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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 28 octobre 2022

Au Yémen, les psychiatres débordés en pleine tragédie humanitaire

Par AFP  SANAA, Yémen   27 octobre 2022

Psychose, dépression, trouble bipolaire, stress post-traumatique : avec l’une des pires tragédies humanitaires au monde, la guerre a causé une explosion des maladies mentales au Yémen. Les rares structures de soin sont débordées par l’afflux de patients

Dépression, trouble de stress post-traumatique, psychose : les sept années de guerre civile brutale au Yémen ont provoqué une explosion de maladies mentales services de santé (AFP/Ahmad al-Basha)

Dépression, trouble de stress post-traumatique, psychose : les sept années de guerre civile brutale au Yémen ont provoqué une explosion des maladies mentales (AFP/Ahmad al-Basha)

À l’hôpital psychiatrique de Taëz, dans le Sud-Ouest du Yémen, l’une des villes les plus affectées par les sept ans de conflit dans le pays, « on essaie de fournir des traitements, mais on ne peut soigner tout le monde », regrette le directeur, Adel Melhi.

La structure publique, qui peut accueillir 200 patients au plus, n’a ni la capacité, ni le personnel, ni les médicaments nécessaires pour faire face à la hausse du nombre de malades atteints de troubles psychiques liés aux « drames provoqués par la guerre », explique le médecin. 

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ART BRUT. UN DIALOGUE SINGULIER AVEC LA COLLECTION WÜRTH


Avec l’exposition Art brut. Un dialogue singulier avec la Collection Würth, le Musée Würth propose à ses visiteurs d’emprunter un chemin inhabituel, celui d’un art collecté d’abord dans les institutions psychiatriques, puis découvert chez des autodidactes, souvent en marge de la société. 

L’exposition couvre une large période, du début du XXe siècle jusqu’à nos jours, autour d’une cinquantaine d’artistes « bruts », aussi dits non-professionnels. Une telle expression artistique individualisée germe la plupart du temps sur le terreau de l’isolement social, affectif ou économique, les auteurs n’ayant jamais constitué d’eux-mêmes un mouvement ou un groupe. Poussées par une nécessité intérieure puissante, dans un contexte asilaire et précaire, ces pratiques du dessin, de la peinture ou encore de l’assemblage se révèlent être, tels des soins auto-prodigués, de véritables actes existentiels de création et des témoignages de vie singuliers.

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Au Japon, des robots aidants dans les maisons de retraite


 




MAINICHI SHIMBUN (TOKYO)   

Cet article a été publié dans sa version originale le 15/08/2022.

Sa population est celle qui vieillit le plus vite dans le monde, et l’archipel veut développer l’utilisation de la robotique pour faire face au manque d’aides-soignants. En 2020, 20 % des maisons de retraite utilisaient des robots notamment pour les aider à la surveillance des résidents et au recueil de leurs paramètres vitaux.

Lorsqu’on parle de robots, on a tendance à penser à des humanoïdes capables de marcher seuls, dotés d’un visage et pouvant nous parler. Ceux qui sont développés pour permettre d’alléger un peu le travail des aides-soignants ne sont pas de ce type. Il s’agit en réalité de tout un système robotique adapté aux soins, équipé d’une série de fonctions pour “repérer des informations et agir en conséquence”.

jeudi 27 octobre 2022

Pour un accueil de qualité des tout-petits

par Les membres du collectif «Pas de bébés à la consigne»  publié le 24 octobre 2022

Face à la pénurie de places en crèche et chez les assistantes maternelles, le gouvernement augmente le ratio du nombre de bébés par professionnel et incite à recruter des personnes sans diplôme ni expérience, au terme d’un parcours d’intégration d’un mois. Augmenter la capacité d’accueil ne doit pas se faire au détriment de la qualité, alertent des spécialistes de la petite enfance.

Les modes d’accueil des jeunes enfants sont un enjeu crucial pour la société alors que les deux tiers des familles monoparentales et les trois quarts des couples avec jeune enfant sont en emploi. Une majorité d’enfants restent cependant accueillis à titre principal par leurs parents ou un membre de la famille, c’est-à-dire qu’ils y passent la plus longue durée des journées au cours d’une semaine. Les modes d’accueil formels, principalement crèches et assistantes maternelles, offrent 60 places pour 100 enfants de moins de 3 ans, mais avec de fortes inégalités sociales : 68% d’enfants en bénéficient parmi les 20% de ménages les plus riches contre 9% parmi les 20% les plus pauvres, soit un écart de 1 à 8.

