer, vice-présidente de MFDC.

A Paris, les sans-abri un peu moins inconnus

Par Tonino Serafini et Kim Hullot-Guiot — 
A Paris, le 13 février.
A Paris, le 13 février. Photo Cyril Zannettacci


«Libération» a pu consulter les résultats du recensement réalisé dans la capitale lors de la «Nuit de la solidarité» du 15 au 16 février. Une étude qui permet de mieux cerner les profils des personnes sans domicile fixe.

"Les Habilleuses", un documentaire engagé en salle le 31 octobre

FashionNetwork

Par   22 octobre 2018

Elles s’appellent Caroline, Clélia, Hollie, Léa, Odélia et Samantha. Ces six futures habilleuses et costumières sont élèves du lycée de la mode et du spectacle Paul Poiret, dans le XIe arrondissement parisien. Dans le cadre de leur formation, elles s’engagent à concevoir des vêtements avec et pour quatre sans-abri de la capitale, Karim, Linda, Maurice et Perle. Un projet à découvrir dans le documentaire Les Habilleuses de Jean-Louis Mahé et Gill Sgambato, produit par Pleine Image et Sur les toits, en salle le 31 octobre.



L'affiche du film « Les Habilleuses » - Pleine image

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Michel Onfray, naufrage

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par Bernard-Henri Lévy

22 octobre 2018


Il faut se forcer à lire jusqu’au bout la «lettre» à Emmanuel Macron qu'a postée Michel Onfray : elle est ignoble mais, hélas, symptomatique.


Michel Onfray.
Michel Onfray.

Il faut lire la «lettre» à Emmanuel Macron postée par Michel Onfray, sur son blog, au lendemain du voyage présidentiel aux Antilles et qui a fait, la semaine dernière, le tour des chaînes d’information et du Net.
Il faut se forcer à lire jusqu’au bout, jusqu’à la lie, jusqu’à la nausée, ce torrent d’insanités élégamment titré «Lettre à Manu sur le doigté et son fondement» et où il n’est question que de «cul», de «fist fucking» et d’un président de la République, appelé «chéri», dont on nous explique qu’il est «du genre» à «nous la mettre bien profond».
Et, s’il faut lire cette infamie, s’il faut surmonter le dégoût qui vous saisit face à cette prose infréquentable, littéralement salissante et avilissante, s’il faut passer outre le premier réflexe qui est de traiter par le mépris tant de vulgarité, de bassesse d’âme et de cœur, d’insinuations sordides, c’est parce qu’un symptôme se déclare là – énorme, terrible, qui va bien au-delà de la personne présidentielle.
Je passe sur Onfray lui-même que je connais comme si je l’avais fait et que j’ai peut-être, hélas, un peu fait puisque c’est dans ma collection, chez Grasset, qu’il a publié, il y a trente ans, ses premiers livres.
Je passe sur la question qui taraude un éditeur quand, tentant de rembobiner ce mauvais film, il voit bien une propension au ressentiment ; une tendance, déjà très Bouvard et
Pécuchet, à se jucher sur les épaules des géants de la pensée universelle pour dire à un public pris en otage et baptisé «le» peuple : «Platon, Hegel, Freud, les grandes théologies, tout ça ne vaut pas tripette, ne vous laissez plus intimider» ; une forme de servilité, peut-être, devant de grandes institutions culturelles qu’il suppliait, à l’époque, de bien vouloir le reconnaître ; mais pas ça ; pas cette homophobie ; pas cette scatologie digne des pamphlétaires de caniveau ; je passe, oui, sur l’aveuglement qui m’a fait accueillir cet homme sans imaginer un instant qu’il puisse, un jour, être capable, dans le feu du débat politique, de dire à un président, ou à qui que ce soit d’autre : «le doigt, on voit bien à qui il appartient, mais le cul on se tâte».

