Il existe bien une psychiatrie antique, pensée et nommée comme telle. Les auteurs de langue latine la désignaient comme «soin des aliénés».
De la crise durable du secteur psychiatrique aux faits divers criminels qui, régulièrement, mettent en cause des individus privés de volonté, la maladie mentale fait débat. La question des meilleures manières dont la société peut y faire face, dans sa complexité et sa diversité, est assurément obscurcie par des préjugés romantiques sur la «folie» (sur son rapport au génie, sur sa relativité culturelle…). La discussion peut aussi être entravée par un préjugé évolutionniste, qui verrait dans le soin psychiatrique ou dans le statut juridique singulier du trouble mental des innovations de la modernité occidentale.
Certes, le traitement médical et social de la maladie mentale dans les sociétés du XXIe siècle est profondément déterminé par l'invention relativement tardive de l'hôpital et de médicaments puissants, ou encore par les développements de l'imagerie cérébrale. Si le cadre institutionnel, les techniques de soin et les méthodes de recherche scientifique ont une longue (et passionnante) histoire, il n'en demeure pas moins que leur évolution est définie par des principes sociaux stables, qui trouvent leur première formulation à l'aube de notre civilisation.
[...] La naissance de cette psychiatrie est inséparable du nom d'Asclépiade de Bithynie (dans l'actuelle Turquie), un personnage singulier, orateur peut-être dans les premières années de sa vie professionnelle, venu ensuite exercer la médecine dans la ville éternelle où il évolue dans l'entourage de Crassus le Riche. Mais dans l'ombre d'Asclépiade, les soins médicamenteux, incluant notamment le recours aux psychotropes et aux sédatifs, s'étaient sans doute déjà diffusés, dans une mesure qu'il est impossible d'évaluer.