D’autres scientifiques cherchent eux aussi à intégrer la conscience dans leur théorie, mais descendent pour cela à un niveau encore plus fondamental : celui de la physique. C’est le cas du cosmologiste Max Tegmark qui dans Nautilus revient sur sa thèse selon laquelle la conscience pourrait être considérée comme un nouvel état de la matière. Max Tegmark est par ailleurs l’auteur d’un fascinant ouvrage, Notre univers mathématique, et il est aussi l’un des cosignataires de la fameuse “lettre ouverte” publiée dans le Huffington Post mettant en garde contre les risques de la “superintelligence”.
Une tresse dans l’espace-temps
Sa démonstration est assez complexe. Tegmark commence par rappeler sa théorie très platonicienne sur la nature mathématique de l’univers. Et de bien préciser qu’il ne s’agit pas de dire que le cosmos peut être décrit de manière mathématique, mais bel et bien qu’il EST mathématique. Pour exemple de cette réalité mathématique, l’espace-temps. Il s’agit d’un concept purement abstrait, ce n’est pas un objet, et pourtant il fonde toute la structure de la réalité.
Une chose ne peut être décrite simplement en terme de coordonnées spatiales, mais comme une espèce de “traînée”, s’étendant le long de l’espace-temps. Pour un objet quelconque, par exemple un rocher, cette trajectoire est assez linéaire : la traînée ressemble à un gros tube. En effet, les atomes qui le constituent, une fois assemblés, vont avoir tendance à bouger très peu, et très lentement.
Pour un être vivant, c’est différent : les éléments qui le constituent sont en constant mouvement et interaction. De fait, il ressemble plus à une tresse spatio-temporelle, un entrelacs de différentes traînées. Mais, continue Tegmark, même la complexité du vivant “pâlit en comparaison aux modèles de traitement de l’information qui se déroulent dans votre cerveau. Vous possédez environ 100 milliards de neurones qui génèrent constamment des signaux électriques… ce qui implique des interactions entre des milliards de milliards d’atomes, notamment du sodium, du potassium, ainsi que des ions calcium. Les trajectoires de ces atomes forment une tresse très élaborée à travers l’espace-temps, dont l’enchevêtrement complexe correspond au stockage et au traitement de l’information d’une manière qui donne en quelque sorte naissance à notre sensation familière de la conscience de soi. Il y a un large consensus dans la communauté scientifique pour admettre que nous ne comprenons toujours pas comment cela fonctionne, il est donc juste de dire que nous, les humains ne comprenons pas encore pleinement ce que nous sommes. Cependant, grosso modo, on pourrait dire ceci : vous êtes un modèle dans l’espace-temps. Un modèle mathématique. Plus précisément, vous êtes une tresse dans l’espace-temps – en fait, l’une des tresses les plus élaborées connues.”
Des aspects quantiques à la conscience
Puisque nous sommes entrés dans le domaine particulièrement spéculatif des rapports entre la conscience et la nature de la réalité, où en est le fameux “serpent de mer” de la conscience quantique ? L’idée avait été popularisée il y a quelques années par le célèbre mathématicien et physicien Roger Penrose, avec l’aide de l’anesthésiste Stuart Hameroff. Sa théorie était que nous ne pourrions comprendre les aspects les plus sophistiqués de notre esprit si nous n’acceptions pas l’idée que dans la formation de nos états mentaux, certains phénomènes comme “l’intrication” (le fait que deux particules quantiques restent indéfiniment en interaction l’une avec l’autre quelle que soit la distance) et la superposition (le fait qu’une particule puisse se trouver dans deux états différents simultanément) entrent directement dans la fabrique de la conscience. Pour Penrose et Hameroff, de tels effets pourraient se produire au sein de notre cerveau à l’intérieur des “microtubules”, des tubes de protéines assurant la structure des neurones. L’idée n’enthousiasma guère la communauté scientifique et la théorie tomba dans l’oubli. Il faut aussi reconnaître que voir Stuart Hameroff, scientifique réputé sérieux, s’acoquiner avec le gourou New Age Deepak Chopra (qui aime, lui aussi, à parler de “conscience quantique”), n’a pas aidé à son acceptation.