Pédiatrie sous tension : «Il ne faut pas croire que les annonces feront taire la colère»

 par Anaïs Moran    publié le 24 octobre 2022

Le gouvernement a annoncé dimanche «un plan d’action immédiat» et débloqué 150 millions d’euros pour les services sous pression à l’hôpital. Insuffisant pour les soignants, à l’instar du docteur Laurent Dupic, du collectif Inter-Hôpitaux, pour qui ces déclarations relèvent du «saupoudrage».

Il a tenté tout le week-end de calmer la gronde des pédiatres hospitaliers. Sans véritable succès. Invité de France 2 samedi et de BFM TV dimanche, le ministre de la Santé, François Braun, s’est hâté de réagir à la lettre ouverte des plus de 6 000 soignants, publiée vendredi par le Parisien, s’alarmant de la saturation des services pédiatriques publics, et de «la dégradation criante des soins apportés aux enfants» qui les mettent «quotidiennement en danger» – et ce, alors même que le pic d’hospitalisations lié à l’épidémie de bronchiolite n’est prévu que dans un mois. Contraint de répliquer face à cette situation d’urgence, le ministre a annoncé un «plan d’action immédiat», avec l’activation de plans blancs dans les hôpitaux les plus en tension et le déblocage de 150 millions d’euros. Un chèque disponible de «manière immédiate» dans le but de répondre tout particulièrement aux «besoins de renfort de personnel» et de valorisation de la pénibilité de certains horaires de travail (nuit, week-end, jour férié). S’ajoute à ces mesures la promesse ministérielle d’«Assises de la pédiatrie», prévues au printemps, «afin de travailler sur l’ensemble des difficultés structurelles». Rien de satisfaisant pour les équipes hospitalières sur le front, au bout du rouleau.

Une centaine de médecins psychiatres aux 8èmes assises de psychiatrie privée à Sfax

TUNISIE

Par : WMC avec TAP  24 octobre 2022

Plus de 100 médecins psychiatres de différentes régions de la Tunisie ont pris part aux 8èmes assises de psycohiatrie privée organisées samedi à Sfax par l’Association des psychiatres d’exercice privé de Sfax et du Sud (APEPSS) autour du thème ” Bipolarité résistante”.

La bipolarité, où la personne bipolaire vit ses émotions avec intensité démesurée parfois difficile à maîtriser, se manifeste en effet à travers des états dépressifs, maniaques et mixtes à des degrés variables et peu contrôlés.

A noter que la prévalence de cette maladie dans la société serait de l’ordre de 8%, d’après le président de l’APEPSS, Habib Mahdi, qui fait savoir dans une déclaration à l’Agence (TAP), en marge des assises, que cette manifestation annuelle spécialisée dans les troubles bipolaires est le fruit d’un travail continu et de longue haleine de l’association depuis sa création en 2013

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Comment le pharmacien peut lutter contre l’hésitation vaccinale ?

Paris, le lundi 24 octobre 2022 - 

Avant même l’épidémie de Covid, le rôle des pharmaciens en matière de vaccination avait connu une évolution majeure avec le déploiement d’une campagne de vaccination contre la grippe en officine, d’abord restreinte à quelques régions pilotes puis généralisée à l’ensemble du pays. Cette expérience et plus encore l’essentielle participation des officines à la vaccination contre la Covid ont confirmé combien les compétences et les atouts du pharmacien devaient être davantage sollicités pour améliorer l’ensemble des couvertures vaccinales en France et lutter contre l’hésitation vaccinale.


Crises non épileptiques psychogènes : à Marseille, un service hospitalier «fait le pont entre le corps et l’esprit»

par Samantha Rouchard, correspondance à Marseille  publié le 25 octobre 2022 

A la Timone, un service se spécialise dans le traitement de cette maladie rare, dont les manifestations ressemblent à s’y méprendre à celles de l’épilepsie, sans toutefois en être.

«Mes crises ont commencé à 16-17 ans. La première, je ne m’en souviens pas. Les médecins m’ont expliqué qu’elles font partie des plus violentes du service, avec pertes de connaissance, convulsions, morsures de la langue… Je me suis retrouvée plusieurs fois dans le coma et en réanimation», explique Zoé (1), 22 ans. Les crises dont elle souffre plusieurs fois par jour ressemblent à s’y méprendre à des crises d’épilepsie, mais elles n’en sont pas. Zoé a connu trois ans d’errance médicale, soignée par des traitements lourds pour une maladie qu’elle n’a pas, avant d’atterrir au premier étage de l’hôpital de la Timone, à Marseille, dans le service d’épileptologie et de rythmologie cérébrale du professeur Fabrice Bartolomei.

