blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 14 avril 2010





La violence à huis clos

Le docteur Cyrille Canetti s'est remis à fumer lors du huis clos forcé du mercredi 7 avril avec Francis Dorffer. Pas pour évacuer sa peur, seulement pour tuer le temps, qui risquait d'être long. "Si Francis Dorffer avait été fou, je l'aurais fait hospitaliser d'office mais ce n'était pas le cas, et le monstre décrit par les médias n'est pas l'homme que j'avais face à moi", affirme le psychiatre âgé de 45 ans.

Le médecin et le détenu de 26 ans se sont vus une quinzaine de fois, parfois jusqu'à trois quarts d'heure. Ces séances d'accompagnement psychothérapeutique n'étaient pas programmées car Francis Dorffer craignait d'être déçu. "Venez plutôt quand vous pouvez, avait-il demandé, parce que si vous n'êtes pas au rendez-vous fixé, je ne saurai pas le gérer." Lors d'une des consultations, le médecin avait pris place sur le tabouret, le patient sur la chaise. "Parce que moi, j'ai des chaises", explique le docteur, qui prône "le respect dedans comme dehors".Les deux hommes avaient appris à se connaître depuis leur première rencontre, le 23 novembre 2009. Francis Dorffer venait d'être transféré dans la capitale et Cyrille Canetti avais pris la tête du service de psychiatrie de la maison d'arrêt de la Santé quatre mois plus tôt, après avoir exercé deux ans et demi dans celle de Fresnes puis dix ans à Fleury-Mérogis.

La prise d'otage a eu lieu à la fin d'un des tête-à-tête. M. Dorffer a confié au médecin qu'il était mû par "le même désespoir que ces employés qui retiennent leur patron", mais il savait qu'il passerait "forcément pour un être extrêmement dangereux". Cinq heures plus tard, au terme d'une négociation menée par l'antigang, le détenu et son otage se sont serré la main. Francis Dorffer a remis au médecin son "arme" : une écharde géante. "Il m'a demandé si je lui en voulais, dit le docteur Canetti. Ce serait le cas si je devais désormais aller travailler avec la peur au ventre mais j'ai trop confiance dans ma façon d'envisager l'être humain pour cela."

Le psychiatre se défend d'être victime du syndrome de Stockholm, ce sentiment d'empathie développé par les otages envers leur kidnappeur. "La réalité de Francis Dorffer, c'est simplement qu'il ne connaissait pas son fils et que sa compagne devait voyager des centaines de kilomètres pour trois quarts d'heure de parloir", décrypte-t-il.

"Préserver l'espoir"

Ce que ce médecin vit au quotidien en prison lui rappelle une huile sur toile de Goya très noire intitulée Saturne dévorant un de ses enfants. "C'est la société éliminant ses exclus", dit-il. "Les détenus sont des nôtres et vont revenir parmi nous, rappelle le docteur Canetti. Pour ne pas les transformer en bêtes sauvages, il faut préserver l'espoir et le lien avec l'extérieur, leur proposer autre chose que la violence pour se faire entendre."

Dans ce cadre, il insiste sur la nécessité d'"une prise en charge humaine et globale de chaque personne condamnée à une longue peine". "A la Santé, assure-t-il, parce que la directrice est une femme remarquable, les services médicaux et pénitentiaires travaillent en bonne intelligence." Pour lui, "qu'on y travaille ou qu'on y vive, la prison est une machine à broyer de l'humain". Il rêve que les surveillants soient "reconnus comme les agents des autres administrations, qu'ils distribuent, eux aussi, des calendriers en fin d'année".

Récemment, Cyrille Canetti, qui ne pouvait honorer une consultation, a fait parvenir un mot d'excuse à chacun de ses détenus-patients : "On m'a remercié d'avoir prévenu, s'étonne-t-il. Or, c'est juste normal. Travailler avec une population captive ne signifie pas qu'on peut en disposer."

Patricia Jolly
 Article paru dans l'édition du 14.04.10.







Enquête
La violence à huis clos

C'est autour du berceau d'un garçonnet de 13 semaines que le drame s'est noué. Parce qu'il voulait faire connaissance avec ce nouveau-né, dont il pense être le père, Francis Dorffer, numéro d'écrou 29 826, a pris en otage durant cinq heures le docteur Cyrille Canetti, psychiatre à la maison d'arrêt de la Santé à Paris, mercredi 7 avril. Il l'a relâché sain et sauf, sans violence.

Âgé de 26 ans, Francis Dorffer purge une peine de 30 ans de prison pour le meurtre d'un codétenu en 2003. La magistrate qui lui a refusé cette permission souhaitait s'assurer que le jeune homme - qui vit en détention depuis ses 16 ans - était bien le père de l'enfant.

