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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 6 octobre 2010


Le Magazine Littéraire
http://www.magazine-litteraire.com/content/Homepage/article.html?id=16801

Quelle importance que ce soit une maladie ?


Un jour de 2006, la romancière Siri Hustvedt s’apprête à rendre hommage à son père, mort deux ans et demi plus tôt. Alors qu’elle commence à parler, elle est soudain saisie de tremblements convulsifs. Elle continue cependant son allocution. Qui est La femme qui tremble ? Tel est le sujet de ce livre, à la fois quête personnelle et plongée dans la psychanalyse, la psychiatrie et les neurosciences.

L’intérêt de Siri Hustvedt pour ces disciplines ne date pas de cet épisode. On se souvient que le héros d’Élégie pour un Américain, Eric Davidsen, était lui aussi psychiatre et psychanalyste. De ses recherches parfois arides dans les zones glaciales des sciences dures ou dans les sables mouvants de l’interprétation naît une histoire, construite sur le va et vient entre savoir et mystère, connaissance et secret de l’intimité, à la fois essai et récit. La romancière souffre d’autres maux, chroniques ou épisodiques : convulsions dans sa petite enfance, migraines quasi permanentes – auxquelles son premier livre Les yeux bandés faisaient déjà allusion – neuropathie périphérique, hallucinations auditives. Mais jamais aucun examen médical n’a permis d’en connaître les causes. Sa personnalité empathique, son hypersensibilité à l’environnement, autant de signes d’une personnalité qu’on pourrait penser fragile, s’ils n’étaient au service de son talent d’écriture, de sa créativité. Du reste, qu’est-ce que la santé? s’interroge Siri Hustvedt, citant le psychanalyste et pédiatre Winnicot: «Se réfugier dans la normalité, ce n’est pas la santé. La santé tolère la mauvaise santé ; à vrai dire, la santé gagne énormément à se trouver en contact avec la mauvaise santé sous tous ses aspects.» Le tour d’horizon des différentes disciplines la conduisent à questionner les connaissances actuelles à propos de l’hystérie (appelée aujourd’hui «conversion»), de l’épilepsie, de la mémoire, du rêve, des émotions, autant de domaines où les théories s’opposent, nous confrontant aux limites de notre savoir, et à l’ambiguïté fondamentale de la maladie. C’est cette ambiguïté qui aura le dernier mot. Peu importe le nom qu’on mettra sur ce trouble récurrent dont elle souffre, même si un traitement est venu à bout de sa manifestation la plus visible. Après tout, comme le dit le prince Michkine de Dostoïevski, « Quelle importance que ce soit une maladie ? ». Reste à accepter en elle la femme qui tremble, comme elle l’a fait pour la migraine, à domestiquer ce double sauvage. « Il y a des moments où nous nous refusons à revendiquer ce qui devrait nous appartenir. » La force d’un écrivain se mesure à sa capacité d’éveil du lecteur. On lit La femme qui tremble les yeux grands ouverts sur nos propres mystères.




5e semaine de dialogue : les labos dessinent la médecine du futur

En abordant le thème des avancées promises par la médecine de demain, le LEEM (Les Entreprises du Médicament) place haut la barre pour sa 5e semaine de dialogue avec les patients. L’industrie pharmaceutique a engagé ce dialogue sur les enjeux du médicament avec les « citoyens patients » voici 5 ans, en choisissant un thème nouveau chaque année.

Différents aspects de la médecine du futur y seront abordés, et classés en deux rubriques distinctes. Le « Déjà possible », comme « Traiter les causes des maladies », « Bénéficier d’une médecine personnalisée », ou encore « Permettre au corps de se soigner lui-même ». Les autres aspects sont rangés dans la rubrique « On en est au début », comme « Réparer sans remplacer »,« Attaquer la maladie avant qu’elle ne frappe », « Suivre les maladies à la trace », ou encore « Toujours plus acteur de ma santé ».

Avec ces thèmes, le LEEM ambitionne d’aborder la médecine de demain sous tous ses angles ou presque : les neurosciences, les tests prédictifs, la médecine régénératrice, les biotechnologies, les bio banques, la thérapie cellulaire, la médecine personnalisée, les cellules souches, la télémédecine, la recherche translationnelle ou les bio médicaments. « Autant de notions encore abstraites aujourd’hui, précise le LEEM, et qui suscitent de nombreuses interrogations et soulèvent autant de défis ». Le LEEM a réalisé sur ces différents thèmes une brochure en partenariat avec le CISS (Collectif interassociatif sur la santé) et les conférences des doyens des facultés de médecine et de pharmacie.

Un site Internet (www.santedemain.org) synthétise cette opération de dialogue, donne les lieux et dates de chaque débat en région, et fait le point sur l’ensemble des thèmes abordés.

› H. S. R.

Quotimed.com, le 05/10/2010




Mieux vaut une thérapie familiale qu’individuelle pour l’anorexique

Une étude randomisée américaine menée chez 121 adolescents atteints d’anorexie mentale démontre définitivement la supériorité de la thérapie familiale (ou méthode de Maudsley), qui donne aux parents un rôle actif, par rapport à la thérapie individuelle. Deux fois plus de patients sont en rémission complète à la fin du traitement de 1 an.


« NOTRE RECHERCHE était grandement nécessaire. L’anorexie mentale est une maladie qui peut engager le pronostic vital, et il est incroyable de constater le manque d’information sur la façon de la traiter », souligne dans un communiqué le Dr James Lock (université médicale de Stanford) qui a codirigé l’étude avec le Pr Daniel Le Grange (université médicale de Chicago). Selon ce dernier, « cette étude démontre sans équivoque que pour une adolescente atteinte d’anorexie mentale et médicalement stable, la thérapie familiale doit être le traitement de choix ». Il ajoute, toutefois, que la psychothérapie individuelle réussit mieux dans certains cas. Les chercheurs analysent maintenant les données pour établir s’il est possible d’identifier des sous-groupes pour lesquels l’un ou l’autre traitement serait plus indiqué.

Dans l’étude, 121 adolescents atteints d’anorexie mentale (âgés de 12 à 18 ans), essentiellement des jeunes filles (91 %), ont été affectés par randomisation pour bénéficier, pendant un an, de 24 sessions d’une thérapie soit familiale, soit individuelle. Les patients étaient évalués au début, puis à la fin d’un traitement de 1 an, et enfin 6 et 12 mois après l’arrêt.

La thérapie familiale (ou méthode de Maudsley) est conduite en 3 phases. Elle favorise le contrôle parental de la restauration du poids, tout en améliorant le fonctionnement familial face au développement de l’adolescent. Les parents sont pris comme « cothérapeutes » et guidés pour aider l’adolescent à manger suffisamment et à ne pas se surmener physiquement. Un parent doit notamment être présent à chaque repas et chaque goûter.

Le principal critère d’efficacité était le taux de rémission complète, c’est-à-dire normalisation du poids et du comportement alimentaire. À la fin du traitement, 42 % des patients en thérapie familiale étaient en rémission complète, contre seulement 23 % de ceux en thérapie individuelle. La différence est, cependant, jugée comme non significative.

Mais après 6 et 12 mois de suivi, la thérapie familiale se montre significativement supérieure à sa concurrente. Le taux de rémission complète à 6 mois se chiffre à 40 % pour les patients en thérapie familiale, contre 18 %. À 12 mois, les taux s’établissent respectivement à 49 et 23 %. En ce qui concerne les rémissions partielles, les deux traitements donnent les mêmes taux à 6 et 12 mois. Enfin, durant la prise en charge, moins d’adolescents en thérapie familiale ont été hospitalisés pour stabilisation médicale (seulement 15 %, contre 37 % pour les autres).

› Dr VÉRONIQUE NGUYEN

« Archives of General Psychiatry », 4 octobre 2010.
Quotimed.com, le 05/10/2010




Bachelot lance l’année des droits des patients

La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a lancé officiellement mardi matin l’opération « 2011, année des patients et de leurs droits ». Les travaux, présidés par la journaliste et médecin Marina Carrère d’Encausse, seront orientés selon trois axes. Le premier : faire vivre les droits des patients, autrement dit faire en sorte qu’ils soient plus visibles et effectifs. C’est Laure Albertini, responsable du pôle démocratie sanitaire à l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, et Alain-Michel Ceretti, conseiller santé du médiateur de la République, qui sont responsables de cette première mission.

Michelle Bressand, conseillère générale des établissements de santé, Martine Chriqui-Reinecke, psychosociologue, et le Dr Michel Schmitt, radiologue, sont chargés de plancher sur la bientraitance à l’hôpital. La troisième mission est confiée à Joëlle Kivits, sociologue, Emmanuel Hirsch, directeur de l’Espace éthique de l’AP-HP, et Nicolas Brun, chargé de mission à l’Union nationale des associations familiales et président d’honneur du CISS (Collectif interassociatif sur la santé). Elle s’attachera aux nouvelles attentes du patient... citoyen.

Les travaux, coordonnés par deux rapporteurs, Christian Saout, président du CISS, et Christine d’Autume, inspectrice générale des Affaires sociales, devront être rendus à la fin de cette année, avec des préconisations. L’année des droits des patients sera inaugurée par un colloque fin janvier et six débats en région sur la bientraitance auront lieu jusqu’à un débat de restitution en mai. Un site dédié et participatif doit être lancé dès le début de 2011.

› AU. B.


