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mercredi 26 octobre 2022

L’intelligence artificielle, nouveau moteur de la recherche scientifique


Cette technologie d’apprentissage par les données, qui permet d’améliorer les calculs et d’affiner les instruments, envahit tous les champs de la science. Même les chercheurs les plus sceptiques finissent par se laisser convaincre de son intérêt.

Le prochain Prix Nobel sera-t-il une intelligence artificielle (IA), une machine qui, après avoir ingurgité toutes les connaissances du monde, aura trouvé un nouveau médicament contre le cancer, ou une théorie physique au-delà de la physique quantique, ou démontré une conjecture de maths non résolue ? Nous n’en sommes pas là, mais l’IA est en train d’envahir à grande vitesse les laboratoires pour améliorer les instruments, accélérer les calculs, aiguiller vers des hypothèses fécondes, etc.

Début octobre, une équipe chinoise a amélioré numériquement de dix fois la résolution d’images de microscopie optique en biologie, en rendant plus nettes des prises de vues. Un exemple de plus de l’effervescence des derniers mois. En mai, une équipe de Facebook a fait démontrer des théorèmes mathématiques par une IA. Le mois suivant, le concurrent Google a présenté un logiciel qui a résolu un tiers de 200 problèmes scientifiques de niveau licence en mathématiques, physique, économie, biologie… Le même mois, une équipe franco-allemande confiait à une IA le soin de contrôler un objet quantique à coups de micro-ondes bien dosées pour préserver le plus longtemps possible ses propriétés (succès théorique qui va être tenté expérimentalement).

Et, cet été, l’IA scientifique la plus connue, AlphaFold, sortie en 2021 par DeepMind, filiale de Google, a refait parler d’elle. L’algorithme, qui prédit la forme tridimensionnelle de protéines à partir de leur formule chimique, a ajouté un million de configurations à la base de données de référence, qui ne contenait « que » 200 000 structures déterminées expérimentalement.

Des quantités toujours plus grandes de données

Chaque jour, la liste d’applications de l’IA s’allonge dans tous les domaines de la science. « Ça part dans tous les sens ! En 2016, une base de données sur les applications de l’IA en physique des particules comptait une dizaine d’articles ; désormais, elle grossit d’une dizaine par mois », constate David Rousseau, du Laboratoire de physique des deux infinis Irène-Joliot-Curie, à Orsay, coauteur, en 2022, de l’ouvrage Artificial Intelligence for High Energy Physics (World Scientific, non traduit). L’IA n’a pas trouvé le boson de Higgs en 2012, mais elle aidera sûrement à faire les découvertes suivantes. Car, poussée par les quantités toujours plus grandes de données à traiter, elle servira partout à trier des collisions, à simuler pour comparer théorie et expérience, et même à contrôler des trajectoires au sein de l’accélérateur de particules.

« J’ai beaucoup de demandes d’aide de mes collègues, mais je ne peux pas répondre à toutes », déplore Emmanuel Faure, chercheur CNRS au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier, spécialiste des applications de l’IA en imagerie biomédicale. Il note que « même les plus réticents au départ s’y sont mis ». Au Collège de France, Antoine Georges, professeur de physique de la matière condensée, a intitulé son cours de 2023 « Réseaux de neurones, apprentissage et physique quantique ».
Autre signe qui ne trompe pas : DeepMind a changé son slogan, passé de « Résoudre la question de l’intelligence » à « Résoudre la question de l’intelligence pour faire avancer la science et en faire bénéficier l’humanité ». Un autre géant, Microsoft, a lancé une branche « intelligence artificielle pour la science », en créant des laboratoires en Allemagne, aux Pays-Bas, en Chine et au Royaume-Uni, avec des dizaines de chercheurs.

Fruit de nombreux travaux académiques

Que l’IA envahisse les labos n’est qu’un juste retour des choses, car elle est le fruit de nombreuses recherches académiques depuis les années 1950. Son principe de base est d’apprendre par les données, c’est-à-dire d’ajuster des millions, voire des centaines de milliards de paramètres, jusqu’à trouver la relation qui relie des entrées (images, textes ou variables…) et des sorties (légende d’une image, nouvelle image ou grandeur mesurable…).
Microsoft n’hésite pas à parler de nouveau paradigme pour la recherche scientifique. Historiquement, il y a eu l’observation, puis la modélisation, puis les simulations et maintenant l’IA, qui découvre des structures cachées dans les données, accélère les simulations ou en génère sans avoir besoin de connaître les lois physiques sous-jacentes.