Francis Dorffer rêve forcément pour son fils d'une existence plus enviable que la sienne. En novembre 2000, à Metz, il a été condamné à 6 ans d'emprisonnement pour "vol avec violence" et "viol" : une fellation imposée à un adolescent qui vivait comme lui en foyer. Fils d'une mère débordée et d'un père chauffeur de bus souvent absent, Francis Dorffer y avait été placé dès l'âge de 12 ans, lorsque sa soeur aînée est morte d'une overdose. S'il a reconnu un besoin d'argent et les faits de viol, il en a toujours minimisé la portée. "C'était plus pour m'imposer, avait-il expliqué à l'expert psychiatre, se défendant de toute tendance homosexuelle. A ce moment-là, je n'avais plus d'interdit : je me disais, c'est rien, je croyais que je pouvais tout faire. C'était plus pour impressionner. J'ai pas d'attirance pour les garçons."

D'abord incarcéré à Metz, le mineur, qui n'a jamais accepté le statut de "pointeur" - ces délinquants sexuels honnis des autres détenus -, a souvent été transféré pour raisons disciplinaires. "Pour décompresser un peu", comme il disait, il passait souvent par le service médicopsychiatrique régional (SMPR). Anxiolytiques et marijuana l'aidant à supporter la détention. Las de ses insultes et bagarres, les directeurs de maisons d'arrêt n'ont cessé de se l'expédier comme un colis encombrant. La tension a augmenté quand, devenu majeur, Francis Dorffer s'est trouvé confronté à la surpopulation carcérale, contraint à partager son espace vital, tandis que les mineurs sont placés en cellule individuelle.

Il a tué un codétenu en septembre 2003 : un meurtre dont la presse a retenu qu'il tenait à un différend à propos d'un programme télévisé. Francis Dorffer n'avait cessé de signifier, y compris à la direction de la prison, son aversion pour ce voisin : un Guyanais de 19 ans, presque au terme de sa peine, auquel il reprochait son manque d'hygiène et son côté pique-assiette. "Il mangeait tout ce que j'achetais, s'est plaint M. Dorffer aux enquêteurs après son crime. Je lui disais de m'en laisser mais il faisait comme il voulait et il ne nettoyait jamais rien."
Francis Dorffer a raconté comment, un dimanche soir, jour de diffusion de "Capital", émission de M6 pour laquelle il se passionnait, son codétenu l'avait traité de con, lui qui "payait la télé", en lui intimant de changer de chaîne. Durant une partie de la nuit, Francis Dorffer, hors de lui, lui a alors asséné un déluge de coups, l'a ligoté à une chaise, bâillonné et étranglé. "Il disait qu'il allait me faire du vaudou", a-t-il expliqué pour justifier son acharnement sur le cadavre à coups de fourchette dans la gorge. Dans son esprit, mourir impliquait de saigner, or la victime, déjà morte, ne saignait pas...
Une surveillante a découvert la scène macabre vers 7 heures le lendemain matin. "Je regrette, si je peux me permettre de dire ça", avait bredouillé le meurtrier à la fin de son audition.
"Francis Dorffer, dont la vie se résumait à la détention, n'a cessé de tenter de faire valoir son droit à l'encellulement individuel, plaide son avocat de toujours, Me Thomas Hellenbrand. Si celui-ci avait été respecté, comme la loi le prévoit, il n'y aurait jamais eu de meurtre."

Mais Francis Dorffer a commis l'irréparable et depuis, il "baluchonne", comme disent les détenus, d'un quartier d'isolement à l'autre dans les prisons du Grand Est. A Nancy, en novembre 2006, quelques jours avant son procès en appel pour le meurtre, il a brandi un morceau de plastique aiguisé sous le nez d'une psychiatre à la fin d'un entretien, exigeant de la direction un transfert pour se rapprocher des siens, qui ne veulent plus de lui depuis longtemps : une première prise d'otage qui a duré une heure trente. Son voeu exaucé, il a déposé les armes et s'est allongé au sol docilement pour être menotté. La psychiatre n'a pas porté plainte. "Son geste n'avait rien de personnel, a-t-elle expliqué à la police. A plusieurs reprises, il s'est excusé pour les faits qu'il me faisait endurer et s'est inquiété de mon état psychologique. Il ne souhaitait en aucun cas me blesser, il cherchait simplement à faire pression sur la direction pour être transféré au plus vite."
En novembre 2009, Francis Dorffer a récidivé à la maison centrale de Clairvaux (Aube), retenant cette fois un surveillant. Il voulait voir sa fiancée : la soeur d'un ancien codétenu qui l'a convaincu de se convertir à l'islam et avec laquelle il a commencé une correspondance puis une relation amoureuse à travers les barreaux. Au parloir, durant l'un de ces tête-à-tête qui font détourner le regard aux surveillants, ils ont conçu un bébé à la sauvette.
Fin 2008, la jeune femme s'est installée à Ensisheim (Haut-Rhin), dans un appartement situé à deux pas de la lourde huisserie de la maison centrale réservée aux "longues peines". Dans l'espoir que Francis Dorffer y pose son sac. A part elle et leur fils nouveau-né, il n'y a plus personne autour du jeune homme, affirme Me Thomas Hellenbrand. Selon lui, son client "réagit contre la "pénitentiaire" qui l'a élevé comme un ado révolté contre sa mère, et ça se traduit par des crises graves".
"Vous savez que je ne suis pas violent ou même méchant, lui a écrit Francis Dorffer en novembre 2009, juste après l'incident de Clairvaux. L'éloignement de ma femme m'a fait péter les plombs. Prenez soin de vous et bon courage." Mi-février, Dorffer lui a annoncé sa décision d'écrire un roman autobiographique. "Il s'agit pour moi de faire entendre que la prison est un conditionnement à la violence et aux actes désespérés et je vais y mettre toute mon intelligence", disait le détenu dans une missive à son conseil, auquel il promettait d'adresser l'ouvrage "par morceaux". Mis en examen pour "séquestration avec prise d'otage" sur le docteur Canetti, Francis Dorffer risque désormais la réclusion criminelle à perpétuité.