Au Sénégal, un centre psychiatrique associe les familles à la prise en charge des patients

Par   Publié le 26 octobre 2022

« L’Afrique en thérapie » (8). Dans cet établissement qui s’inspire des préceptes de « l’école de Dakar », chaque malade est hospitalisé avec un accompagnant qui partage sa chambre.

Dans le centre psychiatrique Emile-Badiane de Kenia, au Sénégal.

« Il est sous quel traitement ? Il me semble très imprégné », demande Pape Ibrahima Sané à l’infirmière qui fouille dans le dossier de Mohamed, 25 ans, interné depuis trois jours. Chaque mercredi, le médecin parcourt les coursives du centre psychiatrique Emile-Badiane de Kenia, en périphérie de Ziguinchor, pour rendre visite aux malades. Au milieu de grands manguiers, citronniers et bananiers, 18 cases ont été disposées en cercle autour de la place centrale pour accueillir les patients et ceux qui les accompagnent – souvent un membre de leur famille ou un proche.

A Marseille, une auberge réservée aux femmes vulnérables

Par  Publié le 19 octobre 2022

Il faut attendre 17 heures pour que le lieu prenne doucement vie. Le temps que les enfants rentrent de l’école et les mères du travail – pour celles qui ont un emploi. Dans la cuisine, Salem et Aïssatou, une résidente de l’auberge, s’affairent pour préparer des sardines frites et une tortilla de patata pour le soir. A l’entrée de l’établissement, des enfants jouent ou regardent des vidéos.

Les sourires font presque oublier les difficultés communes aux résidents de L’Auberge marseillaise. Dans une impasse du 8e arrondissement de Marseille, à quelques mètres des plages du Prado, dans le sud de la ville, cette ancienne auberge de jeunesse, définitivement fermée après le confinement, accueille soixante-dix femmes « vulnérables » et leurs enfants. La plupart viennent de quartiers populaires et toutes connaissent la grande précarité : plus de la moitié n’avaient aucune ressource en entrant dans l’établissement. Les profils de ces femmes sont divers : victimes de violences conjugales, de viols ou de prostitution, demandeuses d’asile, sans-domicile-fixe, accros aux drogues.

Aïssatou, qui réside à l’auberge, aide Salem, cuisinier du lieu depuis mars 2022. A Marseille, le 27 septembre 2022.

Nouvelles directives du NHS : fin de la prise en charge trans-affirmative des mineurs en Angleterre

Communiqué de presse du jeudi 27 octobre 2022

Nouvelles directives du NHS d'Angleterre pour le traitement de la dysphorie de genre chez les mineurs

Le National Health Service (NHS) d'Angleterre vient de publier un projet de nouvelles directives qui opère un changement de cap significatif dans la prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre.

L'Angleterre rejoint la Finlande et la Suède qui ont déjà mis fin à l’administration d’hormones aux mineurs au profit de la psychothérapie comme première et, sauf exception, unique ligne de traitement pour les jeunes dysphoriques de genre.

Juristes pour l’enfance se réjouit de ces nouvelles directives qui opèrent un progrès inestimable dans la prise en charge des mineurs dysphoriques en Angleterre.

Nous demandons maintenant que la même qualité de soins soit assurée aux mineurs français, ce qui signifie :

la fin de la médicalisation des mineurs (bloqueurs de puberté, hormones, chirurgie)

la fin de la banalisation de la transition sociale que la NHS reconnaît comme ce qu’elle est, une forme de traitement

l’exploration des troubles, pathologies et syndromes post-traumatiques présents chez de nombreux enfants qui s’identifient dans l’autre sexe

la psychothérapie pour aider les jeunes concernés à s’approprier leur corps sexué

le respect du temps de l’enfance et de l’adolescence

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mercredi 26 octobre 2022

L’intelligence artificielle, nouveau moteur de la recherche scientifique


Cette technologie d’apprentissage par les données, qui permet d’améliorer les calculs et d’affiner les instruments, envahit tous les champs de la science. Même les chercheurs les plus sceptiques finissent par se laisser convaincre de son intérêt.

