Propos recueillis par Nicolas Truong Publié le 9 janvier 2023
Dans « Panique à l’université », son dernier livre, le politiste Francis Dupuis-Déri analyse les ressorts idéologiques de la critique du « wokisme » qui se répand massivement dans les médias, mais aussi chez une partie des intellectuels et des chefs d’Etat. Il explique son travail dans un entretien au « Monde ».
Né à Montréal en 1966, Francis Dupuis-Déri est professeur en science politique et en études féministes à l’université du Québec, à Montréal (UQAM). De double nationalité, canadienne et française, spécialiste de l’antiféminisme et de l’anarchisme, il a notamment publié en 2018 La Crise de la masculinité : autopsie d’un mythe tenace (Remue-Menage). Il est l’auteur de Panique à l’université. Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires, paru en septembre 2022 aux éditions Lux.
Qu’est-ce qu’une « panique morale », à l’image de celle qui semble gagner une partie de l’opinion à propos du « wokisme », du décolonialisme ou de l’intersectionnalité ?
Selon le sociologue Stanley Cohen [1942-2013], les médias fabriquent une panique morale par une couverture sensationnaliste hors de proportion d’événements anecdotiques associés à une jeunesse contre-culturelle qu’on veut diaboliser. Aujourd’hui, ce sont les jeunes féministes et antiracistes qui ne respecteraient pas les bonnes mœurs universitaires, ou les spécialistes dans ces champs d’études. C’était déjà le cas aux Etats-Unis dans les années 1980, quand Ronald Reagan et les néoconservateurs étaient à la Maison Blanche et qu’on diabolisait les féministes et les antiracistes qui dominaient les campus, disait-on, et allaient détruire la civilisation occidentale.