Patricia Jolly
Article paru dans l'édition du 14.04.10




Le Mans

On ne soigne pas qu'à l'hôpital psychiatrique








À l'entrée du centre, une partie de l'équipe :
Sylviane Loison (secrétaire à l'accueil)
Marie-José Ganeau (infirmière),
Dominique Rasson (assistante sociale)
Christophe Courcier (cadre de santé)
et Chantal Shapira, psychiatre.


Au coeur du quartier des Glonnières, on trouve le centre médico-psychologique James-Pradier. L'an dernier, 1 800 Sarthois y ont été suivis.

Pourquoi, comment ?

Un centre médico-psychologique, c'est quoi ?

C'est le pivot de chaque secteur psychiatrique. En Sarthe, il y en a sept. Le département a été découpé comme un camembert. Chacun des sept morceaux a sa pointe sur une partie du Mans et s'élargit vers la zone rurale.
 
Situé au cœur des Glonnières, le CMP James-Pradier rayonne ainsi jusqu'à Écommoy, et au-delà. Soit un bassin de 80 000 habitants, dont environ 1 800 ont eu recours au service du centre. Car, contrairement au cliché, une infime minorité de patients passe par une hospitalisation, à Allonnes ou rue Etoc-Demazy au Mans.
 
Que fait-on au CMP ?
 
On y donne des soins, du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h. Que ce soit en urgence, à la demande du 
patient, des familles, d'un médecin, etc. Ou encore à travers des consultations de suivi auprès de médecins, de psychologues, d'infirmières ou d'assistante sociales.
 
Le lieu, totalement rénové en 2005, propose aussi « un accueil thérapeutique à temps partiel » qui mélange soins (luminothérapie, sophrologie) et travail d'insertion, en lien avec des associations (alphabétisation, etc.). « Parce que le soin ne fait pas tout, explique la psychiatre Chantal Shapira. Travailler sur le tissu social, avec l'entourage du patient, est extrêmement important. »
 
Y a-t-il plus de malades qu'avant ?
 
Le nombre de patients est en nette augmentation depuis dix ans.
La « société va moins bien » ? Pas forcément. « L'hospitalisation, dans un service classique ou en psychiatrie, cela coûte cher. Pour limiter les hospitalisations, on a donc beaucoup travaillé la prévention, en amont, notamment avec le réseau associatif, explique Christophe Courcier, cadre au CMP. En fait, on a tellement bien travaillé qu'on a détecté davantage de malades qui, auparavant, n'étaient pas détectés. À l'arrivée, on a autant d'hospitalisation, et beaucoup plus de consultations au centre... »
 
Les moyens suivent-ils ?
 
Pas à hauteur de l'augmentation des consultations, reconnaît Christophe Courcier. Et ce n'est pas toujours facile à gérer. « S'il n'y a pas de place en hospitalisation complète, on est obligé « d'étayer » des patients par des soins de jour, témoigne Dominique Rasson, l'assistante sociale. Mais le week-end et le soir, ils repartent chez eux. Et c'est difficile à vivre quand on pense qu'ils seraient mieux à l'hôpital... »
 
Pour la psychiatre Chantal Shapira, ce n'est pas qu'une question de moyens : « Si le patient est bien entouré, au sein d'une famille sans difficulté financière, le soin est facilité. » A contrario, c'est beaucoup plus compliqué de soigner une personne isolée, en proie à des difficultés matérielles. « On ne peut pas pallier des choses qui dépendent de la société. »

Patrick ANGEVIN.



Quand l’art sort de la psychiatrie et du handicap... 
Films-rencontre-spectacle-débat au Vent se lève !