Le prochain Prix Nobel sera-t-il une intelligence artificielle (IA), une machine qui, après avoir ingurgité toutes les connaissances du monde, aura trouvé un nouveau médicament contre le cancer, ou une théorie physique au-delà de la physique quantique, ou démontré une conjecture de maths non résolue ? Nous n’en sommes pas là, mais l’IA est en train d’envahir à grande vitesse les laboratoires pour améliorer les instruments, accélérer les calculs, aiguiller vers des hypothèses fécondes, etc.

Début octobre, une équipe chinoise a amélioré numériquement de dix fois la résolution d’images de microscopie optique en biologie, en rendant plus nettes des prises de vues. Un exemple de plus de l’effervescence des derniers mois. En mai, une équipe de Facebook a fait démontrer des théorèmes mathématiques par une IA. Le mois suivant, le concurrent Google a présenté un logiciel qui a résolu un tiers de 200 problèmes scientifiques de niveau licence en mathématiques, physique, économie, biologie… Le même mois, une équipe franco-allemande confiait à une IA le soin de contrôler un objet quantique à coups de micro-ondes bien dosées pour préserver le plus longtemps possible ses propriétés (succès théorique qui va être tenté expérimentalement).

Et, cet été, l’IA scientifique la plus connue, AlphaFold, sortie en 2021 par DeepMind, filiale de Google, a refait parler d’elle. L’algorithme, qui prédit la forme tridimensionnelle de protéines à partir de leur formule chimique, a ajouté un million de configurations à la base de données de référence, qui ne contenait « que » 200 000 structures déterminées expérimentalement.

Des quantités toujours plus grandes de données

Chaque jour, la liste d’applications de l’IA s’allonge dans tous les domaines de la science. « Ça part dans tous les sens ! En 2016, une base de données sur les applications de l’IA en physique des particules comptait une dizaine d’articles ; désormais, elle grossit d’une dizaine par mois », constate David Rousseau, du Laboratoire de physique des deux infinis Irène-Joliot-Curie, à Orsay, coauteur, en 2022, de l’ouvrage Artificial Intelligence for High Energy Physics (World Scientific, non traduit). L’IA n’a pas trouvé le boson de Higgs en 2012, mais elle aidera sûrement à faire les découvertes suivantes. Car, poussée par les quantités toujours plus grandes de données à traiter, elle servira partout à trier des collisions, à simuler pour comparer théorie et expérience, et même à contrôler des trajectoires au sein de l’accélérateur de particules.

« J’ai beaucoup de demandes d’aide de mes collègues, mais je ne peux pas répondre à toutes », déplore Emmanuel Faure, chercheur CNRS au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier, spécialiste des applications de l’IA en imagerie biomédicale. Il note que « même les plus réticents au départ s’y sont mis ». Au Collège de France, Antoine Georges, professeur de physique de la matière condensée, a intitulé son cours de 2023 « Réseaux de neurones, apprentissage et physique quantique ».
Autre signe qui ne trompe pas : DeepMind a changé son slogan, passé de « Résoudre la question de l’intelligence » à « Résoudre la question de l’intelligence pour faire avancer la science et en faire bénéficier l’humanité ». Un autre géant, Microsoft, a lancé une branche « intelligence artificielle pour la science », en créant des laboratoires en Allemagne, aux Pays-Bas, en Chine et au Royaume-Uni, avec des dizaines de chercheurs.

Fruit de nombreux travaux académiques

Que l’IA envahisse les labos n’est qu’un juste retour des choses, car elle est le fruit de nombreuses recherches académiques depuis les années 1950. Son principe de base est d’apprendre par les données, c’est-à-dire d’ajuster des millions, voire des centaines de milliards de paramètres, jusqu’à trouver la relation qui relie des entrées (images, textes ou variables…) et des sorties (légende d’une image, nouvelle image ou grandeur mesurable…).
Microsoft n’hésite pas à parler de nouveau paradigme pour la recherche scientifique. Historiquement, il y a eu l’observation, puis la modélisation, puis les simulations et maintenant l’IA, qui découvre des structures cachées dans les données, accélère les simulations ou en génère sans avoir besoin de connaître les lois physiques sous-jacentes.

Microsoft n’hésite pas à parler de nouveau paradigme pour la recherche scientifique

Sur le terrain, les chercheurs apprennent à collaborer avec ces nouveaux assistants de pointe. « Quand je me suis lancé, en 2019, c’était comme le début d’une thèse : on fait tout soi-même. Au départ, ça ne marche pas ; on passe ses nuits à coder. Et quand ça marche, c’est la joie ! », se souvient Emmanuel Faure. A Montpellier, le chercheur s’est démené avec les neurones artificiels en réseau – le nom de l’unité élémentaire de calcul des systèmes modernes d’intelligence artificielle – pour rendre service à ses collègues en biologie. Ces derniers cherchaient à suivre individuellement chaque cellule lors du développement d’un organisme, à savoir à quel type elle appartenait, mais aussi comment ses frontières bougeaient et qui étaient ses voisines.