Et puis je n’insiste pas – car ce serait lui faire trop d’honneur – sur l’évolution d’un «hédoniste» que l’on a connu mélenchoniste, puis courtisé par le Front national, puis proposant de «négocier» avec Daech et que j’imagine aujourd’hui, sur son petit nuage, tout content de sa pétarade ultime et sautant, non comme un cabri, mais comme un bourrin, en répétant : «je commets des logorrhées comme Céline… des crudités comme Rabelais… avec mon idée fixe d’un monde voué à une sodomie généralisée, je suis le Sade de notre temps…»
Le vrai problème, en réalité, est triple.

jeudi 25 octobre 2018

Les antipsychotiques, des traitements très mal surveillés

Fréquemment à l’origine de diabète et de troubles lipidiques, ces traitements que prennent de 0,8 à 2,7 % des Français devraient faire l’objet de contrôles biologiques réguliers. Or moins de 3 % des patients ont un suivi optimal, selon une enquête menée à partir de données de l’Assurance-maladie.
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO  | Par 

Le taux de mortalité prématurée des malades psychiatriques est 4,4 fois plus élevé que celui de la population générale, selon une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé.
Le taux de mortalité prématurée des malades psychiatriques est 4,4 fois plus élevé que celui de la population générale, selon une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé. AMELIE-BENOIST/BSIP
C’est un constat catastrophique qui devrait alerter les patients et leurs familles, interpeller les médecins prescripteurs et les autorités sanitaires. Moins de 3 % des personnes prenant des antipsychotiques ont une surveillance biologique conforme aux recommandations, et 15 % n’ont aucun suivi, selon une enquête du docteur Marine Le Pierres pour sa thèse de psychiatrie, soutenue le 11 octobre à l’université de Nantes.
Ce travail, qui n’a pas encore fait l’objet d’une publication scientifique, a été réalisé à partir des bases de données de l’Assurance-maladie des Pays de la Loire, sur une population de près de 20 000 individus. « Ces carences dans la surveillance sont une perte de chance pour des patients qui ont déjà une perte de chance », résume le professeur Olivier Bonnot (chef du service de pédopsychiatrie du CHU de Nantes), à l’origine de ce sujet de thèse et directeur de celle-ci.

Manage: des fresques pour égayer un hôpital psychiatrique



BELGIQUE
E. BRL. Publié le 

Le centre psychiatrique Saint-Bernard a collaboré avec l'artiste DZIA
Égayer un lieu qui, de prime abord, n’a rien de plaisant, c’était l’objectif poursuivi par les équipes du Centre Psychiatrique Saint-Bernard, à Manage. Les œuvres de l’artiste DZIA ornent désormais les murs du centre. L’une des fresques, la seule extérieure, ne passe pas inaperçue puisqu’elle mesure quatre mètres sur 39.
« Il s’agit en fait d’un nouveau bâtiment, inauguré il y a six mois. Nous y accueillons principalement des personnes qui sont mises en observation sur décision du parquet ou de juge de paix parce que leur état psychiatrique représente une potentielle menace pour eux-mêmes ou pour les autres », explique le Dr. Fays, médecin chef du centre. « Nous sommes ravis de les accueillir dans un bâtiment neuf, plus confortable. Mais se posait la question de la décoration pour le rendre agréable. »

mercredi 24 octobre 2018

Psychiatrie: il faut davantage s'appuyer sur les psychologues, estime le député de l'Isère Oliver Véran

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Par AFP    Publié le 23/10/2018 

Olivier Véran, député La République en Marche (LREM), pose le 22 juin 2017 à l'Assemblée Nationale à Paris pour l'accueil des députés nouvellement élus à l'issue du second tour des élections législatives françaises. Le député français de La République en Marche (LREM), Olivier Véran, a été élu député du département de l'Isère. / © GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Olivier Véran, député La République en Marche (LREM), pose le 22 juin 2017 à l'Assemblée Nationale à Paris pour l'accueil des députés nouvellement élus à l'issue du second tour des élections législatives françaises. Le député français de La République en Marche (LREM), Olivier Véran, a été élu député du département de l'Isère. / © GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Le rapporteur du projet de budget de la sécurité sociale pour 2019, Olivier Véran, a estimé ce mardi 23 octobre qu'il faudrait "davantage s'appuyer sur les psychologues" pour pallier la pénurie de psychiatres hospitaliers, "problème de fond" du secteur selon lui, "au-delà" de son financement.