Microsoft n’hésite pas à parler de nouveau paradigme pour la recherche scientifique

Sur le terrain, les chercheurs apprennent à collaborer avec ces nouveaux assistants de pointe. « Quand je me suis lancé, en 2019, c’était comme le début d’une thèse : on fait tout soi-même. Au départ, ça ne marche pas ; on passe ses nuits à coder. Et quand ça marche, c’est la joie ! », se souvient Emmanuel Faure. A Montpellier, le chercheur s’est démené avec les neurones artificiels en réseau – le nom de l’unité élémentaire de calcul des systèmes modernes d’intelligence artificielle – pour rendre service à ses collègues en biologie. Ces derniers cherchaient à suivre individuellement chaque cellule lors du développement d’un organisme, à savoir à quel type elle appartenait, mais aussi comment ses frontières bougeaient et qui étaient ses voisines.

Or, c’est justement l’une des qualités qui ont fait le succès des premiers réseaux de neurones dans l’imagerie lorsque, en 2012, l’algorithme AlexNet a balayé des dizaines d’années d’expertise en vision par ordinateur lors d’un concours de reconnaissance d’images. Le système a la capacité de repérer des structures, des motifs abstraits et de s’en servir pour classer les images qu’on lui montre. Evidemment, la méthode a fonctionné en biologie, car, depuis des années, des thésards, postdocs et permanents s’étaient arraché les yeux pour annoter à la main les différents types de cellules pendant la croissance de l’organisme. Une fois cette connaissance ingurgitée, l’IA les a soulagés. « Il y avait des méthodes classiques pour faire ce travail, mais elles trouvaient leur limite quand nous avions trop de données, dans le temps et en nombre de cellules. Il fallait trouver mieux », résume Emmanuel Faure.

En Occitanie toujours, Nicolas Dobigeon, professeur à l’Institut national polytechnique de Toulouse, cherche aussi à faire mieux dans un tout autre domaine. Le dimanche 11 septembre 2022, il a fait le déplacement au laboratoire, car cette date allait marquer le lancement d’un défi que l’IA devrait lui permettre de relever. Ce jour-là, le télescope spatial James-Webb a envoyé des informations sur la nébuleuse d’Orion, sous forme d’images, dans plusieurs longueurs d’onde, et surtout de spectre, c’est-à-dire des décompositions de la lumière en tranches de longueur d’onde encore plus fines (des milliers de points pour chaque pixel de l’image).

Nicolas Dobigeon veut, grâce à des techniques inédites, « fusionner » ces informations venant de deux instruments différents du télescope afin que la précision de l’un se transfère sur l’autre. « On peut multiplier par trois la précision de l’image de l’instrument spectral, avance le chercheur. Les satellites d’observation de la Terre disposent déjà de telles techniques, sans IA, qui consistent à corriger les données. Mais, là, nous avons trop de longueurs d’onde pour que cela fonctionne. » Le principe général consiste à modéliser le mieux possible l’instrument de mesure, en incorporant le plus de connaissances techniques, afin d’en corriger les défauts sur l’image. Mais ces simulations étant gourmandes en temps de calcul, c’est une IA qui va apprendre à calculer, en s’entraînant sur des milliers de simulations antérieures. Ensuite, les calculs seront plus rapides. Réponse dans quelques mois.

Résoudre des problèmes inverses

A presque un millier de kilomètres de là, en Alsace, cette philosophie fonctionne déjà. « Ça marche étonnamment bien ! », s’enthousiasme Dietmar Weinmann, chercheur CNRS à l’Institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg. Son sujet est plus terre à terre. Les spécialistes des nanomatériaux et de leurs propriétés électroniques ont fait un constat gênant : malgré les précautions prises par les fabricants, impossible d’obtenir deux échantillons de taille nanométrique aux propriétés similaires, telles que la résistance électrique. La faute à d’inévitables défauts et impuretés qui modifient le comportement des électrons. Le chercheur voudrait donc, à partir des mesures, connaître la répartition des impuretés. Résoudre ce qu’on appelle un « problème inverse » est a priori une tâche parfaite pour l’IA : si elle a suffisamment d’exemples de défauts et de mesures de résistances, alors elle peut apprendre à faire le lien entre les deux et, ensuite, proposer un paysage de défauts connaissant des valeurs de résistances.

