En paraphrasant Clemenceau, Emmanuel Macron a voulu unir toutes les forces de la nation, mais la société reste déboussolée par les injonctions contradictoires de l’exécutif, estime dans sa chronique Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».
Publié le 23 mars 2020
A
u milieu de ce quinquennat qui se voulait vierge de tout passé, en rupture avec le vieux monde, a surgi un personnage historique chenu mais incontournable par temps de guerre : Georges Clemenceau. Certes, le président de la République n’a pas explicitement convoqué le Père la Victoire dans son allocution télévisée du 16 mars mais il n’a pas hésité à le paraphraser lorsqu’il a rendu hommage aux personnels soignants qui « ont des droits sur nous », comme naguère les poilus de la guerre de 14-18. Et il s’en est constamment inspiré lorsqu’il a martelé à six reprises et pour marquer les esprits : « Nous sommes en guerre. »
Quelles forces était donc parvenues à soulever l’homme âgé de 76 ans qui, appelé par Raymond Poincaré pour redevenir président du conseil, était monté à la tribune de l’Assemblée nationale le 20 novembre 1917 pour annoncer : « Nous nous présentons devant vous dans l’unique pensée d’une guerre intégrale » ? Le pays guerroyait alors depuis trois ans mais les très lourdes pertes humaines qu’il avait subies dans les tranchées entretenaient le défaitisme.
En prenant les rênes du gouvernement, le Vendéen n’était pas du tout assuré de remporter la guerre mais il en avait la farouche volonté et appuyait son action sur deux principes intangibles : l’exécutif devait être énergique et décidé, et toutes les forces de la nation devaient être unies contre l’ennemi. « Il faut que chaque citoyen, où qu’il soit, prenne sa part de responsabilité », avait-il lancé. Depuis le déclenchement des hostilités en 1914, le Tigre n’avait cessé de fustiger dans son journal L’Homme libre, devenu après la censure L’Homme enchaîné, « l’insouciance » des uns et « la mollesse » des autres.