Par Jérôme Garcin
A la fin du XIXe siècle, ce village du Cher a été désigné pour recevoir la première « colonie » de malades mentaux. Juliette Rigondet y a enquêté.
Dans le cimetière de Dun-sur-Auron (Cher), bien à l’écart et en contrebas, comme si ces morts-là étaient contagieux, six cents tombes identiques, où un pauvre gravillon remplace le beau marbre, sont alignées dans un ordre militaire et un silence macabre. Nul ne vient jamais s’y recueillir. D’autant qu’elles sont régulièrement « relevées » : pour faire de la place aux nouveaux défunts, on jette les ossements des anciens dans la fosse commune. On appelle cette nécropole « le carré des malades ». Comprenez les fous, dont les cercueils, autrefois, n’avaient pas le droit d’atteindre le chœur de l’église et devaient stationner à l’entrée de la nef.
Comme si, après s’être longtemps méfié des comédiens, Dieu se gardait en plus des gens déraisonnables. Et puis le temps a passé, le clergé a mis de l’eau dans son vin de messe et le maire projette de faire disparaître, dans le cimetière, la frontière séparant les « civils » des « malades ». Mais Dun-sur-Auron demeure, autour du centre hospitalier George-Sand, la ville de France qui compte le plus de déments, auxquels, dans les rues, « les médicaments donnent une allure de robot mal huilé ».