« Quand, en 2018, j’ai entendu un collègue faire un exposé très général sur l’IA en physique, j’ai tout de suite voulu trouver un problème où appliquer cette technique », se souvient Dietmar Weinmann. Le chercheur a donc choisi la problématique des défauts dans les matériaux. « Je me suis plongé dans les livres, j’ai visionné plein de tutos sur le Web, et j’ai construit un réseau de neurones adapté à cette tâche », explique Gaëtan Percebois, en thèse sur ce sujet. En août 2021, ils ont résolu une partie du problème. A partir de mesures simulées sur un échantillon, ils en déduisent une caractérisation complète des défauts, mais pas encore à partir de mesures réelles. La technique appartient à la catégorie de l’inférence, fondée sur la simulation. Cela consiste à estimer des paramètres pour reproduire ce qui est mesuré. Une simulation habituelle peut le faire, mais il y a beaucoup de paramètres et beaucoup trop de simulations à faire tourner. L’IA va apprendre sur ces données « réelles » pour pouvoir prédire un résultat rapidement et résoudre un problème jusqu’ici insoluble.

Guillaume Lample est, lui aussi, ravi. Depuis trois ans, au sein de Facebook, le jeune chercheur en informatique enchaîne les progrès en mathématiques et espère doter les IA de capacités à raisonner. « Ce serait cool d’arriver à démontrer des conjectures non résolues grâce à l’IA ! », s’amuse-t-il. A l’écouter, il s’en approche à grands pas. Fin 2019, un de ses algorithmes fait du calcul symbolique, c’est-à-dire qu’il manipule les diverses opérations et les écrit comme le ferait un mathématicien. Le programme sait que la dérivée de la fonction x2 est la fonction 2x, ou que sa primitive est x3/3 (en réalité, des fonctions plus compliquées ont été testées !). Il fait mieux que des logiciels commerciaux, Matlab ou Mathematica. « C’était amusant de voir que le système ne savait pas faire des opérations simples, mais qu’il arrivait à faire des choses compliquées – un peu comme les humains », constate le chercheur.

« Ce serait cool d’arriver à démontrer des conjectures non résolues grâce à l’IA ! » – Guillaume Lample, chercheur en informatique

Enfin, récemment, Guillaume Lample a soumis un nouvel article, qui est un traducteur de preuves informelles en preuves formelles. Les premières sont rédigées dans le langage courant des mathématiciens, comme écrit dans leurs articles, et sont les plus nombreuses. Les secondes sont rédigées dans un langage particulier qui permet aux machines de vérifier que l’enchaînement est correct, mais elles sont rares. « L’idée est d’augmenter la quantité de preuves formelles grâce à ce système de traduction. Ce qui permettrait ensuite de mieux entraîner les machines à faire des preuves formelles. A terme, nous pourrions simplifier l’interface des systèmes dits “d’assistants de preuve”, comme Lean, pour faciliter le travail des mathématiciens », résume le chercheur.

Développement de matériaux et de médicaments

« Je suis super excité !, s’exclame Xavier Waintal, chercheur au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) à Grenoble. Depuis la parution, en juillet, de notre dernier article en preprint, nous n’arrêtons pas de recevoir des demandes d’invitations à parler de ces résultats, des demandes de code informatique… » Il n’a pas trouvé la martingale, mais, comme il le dit, « le problème se fendille, ça craque de partout ». C’est LE problème de la physique microscopique, dit « problème à N-corps » : comment arriver à décrire des myriades de particules quantiques en interaction ? Une situation qui est la règle dans la nature, le moindre des matériaux répondant à cette description.

Les calculateurs classiques savent caractériser l’état de 20, 30, peut-être 50 particules, mais pas plus, car la difficulté augmente exponentiellement avec le nombre de particules. Des phénomènes plus collectifs comme certaines formes de supraconductivité échappent donc aux simulations et à leur compréhension. Inversement, disposer de méthodes de calcul efficaces pourrait accélérer le développement de nouveaux matériaux ou médicaments (les interactions chimiques entre molécules relevant de ce genre de mécanismes).

« Nous approchons peut-être du bout du tunnel sur le problème à N-corps, grâce à de nombreuses méthodes. Parmi celles-ci, l’IA est assurément un développement récent très prometteur, sans toutefois avoir encore révolutionné le domaine », estime Antoine Georges, qui a publié, en août, d’importants progrès dans d’autres situations que celles étudiées par son collègue. « Ce serait amusant que l’IA arrive à résoudre un problème qui sert d’argument de vente à l’ordinateur quantique », sourit Xavier Waintal, connu pour son scepticisme sur l’avenir de ces machines qui calculent différemment des supercalculateurs.