Quotimed.com, le 05/10/2010


Une langue inconnue découverte en Inde
LEMONDE.FR avec AFP | 05.10.10 |

Des linguistes ont identifié une langue, le koro, dans une région reculée du nord-est de l'Inde, qui était totalement inconnue de la science jusqu'alors, selon leur recherche, révélée mardi 5 octobre.

Cette langue, non écrite, est en danger d'extinction, puisque parlée par seulement huit cents personnes environ, dont peu ayant moins de 20 ans. Le koro appartient à la famille linguistique tibéto-birmane, qui regroupe environ quatre cents langues et dialectes, dont le tibétain et le birman.

Les linguistes à l'origine de cette découverte ont pris part à une expédition du National Geographic

L'équipe de chercheurs, conduite par Gregory Anderson, directeur de l'Institut des langues vivantes et des langues en danger, dans l'Oregon, et K. David Harrison, professeur de linguistique au Swarthmore College, en Pennsylvanie, avait choisi la région isolée de l'Etat de l'Arunachal Pradesh, dans le nord-est de l'Inde parce qu'elle est connue pour la richesse et la diversité de ses langues.

Un grand nombre de ces langues ne sont pas écrites, sont peu étudiées ou documentées. "D'un point de vue purement quantitatif, le koro n'est qu'une langue de plus qui s'ajoute à la liste des 6 909 langues répertoriées à ce jour dans le monde", relève K. David Harrison. Mais, ajoute-t-il, "la contribution linguistique du koro est en fait beaucoup plus grande que cela, car cette langue donne une perspective entièrement différente en matière d'histoire, de mythologie, de technologie et de grammaire".

Une étude scientifique portant sur la découverte du koro paraîtra dans la revue indienne Indian Linguistics. K. David Harrison relate également cette découverte dans un ouvrage, The Last Speakers, qui vient d'être publié par le National Geographic. Cette institution américaine privée publie la célèbre revue mensuelle du même nom.
dans le cadre d'un projet d'identification et de préservation du patrimoine linguistique mondial baptisé "The Enduring Voices" (les voix qui perdurent). Bien que cent cinquante langues tibéto-birmanes soient parlées en Inde, ces linguistes n'ont pas pu identifier une seule d'entre elles proche du koro.




Les fondamentaux de la psychanalyse lacanienne

Repères épistémologiques, conceptuels et cliniques
Ce manuel donne des repères conceptuels, épistémologiques et cliniques sur la psychanalyse lacanienne, tant pour les étudiants qu’à tout à chacun qui décide de se mettre au travail de la psychanalyse lacanienne, dans ses recherches universitaires et dans sa pratique clinique – et in fine dans sa formation analytique. L’ouvrage tente de restituer, à partir de la chronologie de ses séminaires et de ses écrits, une logique du travail de Lacan « inscrite dès ses commencements ».

Auteurs
Laetitia Jodeau-Belle
est maître de conférences en psychopathologie et clinique à l’université Rennes 2 Haute-Bretagne, membre du laboratoire de « recherches en psychopathologie, nouveaux symptômes et lien social », équipe d’accueil 4050, psychanalyste.

Laurent Ottavi est professeur des universités en psychopathologie et clinique à l’université Rennes 2 Haute-Bretagne, directeur du laboratoire de recherches en psychopathologie, nouveaux symptômes et lien social, équipe d’accueil 4050, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne.

dimanche 3 octobre 2010



Pas encore réformée, l’hospitalisation sous contrainte va être passée au crible par le Conseil constitutionnel
Publié le 30/09/2010

La loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, qui définit notamment la procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) en psychiatrie n’a jamais été examinée par le Conseil constitutionnel, aucune saisine parlementaire n’ayant été déclenchée en ce sens. Il paraissait donc impossible que les sages se penchent un jour sur ce texte. Cependant, depuis la révision de la constitution de l’été 2009, la loi organique du 10 décembre 2009 et deux décrets d’application promulgués en février 2010, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) peut désormais être soulevée par tout citoyen au cours d’une procédure judiciaire. C’est dans ce cadre, ayant à se prononcer sur le cas d’une patiente contestant une décision d’HDT devant les tribunaux administratifs, que le Conseil d’Etat a été interrogé sur la constitutionnalité de la loi du 27 juin 1990 et qu’il a estimé en l’espèce que cette législation devait être présentée au Conseil constitutionnel.

Gagner du temps

Cet examen inattendu pourrait retarder la réforme de la loi de 1990, déjà l’objet d’un projet de texte qui devait initialement être débattu par le Parlement à l’automne et dont l’examen a été repoussé en 2011. Ce contre temps créé par l’intervention du Conseil constitutionnel et ce retard du calendrier législatif ont de quoi satisfaire aussi bien le ministère de la Santé, dont les préoccupations à la veille d’un remaniement ministériel paraissent quelque peu détachées pour l’heure de ces questions, qu’une partie de la psychiatrie très hostile au projet de réforme.

Mais c’est un homme

On le sait, ce dernier contient une mesure phare : la création de soins psychiatriques sous contrainte. Cette perspective est très fortement contestée par le collectif dit des trente-neuf qui réunit autant de syndicats et associations dédiés à la psychiatrie et qui y voit une dérive sécuritaire. Regrettant profondément que la révision annoncée de la loi de 1990 se limite à s’intéresser aux seuls soins sous contrainte, il a lancé ce week-end lors d’un meeting intitulé : « Quelle hospitalité pour la folie » un appel contre cette loi baptisé « Mais c’est un homme ». Le collectif des 39 rappelle dans ce texte, dont le titre renvoie au « Si c’est un homme » de Primo Levi qu’un « fou est d’abord un homme ».

Garde à vue psychiatrique


Au-delà de ce rappel de principe, aucun des dispositifs proposés par le gouvernement ne trouvent grâce aux yeux du collectif. Ainsi la période d’observation de 72 heures au sein d’une unité psychiatrique, prélude à la prise en charge, est décrite comme une « garde à vue psychiatrique ». Concernant les soins ambulatoires sous contrainte, qui pourraient être décidés par un psychiatre, après alerte par exemple de la famille, il estime qu’ils risquent de « détruire (…) la confiance et la proximité entre le patient et l’équipe soignante ». Le collectif affirme par ailleurs que cette disposition « réduit les soins à l’observance d’un traitement médicamenteux (…) menace la sécurité des patients en les laissant seuls à l’extérieur (…) réduit la place de l’équipe soignante au profit d’un protocole de soins standardisé et attaque les libertés publiques en faisant du contrôle et de la contrainte les outils privilégiés de cette réforme ». Cependant, cette hostilité affichée pourrait ne pas refléter l’opinion générale des praticiens. Un sondage réalisé sur notre site en avril a en effet révélé que 87 % de nos lecteurs professionnels de santé sont favorables à une loi instaurant des soins psychiatriques sous contrainte.

Plus de secteurs et plus de nomination spécifique des psychiatres

Pour autant, opposants farouches à la réforme proposée et partisans du nouveau dispositif dessiné pourraient se retrouver pour protester aux côtés de ceux qui avant tout dénoncent la désorganisation de la psychiatrie. C’était le principal objet de la grève lancée ce mardi par l’Intersyndicale des psychiatres publics (IPP). La réforme des soins sous contrainte n’était en effet avant-hier pas seule en cause, les transformations de l’organisation de la psychiatrie sous l’égide de la loi Hôpital patient santé territoire (HPST) était également fortement dénoncée. Celle-ci a en effet entraîné « la fin des renouvellements des chefferies de secteurs » et met un « terme aux procédures de nominations spécifiques des praticiens hospitaliers en psychiatrie au mépris des nécessités d’indépendance médicale ». Les représentants des psychiatres assurent en outre que la loi HPST a pour conséquence la « désorganisation des secteurs par l’organisation en pôles ».
 
Aurélie Haroche



UZES 
30 septembre 2010

Psychiatrie Inquiétude

Les psychiatres hospitaliers de service public des secteurs d'Alès et d'Uzès tiennent à faire part de leur inquiétude quant à la situation à laquelle la psychiatrie publique va être confrontée dans les années à venir et s'opposent au projet de loi portant réforme de la loi de juin 1990 sur les soins sans consentement.

« Le texte actuel, sous tendu par une logique sécuritaire et de contrôle des personnes souffrantes, disent-ils, n'est pas acceptable. Il marque un tournant liberticide de la psychiatrie, où le contrôle social de la normalité des comportements (fichage généralisé) va remplacer l'accompagnement bienveillant des personnes en souffrance psychique. »

Les psychiatres rappellent que les équipes soignantes prennent en charge trois millions de personnes en souffrance psychique sur l'ensemble du territoire, grâce à un outil de soins développé depuis les années 1970 : le secteur. Il permet l'accès à des soins de proximité à tout citoyen et concerne actuellement trois millions de personnes.

« L'absence de la prise en compte des particularités de la discipline psychiatrique va compromettre l'outil de soins ». Ils exigent l'ouverture de négociations immédiates « associant l'ensemble des professionnels médicaux et non médicaux, mais aussi des représentants des associations d'usagers et des familles ».

Psychiatrie : la France régresse
Par Agnès Noël

Le projet de réforme des soins psychiatriques de Roselyne Bachelot sera examiné au Parlement cet automne. Certaines mesures partagent familles et psychiatres. D’autres font l’unanimité contre elles, à l’image de l’hospitalisation d’office.

