institut histoire et lumières de la pensée
olivier bétourné et élisabeth roudinesco, fondateurs
Il y a bien longtemps que les historiens et les anthropologues s’intéressent aux objets et à la manière dont les hommes et les femmes les utilisent dans leur vie quotidienne. Et de même que les uns sont chasseurs ou guerriers et les autres voués à des tâches culinaires ou vestimentaires, de même les instruments dont ils se servent sont différemment attribués par chaque époque selon le sexe : les variations d’attribution sont infinies depuis la nuit des temps, mais l’exclusivité selon le sexe se trouve bien réduite dans les sociétés occidentales depuis que les femmes ont acquis le droit de porter des tenues réservées auparavant aux hommes et de ne plus être assignées au rôle exclusif de mère et d’épouse. Pour autant, que des inégalités demeurent dans l’attribution, c’est évident.
Mais quelle mouche a donc piqué cette députée, déjà convaincue d’avoir pris pour compagnon un « homme déconstruit » - modèle à l’évidence unique -, en imaginant que le barbecue était « genré », c’est-à-dire viriliste, machiste, symbole du fameux « patriarcat » dont il est urgent que nous nous libérions, entre bistrot franchouillard et barbaque recuite pour militant spéciste ? Saisi du même emportement, un adepte du queer design et de la « sexuation par les objets », psychanalyste de son état, s’est récemment essayé à décrire la scène d’épouvante extraite d’une série télé au cours de laquelle on voit une famille américaine réunie dans un jardin autour de l’objet fatal : « Au menu, systématiquement : barbecue. Il faut alors se défaire de l’intrigue et du récit. En dehors de l’histoire, que nous donne-t-on à voir ? On aperçoit dans un coin de l’image, bière à la main, des hommes qui discutent. Protagonistes ou seconds rôles, ils sont réunis autour d’un objet dont ils ont la maîtrise (…). Le barbecue est leur domaine (…) une machine à formater les inconscients . » Pireencore : l’instrument « aurait le pouvoir de distinguer ceux qui l’utilisent pour cuire le cru de celles qui, dévotement, sont là pour servir. »
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