Associés aux efforts de médecins et de scientifiques, depuis plusieurs années, des artistes développent des modes d’expression qui s’avèrent efficients dans le champ de la Santé Mentale. Hors de toute discrimination, patients, soignants, habitants des communes sont rassemblés autour de la notion de citoyenneté élargie à l’Europe…










Fenêtre de la chambre d’isolement 

Du mardi 13 avril au samedi 17 avril le "Théâtre Le Vent se lève" 181, avenue Jean Jaurès Paris 19° accueille et ouvre au public les œuvres d’artistes en résidence à l’hôpital dans le cadre des actions culturelles et artistiques de l’association le Relais Mutualiste. Projection du film pour oreille : Ici, le jour et la nuit. Au pavillon A2, unité d’urgence de psychiatrie, pendant un an, avec des patients et des infirmiers, Jean-Christophe Bardot/photographe et Sylvie Gasteau/sonographe, y ont mené un atelier en duo... Paroles et portraits de patients, de veilleuses, d’infirmiers, de médecins. Visite libre et guidée...  

Mardi 13 avril à 19 h : La projection sera suivie d’une rencontre avec Jean-Pierre Chrétien Goni, directeur artistique du Vent se lève, metteur en scène qui intervient depuis de nombreuses années en psychiatrie et en prisons.  

Mercredi 14 avril de 9 h 30 à 18 h : une journée d’actions culturelles et artistiques à l’Institut Marcel Rivière-hôpital psychiatrique à La Verrière (78). Partenariat européen Italie Espagne France action culturelle et artistiques dans le champ de la Santé Mentale L’association le Relais Mutualiste par la recherche-action de l’Éducation Populaire, œuvre depuis 25 ans, pour l’action culturelle et artistique dans le champ de la santé mentale : accueille d’ artistes en recherche, processus de création en ateliers avec des patients et des soignants, rencontres et spectacles ouverts au public extra hospitalier . Avec les soutien de la DRAC et de l’ARH Ile de France pour "Culture à l’hôpital", la Région Ile de France, le département des Yvelines, la Communauté d’Agglomération de Saint Quentin en Yvelines, la MGEN-ASS. Programme européen Education et formation tout au long de la vie.  

Jeudi 15 avril à 19h : Spectacle Le Dernier cri par le Théâtre du cristal, Mis en scène Olivier Couder, en partenariat avec l’ESAT la Montagne. Dans ce spectacle, tout est mouvant insolite et décalé, au plus près de ce que les comédiens en situation de handicap peuvent apporter de singulier dans leur regard sur le théâtre et sur le monde. Après le spectacle, un repas sur place, puis projection d’un photo-son Trois rêves regarde moi réalisé par le photographe JC Bardot et la sonographe S.Gasteau en résidence de recherche et de création à l’Institut Marcel Rivière. Rencontre-débat avec Madeleine Abassade directrice du Relais Mutualiste.  

Vendredi 16 avril à 20 h 30 : projection du film, avec la participation du comédien Benoît Lepecq et du danseur-chorégraphe Christophe Zaorski.  

Samedi 17 avril à 19h : la projection sera suivie d’un repas sur place, puis du court métrage Une journée peu ordinaire et d’un débat avec la revue Cassandre/horschamp. Le court métrage : "Une journée peu ordinaire" : Adaptation et interprétation par Benoît Lepecq des textes de Dominique Achard et Stéphanie Favré infirmières de psychiatrie. Sur la contention et l’injection forcée. Ou le théâtre comme catharsis... 

www.lerelaismutualiste.org 
01 39 38 77 09 
http://www.leventseleve.org/node/1645





Posteado por Blog amp a miércoles,
marzo 31, 2010

La Cause Freudienne N°74 : La psychanalyse vite







  


Revue la Cause freudienne n° 74. 
La psychanalyse, vite

Éditorial Nathalie Georges-Lambrichs
L’analyste-analysant

Serge Cottet
Freud analysant
Éric Laurent Lacan analysant
Francisco-Hugo Freda Allocution
Agnès Aflalo L’assassinat manqué
Leonardo Gorostiza Le chausse-pied-sans-mesure
suivi de Le gnomon du psychanalyste
Jacques-Alain Miller Despedida

Les Journées de novembre de l’ecf

Monique Amirault La chute d’un mur
Dalila Arpin La psychanalyse mise à nu par ses praticiens, même
Sonia Chiriaco Une lettre de Vienne
Sandrine Corouge Éloge de « l’audace calculée »
Pascale Fari L’urgence, un traitement du réel du temps
Sylvie Goumet L’(a) coulisse
Marco Mauas Réponse du réel, passe « avant-coup »
Caroline Pauthe-Leduc Demain le psychanalyste
Esthela Sonalo-Suárez Fiat !

