par Didier Arnaud publié le 14 décembre 2012
D'abord une image. Celle d'une jambe qui se tend vers un corps qui s'efface. Elle est extraite d'une vidéo, sans son, où l'on devine un quai (station Gare de Lyon à Paris), un train (le RER A), la même jambe et un dos qui se plie, jusqu'à disparaître du champ. La jambe, c'est celle d'Ahmed Konkobo, 29 ans, qui pousse sur le rail Subramaniam Rasalingam, 52 ans, agent de nettoyage d'origine sri-lankaise. Cette semaine à la cour d'assises de Paris, Konkobo était jugé pour homicide volontaire. Son procès fait partie de ceux que l'histoire des sous-sols parisiens appelle les «pousseurs du métro». Jeudi soir, il a été condamné à seize ans de réclusion criminelle, assorti d'une obligation de soins, puis d'un suivi sociojudiciaire de quinze ans.
Le 2 avril 2010, à 5 h 45, Rasa, surnommé «Nounours» par ses collègues, tant il est gentil, poli et généreux, attend le RER qui doit le conduire à son travail. Il croise Ahmed, qui dit-il, l'a pris pour un autre, un type qui lui ressemble («il est noir comme lui», affirmera Ahmed) avec lequel il s'était bagarré quelques minutes auparavant, pour «un mauvais regard». Ahmed, l'instruction le montrera, dit qu'il a des problèmes avec les Indiens et les Pakistanais, et les Noirs, en général. Noir ? Pourtant, Ahmed l'est aussi.
Marchepied. Ce matin-là, il n'est pas dans son état normal. Il a déjà avalé deux ou trois bières à 2,50 euros, qui titrent 11,6 degrés.