Petite philosophie de la dépression



LEMOINE Maël

Petite philosophie de la dépression
Parution : 21 Novembre 2018

La dépression est-elle une vraie maladie, que seuls les psys et les docteurs savent diagnostiquer ? Peut-elle être traitée avec des médicaments efficaces ? Ou bien est-ce une sorte de "maladie imaginaire" dont ceux qui en souffrent sont des tire-au-flanc qui s'écoutent trop ? Les médicaments antidépresseurs marchent-ils, ou bien sont-ils une sorte de drogue légale qui rapporte beaucoup d'argent ? En somme, qu'est-ce réellement que la dépression, ce phénomène si répandu et pourtant si mal connu ? 

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La sexualité des jeunes, prisonnière du genre, selon Santé publique France

| 23.10.2018


La sexualité des Français est travaillée par des rapports de genre, révèle le Baromètre santé 2016 de Santé publique France, présenté ce 23 octobre. L'enquête a été réalisée par téléphone entre le 8 janvier et le 1er août 2016, auprès d'un échantillon représentatif de la population de 15 216 personnes de 15 à 75 ans résidant en métropole.

Le baclofène obtient son AMM : dans quelles conditions pourrez-vous prescrire du Baclocur®?

Linda Sitruk
| 23.10.2018




baclo

Clap de fin. Ce matin, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a rendu son verdict et octroyé une AMM au baclofène dans l’alcoolodépendance. Pour autant, le baclofène qui prend le nom de Baclocur® dans cette indication, est soumis à des conditions d’utilisation. Il est indiqué chez l'adulte dans la réduction de la consommation d'alcool, en complément d'un suivi psychosocial, après échec des autres traitements, chez l'adulte.

mardi 23 octobre 2018

Quelles traces les épidémies ont-elles laissé dans notre ADN ?

LA FABRIQUE DE L'HISTOIRE par Emmanuel Laurentin
24/10/2018
52 MIN

Troisième volet de cette série consacrée aux sociétés confrontées aux épidémies, un focus sur les apports de la paléomicrobiologie dans la compréhension de la transmission du virus de la peste, avec le biologiste Michel Drancourt et les archéo-anthropologues Stefan Tzortzis et Sacha Kacki.
La bactérie Yersinia pestis, responsable du virus de la peste
La bactérie Yersinia pestis, responsable du virus de la peste Crédits : BSIP/UIG - Getty

Comment l’archéologie et la paléobiologie nous aident-elles à comprendre les épidémies du passé ?

Avec Michel Drancourt, médecin et chercheur, spécialiste de paléomicrobiologie, Stefan Tzortzis, archéo-anthropologue, ingénieur d'études au Service régional de l'archéologie de la DRAC-Provence-Alpes-Côte d'Azur et chercheur associé au CNRS et Sasha Kacki, archéo-anthropologue, chercheur au sein du département d’archéologie de l’Université de Durham (Royaume-Uni).

La médecine de ville reste difficilement accessible aux personnes les plus démunies

Dans une enquête de la Drees, les médecins libéraux constatent les lourdeurs de la prise en charge de la patientèle vulnérable.
LE MONDE  |  Par 

Y a-t-il un malentendu entre les médecins libéraux et les patients précaires ou vulnérables, en particulier ceux bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat (AME) ? Le 16 octobre, à l’occasion de la parution de son rapport annuel, Médecins du monde alertait l’opinion : « La médecine de ville est inaccessible aux personnes sans couverture médicale et à celles qui n’ont que l’AME, et si elles se tournent vers les circuits de droit commun, hôpital, urgences, ils sont saturés, surchargés et parfois dégradés », expliquait le docteur Christian Bensimon, généraliste bénévole depuis qu’il est à la retraite, et qui a fait toute sa carrière en Seine-Saint-Denis.