Or, c’est justement l’une des qualités qui ont fait le succès des premiers réseaux de neurones dans l’imagerie lorsque, en 2012, l’algorithme AlexNet a balayé des dizaines d’années d’expertise en vision par ordinateur lors d’un concours de reconnaissance d’images. Le système a la capacité de repérer des structures, des motifs abstraits et de s’en servir pour classer les images qu’on lui montre. Evidemment, la méthode a fonctionné en biologie, car, depuis des années, des thésards, postdocs et permanents s’étaient arraché les yeux pour annoter à la main les différents types de cellules pendant la croissance de l’organisme. Une fois cette connaissance ingurgitée, l’IA les a soulagés. « Il y avait des méthodes classiques pour faire ce travail, mais elles trouvaient leur limite quand nous avions trop de données, dans le temps et en nombre de cellules. Il fallait trouver mieux », résume Emmanuel Faure.

En Occitanie toujours, Nicolas Dobigeon, professeur à l’Institut national polytechnique de Toulouse, cherche aussi à faire mieux dans un tout autre domaine. Le dimanche 11 septembre 2022, il a fait le déplacement au laboratoire, car cette date allait marquer le lancement d’un défi que l’IA devrait lui permettre de relever. Ce jour-là, le télescope spatial James-Webb a envoyé des informations sur la nébuleuse d’Orion, sous forme d’images, dans plusieurs longueurs d’onde, et surtout de spectre, c’est-à-dire des décompositions de la lumière en tranches de longueur d’onde encore plus fines (des milliers de points pour chaque pixel de l’image).

Nicolas Dobigeon veut, grâce à des techniques inédites, « fusionner » ces informations venant de deux instruments différents du télescope afin que la précision de l’un se transfère sur l’autre. « On peut multiplier par trois la précision de l’image de l’instrument spectral, avance le chercheur. Les satellites d’observation de la Terre disposent déjà de telles techniques, sans IA, qui consistent à corriger les données. Mais, là, nous avons trop de longueurs d’onde pour que cela fonctionne. » Le principe général consiste à modéliser le mieux possible l’instrument de mesure, en incorporant le plus de connaissances techniques, afin d’en corriger les défauts sur l’image. Mais ces simulations étant gourmandes en temps de calcul, c’est une IA qui va apprendre à calculer, en s’entraînant sur des milliers de simulations antérieures. Ensuite, les calculs seront plus rapides. Réponse dans quelques mois.

Résoudre des problèmes inverses

A presque un millier de kilomètres de là, en Alsace, cette philosophie fonctionne déjà. « Ça marche étonnamment bien ! », s’enthousiasme Dietmar Weinmann, chercheur CNRS à l’Institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg. Son sujet est plus terre à terre. Les spécialistes des nanomatériaux et de leurs propriétés électroniques ont fait un constat gênant : malgré les précautions prises par les fabricants, impossible d’obtenir deux échantillons de taille nanométrique aux propriétés similaires, telles que la résistance électrique. La faute à d’inévitables défauts et impuretés qui modifient le comportement des électrons. Le chercheur voudrait donc, à partir des mesures, connaître la répartition des impuretés. Résoudre ce qu’on appelle un « problème inverse » est a priori une tâche parfaite pour l’IA : si elle a suffisamment d’exemples de défauts et de mesures de résistances, alors elle peut apprendre à faire le lien entre les deux et, ensuite, proposer un paysage de défauts connaissant des valeurs de résistances.

« Quand, en 2018, j’ai entendu un collègue faire un exposé très général sur l’IA en physique, j’ai tout de suite voulu trouver un problème où appliquer cette technique », se souvient Dietmar Weinmann. Le chercheur a donc choisi la problématique des défauts dans les matériaux. « Je me suis plongé dans les livres, j’ai visionné plein de tutos sur le Web, et j’ai construit un réseau de neurones adapté à cette tâche », explique Gaëtan Percebois, en thèse sur ce sujet. En août 2021, ils ont résolu une partie du problème. A partir de mesures simulées sur un échantillon, ils en déduisent une caractérisation complète des défauts, mais pas encore à partir de mesures réelles. La technique appartient à la catégorie de l’inférence, fondée sur la simulation. Cela consiste à estimer des paramètres pour reproduire ce qui est mesuré. Une simulation habituelle peut le faire, mais il y a beaucoup de paramètres et beaucoup trop de simulations à faire tourner. L’IA va apprendre sur ces données « réelles » pour pouvoir prédire un résultat rapidement et résoudre un problème jusqu’ici insoluble.