Psychanalyse et cryptologie
Conversation avec Jacques Stern

Rencontre
Michel Butor, invité de l’upjl

L’Orientation lacanienne
Jacques-Alain Miller La passe du parlêtre

La passe : deux scansions
Jacques-Alain Miller La question de Madrid [1990]
Théorie de Turin sur le sujet de l’École [2000]

Après la passe
Guillermo Belaga Le trauma après la cure
Luis Dario Salamone Ceux qui échouent devant le succès

Solitudes
Jorge Aleman Commune solitude
Xavier Esqué Valence de jouissance
Oscar Ventura Une considération sur le destin
Ernesto Sinatra La jouissance du cafard
Lucía D’Angelo Le masque, le postiche, le semblant… et le phallus

Psychanalyse et littérature
Gustavo Dessal Lettre à Natalie
Monica Torres Ce que savait Henry James

L’Autre méchant, II
Jean-Pierre Deffieux Les fous raisonnants. À propos de l’œuvre de Sérieux et Capgras
Philippe La Sagna Séglas et le système de l’Autre méchant
Carole Dewambrechies-La Sagna Clérambault, une anatomie des passions

Le Cabinet de lecture
Connexions Pauline Prost, Actualité de Merleau-Ponty · Françoise Fonteneau, Le Perçu ·
Gilles Chatenay, « Donc… » – je vous l’accorde, mais tonk – certes, mais plonk, et plink · Myriam Mitelman, Rebondissements · Hervé Castanet, Vérité et réalité. Pas sans l’objet a
Vous avez dit « psychanalyse » ? Olivier Ripoll, Finesse et structure · Serge Cottet, La vie et l’œuvre, nouvel avatar · Armand Zaloszyc, Rêver avec ou contre Freud ? · Fabian Fajnwaks, Le patient s’hystorise de lui-même · Myriam Mitelman, La norme sur le divan
Le malaise contemporain Penny Georgiou, Doxologie qcm ? · Jean-Marie Adam, Résistancepédagogique pour l’avenir de l’école · Clotilde Leguil, Comment tombe-t-on amoureux au xxie siècle ?

L a g u e r r e Sandrine Corouge, À propos de The Hurt Locker de Kathryn Bigelow

Pierre-Gilles Gueguen Des Américains à Paris

dimanche 11 avril 2010






ROUEN  

La psychiatrie sur le vif







  
Une des images de Florence Brochoire,
qui a travaillé dans les structures
psychiatriques de Verneuil, Conches,
ou Navarre

 
PHOTOGRAPHIE.

Florence Brochoire a immortalisé patients et soignants d'hôpitaux psychiatriques.
 
Dans le cadre du projet Culture à l'hôpital, deux expositions sont menées en face à face comme études documentaires et photographiques complémentaires : l'une à la galerie du Pôle Image présentant les photographies de l'Allemand Peter Granser - un travail sur le portrait - et l'autre, de Florence Brochoire, au cœur du CHU. L'année passée, cette photographe parisienne a été reçue en résidence dans les structures psychiatriques de Conches, Verneuil et Navarre.

Une collecte, des entretiens, un quotidien
La trentenaire a procédé tout d'abord à une collecte d'images et d'informations proposant aux soignants et aux malades de photographier à l'aide d'appareils jetables les faits et lieux marquants de leur quotidien. En parallèle, elle a organisé une série d'entretiens pour appréhender la personnalité des sujets. 
A partir de cette base documentaire, elle a réalisé plusieurs séries pour cette exposition baptisée Être singuliers où elle évoque la frontière tenue entre un psychisme stable, et éprouvé.
Certains portraits se composent de quatre photos complémentaires : portrait de pied sur fond neutre, et trois autres images évoquant les lieux du quotidien, les objets fétiches et une bribe de vie passée. L'objet fétiche témoigne du besoin de se raccrocher, que ce soit pour les soignants ou les malades, à un objet rassurant : vierge en plastique, tigre en peluche…
Le rapport au sacré est également visible dans les lieux photographiés qui prennent parfois la forme de sanctuaire.
Ces deux expositions ont été produites par le Pôle Image Haute-Normandie avec l'aide de la direction régionale des affaires culturelles (Drac) et de l'agence régionale de l'hospitalisation.
 
« Etre singuliers », pavillon de Germont, 1 rue de Germont, au CHU, du lundi au vendredi de 9 h à 17 h.
« J'ai perdu ma tête », galerie du Pôle Image, 15 rue de la Chaîne, ouvert du mardi au samedi de 14 h à 18 h. Jusqu'au 22 mai.

Article paru le : 9 avril 2010






INFO - CULTURE

Publié le 10/04/2010  

Erstein : le fou-rire à l'hôpital psychiatrique
Par Maxime Villirillo









Une infirmière qui signe comme humoriste une seconde édition de la nuit du fou-rire

Il fallait oser organiser un spectacle humoristique dans l'enceinte de l'hôpital psychiatrique d'Erstein!
 
La nuit du fou-rire s'est déroulée hier soir au centre hospitalier d'Erstein pour la 2ème année consécutive. 
Un lieu insolite pour un spectacle qui a fait salle comble. Derrière cette initiative qui ouvre les portes de la psychiatrie au grand public, une femme, à la fois infirmière et humoriste.

