RIMA ELKOURI Publié le 3 février 2021
QUEBEC
Aux soignants sur le terrain pour combattre la COVID-19, le Dr Nicolas Bergeron, psychiatre et chercheur au CHUM, prescrit une « diète médias », considérée comme essentielle à leur santé mentale.
S’ils suivent bien les conseils du doc, ils ne liront donc pas cette chronique.
Vous nous trouvez trop pessimistes, docteur ?
« Non, pas nécessairement pessimistes. C’est la réalité. On vit une catastrophe. Ce sont des éléments réels. Le travail des médias est extrêmement important pour décrier ou remettre en question de mauvaises pratiques – je le fais aussi. Mais… »
Mais ce qui est bien réel aussi, c’est que la façon dont on raconte le réel n’est pas sans conséquence pour le moral des troupes. « C’est de mieux en mieux connu que ce qui est rapporté par les médias va aussi affecter notre santé mentale. Il faut avoir le micro pudique. Tout est dans le ton. Donner les nouvelles, oui. Mais être équilibré aussi. »
Pour le Dr Bergeron, cet équilibre n’est pas toujours au rendez-vous lorsqu’on parle de la détresse des travailleurs de la santé. On tend à prédire la catastrophe. Or, une nouvelle étude dresse un portrait, disons, moins pessimiste que ce à quoi l’on s’attendait.
Si la détresse des travailleurs de la santé est bien réelle et ne doit être en aucun cas banalisée, la grande majorité d’entre eux (85 %) semblent s’être bien adaptés, souligne le Dr Bergeron.
Dans le cadre de la Semaine de prévention du suicide, le Dr Bergeron et le professeur Steve Geoffrion, codirecteur du Centre d’étude sur le trauma et chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, présenteront ce mercredi un premier portrait issu d’une étude longitudinale sur la détresse psychologique des travailleurs de la santé pendant la pandémie. L’étude a suivi 373 soignants du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), des CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal et de la Capitale-Nationale, qui, du 8 mai au 4 septembre, ont fait chaque semaine un programme d’autosurveillance avec une application mobile.
« Le message central, c’est qu’on est capables d’adaptation. La détresse n’est pas une maladie mentale. Le travailleur de la santé est capable de s’adapter si on lui donne les bons outils. »
Il ne s’agit pas de mettre des lunettes roses ou d’être jovialiste. Ni de dire que la détresse n’est pas souffrante. Ni de passer sous silence la tragédie d’une tristesse infinie de la Dre Karine Dion, morte par suicide.
« Il y a 15 % des travailleurs de la santé qui ne trouvent vraiment pas ça facile. On parle de niveaux de trois à quatre fois supérieurs à ce que l’on observe en général, hors pandémie, pour la dépression, l’anxiété et les troubles de stress post-traumatique. »
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