Des objections justifiées

L’IA se répand donc sous plusieurs formes : classement ou défloutage des images, détection d’anomalies, simulations à grande vitesse… Mais tout n’est pas parfait. Par exemple, le 5 octobre, trois jours après que Nature a publié une méthode de DeepMind pour accélérer par l’IA la multiplication de grands tableaux de nombre (des matrices), un duo de mathématiciens autrichiens a proposé une méthode classique, qui utilise une opération de moins… Autre déception : lors d’un « concours » en physique des particules pour reconstruire la trajectoire des objets après une collision, un système d’IA a réussi, mais dans un temps rédhibitoire – des jours au lieu de secondes pour d’autres.

Surtout, les chercheurs sont confrontés au vice originel de ces grands systèmes : comment savoir ce qu’ils font ? Comment évaluer la pertinence de leurs réponses ? Les réseaux de neurones font, en effet, souvent figure de « boîtes noires », ce qui peut heurter la rigueur des scientifiques. « Certains freins à l’adoption de l’IA peuvent venir de conservatismes, mais il y a aussi des objections justifiées, rappelle le physicien des particules David Rousseau. Il faut éviter à ces systèmes les “illusions d’optique”, c’est-à-dire de fausses informations. Ou, en tout cas, être capable d’estimer la probabilité que ces événements soient faibles. »

Pour le spécialiste en imagerie Nicolas Dobigeon, « en traitant [les] signaux, on pourrait faire apparaître une raie spectrale alors qu’elle n’existe pas. L’enjeu est d’être sûr que les traitements opérés sont fiables et ne sont pas de nature à avoir “détérioré” les données ». Il note que cette recherche de confiance, de robustesse, voire de certification de qualité, est elle-même un objet de recherche en IA. « Un million ou plus de paramètres ajustables, ça peut en effet faire peur à un physicien !, s’amuse Xavier Waintal. Au début, je trouvais ces techniques un peu idiotes ou évidentes, puis j’ai changé d’avis. Je trouve même qu’elles donnent aux physiciens un nouveau regard : le rapport aux données est différent, par exemple. C’est une façon de penser autrement. »


Michel Lejoyeux : «Cessons d'associer maladie mentale et faits divers !»

Mis à jour 

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le meurtre de la jeune Lola a relancé le débat sur la prise en charge des malades mentaux. Pour le professeur en psychiatrie cette association est dangereuse et participe à la stigmatisation de la discipline et des patients.

Michel LEJOYEUX. - Cette histoire est évidemment bouleversante et scandaleuse. Que ce soit à cette occasion que l'on parle de psychiatrie, pour les psychiatres que nous sommes, c'est inimaginable. Aucun psychiatre raisonnable ne peut, sans avoir rencontré une personne, dire si son cas relève ou non de la psychiatrie. En attente d'une expertise le sujet ne devrait pas être discuté de la sorte.

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mardi 25 octobre 2022

Démographie : l'Homme qui valait huit milliards

Jeudi 20 octobre 2022

Provenant du podcast

La science, CQFD

Selon les projections de l'ONU, la population mondiale pourrait atteindre environ 8,5 milliards d'habitants en 2030, 9,7 milliards en 2050 et 10,4 en 2100. ©Getty - © Marco Bottigelli

Est-il possible de savoir combien nous serons en 2100 ? La démographie, en modélisant les évolutions récentes de la population, permet d’effectuer des projections, mais la fiabilité de ces projections est limitée. Quels facteurs entrent en jeu ?


Avec
  • Hervé Le Bras Démographe, historien, directeur d'études à l'EHESS et chercheur émérite à l'INED, titulaire de la chaire territoire et population à la Fondation Maison des sciences de l’homme, il réalise une chronique pour le mensuel Zadig, "La France à la carte"

  • Jacques Véron démographe et directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques (Ined)

  • Cécile Lestienne Directrice de la rédaction du magazine "Pour la Science"


« Une vraie radio de malade ! » : sur Radio Pinpon, les patients tiennent le micro

Par   Publié le 24 octobre 2022

Il a 14 ans, une bouille ronde encore enfantine, un grand sourire avec des bagues. Autour de lui, les murs du petit local sont recouverts de pochettes de disques multicolores, d’affiches de concert – The Police, ZZ Top, Bob Dylan, Barbara, Iggy Pop, Jacques Dutronc, Amy Winehouse… Des barquettes d’œufs collées au plafond assurent l’isolation phonique.

Lukas (certains patients n’ont pas donné leur nom de famille) met son casque sur les oreilles, approche son visage du micro : « Bonjour et bienvenue dans votre nouvelle émission “C’est très facile 2.0”, une émission de jardinage sur Radio Pinpon. » Pour ce mercredi matin, Lukas a préparé quatre thèmes, « le pommier, le framboisier, le pêcher, le myrtillier », énumère-t-il d’un ton joyeux.