La première édition de la nuit du fou rire avait convoqué l'originalité et l'humour dans l'enceinte a priori austère du centre hospitalier d'Erstein; qui plus est dans le pavillon réservé aux patients traités en psychiatrie. La deuxième fera date dans l'histoire de l'établissement :  l'instigatrice de l'évènement, l'infirmière humoriste Valérie Brezchwa, à la tête de l'association "Fou-rire" n'a pas lésiné sur la dimension de ce nouvel épisode dont la série va s'inscrire désormais dans la durée. Le public, venu en nombre, tout comme les malades, ont parfaitement saisi le message : démystifier un univers, sans pour autant le moquer. Une gageure parfaitement réussie.








LILLE / WAZEMMES

Quand les villes ont rendez-vous chez le psychanalyste...











Les curieux peuvent également découvrir l'ANPU :
www.anpu.fr

 
La Maison Folie Wazemmes accueille ce week-end le directeur de l'Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine (ANPU), fondée en 2008. Laurent Petit dévoile avec humour au public le compte rendu de deux ans de travaux.
 

Autour d'une conférence-spectacle, Laurent Petit brise le secret professionnel d'une dizaine de ses patients hors du commun. Le directeur de l'ANPU se propose de psychanalyser les villes de Marseille, Béthune ou encore Tours. L'idée est de considérer la ville comme une personne et « d'en dresser un portrait, en vue de proposer des traitements thérapeutiques, par exemple architecturaux », explique Charles Altorffer. Metteur en scène du spectacle présenté pour la première fois jeudi soir à la Maison Folie Wazemmes, il souligne le côté « désopilant » de la représentation, mais avec « un fond sérieux ». Il s'agit « de dire au public où on en est, comment les choses évoluent, et quels sont nos objectifs », ajoute Charles Altorffer, également membre de l'ANPU.
L'Agence a pour ambition de psychanalyser le monde entier d'ici 2013. Si aux premiers abords, peu bavards, de tailles démesurées et difficiles à assoir sur le divan, les patients originaux de Laurent Petit ont bien des récits à raconter. L'an passé, le Prato avait accueilli le premier état des lieux des travaux de l'ANPU. La salle était comble jeudi soir pour assister à l'Épisode 2: l'utopie municipale.
 

Rires et analyse décalée
 

Paré de sa blouse blanche, le directeur de l'agence entre en scène pour plus d'une heure de rires et d'analyse décalée. Également auteur de la pièce, il a tout d'abord précisé aux curieux les spécificités de l'ANPU et les méthodes employées pour étudier les villes. La psychanalyse commence avec la réalisation de l'arbre généalogique du patient et par un intérêt pour son histoire, le tout afin d'identifier et de traiter un Point Névro Stratégique Urbain. Le psychanalyste en chef expose ensuite au public l'exemple de quelques cas diapositives à l'appui, tel que celui de la Ville de Villeurbanne. Cette dernière trop effacée par son voisin et parent Lyon s'est vue proposer par l'ANPU de « réaffirmer son moi urbain avec l'éléphant, seul animal capable de lutter avec le lion », a expliqué Laurent Petit. Seul face au public, il se joue de l'architecture des villes, de leur passé ou encore de leur géographie. w World Analysis, épisode 2 l'utopie municipale à la Maison Folie Wazemmes, 70 rue des Sarrazins à Lille, samedi 3 avril à 19h, dimanche à 17h.

Théorie et clinique de la création
Patrick Martin-Mattera

 Perspective psychanalytique











 

Prix public : 23,00 EUR

Présentation par l'éditeur

Ce livre traite de la création d'un point de vue psychanalytique et trace dans ce vaste champ une limite permettant de saisir la part la plus singulière de cette notion complexe dont on doit préciser les contours : la création sera ainsi distinguée de la question beaucoup plus générale de la créativité et abordée sur l'ensemble des registres qui la concernent. Après avoir développé la notion de création telle qu'elle se présente en psychanalyse, seront approfondies des perspectives théoriques et cliniques qui contribuent à éclairer la pertinence d'une conceptualisation de la création et à en tirer des enseignements utiles au plan de la pratique.





Le Mans

L'historien ausculte deux siècles de psychiatrie

jeudi 08 avril 2010







L'hôpital Étoc-Demazy, derrière la gare,
a été classé monument historique.
Il fermera en 2011.








Hervé Guillemain, historien.
 
L'historien Hervé Guillemain vient de publier un ouvrage basé sur les archives du centre hospitalier spécialisé et des témoignages de patients et soignants.

Entretien

Vous avez épluché des cartons d'archives des établissements psychiatriques sarthois, rencontré une trentaine d'anciens soignants, quels enseignements en avez-vous tiré ?
 