Le 2 décembre 2008, quelques jours après le meurtre d’un étudiant par un schizophrène échappé d’un asile psychiatrique à Grenoble, Nicolas Sarkozy prononçait un discours annonçant une réforme de l’hospitalisation sous contrainte.

Celle- ci a été présentée le 5 mai 2010 en conseil des ministres et sera examinée au Parlement cet automne. Sa grande nouveauté est de transformer l’hospitalisation forcée en soins sous contrainte. De retour chez eux, des patients  pourront être soumis à un traitement psychiatrique ambulatoire. Contre leur gré.

Soins ambulatoires


Aujourd’hui les soins sous contrainte ne peuvent s’exercer qu’à l’intérieur de l’hôpital. Désormais – si la loi est adoptée –, de tels soins pourront être prodigués par des psychiatres libéraux dans leur cabinet ou par des psychiatres hospitaliers exerçant dans des structures extra-hospitalières. La majorité des familles ne veulent pas faire hospitaliser leurs proches et réclamaient cette possibilité depuis longtemps.

«Souvent, nous voulons juste qu’on fasse une piqûre pour calmer le malade, rien de plus», explique Jean Canneva, président de l’Unafam ( Union nationale des amis et familles de malades psy chiques ). Jean-Claude Pénochet, président du syndicat des psychiatres des hôpitaux et membre de l’intersyndicale des psychiatres publics, se montre assez ouvert à cette nouvelle possibilité :

« Des soins ambulatoires, pourquoi pas ? Si ces soins peuvent alléger le parcours hospitalier, s’ils peuvent éviter les ré-hospitalisations qui se produisent fréquemment par arrêt intempestif du traite ment et limiter les allers-retours du domicile à l’hôpital, c’est plutôt une bon ne chose. Mais il faudra renforcer les structures extra-hospitalières, qui ne sont pas assez développées. »

D’autres, comme le collectif La nuit sécuritaire, dénoncent un changement du rapport entre le patient et le médecin, et des soins qui, faute de moyens, se réduiront à une piqûre. Patrick Chemla, membre du collectif, et fondateur du centre Antonin Artaud à Reims ( lire p. 22 ), s’inquiète aussi de l’extension de la notion d’enfermement : « Celle-ci ne sera plus cantonnée à l’hôpital, mais généralisée à la société dans son ensemble. Désormais, il n’y aura plus de dedans, ni de dehors ; il n’y aura plus de limites à la contrainte. »

Actuellement, il existe deux types d’hospitalisation sans consentement. L’hospitalisation d’office, demandée par le préfet en cas de menace sur la sécurité des personnes et d’atteinte à l’ordre public. Et l’hospitalisation à la demande d’un tiers, à savoir un membre de la famille, un ami ou quelqu’un agissant dans l’intérêt du patient.

La loi prévoit d’en ajouter un troisième : on pourra, sans qu’un tiers soit présent, « interner des personnes ne présentant aucun trouble grave à l’ordre public mais pour lesquelles des soins immédiats sont rendus nécessaires par l’évidence d’un péril imminent ». C’est-à-dire qu’il suffira d’un certificat médical pour faire interner quelqu’un. Cette nouvelle possibilité ne choque pas Jean Canneva : « une crise psychiatrique est une urgence, au même titre qu’une crise cardiaque. Tout le monde doit pouvoir intervenir. »

Certificats


Il faut aujourd’hui deux certificats médicaux pour hospitaliser quelqu’un sans consentement. Le projet prévoit d’alléger la procédure avec un seul. Une partie des psychiatres s’inquiète de cette facilité d’entrée dans le dispositif de contrainte, alors que le processus pour en sortir est de plus en plus lourd.

Les familles invoquent le pragmatisme. Comme Jean Canneva, qui explique que les crises des malades arrivent souvent durant la nuit, et « qu’il faut que les choses se passent vite. Obtenir deux certificats, c’est la croix et la bannière. » Cette crainte a d’autant moins lieu d’être, selon lui, que le malade sera réexaminé par plusieurs médecins, qui peuvent valider ou non la décision du premier, durant la période d’observation de 72 heures.

L’entrée dans le dispositif se fera par un « premier temps d’observation et de soins (en hospitalisation complète, NDLR ) d’une durée maximale de 72 heu res, comportant trois certificats médicaux », annonçait Roselyne Bachelot. Durant cette période, les praticiens détermineront si des soins sous contrainte sont nécessaires et s’ils doivent se poursuivre à l’hôpital ou à domicile. L’Unafam y voit la garantie que le malade sera examiné par des médecins dans les jours qui viennent « au lieu d’attendre un mois pour une visite comme auparavant ».

Le problème, pour Patrick Chemla, est que cette « garde à vue psychologique de 72 heures supprime la question de la demande de soins ». Quant à Jean-Claude Pénochet, il estime qu’on étire abusivement de 24 heures (actuellement) à 72 cette période d’observation où « dès la première minute, la personne est privée de liberté et, dans les faits, déjà internée ».

Forces de l’ordre
 
Une fois le mode de traitement déterminé, en l’occurrence les soins ambulatoires, si le patient ne se présente pas à son rendez-vous sans raison valable, le psychiatre peut le relancer mais aussi en référer au directeur de l’hôpital responsable. « Celui-ci pourra prendre toutes les mesures utiles pour remettre le patient dans la chaîne de soins, y compris faire appel aux forces de l’ordre », affirmait la ministre de la Santé.

Encore une fois, les praticiens sont partagés : pour Roland Gori, psychanalyste initiateur de l’Appel des appels (lire page 24), cette disposition modifie la relation du médecin au malade et pose la question de l’encadrement de la médecine par l’autorité publique. Jean-Claude Pénochet, lui, en appelle au principe de réalité : « Si un patient est en danger ou met en danger ses proches, il est nécessaire qu’une contrainte aux soins puisse s’exercer. »

Autre mesure annoncée par la ministre, les sorties d’essai ( quand le malade est autorisé à sortir de l’hôpital pour une durée déterminée ) d’une durée supérieure à 12 heu res seront supprimées. Pour l’Unafam, elles sont remplacées par les soins ambulatoires et ce ne se rait donc pas un problème.

La seule disposition à faire l’unanimité contre elle, c’est l’hospitalisation d’office. Un collège de soignants composé de deux psychiatres et d’un cadre infirmier est institué pour fournir un avis au préfet sur les sorties de patients hospitalisés d’office à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale et de patients placés en unité de malades difficiles. Alors qu’auparavant, le préfet ne pouvait statuer (toujours sur avis d’expert) que sur les cas d’irresponsabilité pénale. Le hic, c’est que le préfet peut aller contre l’avis du collège de soignants.

D’autant que le 11 janvier 2010, les préfets ont reçu une circulaire de Brice Hortefeux qui stipulait : « les considérations qui doivent être prises en compte pour apprécier l’opportunité d’octroyer une sortie d’essai ne sont pas uniquement d’ordre médical. [...] Il vous appartient d’apprécier les éventuelles conséquences en termes de sécurité et d’ordre publics. » Et depuis, les préfets prennent un luxe de précautions pour se couvrir. Quitte à faire sortir moins de patients.

Aussi, l’Unafam préconise un recours systématique au juge des libertés, dès lors que le préfet émet un avis contraire à celui du collège de soignants. Roland Gori prône, lui aussi, le recours au juge des libertés, mais déplore qu’on en arrive à cette mesure.

Quant à Jean-Claude Pénochet, il s’énerve : « Avant, le préfet nous écoutait à 98 %. Maintenant, au nom du risque de troubles à l’ordre public, on élargit les exceptions aux antécédents et aux malades difficiles. Je suis d’accord pour qu’un malade dangereux soit maintenu quand il présente un risque de nature médicale. Mais seul le médecin peut en décider ! »

Santé mentale, la réforme va de mal en psys

Les psychiatres ont manifesté mardi contre le projet de loi visant à réformer leur discipline à la truelle. Ils dénoncent une loi "sécuritaire" qui présente les malades comme des criminels dangereux.

« La psychiatrie ne mourra pas ! », « Non à la loi HPST ! » Mardi 28 septembre, à Paris, une cinquantaine de psychiatres se sont réunis devant le ministère de la Santé, banderoles, drapeaux et poings levés. Ils manifestaient contre un projet de loi, visant à réformer la psychiatrie à la truelle. Or, cette loi, baptisée HPST (Hôpital-patients-santé et territoires), qui devait être présentée au Parlement cet automne, mais dont les discussions sont reconduites au début de l’année prochaine, fait l’unanimité contre elle. Pourquoi ?

Pour l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP), la loi HPST, qui succède aux réformes « de privatisation concurrentielle à un rythme effréné », est d’abord une loi sécuritaire, où les malades sont présentés comme de dangereux criminels. Ainsi, « le contrôle social de la normalité des comportements(fichage généralisé) va remplacer l’accompagnement bienveillant des personnes en souffrance psychique », explique l’Union syndicale sur son site internet. D’une part, la période d’observation d’un patient passerait de 24 à 72 heures. « C’est une garde à vue psychiatrique ! », dénonce l’USP. D’autre part, un patient pourra rester ou quitter l’hôpital sur ordre du préfet, même contre l’avis du médecin.