Ses émissions durent trois minutes, pendant lesquelles il distille ses conseils d’horticulture et d’arboriculture. « Ma passion, précise-t-il. Transmise par mon père. » Il a préenregistré les bandes-son chez lui, car il aime « prendre de l’avance ». Penché sur la console de réglages, Eric Lotterie, qui cumule les fonctions de technicien radio et d’infirmier psychiatrique, l’aide à les monter, à les mixer, puis à les mettre en ligne et à les programmer pour diffusion. Devant l’impatience de l’ado, il fait semblant de râler. « Votre génération, avec les réseaux sociaux, vous voulez tout, tout de suite. Moi, petit, je n’avais même pas de téléphone fixe. » Lukas le regarde, hilare : « Tu as connu aussi les pigeons voyageurs et la diligence ? »

Une indispensable soupape

Eric Lotterie, 59 ans, est soignant au pôle psychiatrie de l’hôpital de Niort depuis trente ans. Le 25 septembre 2018, il a lancé Radio Pinpon, webradio thérapeutique animée par des patients. « Une vraie radio de malade ! », clame son slogan. L’idée avait germé trois ans plus tôt dans la tête d’un autre Eric, Eric Bard, lui aussi infirmier psychiatrique à Niort, aujourd’hui à la retraite.

« On n’a pas de grille des programmes fixe. On estime qu’il y a déjà suffisamment de choses qui enferment à l’hôpital. » Eric Lotterie, infirmier psychiatrique

A l’époque, les deux Eric gèrent ensemble La P’tite Cafète, une cafétéria hospitalière où les patients travaillent comme serveurs et à laquelle se greffent des activités sociales (soirées cinéma, repas festifs…). Eric Bard, qui sait que son collègue anime une émission sur une FM associative, lui suggère : pourquoi pas une radio à l’hôpital ?

« On se tirait un peu une balle dans le pied, en faisant ça, sourit Eric Bard rétrospectivement, car on créait une activité supplémentaire sans poste d’infirmier en plus. Mais ce qui marche, en psychiatrie, c’est lorsque le patient est acteur de sa prise en charge, qu’il se l’approprie. Ça a davantage d’impact que si un médecin lui dit : “Tu feras ça de telle heure à telle heure.” Donc il faut qu’il y ait du choix, différentes offres de soins. Or l’hôpital, qui proposait par le passé de nombreux ateliers thérapeutiques, en propose aujourd’hui beaucoup moins. »

Le décor de Radio Pinpon a été réalisé par les patients. A Niort, le 30 mai 2022.

« Elle m’avait demandé avec une ferveur gigantesque que je l’aide à mourir » : extraits de « La Mort à vivre », un recueil de récits intimes sur la fin de vie

Par   Publié le 20 octobre 2022

Dans un livre qui paraît le 21 octobre au Seuil, l’ancienne journaliste au « Monde » Catherine Vincent livre quatorze récits intimes et autant de points de vue de personnes ayant eu à affronter la question de la fin de vie. Nous en donnons à lire en extrait le témoignage d’un médecin généraliste, le docteur X.

Bonnes feuilles. On était à la fin des années 1970. J’avais 25-27 ans, j’étais en stage de médecine et j’avais vu trop de gens mourir à l’hôpital, trop tard, sous l’œil indifférent et peu ému de tout le corps médical… à l’exception des infirmières. Je les entendais dire : « On ne devrait pas continuer à prolonger la vie de ce patient », et j’étais ouvertement opposé à la manière dont les chefs de service leur répondaient : « Moi, vous comprenez, avec tout ce que j’ai comme responsabilités, j’ai pas envie de courir un risque infernal, je suis trop exposé pour faire quoi que ce soit… Et je vous interdis de faire ce que je ne peux pas faire. » Nous, les internes, on se disait que ce n’était pas possible de laisser souffrir des gens si douloureux.

(…)

L’hôpital dans lequel je travaillais avait de vieux pianos qui traînaient dans ses sous-sols. J’y avais déniché un Pianola en super bon état, j’avais obtenu le droit de le réaccorder et je l’avais installé au beau milieu du couloir de passage des internes. J’ai commencé à chercher si, parmi les petits vieux, certains avaient eu une éducation musicale… Et j’ai rencontré une élève de Béla Bartok, qui n’avait pas joué depuis quarante ans. Et j’ai vu ce rembobinage, dans ses yeux, quand elle a remis les doigts sur le clavier. Son regard, son expression… c’était une émotion absolument fantastique.

Déserts médicaux : bientôt des infirmiers aux compétences élargies pour pallier le manque de médecins ?

