Par Benjamin Barthe Publié le 17 décembre 2020
D’ici à un mois et demi, en raison de la crise économique, les patients internés à l’hôpital de la Croix n’auront plus rien à manger.
LETTRE DE BEYROUTH
A Jal el-Dib, une banlieue de Beyrouth, la folie du monde s’est engouffrée dans le monde des fous. L’hôpital de la Croix, le principal asile psychiatrique du Liban, est percuté par le cataclysme économique qui ravage le pays du Cèdre. La chute libre de la monnaie nationale, la livre libanaise, qui a perdu 80 % de sa valeur, couplée à l’envol des prix des denrées de base, de l’ordre de 120 % sur un an, a vidé les caisses de cette institution.
Logé dans un vaste parc, havre de calme sur les hauteurs de la capitale libanaise, l’hôpital vacille sous les coups de la crise. « Il nous reste de quoi nourrir les malades pour encore un mois et demi,soupire la directrice, sœur Jeannette Abou Abdallah. Après cela, on comptera sur la providence. » L’établissement a été ouvert en 1951 par le moine capucin Jacques Haddad (1875-1954), dit Abouna Yaacoub, célèbre défenseur des déshérités. Il est installé sur le site d’un ancien couvent des franciscaines de la Croix du Liban, une congrégation fondée par le frère Jacques.
A l’époque, le principal lieu d’accueil des malades mentaux était l’hôpital Asfourié de Beyrouth, crée en 1900 par un missionnaire quaker suisse. Mais l’endroit, bombardé à de multiples reprises durant la guerre civile et assailli par les difficultés financières, a dû fermer ses portes en 1982. Dans les années qui ont suivi, plusieurs autres hôpitaux se sont dotés d’un service de médecine psychiatrique. Mais aucun n’a acquis l’importance de l’établissement géré par les franciscaines, le seul à être entièrement consacré au traitement de ces pathologies. Avec 1 000 lits et 376 employés, c’est une très grosse structure qui se trouve aujourd’hui sur le fil du rasoir.