Un autre point de la loi HPST est particulièrement contesté par les psychiatres : la réorganisation administrative des établissements. Ainsi, la nouvelle loi exige un redécoupage territorial. Comme les autres médecins, le directeur de l’hôpital, qui dépend actuellement directement du ministère de la Santé, dépendra à l’avenir des régions. Ce qui fait dire aux psychiatres en grève : « Le directeur sera tout puissant ». Pour Pierre Paresys, vice-président de l’Union syndicale de la psychiatrie, cet aspect de la réforme est particulièrement grave : « le seul rôle du nouveau directeur sera de faire des économies. On va vers une gestion comptable, rentable, de l’hôpital public ! ».

Les secteurs psychiatriques seraient voués à disparaître, la loi prévoyant« l’organisation, au sein des établissements, de territoires de santé qui négligent de prendre en compte les secteurs psychiatriques

Mardi, les psychiatres ont aussi fait grève, comme ils ont pu. « On a travaillé mais sans être payé, c’était une grève à la japonaise », ironise Pierre Paresys. Mais « dans certains départements, comme celui de la Gironde, il y avait entre 80 et 100 % de grévistes ! », souligne-t-il. Un succès ? Roselyne Bachelot a promis d’engager de nouvelles discussions avec les psychiatres syndicalistes.

Mais les promesses n’engageant que ceux qui y croient, les psychiatres ont prévu de se mobiliser à nouveau, dès le mois prochain.
».

Pour voir l'interview cliquer ici

Le nouveau statut des infirmiers au « J. O. »

Publié au « Journal officiel » ce jeudi, un décret en date du 29 septembre entérine la réforme statutaire du corps des infirmiers (en soins généraux et spécialisés).
L’ensemble de ces professionnels passent en catégorie A de la fonction publique. Une « promotion » corollaire de la reconnaissance au niveau « licence » du diplôme infirmier.
Le texte fixe les conditions du recrutement pour chaque grade et arrête le déroulé de carrière des infirmiers (passages d’échelons selon le grade).

Quotimed.com, le 30/09/2010





http://cnasm.fr/-LE-CNASM-EN-DANGER-

LE CNASM EN DANGER

Suite aux diminutions successives des subventions allouées, le Centre National Audiovisuel en Santé Mentale se trouve obligé de déposer le bilan d’ici à la fin septembre 2010, si nous ne trouvons pas de soutiens public ou privé. Pour rappel, celui-ci a été créé, il y a 15 ans, sur l’initiative de Mme le Ministre Simone VEIL dans un souci de communication en santé mentale, devant le succès annuel du Festival International Ciné-Vidéo-Psy de Lorquin, connu et apprécié chaque année depuis 1977, par tous les professionnels concernés (des milieux médicaux, sociaux, de l’Education Nationale...)

Géré par l’Association Festival Psy, le CNASM assume toute l’année des missions de distribution, de production et de prestations validées par notre conseil scientifique. C’est plus de 400 films en distribution dont 80 primés, une moyenne de 6 films réalisés par an sur les préoccupations actuelles, des partenariats pour l’organisation de colloques et de congrès, l’association organise également chaque année le Festival International Ciné-Vidéo-Psy de Lorquin, lieu unique de rencontre sur l’actualité de la vidéo en santé mentale et publique.

Notre association vous propose de vous associer à notre démarche pour protester contre cet abandon par les pouvoirs publics et les autorités de tutelle de ce dispositif qui a fait ses preuves dans un souci d’information, de formation et de communication en santé mentale auprès d’un large public.

Pour concrétiser votre soutien, sauvegarder notre mission d’intérêt public et préserver trois emplois, vous pouvez signer notre pétition ici :
Notre demande de soutien accompagnée de vos signatures sera transmise au Ministère de la Santé.


PARIS8

Journées de l’ECF
Guérir avec la psychanalyse... JE VIENS POUR ÇA

Les 40e Journées de l’ECF auront lieu :au Palais des Congrès à Paris,
les 9 et 10 octobre 2010.
Elles auront pour thème :
Guérir avec la psychanalyse...
JE VIENS POUR ÇA

Ce qu’on demande à un psychanalyste n’est pas toujours ce qu’on désire.

Présentation :

Après les Journées de Rennes, les Journées de l’École de la Cause freudienne ou « Journées 40 » nous proposent d’examiner l’efficace du désir de l’analyste sur la demande qui lui est faite. Que vient-on lui demander, à quel moment choisi ? Les entretiens préliminaires accueillent cette demande dont la formalisation en un « je viens pour ça » marque d’une pierre le début d’un parcours. Cet énoncé n’est déjà plus tout à fait du registre de la plainte, puisqu’il nomme une « clocherie » de l’existence.
Il ne détermine pas plus la voie qui sera suivie que ne le font ces fausses lignes droites que le paysage réserve parfois au voyageur, avant que celui-ci, soudain, ne réalise que sa route bifurque ou qu’elle sinue. Ainsi, l’écart entre la demande et le désir fait l’enjeu même de la cure et situe, autrement et dans l’après coup, le « je viens pour ça » qui diffère d’un « je suis venu pour ça » : le psychanalyste devient le partenaire de celui qui s’adresse à lui, engageant dans l’opération ce que fut pour lui-même l’expérience de la psychanalyse. Voilà qui justifie l’invitation à ne pas lâcher le fil de l’énoncé en première personne, qui donne à ce travail d’élaboration son caractère authentique et constitue la source vive des travaux en psychanalyse.
Cette exigence n’est pas seulement scientifique, elle est aussi éthique au sens où, aujourd’hui, le mode globalisant du traitement de l’individu par le groupe (les populations) s’affronte à un mode de traitement du lien social par la voie du sujet, tel que la psychanalyse le soutient. Ce dernier est le seul recours à la dérive dangereuse d’une massification, avec ce que celle-ci charrie de perte définitive des repères familiaux, culturels et linguistiques. Autrement dit, pas d’histoire sans hystoire, selon le mot utilisé par Lacan pour dire ce qu’il reste, à chacune et à chacun, de son histoire personnelle au terme d’une analyse.
Ces Journées seront une occasion supplémentaire de témoigner de notre passion de démontrer, en bonne et due forme, ce que sont les effets de la psychanalyse, seule arme contre la violence des attaques dont elle fait régulièrement l’objet, au-delà de la polémique qui tente, à l’occasion, de ternir la réputation de Freud pour détruire les fondements de son invention. Ce thème nous offre l’opportunité de préciser ce qu’une visée thérapeutique peut être, selon le lien logique tendu entre le début et la fin d’une cure ; il nous invite donc à faire savoir comment la psychanalyse se distingue de nombreuses méthodes psychothérapeutiques, fussent-elles par la parole.

Jean-Daniel Matet




ROUMANIE • Un autre avenir pour les malades mentaux

Un hôpital psychiatrique du pays a créé une petite entreprise qui aide les patients à reprendre confiance en eux et tente de changer l’image de la maladie mentale dans la société.

Le site Internet de l’hôpital psychiatrique de Câmpulung Moldovenesc

Nouveau ! Visitez la collection printemps”, annonce le site de l’hôpital psychiatrique de Câmpulung Moldovenesc, dans le nord-est de la Roumanie. D’un simple clic apparaît une fenêtre dans laquelle sont proposés quantité d’articles : icônes, poterie, vêtements, produits artisanaux… “Nous pensons même créer prochainement des robes de soirée…”, confie l’administrateur de la “fabrique”, le Dr Alexandru Paziuc.

Ce site est l’un des maillons d’un projet – la création d’ateliers d’ergothérapie – qui a pour vocation de changer l’image de l’opinion à l’égard des malades mentaux et de conduire ces derniers à se sentir utiles. Aujourd’hui, l’hôpital encaisse chaque mois plusieurs dizaines de milliers de lei [quelques milliers d’euros] grâce à la vente des produits, et ces fonds sont utilisés pour financer de nouvelles installations de l’unité médicale. Cet “hôpital des fous” n’a ni gardien, ni barreaux aux fenêtres, ni portes fermées avec des cadenas. Parmi les patients, on croise des ingénieurs, des enseignants, des médecins ou des étudiants qui ont craqué à un moment donné. “Nous avons aussi des journalistes, la maladie ne fait pas de différence”, sourit Alexandru Paziuc, soulignant qu’en Europe une personne sur quatre souffre de troubles mentaux.