Publié le 

Pour lutter contre les déserts médicaux, la majorité présidentielle veut notamment autoriser les infirmières en pratique avancée (IPA) à prescrire des médicaments.

Une proposition de loi, attendue fin novembre dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, veut notamment autoriser certains infirmiers à "faire des prescriptions". "Son but est d'améliorer l'accès aux soins, afin de lutter contre les déserts médicaux", explique à La Dépêche la rapporteure du budget de la Sécurité sociale, Stéphanie Rist.



Interview Accès aux soins : «Si le système de santé ne s’appuie pas sur les généralistes, il ne tiendra pas longtemps»

par Nathalie Raulin   publié le 20 octobre 2022

La présidente du syndicat MG France, Agnès Giannotti, promet une fronde des médecins généralistes face à la volonté du gouvernement de permettre aux patients de consulter directement kinésithérapeutes ou infirmières. Elle appelle à privilégier les besoins des patients plutôt que leurs demandes.

La pénurie de médecins généralistes compromettant l’accès aux soins sur une fraction de plus en plus large du territoire national, le gouvernement cherche à mobiliser d’autres professions de santé pour répondre aux besoins. Alors que les députés débutent ce jeudi l’examen du budget de la sécurité sociale pour 2023, la docteure Agnès Giannotti, présidente de MG France, premier syndicat de médecins généralistes, se dit favorable à une plus grande participation des autres professions de santé aux gardes de nuit et de week-end comme au suivi des patients, sous coordination médicale. En revanche, si le gouvernement persiste dans son projet d’autoriser l’accès direct aux autres professionnels de santé, «cela risque de mal tourner», avertit-elle.

Découverte Les descendants des survivants de la peste noire plus exposés aux maladies auto-immunes

par Nathalie Raulin   publié le 19 octobre 2022 

Dans une étude parue ce mercredi dans «Nature», des chercheurs démontrent que des gènes qui ont protégé les individus de la pandémie meurtrière au Moyen Age augmentent aujourd’hui les risques de déclarer une maladie de Crohn ou de l’arthrite rhumatoïde.
publié le 19 octobre 2022 à 17h00

Les descendants des hommes qui ont résisté à la pandémie dévastatrice de peste bubonique qui a sévi en Europe, en Asie et en Afrique il y a près de sept cents ans ont aujourd’hui un risque accru de déclarer une maladie auto-immune. Telle est la conclusion d’une recherche passionnante sur les prédispositions génétiques, conduite par la scientifique de l’université de Chicago Jennifer Klunk, en association avec des chercheurs de l’université McMaster (Canada) et de l’Institut Pasteur, parue ce mercredi dans la revue internationale Nature.

Le sexe peut-il sauver notre rentrée ?

Publié le 11 septembre 2022

Face à l’afflux de nouvelles plus accablantes les unes que les autres, l’intimité sexuelle peut avoir des vertus consolatrices. A condition d’accorder toute l’attention qu’il mérite au plaisir érotique, souligne Maïa Mazaurette, la chroniqueuse de « La Matinale ».

LE SEXE SELON MAÏA

Fin de l’abondance, fin de la bamboche : on n’est pas bien, en 2022 ? A la fraîche (entre deux canicules), décontractés de l’effondrement (vous prendrez bien un apéro entre deux nouvelles accablantes) ? Bon, regardons la réalité en face : cette rentrée est complètement pourrie. Alors très bien, cherchons des solutions à portée de main : la sexualité pourrait-elle nous réconforter ?

A première vue, on pourrait se dire que oui : le cocktail hormonal apporté par le plaisir et la connexion à l’autre fait (généralement) office d’antidépresseur naturel. Un bon orgasme, un nouvel amant, ou même un gros câlin, tout ça peut nous tenir émotionnellement. Faudrait-il donc aller au lit comme on va chez le psy, utiliser le Kama-sutra comme un psychotrope, et tant qu’à faire, réclamer à la sécurité sociale le remboursement de nos sextoys ? Ce n’est pas si simple.

Pour commencer, il faut poser la question dans le bon sens, c’est-à-dire… dans tous les sens. La sexualité peut nous remonter le moral, mais un moral en berne peut démolir notre sexualité – à commencer par notre libido. Il ne suffit pas de se jeter sur notre partenaire (ou sur notre sextoy) pour aller mieux : ce serait une forme d’instrumentalisation, qui réduirait notre vie érotique à de la médicalisation. Et puis franchement, vous vous doutez bien que s’il suffisait de toucher un clitoris ou un pénis pour oublier tous vos problèmes, vous seriez au courant.