Environnement : j’y pense et puis j’oublie

Depuis près de soixante ans, un scandale environnemental chasse l’autre. A chaque fois, on se dit « plus jamais ça ». Petite histoire de l’apathie.
LE MONDE  |   Par 
Qui sait, aujourd’hui, que nos clopes contiennent du polonium 210 ? Et que la consommation d’un paquet et demi par jour équivaut à s’exposer annuellement à une dose de rayonnement équivalente à 300 radiographies du thorax ?

Vous avez le sentiment que l’environnement est désormais, enfin et pour de bon, au centre de l’attention ­médiatique et politique ? Vous pensez que les choses vont peut-être changer ? Que l’opinion n’a jamais été aussi sensibilisée aux problèmes liés à la santé, à l’environnement, aux pollutions, etc. ? Que ces questions sont maintenant ancrées au débat, et qu’elles n’en partiront plus ? Il n’est pas tout à fait impossible que vous ayez tort. Et que dans deux, cinq ou dix ans, nous soyons passés à autre chose… avant que les ­mêmes problèmes ne se reposent à nous.
Sélection d’articles de presse publiés pour la traduction française de « Printemps silencieux », de Rachel Carson.
Lassitude des médias et de leurs publics, conjuration plus ou moins involontaire des questions incommodantes, désintérêt des pouvoirs publics pour les problèmes qui ne peuvent être résolus que par des contraintes économiques… Les raisons de cette alternance entre amnésie et redécouverte collectives sont difficilement solubles. Mais la réalité de ces cycles ne fait aucun doute. L’historien des sciences américain Robert Proctor (université Stanford) le dit dans Golden Holocaust (Des Equateurs, 2014), son grand Livre sur le tabac : « Certains composants de la cigarette sont étonnamment méconnus, ou plutôt ils sont connus, médiatisés un temps, puis oubliés au gré du cycle de l’attention et de l’oubli des médias », écrit-il à propos du polonium 210, un radionucléide fixé par la feuille de tabac et donc présent dans les cigarettes que nous fumons. Qui sait, aujourd’hui, que nos clopes contiennent ce ­métal lourd ? Et que la consommation d’un paquet et demi par jour équivaut à s’exposer annuellement à une dose de rayonnement équivalente à 300 radiographies du thorax ?
« Béances idéologiques » et « puits de désintérêt »
Pourtant, rappelle Robert Proctor, dans les années 1970, puis 1980, cette histoire de polonium s’est largement diffusée dans les ­médias de masse et la littérature scientifique. « Il semble qu’à chaque ­décennie, on redécouvre le polonium, qu’on médiatise de nouveau ­l’affaire avant de l’oublier une fois encore, écrit-il. Pourquoi cette alternance cyclique de redécouvertes et d’oublis ? » L’historien formule ­l’hypothèse suivante : certains sujets tombent dans ce qu’il nomme des « béances idéologiques »ou des « puits de désintérêt ». Lorsque des questions ne s’insèrent pas dans les grandes idéologies, elles ne trouvent ­jamais la résonance politique qui permettrait de les maintenir vivaces à l’esprit de tous. « Elles font régulièrement l’objet de révélations mais ­retombent rapidement dans le silence du sommeil, dit Proctor. Le savoir s’évapore ; l’ignorance reprend le dessus. »
