Le corps féminin, une image trouble
LE MONDE | Par Claire Guillot (Madrid)
En 2013, PhotoEspaña, l'un des plus gros festivals mondiaux consacrés à la photographie, a choisi de se pencher sur le thème du corps. Mais qui dit corps, en photo, dit inévitablement corps de femme. Le genre du nu, hérité de la peinture, est encore dominé par les fesses rondes, les seins rebondis et les hanches pleines... Les courbes féminines restant la matière première incontournable d'un exercice esthétique à l'intérêt rarement remis en cause.
Ce qui rend d'autant plus passionnante l'exposition majeure du festival consacré aux "Avant-gardes féministes des années 1970". La fondation autrichienne Sammlung Verbund, à laquelle on doit déjà une riche étude sur les premiers travaux de Cindy Sherman (ed. Hatje Cantz), a réuni les œuvres de femmes qui ont revisité l'identité féminine et en ont subverti les représentations.
RAGE ET SUBVERSION
Leur travail a reçu peu d'échos jusqu'ici : sur les vingt et une artistes présentées, seule Cindy Sherman est vraiment célèbre. Et la plupart d'entre elles sont mortes. Lors du vernissage, début juin, seule Alexis Hunter parcourait les salles : cette Néo-Zélandaise, installée à Londres, reste pugnace, quand bien même elle a perdu la voix et doit écrire des mots sur une ardoise. "Ce n'est que récemment que le marché de l'art s'est intéressé à nous, écrit-elle. Je pense que le féminisme est trop radical pour être digéré par le libéralisme."
Selon la commissaire Gabriele Schor, alors que pendant des siècles, l'image de la femme a été le produit des fantasmes masculins, dans les années 1970, les artistes femmes ont commencé à se l'approprier. "Elles ont choisi les nouveaux médias pour le faire – photo, vidéo, performance – parce que ces derniers n'avaient pas d'histoire, et donc pas d'histoire masculine. Et aussi parce qu'en photo on change facilement de rôle et de sexe."