Paris, le samedi 16 janvier 2021 – Parmi ceux qui ont défilé il y a six ans quasiment jour pour jour, beaucoup aujourd’hui sur Twitter se félicitent. Ils étaient Charlie et désormais ils n’ont aucun d’état d’âme à approuver que Twitter ait banni Donald Trump. La liberté d’expression de journalistes assassinés qu’ils exaltaient hier ne semble pas devoir bénéficier à un président des Etats-Unis désespéré de voir échapper son pouvoir. Bien sûr, la comparaison pourrait être discutée : les caricatures des uns ne sont pas les appels à la sédition de l’autre. Les dessinateurs d’un petit journal n’ont pas la même responsabilité que l’homme le plus puissant du monde. Les bulles de Charlie parlaient d’un monde que beaucoup considèrent comme imaginaire, quand les tweet de Trump avaient un impact direct sur la réalité. Oui, mais la liberté d’expression peut-elle pourtant souffrir d’exception ?
Outre les appels directs au meurtre, peut-on souhaiter une liberté d’expression à géométrie variable, uniquement parce que certaines idées nous semblent plus défendables que d’autres (ce qui est bien sûr parfaitement subjectif).
Des débats loin d’être tranchés
On nous rétorquera que dans les domaines qui nous occupent, la science et la médecine, l’objectivité est plus facile. Il serait plus aisé d’affirmer que certaines affirmations sont fausses et délétères et donc de prétendre vouloir les « sanctionner ». Pourtant, les preuves scientifiques appuyant les décisions médicales sont sans cesse en construction et ce qui est considéré comme vrai aujourd’hui pourrait se révéler faux demain : faut-il donc risquer de censurer ceux qui pourraient juste avoir raison trop tôt ? Surtout, de nombreuses décisions politiques liées au champ médical sont loin d’être parfaitement étayées scientifiquement et peuvent donc être l’objet de débats. Enfin, d’une manière générale, la défense de la liberté d’expression, la cruciale défense de la liberté d’expression comme nous l’ont rappelé plusieurs évènements tragiques dans notre pays ces derniers mois, doit-elle s’arrêter quand on parle de santé ou de médecine ? Peut-on sans sourciller, sans s’inquiéter des dérives, sereinement accepter de priver d’antenne tel ou tel médecin ou expert au prétexte qu’il s’éloigne de la doxa ?