Guillaume Lample est, lui aussi, ravi. Depuis trois ans, au sein de Facebook, le jeune chercheur en informatique enchaîne les progrès en mathématiques et espère doter les IA de capacités à raisonner. « Ce serait cool d’arriver à démontrer des conjectures non résolues grâce à l’IA ! », s’amuse-t-il. A l’écouter, il s’en approche à grands pas. Fin 2019, un de ses algorithmes fait du calcul symbolique, c’est-à-dire qu’il manipule les diverses opérations et les écrit comme le ferait un mathématicien. Le programme sait que la dérivée de la fonction x2 est la fonction 2x, ou que sa primitive est x3/3 (en réalité, des fonctions plus compliquées ont été testées !). Il fait mieux que des logiciels commerciaux, Matlab ou Mathematica. « C’était amusant de voir que le système ne savait pas faire des opérations simples, mais qu’il arrivait à faire des choses compliquées – un peu comme les humains », constate le chercheur.

« Ce serait cool d’arriver à démontrer des conjectures non résolues grâce à l’IA ! » – Guillaume Lample, chercheur en informatique

Enfin, récemment, Guillaume Lample a soumis un nouvel article, qui est un traducteur de preuves informelles en preuves formelles. Les premières sont rédigées dans le langage courant des mathématiciens, comme écrit dans leurs articles, et sont les plus nombreuses. Les secondes sont rédigées dans un langage particulier qui permet aux machines de vérifier que l’enchaînement est correct, mais elles sont rares. « L’idée est d’augmenter la quantité de preuves formelles grâce à ce système de traduction. Ce qui permettrait ensuite de mieux entraîner les machines à faire des preuves formelles. A terme, nous pourrions simplifier l’interface des systèmes dits “d’assistants de preuve”, comme Lean, pour faciliter le travail des mathématiciens », résume le chercheur.

Développement de matériaux et de médicaments

« Je suis super excité !, s’exclame Xavier Waintal, chercheur au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) à Grenoble. Depuis la parution, en juillet, de notre dernier article en preprint, nous n’arrêtons pas de recevoir des demandes d’invitations à parler de ces résultats, des demandes de code informatique… » Il n’a pas trouvé la martingale, mais, comme il le dit, « le problème se fendille, ça craque de partout ». C’est LE problème de la physique microscopique, dit « problème à N-corps » : comment arriver à décrire des myriades de particules quantiques en interaction ? Une situation qui est la règle dans la nature, le moindre des matériaux répondant à cette description.

Les calculateurs classiques savent caractériser l’état de 20, 30, peut-être 50 particules, mais pas plus, car la difficulté augmente exponentiellement avec le nombre de particules. Des phénomènes plus collectifs comme certaines formes de supraconductivité échappent donc aux simulations et à leur compréhension. Inversement, disposer de méthodes de calcul efficaces pourrait accélérer le développement de nouveaux matériaux ou médicaments (les interactions chimiques entre molécules relevant de ce genre de mécanismes).

« Nous approchons peut-être du bout du tunnel sur le problème à N-corps, grâce à de nombreuses méthodes. Parmi celles-ci, l’IA est assurément un développement récent très prometteur, sans toutefois avoir encore révolutionné le domaine », estime Antoine Georges, qui a publié, en août, d’importants progrès dans d’autres situations que celles étudiées par son collègue. « Ce serait amusant que l’IA arrive à résoudre un problème qui sert d’argument de vente à l’ordinateur quantique », sourit Xavier Waintal, connu pour son scepticisme sur l’avenir de ces machines qui calculent différemment des supercalculateurs.

Des objections justifiées

L’IA se répand donc sous plusieurs formes : classement ou défloutage des images, détection d’anomalies, simulations à grande vitesse… Mais tout n’est pas parfait. Par exemple, le 5 octobre, trois jours après que Nature a publié une méthode de DeepMind pour accélérer par l’IA la multiplication de grands tableaux de nombre (des matrices), un duo de mathématiciens autrichiens a proposé une méthode classique, qui utilise une opération de moins… Autre déception : lors d’un « concours » en physique des particules pour reconstruire la trajectoire des objets après une collision, un système d’IA a réussi, mais dans un temps rédhibitoire – des jours au lieu de secondes pour d’autres.