La "corbicyclette", le "premier corbillard-vélo de France" pour pédaler jusqu’au cimetière

Ecrit par Pierre de Baudouin avec Denis Tanchereau, Christian Mirabaud et Yves Zysman

Publié le 

Les vélos vont-ils enterrer les corbillards traditionnels ? A l'approche de la Toussaint, une société parisienne de pompes funèbres présente un triporteur-corbillard pour transporter les cercueils en pédalant lors des convois funéraires.

En roulant sur les pistes cyclables de la capitale, la "corbicyclette" ne passe pas inaperçue. "C’est pour les touristes ? Ah non, pas du tout… C’est pour les morts", réagit Florence, une cycliste parisienne, en découvrant le véhicule. "Je trouve ça très sympa, ça attire l’attention", juge-t-elle.

"En ce moment, il y a des vélos électriques qui transportent tout et n’importe quoi. C’est étrange… C’est peut-être une blague, non ?", s’interroge Boris, un autre cycliste. "Pourquoi pas, c’est plus écologique sans doute", estime-t-il.


lundi 24 octobre 2022

Les Québécois invités à abandonner les costumes d’infirmières «sexy»




Publié le 







«Les infirmières et infirmiers exercent une profession scientifique et leur expertise doit être davantage connue et valorisée. Il est temps que les perceptions changent.»

Pour ce faire, l'OIIQ lance une campagne de sensibilisation afin d'inciter la population à réfléchir de manière plus critique à la façon dont les infirmières sont représentées.

La vidéo, d’environ une minute, se termine en rappelant que «les infirmières et infirmiers soignent notre monde» et qu’il faut à notre tour «[soigner] leur image».

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La santé appartient à ceux qui se lèvent tôt…

Mardi, 25/10/2022 

Une étude réalisée par des chercheurs de l’Université Rutgers (New Jersey) a montré que les personnes matinales jouissent également d’une meilleure santé globale. Pour parvenir à cette conclusion, des chercheurs de l’Université Rutgers (États-Unis) ont recruté 51 adultes souffrant du syndrome métabolique, à savoir l’association de plusieurs troubles liés à la présence d’un excès de graisse à l’intérieur du ventre.

Dans le cadre des travaux, les participants ont été divisés en deux groupes, les couche-tard et les lève-tôt, en fonction de leur "chronotype", c’est-à-dire notre propension naturelle à avoir envie de dormir et à faire des activités à des heures différentes, et de leurs réponses à un questionnaire sur leurs habitudes quotidiennes. Les scientifiques ont utilisé des techniques d'imagerie avancées pour évaluer la masse et la composition corporelles des volontaires, ainsi que leur sensibilité à l'insuline et des échantillons d'haleine afin de mesurer le métabolisme des graisses et des glucides.

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Dormir 5h par nuit augmenterait le risque de développer une maladie chronique

Jeudi 20 octobre 2022

Provenant du podcast

Le Journal des sciences

Pour le démontrer, des chercheurs ont utilisé les données de 10.000 personnes suivies pendant plus de 30 ans. ©Getty - Tara Moore

Dès 50 ans, les courtes nuits exposent à un risque de multimorbidité supérieur de 40% par rapport aux personnes dormant 7h. Dans le reste de l'actualité scientifique, pourquoi les moustiques sont-ils attirés par certains d’entre nous, et du matériel de pêche dans les océans...

C’est un résultat qui va vous faire grimacer Guillaume. On avait déjà étudié le lien entre sommeil et cancer, ou sommeil et maladies cardiovasculaires, mais c’est la première fois qu’on s'intéresse à ce phénomène plus large de multimorbidité.

C'est -à -dire la présence d’au moins deux maladies chroniques en même temps… diabète et hypertension, AVC et arthrose par exemple…Et c’est commun, plus de la moitié des personnes de plus de 65 ans ont deux maladies à la fois.

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Drogues Amendement de Julien Bayou sur le cannabis : une brèche vers la légalisation ?

par Charles Delouche-Bertolasi   publié le 20 octobre 2022

Le député écologiste a déposé un amendement visant à taxer les produits du cannabis dans le cadre du vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L’occasion de relancer le débat autour de la plante et de ses dérivés.

par Charles Delouche-Bertolasi

publié le 20 octobre 2022 à 18h17

Entre 4 et 5 milliards d’euros de recettes fiscales en France (en basant nos calculs sur les chiffres du Colorado, Etat américain symbole de la ruée vers l’herbe) : c’est ce que pourrait rapporter une légalisation du cannabis dans l’Hexagone, estime le député écologiste Julien Bayou. «Légaliser pour mieux prévenir et réduire les risques», promet le député de Paris. L’ancien secrétaire général d’Europe Ecologie-les Verts a déposé ce mercredi un amendement pour la légalisation, jugé recevable par les services de l’Assemblée nationale. Sauf si le gouvernement dégaine un deuxième 49-3 sur le budget de la Sécurité sociale, le texte devrait être examiné ce jeudi ou vendredi.

