par Luc Le Vaillant publié le 28 février 2023
Il demande juste qu’on lui glisse la tasse entre les avant-bras. Il n’a besoin de personne mais puisqu’on est là, autant qu’on serve à quelque chose. Ensuite, il se débrouille en accéléré pour avaler son café et reposer le tout sur la table basse, sans arrêter une seconde de parler. Il a le bagout voltigeur de l’ambianceur, le débit de celui qui ne renonce jamais à amuser la galerie, le brio de l’enthousiaste qui jongle avec les mots. Mais derrière cette façade joviale, se cache un hyperactif qui sait faire avancer durement ses projets et un optimiste de la volonté soumis aussi aux coups de blues. Philippe Croizon, bientôt 55 ans, est quadri amputé. Il a perdu bras et jambes en montant sur le toit de sa maison près de Châtellerault. Ce bricoleur voulait décrocher l’antenne télé. Il s’est grillé aux 20 000 volts de la ligne à moyenne tension. Il avait 26 ans. Il mesurait 1,76 m pour 60 kilos. Il affiche désormais 1, 30 m pour 45 kilos. Après le centre de rééducation, il a commencé par végéter, par déprimer. Il a même tenté de se suicider quand sa première femme l’a quitté. Et puis, il a traversé la Manche à la nage. Il résume la situation ainsi : «Je savais à peine nager. J’étais réduit de moitié, gras comme un lardon, et ma seule performance physique consistait à jouer avec la télécommande.» Depuis, il a franchi les détroits des cinq continents. Il s’est mis au rallye-raid et a terminé honorablement le Dakar, pilotant avec un joystick. Il rêve même de conquête des étoiles. En attendant une hypothétique montée à bord de SpaceX, Elon Musk l’a invité à Cap Canaveral.