Surtout, les chercheurs sont confrontés au vice originel de ces grands systèmes : comment savoir ce qu’ils font ? Comment évaluer la pertinence de leurs réponses ? Les réseaux de neurones font, en effet, souvent figure de « boîtes noires », ce qui peut heurter la rigueur des scientifiques. « Certains freins à l’adoption de l’IA peuvent venir de conservatismes, mais il y a aussi des objections justifiées, rappelle le physicien des particules David Rousseau. Il faut éviter à ces systèmes les “illusions d’optique”, c’est-à-dire de fausses informations. Ou, en tout cas, être capable d’estimer la probabilité que ces événements soient faibles. »

Pour le spécialiste en imagerie Nicolas Dobigeon, « en traitant [les] signaux, on pourrait faire apparaître une raie spectrale alors qu’elle n’existe pas. L’enjeu est d’être sûr que les traitements opérés sont fiables et ne sont pas de nature à avoir “détérioré” les données ». Il note que cette recherche de confiance, de robustesse, voire de certification de qualité, est elle-même un objet de recherche en IA. « Un million ou plus de paramètres ajustables, ça peut en effet faire peur à un physicien !, s’amuse Xavier Waintal. Au début, je trouvais ces techniques un peu idiotes ou évidentes, puis j’ai changé d’avis. Je trouve même qu’elles donnent aux physiciens un nouveau regard : le rapport aux données est différent, par exemple. C’est une façon de penser autrement. »


Michel Lejoyeux : «Cessons d'associer maladie mentale et faits divers !»

Mis à jour 

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le meurtre de la jeune Lola a relancé le débat sur la prise en charge des malades mentaux. Pour le professeur en psychiatrie cette association est dangereuse et participe à la stigmatisation de la discipline et des patients.

Michel LEJOYEUX. - Cette histoire est évidemment bouleversante et scandaleuse. Que ce soit à cette occasion que l'on parle de psychiatrie, pour les psychiatres que nous sommes, c'est inimaginable. Aucun psychiatre raisonnable ne peut, sans avoir rencontré une personne, dire si son cas relève ou non de la psychiatrie. En attente d'une expertise le sujet ne devrait pas être discuté de la sorte.

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mardi 25 octobre 2022

Démographie : l'Homme qui valait huit milliards

Jeudi 20 octobre 2022

Provenant du podcast

La science, CQFD

Selon les projections de l'ONU, la population mondiale pourrait atteindre environ 8,5 milliards d'habitants en 2030, 9,7 milliards en 2050 et 10,4 en 2100. ©Getty - © Marco Bottigelli

Est-il possible de savoir combien nous serons en 2100 ? La démographie, en modélisant les évolutions récentes de la population, permet d’effectuer des projections, mais la fiabilité de ces projections est limitée. Quels facteurs entrent en jeu ?


Avec
  • Hervé Le Bras Démographe, historien, directeur d'études à l'EHESS et chercheur émérite à l'INED, titulaire de la chaire territoire et population à la Fondation Maison des sciences de l’homme, il réalise une chronique pour le mensuel Zadig, "La France à la carte"

  • Jacques Véron démographe et directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques (Ined)

  • Cécile Lestienne Directrice de la rédaction du magazine "Pour la Science"


« Une vraie radio de malade ! » : sur Radio Pinpon, les patients tiennent le micro

Par   Publié le 24 octobre 2022

Il a 14 ans, une bouille ronde encore enfantine, un grand sourire avec des bagues. Autour de lui, les murs du petit local sont recouverts de pochettes de disques multicolores, d’affiches de concert – The Police, ZZ Top, Bob Dylan, Barbara, Iggy Pop, Jacques Dutronc, Amy Winehouse… Des barquettes d’œufs collées au plafond assurent l’isolation phonique.

Lukas (certains patients n’ont pas donné leur nom de famille) met son casque sur les oreilles, approche son visage du micro : « Bonjour et bienvenue dans votre nouvelle émission “C’est très facile 2.0”, une émission de jardinage sur Radio Pinpon. » Pour ce mercredi matin, Lukas a préparé quatre thèmes, « le pommier, le framboisier, le pêcher, le myrtillier », énumère-t-il d’un ton joyeux.