L'asile d'aliénés du Mans derrière la gare (Étoc-Demazy, du nom du premier médecin-chef) a été l'un des premiers créés en France, en 1828. Il a longtemps servi de modèle. Tellement, qu'on a tardé à le modifier. Et paradoxalement, l'hôpital d'Allonnes a été, en 1968, l'un des derniers hôpitaux-village de France. Les deux ont cohabité pendant 40 ans.
 
La méthode ancienne d'un côté, la moderne de l'autre ?
 
Pas du tout. Avec la sectorisation de la psychiatrie dans les années 70, la répartition des patients est géographique et non-pathologique. Pourtant, l'idée communément répandue, c'est que derrière les hauts murs du Mans, sont les « grands fous ». Et qu'à Allonnes et ses pavillons, c'est le Club'Med.
 
L'architecture influe sur la thérapie, non ?
 
A Étoc, patients et soignants sont les uns sur les autres. La promiscuité règne. Alors, qu'à Allonnes, les médecins se déplacent en voiture, tellement le village est immense avec la forêt.
 
Quant aux patients, ils restent au pied de leur pavillon. L'objectif de les resocialiser en créant une ambiance de village n'est pas atteint. 
Pour moi, le vrai village est à Étoc.
 
Dans les deux cas, aujourd'hui, ce ne sont plus des lieux de vie. 
Depuis la fin des années 1970, on a vidé les hôpitaux psychiatriques. La durée de séjour moyen n'est plus que de 28 jours. Autrefois, on pouvait y passer sa vie.
 
Dans quelles conditions ?
 
A l'asile, cela dépendait des revenus. Les indigents se retrouvaient dans d'immenses dortoirs, jusqu'à 120 lits. Leur séjour était payé par le Département. À côté de cela, Le Mans avait l'un des plus gros pensionnats de l'Ouest. Là, étaient internés des gens qui avaient de l'argent. En chambre individuelle, avec une alimentation riche, un domestique. Il y avait même des publicités vantant la qualité du pensionnat. C'était un moyen de faire vivre l'institution.
 
Qui étaient les soignants ?
 
Longtemps à l'asile, un seul médecin-chef a eu la responsabilité de tous les patients, jusqu'à un millier. Les religieuses de la communauté Notre-Dame d'Évron s'occupaient des femmes et des services centraux. Les dernières sont parties à la fin des années 1960. Leur présence explique l'importance des Fêtes Dieu, en mai. Longtemps, ces fêtes ont été les seuls moments d'ouverture de l'asile sur l'extérieur. Les habitants du quartier y venaient en nombre.
 
Y a-t-il eu des événements marquants à Étoc ?
 
L'épidémie de grippe espagnole a décimé la population durant la 1re Guerre mondiale : environ 300 morts, soit un tiers de l'effectif. Durant la Seconde, c'est la sous-alimentation qui a tué.
 
Et en terme de thérapie ?
 
Les établissements manceaux ont suivi l'évolution de la psychiatrie en France. Avec une particularité quand même : entre 1945 et 1958, le médecin Louis Anglade a réformé l'hôpital. On lui doit notamment la sortie des malades vers l'extérieur, par le sport, les voyages. Et l'entrée des familles à l'hôpital, via la kermesse. Comme les autres, il s'est mis aux électrochocs (1942) et aux neuroleptiques (1950).
 
En revanche, Anglade était convaincu de l'intérêt de la lobotomie pour les patients chroniques, résistant aux autres thérapies. Il s'agissait d'agir chirurgicalement sur le cerveau. Une fois par an, un chirurgien venait de Paris et opérait à la chaîne une quinzaine de patients. La pratique a duré jusqu'en 1967. Avec quel succès ? On parlait plus de rémission que de guérison.
 
Et des patients célèbres ?
 
On m'a parlé de la secrétaire de l'écrivain Jules Romains, d'un musicien de Jacques Brel. Et sinon de personnalités locales, internées au pensionnat...

Recueilli par Laurence PICOLO







L’individu à l’épreuve d’un monde sans courage
 
Le nouveau livre de Cynthia Fleury s’interroge sur la rupture contemporaine de la politique et de la morale. La philosophe y scrute les figures exemplaires de l'homme courageux.











La fin du courage de Cynthia Fleury.
Éditions Fayard, 2010,
208 pages,
14 euros.

 
Cynthia Fleury a perdu « le courage comme on égare ses lunettes » ! écrit-elle dans l’introduction de son tout récent ouvrage « La fin du courage ». Cette chute, rédigée à la première personne du singulier, lui semble plus poétique que celle, « gluante », de l’humanité dépourvue de courage qui n’aurait plus qu’à s’en remettre à « quelques individus prêts à s’extraire de la glu » (comme des héros surgissant de la plèbe) pour en sortir. La société qui l’entraîne vers le fond l’aide malgré tout - le courage étant là « comme le ciel est à portée de regard » - avec la « venlafaxine » (antidépresseur) à portée de main ! Son ouvrage prend acte d’une « fin du courage » de toute la société comme un moment de dépression peut toucher chaque individu. Mais le « courage collectif » n’est-il que la somme des courages individuels ? Où se fabrique-t-il ?
 