Ce schéma de cycles de l’attention et de l’oubli s’applique ­remarquablement bien aux sujets d’environnement et de santé. Vous pensez que le pataquès du glyphosate révèle une prise de conscience de la nocivité des pesticides ? Lisez la couverture du New York Times sur la controverse de l’époque autour du célèbre insecticide DDT, dans les années 1960 : elle ressemble à s’y méprendre à ce que les journaux écrivent aujourd’hui sur le glyphosate. L’opinion est-elle aujourd’hui bien plus mobilisée qu’alors ? Détrompez-vous : à cette époque, l’opus magnum de la biologiste américaine Rachel Carson, Printemps silencieux (1962,réédité chez Wildproject Editions en 2014), dont le sujet était précisément les dégâts des pesticides agricoles sur l’environnement, se vendit à plusieurs millions d’exemplaires aux Etats-Unis et fut traduit en plus de quinze langues. C’était en 1963. Il y a cinquante-cinq ans. Depuis, le DDT a été interdit dans ses usages agricoles mais il a été remplacé, dans une apathie générale, par une myriade de substances bien plus puissantes.
Indignation générale
Printemps silencieux. Le titre du livre disait la crainte de voir disparaître les oiseaux des champs aspergés de produits phytosanitaires. Souvenez-vous de la « une » du Monde du 21 mars : « Les oiseaux disparaissent des campagnes françaises à une vitesse vertigineuse ». En France, selon le Muséum national d’histoire naturelle et le CNRS, environ 30 % des oiseaux des champs ont disparu au cours des quinze dernières années. Avec, au nombre des causes mises en avant par les chercheurs, l’utilisation des agrotoxiques… Nous nous inquiétons, nous oublions puis redécouvrons les problèmes ; nous n’échappons pas à leurs effets.
Souvenez-vous du film-enquête de « Cash investigation », ­diffusé le 13 septembre 2016 sur France 2, sur l’ajout dans les charcuteries de sels nitrés (à base de nitrates ou de nitrites), ces conservateurs-colorants d’usage superflu et néanmoins cancérogènes : l’indignation fut générale. Comme la stupéfaction devant cette archive télévisuelle des années 1970, un entretien avec le cancérologue Léon Schwartzenberg, diffusé dans le documentaire, dans lequel on apprend que la cancérogénicité de ces substances dans la viande transformée est ­connue de longue date…
Additifs cancérogènes
Le médecin parle de ces substances avec la tranquillité et l’aplomb de celui qui parle d’un fait bien connu de tous, et non controversé… Las ! Nous l’avions tous oublié. Dans son livre Cochonneries (La Découverte, 2017), Guillaume Coudray remonte le fil de la connaissance de la nocivité de ces produits et montre que, dès 1908, dans la revue ­médicale britannique The Lancet, chercheurs et médecins s’inquiétaient de l’ajout de ces produits dans la charcuterie industrielle… Le livre raconte aussi comment, dans les années 1970, la presse américaine fourmille d’articles s’indignant de ces additifs cancérogènes. Et puis plus rien, ou pas grand-chose… jusqu’à la classification de nos chers saucissons, chorizos et autres saucisses de Francfort comme « cancérogènes certains » par le Centre international de recherche sur le cancer, en 2015, qui a remis cette controverse sur le devant de la scène.
Tout cela n’est peut-être que des détails… Les grandes questions d’environnement, elles, ne s’imposeraient-elles pas à nous ? Le changement climatique, par exemple… Encore raté ! En 1979, le premier grand rapport scientifique sur le sujet était rendu par l’Académie des sciences américaine et disait simplement que le réchauffement se produirait si nous poursuivions nos émissions de gaz à effet de serre. Il n’y avait aucun doute. Le 12 juillet 1979, dans son éditorial, le New York Times écrivait que les conséquences des émissions de gaz à effet de serre pourraient être « désastreuses ». Suivait une énumération d’effets ­catastrophiques en tous points semblables à ceux que vous pouvez lire aujourd’hui dans la presse. « Il n’est pas difficile, écrivait l’éditorialiste du Timesde voir comment l’intensification de l’effet de serre pourrait produire un désastre bien pire que tout accident nucléaire imaginable. » Il était bien plus difficile de ne pas l’oublier.