Malheureusement, nous avons encore cette idée ancrée selon laquelle le malade mental est irrécupérable et dangereux. C’est complètement faux”, poursuit le psychiatre. Le projet des ateliers d’ergothérapie a été lancé en 2002-2003 sur le modèle d’un autre établissement du pays, ainsi qu’avec des idées “importées” d’hôpitaux en Allemagne. Le problème majeur, continue le médecin, reste que ces services ne se retrouvent plus à la sortie de l’hôpital. “Dans l’idéal, ce genre de structures devraient être financées par les services sociaux et mises en place en ville… Malheureusement, notre travail s’arrête aux portes de l’hôpital. Nous ne pouvons pas construire un autre monde pour malades mentaux ; notre devoir se limite à les comprendre et à trouver les meilleures solutions pour les intégrer.” Toutefois, pour démontrer la faisabilité de son propos aux autorités et montrer que l’initiative est rentable tant pour la communauté que pour les patients, le Dr Alexandru Paziuc met en place la première entreprise sociale de Câmpulung Moldovenesc. Avec l’appui d’une fondation, Horizons, et du Dr Klaus Silberberger, un psychiatre allemand, ce projet emploie des personnes qui souffrent ou ont souffert d’un handicap mental. L’entreprise a loué les serres de la ville et compte produire des fleurs et des légumes, qui sont vendus. “Cela va créer environ trente emplois et, sur un poste, on peut employer deux à trois personnes, car, étant sous traitement, nombre d’entre elles ne travailleront que deux à trois heures par jour”, explique le psychiatre. Cette démarche consistant à intégrer le patient dans la vie professionnelle et à lui donner des responsabilités va même plus loin. Ainsi, à l’hôpital de Câmpulung Moldovenesc, un ancien patient a longtemps fait partie du conseil d’administration. “J’ai toujours dit que, lorsqu’on veut faire quelque chose pour le patient, il faut d’abord s’adresser aux intéressés eux-mêmes”, argumente le Dr Paziuc.
L’unité médicale de Câmpulung Moldovenesc peut traiter environ 1 200 patients par mois. Présent à l’hôpital, le Dr Silberberger, médecin à Kaufbeuren en Allemagne, est l’un des professionnels qui ont initié un système de soins psychiatriques communautaires. Il explique qu’outre les problèmes financiers, le plus gros problème dans les hôpitaux psychiatriques en Roumanie est lié aux mentalités locales. A Kaufbeuren (50 000 habitants), le nombre de lits en hôpital psychiatrique a été réduit, mais, en contrepartie, des services externalisés ont été développés. La grande majorité des malades n’ont pas besoin d’aller jusqu’à l’hôpital : ils disposent de centres où ils se rencontrent et passent leur temps libre, bénéficient de logements protégés et travaillent dans des entreprises sociales. “Cela compte beaucoup, car ils surmontent leur solitude, rencontrent d’autres personnes et accroissent leur estime de soi. Ce genre de prise en charge peut sembler cher, mais nous avons démontré que la réduction de la durée d’hospitalisation allège les coûts par ailleurs. Il est important que ces personnes soient traitées au sein même de la société, où elles doivent apprendre à mieux gérer la maladie”, ajoute Klaus Silberberger.

REPÈRE Histoire

Pendant l’époque communiste, les hôpitaux psychiatriques de Roumanie ont retenu prisonniers des dissidents ou autres personnes internées pour motifs politiques.

Après la chute du communisme, en 1990, un scandale a éclaté à la suite de la découverte par une commission d’enquête mandatée par la Commission européenne que des dizaines de patients étaient morts de faim et de froid dans l’hôpital spécialisé de Poiana Mare, non loin de la ville de Craiova (sud du pays).

Aujourd’hui, certains “hôpitaux des fous”, comme on les appelle encore en Roumanie, ont eux aussi intégré à leur conseil d’administration des malades en voie de récupération.





Sectes : une menace réelle pour 66 % des Français

Les mouvements sectaires représentent une menace « importante » pour la démocratie, estiment 66 % des Français, selon un sondage IPSOS pour la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). De manière plus personnelle, ils sont 42 % à percevoir les sectes comme une menace pour leur entourage familial et amical, et 30 % pour eux-mêmes. Un quart des personnes interrogées disent avoir « été personnellement contactées par une secte ou les membres d’une secte » et plus de 20 % d’entre elles connaissent dans leur « entourage familial, amical ou professionnel une ou plusieurs victimes de dérives sectaires ».

La prise en charge des dérives sectaires par les pouvoirs publics est diversement perçue : 39 % jugent qu’ils font « juste comme il faut », 44 % qu’ils n’en font« pas assez » et 9 % qu’ils « en font trop ». Enfin, 7 % des personnes connaissent la MIVILUDES et savent précisément ce qu’elle fait, 19 % en connaissent l’existence mais ignorent précisément ce dont il s’agit, et 74 % n’en ont « jamais entendu parler ».

Le sondage a été réalisé par téléphone en deux temps : les 10 et 11 septembre, auprès de 962 personnes de plus de 19 ans (avez-vous été contacté par une secte, vous-même ou quelqu’un de votre entourage ?) et les 24 et 25 septembre auprès de 938 personnes de 18 ans et plus (danger, victimes de dérives sectaires, action des pouvoirs publics).

S. H.

Quotimed.com, le 29/09/2

Anorexie mentale: la prendre en charge vite, plutôt à la maison

De Christine COURCOL (AFP)


PARIS — L'anorexie mentale, qui touche plusieurs dizaines de milliers de personnes en France, est un trouble du comportement alimentaire qu'il faut détecter et prendre en charge au plus vite pour éviter qu'elle ne devienne chronique, mais sans forcément aller à l'hôpital.

"C'est une maladie complexe, insidieuse et déstabilisante, dont les diagnostics sont difficiles à porter", a souligné devant la presse le Dr Cédric Grouchka, de la Haute autorité de santé (HAS), autorité publique indépendante qui a publié jeudi ses recommandations de bonne pratique.

L'anorexie touche 1% de la population féminine jeune, soit quelque 40.000 adolescentes en France, mais aussi, selon les spécialistes, de plus en plus d'enfants de 8-9 ans et de jeunes gens. Avec les personnes plus âgées chez qui la maladie est devenue chronique, on estime qu'elle concerne à peu près 70.000 personnes.

"L'anorexie, ce n'est pas la copie des modèles de mode, le suivi d'un régime qui a dérapé", a souligné Christine Chiquet, présidente d'une fédération d'associations sur les troubles alimentaires, la FNA-TCA.

Selon elle, les médecins peuvent parfois, par méconnaissance, aggraver le mal.

Pour mettre un terme à leur "errance", la HAS - qui a mis ses recommandations au point avec l'Afdas-TCA, une association de professionnels des troubles alimentaires - a fourni aux médecins et aux familles un "cadrage".

Pour un repérage précoce, elle suggère une "vigilance accrue" face aux signes évocateurs : forte perte de poids, absence ou disparition des règles, hyperactivité physique... Elle propose aux médecins des questions simples à poser sur les problèmes alimentaires, sur le vomissement provoqué, sur comment la personne voit son corps...

Une fois le trouble détecté, il faut éviter l'hôpital au profit d'une prise en charge ambulatoire, qui intègre la famille dans le parcours, dit la HAS.

"Le changement ne peut être que progressif, l'hospitalisation brutale renforce la résistance du patient", note Jean-Luc Vénisse, psychiatre et directeur du pôle universitaire d'addictologie et de psychiatrie du CHU de Nantes.

La prise en charge doit être conduite par "au moins" un généraliste et un psychiatre ou psychologue, et la psychothérapie engagée devra être prolongée pendant "au moins un an".

Seulement en cas d'"urgence avérée" la HAS préconise l'hôpital, y compris contre l'avis du patient, pour "se donner les moyens de ne pas laisser quelqu'un se mettre à mort", dit le pédopsychiatre Philippe Jeammet. Et aussi parfois pour séparer l'anorexique de son environnement familial, critique ou anxieux.

Pour les psychiatres, l'anorexie est une conduite addictive au même titre que la drogue ou l'alcoolisme. "C'est un comportement non choisi qui s'impose, adaptatif à une situation d'anxiété", relève le Pr Jeammet. "C'est un cri de détresse, mais il y a d'autres moyens de s'exprimer : il faut créer un dialogue, redonner confiance", dit-il.

La moitié des anorexiques guérissent totalement, 30% ont des rémissions partielles, et chez 20% des personnes atteintes, la maladie devient chronique, selon le Pr Vénisse. Une chronicité qui fait que la personne ne s'intéresse plus à rien et coûte cher au corps, avec ménopause prématurée et ostéoporose.

"Une fois installé dans l'anorexie, ça devient de plus en plus difficile d'y échapper", note-t-il. Sur une durée de suivi de 20 ans, l'anorexie fait 10% de morts. Mais l'anorexie se soigne, même au bout de dix ans.

Trois fiches de synthèse à destination des médecins et deux à destination du grand public sont téléchargables sur le site de la HAS (www.has-sante.fr).

Copyright © 2010 AFP. Tous droits réservés. »




Une vierge sur canapé, de Richard Quine


Sexe, psychanalyse et presse à scandales: autant en emporte le divan. Délirante jusqu'au loufoque, cette satire des moeurs amoureuses de l'Amérique des sixties. Mais également tendre et mélancolique: ami intime et complice de Blake Edwards, Quine, lui, donnait au burlesque une saveur douce-amère. Malgré le succès de ce film étincelant, écrit par le grand romancier Joseph Heller (Catch 22), superbement joué par Natalie Wood, Lauren Bacall, Henry Fonda et Tony Curtis, le nouvel Hollywood ne fut pas généreux pour son réalisateur. Qui, un matin de 1989, réunit au salon toute sa famille et se tira une balle dans la tête. 

Une vierge sur canapé
, de Richard Quine (1964, 1 h 40).

samedi 2 octobre 2010

Les Livres de Psychanalyse
http://les-livres-de-psychanalyse.blogspot.com/

L'énigme de la manie - La passion du facteur Cheval
Paul-Laurent Assoun

Ce livre comporte deux volets. Un retour à la manie, cet état euphorique, pathologie de l’excès de l’humeur et de l’agir. Freud lui-même la désigne comme le point de butée de la théorie de la mélancolie : comment le sujet bascule-t-il dans cet état de grâce catastrophique, qui fait fusionner le moi avec son propre idéal, surmontant triomphalement la perte ?

Un examen métapsychologique et clinique permet de situer les différents « états maniaques » (kleptomanie, toxicomanie, etc.) ainsi que les moments maniaques du collectif.