Ses émissions durent trois minutes, pendant lesquelles il distille ses conseils d’horticulture et d’arboriculture. « Ma passion, précise-t-il. Transmise par mon père. » Il a préenregistré les bandes-son chez lui, car il aime « prendre de l’avance ». Penché sur la console de réglages, Eric Lotterie, qui cumule les fonctions de technicien radio et d’infirmier psychiatrique, l’aide à les monter, à les mixer, puis à les mettre en ligne et à les programmer pour diffusion. Devant l’impatience de l’ado, il fait semblant de râler. « Votre génération, avec les réseaux sociaux, vous voulez tout, tout de suite. Moi, petit, je n’avais même pas de téléphone fixe. » Lukas le regarde, hilare : « Tu as connu aussi les pigeons voyageurs et la diligence ? »

Une indispensable soupape

Eric Lotterie, 59 ans, est soignant au pôle psychiatrie de l’hôpital de Niort depuis trente ans. Le 25 septembre 2018, il a lancé Radio Pinpon, webradio thérapeutique animée par des patients. « Une vraie radio de malade ! », clame son slogan. L’idée avait germé trois ans plus tôt dans la tête d’un autre Eric, Eric Bard, lui aussi infirmier psychiatrique à Niort, aujourd’hui à la retraite.

« On n’a pas de grille des programmes fixe. On estime qu’il y a déjà suffisamment de choses qui enferment à l’hôpital. » Eric Lotterie, infirmier psychiatrique

A l’époque, les deux Eric gèrent ensemble La P’tite Cafète, une cafétéria hospitalière où les patients travaillent comme serveurs et à laquelle se greffent des activités sociales (soirées cinéma, repas festifs…). Eric Bard, qui sait que son collègue anime une émission sur une FM associative, lui suggère : pourquoi pas une radio à l’hôpital ?

« On se tirait un peu une balle dans le pied, en faisant ça, sourit Eric Bard rétrospectivement, car on créait une activité supplémentaire sans poste d’infirmier en plus. Mais ce qui marche, en psychiatrie, c’est lorsque le patient est acteur de sa prise en charge, qu’il se l’approprie. Ça a davantage d’impact que si un médecin lui dit : “Tu feras ça de telle heure à telle heure.” Donc il faut qu’il y ait du choix, différentes offres de soins. Or l’hôpital, qui proposait par le passé de nombreux ateliers thérapeutiques, en propose aujourd’hui beaucoup moins. »

Le décor de Radio Pinpon a été réalisé par les patients. A Niort, le 30 mai 2022.

« Elle m’avait demandé avec une ferveur gigantesque que je l’aide à mourir » : extraits de « La Mort à vivre », un recueil de récits intimes sur la fin de vie

Par   Publié le 20 octobre 2022

Dans un livre qui paraît le 21 octobre au Seuil, l’ancienne journaliste au « Monde » Catherine Vincent livre quatorze récits intimes et autant de points de vue de personnes ayant eu à affronter la question de la fin de vie. Nous en donnons à lire en extrait le témoignage d’un médecin généraliste, le docteur X.

Bonnes feuilles. On était à la fin des années 1970. J’avais 25-27 ans, j’étais en stage de médecine et j’avais vu trop de gens mourir à l’hôpital, trop tard, sous l’œil indifférent et peu ému de tout le corps médical… à l’exception des infirmières. Je les entendais dire : « On ne devrait pas continuer à prolonger la vie de ce patient », et j’étais ouvertement opposé à la manière dont les chefs de service leur répondaient : « Moi, vous comprenez, avec tout ce que j’ai comme responsabilités, j’ai pas envie de courir un risque infernal, je suis trop exposé pour faire quoi que ce soit… Et je vous interdis de faire ce que je ne peux pas faire. » Nous, les internes, on se disait que ce n’était pas possible de laisser souffrir des gens si douloureux.

(…)

L’hôpital dans lequel je travaillais avait de vieux pianos qui traînaient dans ses sous-sols. J’y avais déniché un Pianola en super bon état, j’avais obtenu le droit de le réaccorder et je l’avais installé au beau milieu du couloir de passage des internes. J’ai commencé à chercher si, parmi les petits vieux, certains avaient eu une éducation musicale… Et j’ai rencontré une élève de Béla Bartok, qui n’avait pas joué depuis quarante ans. Et j’ai vu ce rembobinage, dans ses yeux, quand elle a remis les doigts sur le clavier. Son regard, son expression… c’était une émotion absolument fantastique.