Le chercheur Julien Nocetti plaide, dans une tribune au « Monde », pour la mise en place d’une gouvernance « multi-acteurs » de l’IA.
LE MONDE | | Par Julien Nocetti (Chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri))
Tribune. Six mois après le rapport « France IA », le gouvernement vient de confier au député mathématicien Cédric Villani une mission d’information sur l’intelligence artificielle (IA). Il s’agit, avant tout, d’éclairer l’exécutif sur la manière dont les Français peuvent se préparer à aborder ce « nouveau monde » qui s’apprête à bouleverser le travail et l’emploi. Mais si les enjeux socio-économiques et éthiques de l’IA sont fondamentaux, les conséquences géopolitiques de sa démocratisation et de sa sophistication croissantes imposeront une redéfinition de la puissance et de la conflictualité.
L’IA est de plus en plus débattue à l’échelle internationale. Vladimir Poutine déclarait récemment que le pays qui deviendra leader de ce secteur « sera celui qui dominera le monde ». En mars, François Hollande exprimait la même idée : « Les nations qui maîtriseront l’IA seront les puissances de demain. » Erigée en priorité stratégique par la Silicon Valley et l’industrie « 4.0 », l’IA s’apprête également à bouleverser la politique internationale.
Une des raisons tient à sa nature duale. A l’instar d’autres technologies de pointe, les applications de l’IA peuvent être tant civiles que sécuritaires ou militaires. L’apprentissage automatique – le machine learning, une technique qui permet, à l’aide d’algorithmes, de prévoir des tendances, résultats ou comportements – est déjà utilisé pour prédire la déforestation en Afrique ou les cours de la Bourse. L’IA a aussi permis des avancées dans la médecine, comme le diagnostic et le traitement de la malaria, et est abondamment utilisée dans l’agriculture, la météorologie ou les assurances.