Ensuite, l’examen d’un « cas », espèce de « passion construiseuse », celle du facteur Cheval (1836-1924), personnage énigmatique que son « Palais idéal » a fait passer à la postérité. Suppléance monumentale dans une logique psychotique sous-jacente, elle prend sens comme « arc de triomphe » sur la perte. L’énigme de la manie donne ainsi accès à la vérité du sujet et du collectif – comme l’indique la fête primitive de l’« après-Meurtre » du Père. Liberté folle qui jouit de triompher de la mort et de la castration.

mercredi 29 septembre 2010





Édition : Contes de la folie ordinaire

Les usagers, absents, au cœur des débats sur la psychiatrie
Par guy Baillon29 septembre 2010

Les usagers, absents, au cœur des débats sur la psychiatrie, voici ce que nous n’avons pas souligné lors du meeting des 39

Pourtant, au lendemain de la troisième rencontre du collectif des 39, le contenu du débat sur la psychiatrie nous paraissait clair, et nous en étions fiers, encouragés par notre unanimité.

L’assemblée réunissant plus de 600 personnes (jusqu’à 1000 des 30.000 signataires des 39) composée de la ‘base’ des divers acteurs de la psychiatrie, de la Santé Mentale et de la société civile a débattu dans le calme et l’unité du projet de loi actuel inhumain. Elle a affirmé son refus de la loi et a demandé son annulation sans amendement. Elle s’est dite prête à travailler l’avenir autour des valeurs fortes de la psychiatrie de secteur.

La tribune avait été offerte à trois grands acteurs : élus, professionnels et usagers :

-les divers élus de gauche sont venus. Nous avons constaté qu’ils étaient tous décidés à demander l’annulation de la loi sans amendement, tout en soulignant que cette loi faisait partie des multiples applications actuelles d’une politique violemment sécuritaire, inacceptable. Enthousiastes.

-les professionnels de la psychiatrie ont fait contraste. Cinq syndicats de psychiatres et plusieurs de personnel de santé ont défilé montrant que chacun défendait d’abord son originalité et son identité. Leur position envers la loi a été floue et discordante. Ils n’ont eu aucune conscience de la portée négative de leurs positions égoistes. Accablés.

-les associations nationales de familles et d’usagers n’ont pas accepté le rendez vous. Muets devant cette absence douloureuse.

L’assemblée de cette journée a tiré deux conclusions mais n’a rien dit de cette absence.

La première conclusion, l’objectif commun, c’est qu’il est clair aujourd’hui qu’il nous faut parler autrement de la psychiatrie. Nous constatons que les mots et les concepts employés sur la psychiatrie nous divisent tous et obscurcissent souvent les autres au lieu d’éclairer. Notre tâche commune est donc de penser autrement, de créer de nouveaux mots, denouveaux concepts. Notre objectif commun, cela a été répété, est de « penser » d’abord, puis d’agir, penser avant d’agir.

Penser la souffrance psychique, les troubles psychiques, c’est avoir la certitude que l’homme ne se conçoit que dans son unité, sa globalité et que simultanément il est membre de groupes et de collectifs divers fondant le politique. La conséquence de cette position c’est l’action politique.

Agir, c’est d’abord faire acte de ‘penser’, c’est s’inscrire dans une action politique ; notre cadre de pensée se soutient d’un projet de société.

La psychiatrie actuelle se montre ‘soumise’ au Pouvoir régnant (c’est parce que l’establishment, qu’il soit professionnel ou usagers, s’est enferré dans ses liens avec le Pouvoir, qu’il a peur et n’ose s’en détacher, ni penser) bientôt il va l’utiliser pour servir son emprise, comme dans les pays totalitaires. Le juge Portelli a clairement détaillé tous les caractères qui font que notre Etat devient un Etat policier, étape qui précède tout Etat totalitaire. L’urgence est donc la reconquête politique de la liberté pour notre pays, cette liberté qui en fera un Etat solidaire et fraternel.

Une troisième conclusion doit être tirée, même si l’assemblée n’a pas su l’exprimer, toute à son euphorie, refusant les ombres : le contact n’est toujours pas établi avec les Associations nationales de familles et d’usagers. Nous savons qu’en absence de leur participation aucune de nos actions, de nos pensées sur la psychiatrie n’a de validité. Mais il est clair que familles et usagers ne peuvent eux seuls élaborer une politique de santé mentale, il faut que les professionnels fassent le pas, soient modestes, et changent leur discours qui se veut dominant. La question là aussi est d’abord politique, l’accueil de la parole des usagers et des familles n’est possible que dans un Etat solidaire. Aujourd’hui cette parole est captive du Pouvoir.

Bravo aux 39 d’avoir permis de mettre en évidence que tant qu’il n’y a pas de projet politique fort pour notre société, il ne pourra y avoir une psychiatrie humaine. Cependant soyons courageux et exigeants envers nous-mêmes, car pendant tout ce temps actuel il est indispensable de résister chaque jour aux côtés des familles et des usagers pour faire face à la violence de leurs souffrances et rester humains à leurs côtés.

Nous mesurons l’ampleur de ce qu’il reste à faire, en premier lieu demandons l’annulation de la loi, ensuite élaborons l’avenir, entretemps « soyons présents auprès des usagers ». Nous gardons cette certitude : aucun débat sur la folie ne peut se tenir et se clore sans demander ce qu’en pensent les usagers et les familles réunis en association nationale.

Un espoir existe pour la psychiatrie, nous savons mieux de quoi il est fait :de la parole de tous.

Guy Baillon, psychiatre des Hôpitaux




La loi enfermera-t-elle encore davantage ?

La violence est ailleurs que chez les fous, les étrangers, les Roms…

Par Pierre Paresys, Vice-président de l’union syndicale de la psychiatrie

L’esprit de la loi de prévention de la délinquance (5 mars 2007), rédigée à quatre mains par madame Dati et monsieur Sarkozy, sa volonté évidente de constituer par association une « image type du supposé nuisible », de « l’ennemi intérieur » où chacun trouvera le sien sans pour autant s’y reconnaître, trouve à nouveau sa parfaite illustration dans l’actualité. Le chapitre 3 de ce texte (les dispositions tendant à limiter les atteintes aux biens et à prévenir les troubles de voisinage) associait dans sa dernière mouture les gens du voyage, les chiens méchants et les malades mentaux.

Il s’agissait d’instrumentaliser les travailleurs sociaux et les éducateurs, les enseignants, la psychiatrie et l’ensemble du secteur sanitaire afin de contrôler la population sous couvert de délinquance habilement associée à la précarité, à la fragilité, à l’absentéisme scolaire, à la santé mentale voire à l’immigration.

La partie concernant les malades mentaux a été retirée du projet définitif et les Roms ont temporairement relayé les fous, les autres étrangers et les gens du voyage comme instruments de la propagande sécuritaire.
Certes, un pousseur dans le RER, cela choque, fait peur, d’autant plus que cela paraît incompréhensible et semble pouvoir toucher n’importe quel innocent, mais faut-il pour autant instrumentaliser cette peur, la commercialiser ? Il s’agit là d’actes dramatiques mais exceptionnels, qui paraissent nous envahir par leur surmédiatisation et leur instrumentalisation, là ou la violence d’État se développe à bas bruit.

La plume qui, par les lois et décrets qu’elle signe, pousse la population à ne pas se soigner, les hôpitaux et les médecins à faire du chiffre, à se résigner pour certains à « adapter leur éthique », à sélectionner les actes et les patients, à réduire ces patients à des clients et à des sommes d’actes, le professionnel de la santé à un producteur d’actes, n’est-elle pas beaucoup plus dangereuse que les images qu’on exhibe pour nous faire peur ? La voix qui prétend classer les hôpitaux en fonction du taux de mortalité ne peut ignorer la sanction qui peut en résulter pour les patients âgés, fragiles, trop lourds, etc., priés de mourir avant l’admission, après leur sortie ou leur transfert. L’évaluation tous azimuts, le culte des chiffres tue en éloignant les équipes soignantes de leur objet : l’humain. La plume qui transforme le travailleur social en délateur, le policier en chasseur de sans-papiers, de gens du voyage ou de pauvres en situation d’expulsion n’est-elle pas responsable de la dégradation de l’image de ces agents de l’État et de la mise en danger de ceux-ci au même titre que tous les représentants de l’État ?

La réponse à la précarité des conditions de vie doit être une politique de simple gestion des débordements et c’est dans ce contexte que le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques favorise la généralisation des soins sous contrainte en ambulatoire.

Cette loi n’aurait pas d’autre résultat que d’éloigner les patients des soins, de favoriser leur marginalisation et leur abandon. Il s’agit, par une généralisation de la contrainte, de faire des équipes de psychiatrie une menace pour la population et, par là même, de retarder l’accès aux soins par la méfiance et la peur qu’elles susciteront.

Là où l’accueil, le temps de l’écoute étaient possible, l’effet d’ambiance, la crainte, la méfiance rendront toute véritable alliance thérapeutique impossible. Plusieurs dizaines d’années de travail vont être annihilées là où l’accueil et l’écoute étaient encore une exigence.

L’échec inévitable de cette politique conduira à l’extension de l’enfermement pour le plus grand profit des bétonneurs sans pour autant, bien au contraire, parvenir à l’impossible risque zéro, confortant là encore, pour le plus grand bonheur de nos stratèges, le sentiment d’insécurité.

