PUBLIÉ LE 29/01/2020
Chronique. Chaque mercredi, l’historienne Agathe Poirot-Bourdain revisite l’histoire de Rouen et de son agglomération. À l’été 1890, un projet médical de grande envergure est lancé à Rouen : rassembler tous les médecins aliénistes de France pour le premier congrès de psychiatrie nationale.
Les femmes atteintes de troubles mentaux étaient soignées
à l’asile départemental Saint-Yon. (Photo DR)
Le 6 août 1890, les titres du Journal de Rouen annoncent, non sans fierté, l’ouverture, la veille, à l’hôtel des Sociétés savantes, « dont les murs étaient ornés de drapeaux et de trophées », du tout premier congrès médical « consacré à l’aliénation mentale dans toutes ses causes et manifestations ».
À l’heure d’une psychiatrie encore balbutiante, où la médicalisation de la folie reste souvent cantonnée au domaine carcéral et coercitif, les médecins rouennais entendent ouvrir les débats et porter l’aliénation mentale et son traitement sous le regard médical.
L’exemple de deux établissements « modèles » pour aliénés (Saint-Yon pour les femmes et les Quatre-Mares, à Sotteville-lès-Rouen, réservé aux hommes) donne aux praticiens une légitimité ne pouvant être contestée.
Du 5 au 9 août, le congrès réunit une soixantaine de médecins qui, pour une inscription de 10 francs, partage son temps entre des débats sur les fléaux sociaux de l’époque (la syphilis, l’alcoolisme), des thématiques récurrentes autour de l’amnésie, de la folie puerpérale (qui survient après un accouchement) ou bien encore du travail agricole dans les asiles. Des questions de fond sur l’organisation de la profession des aliénistes se juxtaposent aux discussions médicales. L’époque est au syndicalisme médical.