Kamel Daoud. La schizophrénie de l’exilé typique en Occident qui vient y chercher la liberté et y trouve celle d’y reconstruire sa prison

Tribune Juive 

17 octobre 2022

Algerian writer and journalist Kamel Daoud poses during a photo session in Paris on February 20, 2017. (Photo by JOEL SAGET / AFP)

La ritournelle de l’exilé crachant sur nos démocraties occidentales après avoir fui l’islamisme de son pays d’origine est obscène. Les Iraniennes qui payent la liberté au prix de leur vie n’ont pas ce luxe.

Des femmes courageuses ôtent leur voile en Iran et c’est en France que certains s’en retrouvent tout nus. 

Comment est-ce possible ? Par effet d’éclairage sur les fausses opinions, sur les procès en islamophobie qu’on oppose à la France mais dans le confort, le luxe, la démocratie. Car, aujourd’hui, les Iraniennes montrent ce que coûte la liberté, le courage, la foi en son propre corps.

La facture de l’islamisme est là : la mort et la privation. Elle est montrée à bout de bras. Et ceux qui, ici en France, prônent la liberté en la voilant, l’identité en reculant et le communautaire en choisissant de se taire, les voilà dénudés, exposés dans leur intime conviction monstrueuse et lâche.

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Maladie mentale : définition, liste des différentes maladies, symptômes, test

Publié le 18/10/2022

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Avec le Docteur Astrid Chevance, psychiatre

Il existe de nombreuses idées reçues autour des troubles psychiques. Quel professionnel de santé consulter ? Comment se déroule la pose de diagnostic et la prise en charge ? Décryptage avec le Docteur Astrid Chevance, psychiatre.

Une personne sur huit dans le monde présente un trouble mental, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). "Une maladie mentale a un retentissement important dans la vie d’un patient. Elle peut se caractériser par des comportements, des pensées, des émotions ou des affects qui génèrent une souffrance dite significative, c’est-à-dire que la personne rapporte cette douleur. La pathologie peut également engendrer une rupture du fonctionnement. L’individu n’est alors plus en capacité d’être avec ses pairs, de participer à la vie en société ou de travailler", explique le Docteur Astrid Chevance, psychiatre.

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La Cour suprême des États-Unis donne son feu vert à une exécution malgré des soupçons de maladie mentale



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La Cour suprême des États-Unis a refusé mercredi d’offrir un sursis à un condamné à mort qui doit être exécuté dans l’État d’Oklahoma bien qu’il souffre, selon ses avocats, de lourds problèmes psychiatriques.

Benjamin Cole, 57 ans, doit recevoir une injection létale jeudi à 10h, heure locale, dans le pénitencier de McAlester, dans le centre des États-Unis. 

Il avait été condamné à la peine capitale en 2004 pour le meurtre de sa fille âgée de neuf mois. Selon les procureurs, il l’a tuée pour la faire taire avant de reprendre une partie de jeux vidéo.

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Zora von der Blast, tête foraine




par Kim Hullot-Guiot   publié le 23 octobre 2022
Avaleuse de sabres, cracheuse de feu, l’artiste polonaise aux faux airs de Harley Quinn se produit au Cabaret décadent jusqu’au 29 octobre à Paris.
publié le 23 octobre 2022 à 17h57

L’homme hésite. Il a le sourire gêné de celui à qui on vient de balancer une énormité avec le plus grand sérieux. Lard ? Cochon ? Bacon végétal ? La pression est d’autant plus forte qu’une centaine de paires d’yeux ne perdent rien de son embarras. Mais non, face à lui, Zora von der Blast ne plaisante pas : elle lui propose bel et bien de lui agrafer un morceau de papier sur la fesse. Le spectateur, qui croyait venir assister peinard à une revue de cabaret, se demande peut-être s’il a soudain été happé dans une réédition burlesque de l’expérience de Stanley Milgram sur la soumission à l’autorité. Dans les années 60, ce psychologue américain avait étudié la façon dont les gens réagissent lorsqu’ils sont confrontés à la fois à un ordre et à ses conséquences, en demandant à des volontaires d’appuyer sur un bouton pour envoyer des décharges électriques à d’autres personnes, en fait des acteurs qui faisaient semblant de souffrir.