Pierre Paresys








 Foucault et la psychanalyse "Il faut être juste avec Freud"

(Tout) contre Foucault !

Résumé : A partir des critiques de Foucault contre la psychanalyse, un florilège de réflexions pour raviver la discipline : véritable jubilation de la pensée de l’inconscient ! 


Psychanalyse et philosophie vont en bateau !
Bien avant que n'éclate le raz-de-marée face à l'attaque de Michel Onfray contre le père de la psychanalyse, dans le numéro 4-5 de la revue Incidence, sur un littoral certes beaucoup plus calme et bien moins éclairé des sunlights médiatiques, mais non moins luxuriant pour autant, se nouait un dialogue fécond entre des embarcations de philosophes et de psychanalystes. Près de la plage (sans doute celle où s'effacent les visages de sable ?)1, mouillait une douzaine de petits navires théoriques. Tous sont allés à la pêche à la pensée de l'inconscient dans l'oeuvre de Michel Foucault avec une seule règle, héritée de Jacques Derrida, qui sert de sous-titre à la revue, "il faut être juste avec Freud" 2. Nos théoriciens ne pratiquent pas une pêche au gros ou industrielle mais, plutôt, un art de patience où des lignes précises sont lancées pour hameçonner quelques poissons ou découvrir quelques perles au beau milieu des filets théoriques et des viviers d'idées que Foucault nous a légués dans ses livres, ses cours et ses articles. Loin du remous et des tonnerres éditoriaux, l'équipage vogue donc doucement, convaincu qu'à faire trop de bruit on ne (s')entend plus penser. A l'inverse de certains  pirates du savoir, nos "pêcheurs" semblent tout prêts à relâcher leurs proies car à trop s'attacher à ses convictions, on finit par croire qu'elles sont les seules à être vraies et par perdre de vue la boussole de la liberté...      

Les articles nous apprennent que dans les flots d'encre répandus par Michel Foucault, un rapport à la psychanalyse n'a cessé de s'écrire. Mais ce lien constant évolue au fil des ans dans une sorte d'eau trouble : aucun ouvrage de Foucault n'a fait le point de manière définitive sur sa position quant à la psychanalyse et chaque temps de son parcours semble plutôt questionner de façon nouvelle, et souvent tranchante, le "champ et la fonction-psy". De façon cohérente, les différentes contributions mettent en perspective les démontages que le philosophe a progressivement échafaudés face à Freud et ses disciples, leur donnant de plus en plus de fil à retordre. Mais l'ensemble du volume ne se limite pas seulement à rendre plus tangibles ou à classer les critiques de Foucault contre la psychanalyse. Chaque auteur, avec son style, ses références et sa pratique arrive à répondre, à contre-argumenter, à sortir le savoir de l'inconscient hors de l'impasse dans laquelle Foucault semblait l'avoir relégué. Plus même, au large des contributions  de ce volume d'Incidence, semble s'ouvrir un horizon pour une "psychanalyse mineure"3riche de l'enseignement de la clinique, des outils foucaldiens et de ses reprises contemporaines dans la pensée queer américaine 4.

Les quatre temps fondamentaux de la pensée foucaldienne
A lire Incidence, quatre temps principaux scandent la relation de Foucault à la psychanalyse. Ils nous permettent de reprendre le déploiement de son œuvre de manière assez précise. Foucault commence par s'intéresser, au début des années soixante, à l'histoire de la folie et dresse alors une image de la psychanalyse comme continuatrice éclairée du travail d'enfermement psychiatrique. L'air de rien, mais avec force et décision, l'œuvre de Foucault commence donc par mettre la tête sous l'eau à la psychanalyse en en faisant la suivante d'une discipline d'enfermement qui partage ce qui est raisonnable de ce qui ne l'est pas. Cependant, comme le remarque très justement Jacques Lagrange, la critique est ambiguë puisque Foucault voit bien que la psychanalyse renoue aussi un dialogue avec l'expérience de déraison. Ainsi, l'ennemie première et principale de Foucault n'est sans doute pas d'emblée la psychanalyse mais, plutôt, la psychologie en tant qu'elle croit à l'unité du sujet et du discours et en tant qu'elle masque le rapport avec le "Dehors"5 tel que l'expérience de la déraison peut l'indiquer.
L'époque des Mots et des choses est un second moment où le rapprochement  avec la psychanalyse et, sans doute aussi, avec le structuralisme au sens large du terme se fait plus évident6. Comme le pointe John Forrester au sein de l'œuvre de Foucault lui-même, la psychanalyse, tout comme la littérature, se présente alors comme le "principe d'inquiétude" des sciences de l'homme. Elle fait boire la tasse aux certitudes scientifiques dans la profondeur d'un non-dit. Elle éventre les vérités universelles pour les laisser tremblantes devant l'inscription de l'histoire de chaque sujet dans un enchaînement signifiant absolument singulier. Avec l'inconscient, une limite s'impose aux autres sciences humaines, un "Dehors" devant lequel elles s'arrêtent et avec lequel commence l'aventure analytique.
Une dizaine d'année plus tard, avec Surveiller et Punir et le premier volume de l'Histoire  de la sexualité, La volonté de savoir, Foucault, dans le sillon ouvert par la pensée anti-oedipienne,  semble s'éloigner définitivement de la psychanalyse et souhaite mettre à mal la domination qu'elle exerce - notamment grâce au triomphe de l'enseignement de Lacan - sur la vie des idées. Au sein du dispositif de la sexualité7, la psychanalyse se met au service d'un pouvoir diffus, qui s'exerce à même nos désirs et nos corps à la place de s'imposer d'en haut. Du coup, Foucault accuse la pratique freudienne de tous les maux : elle cadre le désir, nous assujettit au manque, règle nos corps et rate toute tentative de libération et de résistance à la domination en promouvant des normes de comportement et en nous faisant croire à la vérité du sujet ; autant d'accusations qui, encore aujourd'hui, peuvent continuer d'interroger les psychanalystes et le sens de leur pratique.
Les articles d'Incidence distinguent, enfin, un quatrième temps, dans lequel Foucault, après avoir déconstruit la "fonction-psy" tant d'un point de vue politique que théorique, finit par présenter des voies alternatives pour prendre en compte "l'inquiétude de soi" à laquelle est censée répondre la psychanalyse. Il s'agit du fameux retour de Foucault à l’Antiquité et à ses pratiques éthiques, aux exercices de soi qui permettent la mise au point d'une subjectivation en lieu et place de l'assujettissement analytique. Pourtant, comme le remarque Frédéric Gros dans une interview avec Roger Ferreri qui clôture le volume en beauté, dans les derniers textes, la référence à la psychanalyse semble avoir presque disparu, sa présence est en tous cas plus flottante. Mais les auteurs semblent tous s'accorder pour remarquer la proximité des thématiques du dernier Foucault avec les enjeux de la clinique psychanalytique, notamment en ce qui concerne l’abandon d’un discours vrai et universellement valide pour se tourner vers la construction de soi par un dire-vrai dont la finalité est "moins de comprendre que de prendre le temps de dire".

Contre Foucault ?
Si, grosso modo, l'ensemble des textes s'accordent sur cette périodisation, aucun d'entre eux ne se limite vraiment à un simple exercice de repérage et d'explicitation des critiques foucaldiennes à l'encontre de la psychanalyse. Il ne s'agit là que d'une première étape pour répondre aux différentes remises en questions politico-théoriques que Foucault a pu élaborer au cours de son trajet intellectuel. Chaque article s'efforce ainsi de mettre en relief les apories internes au discours de Foucault quant à la psychanalyse ou, plus exactement, de montrer comment, malgré les analyses foucaldiennes et les difficultés qu'elles entraînent pour une pensée de l'inconscient, il est encore possible d'œuvrer à la psychanalyse. L’ensemble des travaux contribue ainsi, de façon originale, à "être juste avec Freud" tout en prenant en compte les mises en garde foucaldienne. On n'y ménage ni la chèvre ni le chou, mais la pensée se met au travail entre Foucault et la psychanalyse. Faute de place nous ne reprendrons pas le détail de chacune des argumentations. Qu'on nous permette toutefois de rappeler, avec Jacques Lagrange, que Foucault a souvent eu tendance à gommer le lien entre sexuel et inconscient pour faire valoir son propre discours : c'est ce qui en fait à la fois la force et la limite. En  dissociant l'axiome de base de la découverte freudienne, le philosophe a détourné la psychanalyse de sa spécificité et est parvenu, c'est ce que confirme également l'article de Patrick Lacoste, à la situer soit dans la continuité de la psychiatrie, soit à la poser, plus largement, comme un aboutissement des techniques normatives qui s’appliquent directement sur le corps des sujets. 
Qu'on nous laisse aussi brièvement faire état de l'éblouissant travail de Pierre-Henri Castel qui, pour renouveler les possibles de la psychiatrie et de la psychanalyse, en vient à démonter l'un des concepts les plus fascinants et les plus suggestifs de l'édifice foucaldien : celui du "Dehors". Dans une démonstration implacable, textes à l'appui, Castel finit par pointer comment Foucault a absolutisé ce concept tout au long de son œuvre au point d'en faire une sorte d'a priori, une abstraction, un hors norme de principe qui empêche de voir le cas  par cas qui intéresse la clinique.  
Si Foucault a réussi à tendre des pièges redoutables à la psychanalyse, le raisonnement de Castel   vient minutieusement dynamiter les rouages complexes de l'édifice foucaldien en partant du réel de l'expérience clinique. Mais, par ailleurs, comme on peut le lire dans la conclusion du bel article de Mauro Basaure, il faut bien reconnaître que ce sont les choix méthodologiques de Foucault qui lui interdisaient "d'être juste avec Freud".   

