Peut-on encore mourir pour une image ? Au XXIe siècle, la guerre des iconoclasmes fait encore rage. Comment expliquer que les musulmans s’interdisent aujourd’hui les images du Prophète et de Dieu, alors même qu’aucun texte interne à la doctrine ne le prescrit ? Durant des siècles, les créateurs musulmans ont réussi, grâce à la calligraphie, à détourner cette clause en se refusant consciemment ou inconsciemment à figurer des êtres humains.
Un déplacement significatif s’est produit entre deux visions, deux doctrines : la saine compréhension du Coran et d’hadith [dits du Prophète non retenu dans le Coran], d’un côté ; l’instance du fiqh (jurisprudence islamique) de l’autre, qui a posé un magistère particulier et une règle de droit. Ce déplacement est le nœud du blocage actuel.
Aujourd’hui nous devons défendre notre amour des images, notre définition des notions de liberté individuelle, et la séparation des prérogatives religieuses et publiques. Ce combat, qui se poursuit depuis la chute du califat en 1923, tient en quelques lignes : le créateur musulman ne veut plus s’agenouiller devant l’imam qui n’est pas, contrairement à ce qu’il prétend, dépositaire d’une légitimité religieuse supra humaine, car la religion ne conduit plus les nations comme par le passé et ne confie son destin qu’à des cœurs purs, sans ancrage dans le réel.