L’avenir de la psychanalyse sera mineur !
On s'en doutera, la lecture de ce numéro sur Foucault et la psychanalyse s'avère aussi jubilatoire que complexe. On n'y glanera aucune réponse définitive mais des suggestions de travail, des pistes pour continuer à penser avec la philosophie contre la psychanalyse et à exercer la psychanalyse contre la philosophie. Mais peut-être ce "contre" renvoie-t-il plus à la proximité qu’à l’opposition (comme deux corps se blottissent l'un contre l'autre). En ce sens, les deux articles de Butler ainsi que l'admirable relecture qu'en donne Ferhat Taylan laissent entrevoir un champ de recherches à la fois vaste et inédit pour une "psychanalyse mineure" où ne se répéterait pas le sempiternel assujettissement à l'Autre mais où se développeraient plutôt une "puissance d'agir" (agency) éthique et des stratégies de soi en prise sur les mécanismes de conformation du désir qu'induit la globalisation triomphante. Pareille psychanalyse n'est pas une vaine chimère, elle constitue plutôt l'"honneur politique" (pour reprendre l'expression de Gros) de l'inconscient, sa matrice de résistance à l'époque du triomphe des thérapies cognitivistes et de la standardisation des réponses au mal-être humain.
Les lecteur les plus difficiles regretteront peut-être l'absence de textes cliniques témoignant plus directement et plus concrètement des effets de cette analyse en devenir entre Foucault, Freud et Lacan8. Cependant on pourra difficilement contrer l'effet enthousiasmant que provoquent ces textes qui repensent les territoires de la philosophie et de la psychanalyse, inventent une résistance (micro-)politique à partir de la cure et de la prise en charge de l'inconscient et nous invitent, in fine, à augmenter notre puissance d'agir. Bref, alors qu'après lecture, les grandes vagues éditoriales finissent toujours un peu par noyer le poisson, les soi-disant eaux dormantes, elles, abritent des trésors d'autant plus rares qu'ils nous invitent à replonger dans l'océan du Travail de la pensée.

rédacteur : Fabrice BOURLEZ, critique à nonfiction.fr

Notes :1 - cf. La dernière ligne de la très célèbre conclusion de M. Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966
2 - Telle est en effet la critique que Derrida énonce à l'égard de Foucault quand il étudie sont rapport à la psychanalyse cf. J. Derrida "Etre juste avec Foucault", in E. Roudinesco (et al.), Penser la folie. Essai sur Michel Foucault, Paris, Galilée, 1992
3 - au sens du devenir-mineur de Deleuze et Guattari c’est-à-dire en dehors de toute position de domination, s’évertuant à demeurer dans le champ de l’impouvoir, de la limite, de l’écart à la règle c’est-à-dire à refuser d’exercer le pouvoir de la norme majoritaire sur l’autre
4 - dont la plus célèbre représentante, Judith Butler, contribue à l'ouvrage par deux articles qui viennent questionner la portée de la Volonté de savoir de Foucault et son incitation à faire valoir les "corps et les plaisirs", pour une pensée de l'inconscient
5 - c'est encore vers ces années-là que Foucault théorise ce fameux Dehors à partir de l'oeuvre de Sade et de Blanchot dans M. Foucault, La pensée du dehors, Fata Morgana, 1966
6 - sur les rapports de Foucault avec le structuralisme, on lira la démonstration, érudite et bien construite, de Gildas Salmon qui soutient, grâce au concept de "transformation", que les théories de Lévi-Strauss ne sont ni équivalentes ni opposées mais complémentaires à celles de Foucault
7 - cette expression décrit l'émergence de la subjectivité dans son inextricable et infernale triple prise en compte par le savoir, le pouvoir et la sexualité. Pour une description excessivement détaillée de l'évolution historique de ce dispositif et de sa relation à la psychanalyse cf. l'article d'Emmanuel Gripay
8 - A ces lecteurs, on ne saura trop conseiller la lecture des ouvrages de Sabine Prokhoris, grande absente de cet ouvrage. Cf. S. Prokhoris, Le sexe prescrit, Paris, Flammarion, 2000 et S. Prokhoris, La psychanalyse excentrée, Paris, Puf, 2008


Titre du livre : Revue Incidence 4-5 : Foucault et la psychanalyse "Il faut être juste avec Freud"
Auteur : Mauro Basure, Emmanuel Gripay, Ferhat Taylan
Éditeur : Le Félin
Collection : Incidence
Date de publication : 01/03/09

MORLAIX VILLE

Hôpital de Morlaix (29). Le personnel psychiatrique en grève
29 septembre 2010

Hier, plusieurs psychiatres du Centre hospitalier ont participé à la journée d'action nationale. Le personnel entend ainsi dénoncer «la dégradation continue de leur outil de soins et la qualité du service rendu aux usagers».

«La psychiatrie est en danger». C'est le constat alarmant dressé par l'intersyndicale (*) des psychiatres du secteur public (IPP). Hier, l'organisation a mis en place une journée de mobilisation nationale «pour obtenir une loi Psychiatrie et de santé mentale». Cette loi constituerait «unemeilleure garantie de sécurité pour les patients, leurs proches et les citoyens... Tout en affirmant les objectifs humanistes etde progrès de santé pour notre pays».

«Loi HPST délétère»

Au Centre hospitalier des Pays de Morlaix, l'une des particularités tient à l'existence d'un important pôle psychiatrique situé rue de Brest pour la population adulte et rue de Kersaint-Gilly pour les enfants et les adolescents. Le pôle rassemble plus de 560agents et 18 médecins. Selon le Dr Hémery, médecin psychiatre et chef de service au centre hospitalier, l'application de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) est «délétère» car «elle ne garantit pas la continuité des soins au pôle psychiatrie». Le projet de loi présenté par le ministre de la Santé en mai doit être examiné par le Parlement à l'automne. Pour le médecin psychiatre, les différents secteurs sont gérés comme «des entreprises, le principe de rationalisation ayantsupplanté un véritable projet de soins», déplore le chef de service.

«Affirmer notre indépendance»

Parmi les revendications, les grévistes souhaitent notamment «affirmer l'indépendance des psychiatres dans leur mission de juges du besoin de soins ?». «La réforme confond les malades difficiles et les malades dangereuxet encourage ainsi le maintien des personnes dans une structure fermée», explique le Dr Hémery. «Il ne faut pourtant pas se baser sur les potentialités des personnes mais sur les actes qu'elles commettent». Pour les psychiatres mobilisés, «cette orientation sécuritaire est contre-productive car la multiplication des hospitalisations coûte cher». Les grévistes dénoncent également la «mauvaise répartition des moyens». «Depuis de nombreuses années, nous perdons régulièrement des postes», soulève le DrAuerhaan, «les autorités considèrent que le pôle est surdoté mais cela est incompréhensible. Il est regrettable qu'aucune des spécificités locales (tissu économique et social fragile, faible présence de psychiatres libéraux) ne soient prises en compte».

* L'intersyndicale représente 80% des psychiatres hospitaliers.

* Steven Lecornu





Neuroleptiques typiques ou atypiques, quelle différence !
Publié le 10/09/2010    

Ces dernières années, les neuroleptiques dits atypiques (ou de seconde génération) sont venus compléter l’arsenal pharmacologique contre la schizophrénie. The Bitish Journal of Psychiatry rouvre le débat sur l’utilisation de ces neuroleptiques atypiques comme traitement de première intention lors un premier épisode psychotique : sur quel(s) critère(s) s’appuyer pour adopter les nouvelles molécules ou, au contraire, pour rester attaché aux molécules plus classiques ?

Les auteurs commentent une méta-analyse d’essais thérapeutiques contrôlés en phase débutante de psychose, et examinent en particulier l’évolution des symptômes à court terme, et la survenue d’effets latéraux (prise de poids et effets extrapyramidaux). Ces essais ont été identifiés notamment dans les principales bases de données informatiques (Cochrane Central, EMBASE, MEDLINE et PsycINFO).
Quinze essais contrôlés randomisés avec un total de 2 522 participants ont été retenus pour cette recherche. Aucune différence entre les neuroleptiques atypiques et les neuroleptiques typiques n’a été observée, en termes d’efficacité sur la symptomatologie traitée, ni de risque d’interruption du traitement. Quant aux effets indésirables, les patients sous neuroleptiques atypiques ont eu une prise de poids supérieure en moyenne de 2,1 kg (Intervalle de confiance à 95 % : 0,1 à 4,1 ). À l’inverse, les patients sous neuroleptiques typiques ont éprouvé davantage d’effets extrapyramidaux  (Différence moyenne standardisée  = –0,4 ; IC 95 % : 0,5 à –0,2. Les auteurs estiment donc que les neuroleptiques typiques et atypiques présentent globalement une efficacité comparable, mais que leur profil diffère cependant en termes d’effets latéraux.

Dr Alain Cohen

Crossley NA : Efficacy of atypical v. typical antipsychotics in the treatment of early psychosis : meta-analysis. Br J Psychiatry 2010; 196: 434-439.