Cynthia Fleury s’interroge en philosophe sur ce qui manque à l’individu, son incomplétude, ce qui n’est pas fini, ce qu’il doit acquérir ; de même quelle vertu manque-t-il aujourd’hui à la démocratie ? « L’étude du courage politique et moral » dit « la norme par son absence et sa rareté … ». L’étudier dit « tout de l’histoire personnelle et collective des hommes » si l’on considère que l’addition des vertus des sujets est celle de la collectivité.
 
Cet essai qui relève plutôt de la Morale vise à « reformuler une théorie du courage » pour notre époque. Dans cette optique, Cynthia Fleury formule une sorte d’archéologie de cette vertu. Elle interroge l’existence de corrélations allant de l’individu au collectif ; le courage politique s’articule, selon l’auteur, sur le courage moral. Le courage, et surtout la posture qui fait « Le courageux » (sujet générique abstrait), sont passés en revue au travers de penseurs divers, en dehors de toute chronologie : Giorgio Agamben avec sa définition du « contemporain » qui devient « Le courageux » en affrontant les peurs générées par le dernier millénaire en date. Elle retourne à Aristote et à sa distinction du vrai et du faux courage. Elle cite également Montaigne pour qui le courage est tout simplement d’apprendre à vivre plutôt qu’à mourir.
 
Le courage consiste pour Cynthia Fleury à « ne pas regarder trop loin ». Le grand théoricien de l’ « Alerte » devant la peur, c’est Nietzche, alarme qui laisse la possibilité de se mettre à l’abri. Quand Napoléon III sévit, Victor Hugo ne s’exile-t-il pas à Jersey ? Le téméraire, en ce sens, n’est pas un courageux. Seul celui qui éprouve l’effort quotidien de Sisyphe et la peur du diable est courageux.
 
Le courageux a de multiples facettes car il s’agit d’une manière d’être, d’une trajectoire : « On ne naît pas homme, on le devient ». C’est la maxime de l’humaniste Érasme qui est invoquée là pour aboutir à « la nécessité de fonder une nouvelle métaphysique, d’atteindre la transcendance sans le dogme ». Le sujet qui s’affirme par son acte de courage trace un chemin qui relie les hommes entre eux chez Jankélévitch. Avec Cynthia Fleury, nous sommes dans une réalité surplombée par un mouvement linéaire, sans conflit ni solidarité, sans pouvoir, sans dominé ni dominant, un rêve d’abolition des antagonismes ! Pour décrire cette continuité du courage politique et du courage moral, Cynthia Fleury se réfère à Michel Foucault et à son épistémologie du « franc parler » où s’entendent la vérité, la liberté et l’acte de dire. Un jour peut-être…
 
Citant le philosophe Axel Honneth qui dirige à soixante ans ce qui reste de l’Ecole de Francfort, l’auteure montre que la non reconnaissance, l’invisibilité des individus par la société actuelle relève d’une « société du mépris » (dernière théorie critique en date) et « signe la fin du courage » parce que « l’oppression et la domination du système capitaliste sont bien plus sournoises aujourd’hui qu’hier dans la mesure où elles travestissent l’idéal d’émancipation propre aux régimes socio-démocrates (sic), eux mêmes relevant d’un capitalisme plus régulé ». Sur le caractère fatal de la fin du courage politique, l’idée n’est pas neuve car le fondateur de l’Ecole de Francfort, Theodor Adorno, voyait déjà disparaître dans le développement du capitalisme « la raison émancipatrice » et ne subsister que « le seul achèvement d’une conscience instrumentale gouvernée par un principe de domination ». Il n’a pas échappé à Cynthia Fleury que l’idéal d’émancipation s’était insidieusement transformé en un « hyper individualisme fortement fragilisé parce que découplé de forme collective de défense ». De même que Vichy avait nommé le lieu du peuple : la Résistance, Cynthia Fleury nomme « le lieu de l’éducation et de l’enseignement au courage » : l’époque de son naufrage.
 
Arnaud Spire


Les livres de la psychanalyse

Paradoxes de la sexualité masculine
 
Silvia Bleichmar
Préface de Jean Laplanche










Paru le : 24/03/2010
Editeur : PUF
Collection : bibliothèque de psychanalyse
Prix : 25 €

La psychanalyste Silvia Bleichmar traite dans cet ouvrage d’un sujet qui pendant longtemps fut « tenu pour acquis » : la constitution de la sexualité masculine. Comparée à sa contrepartie féminine qui se montrait bien plus incompréhensible et mystérieuse pour les pères de la psychanalyse, la façon dont un enfant devient homme paraissait simple et évidente, et elle éveilla moins l’attention. Mais les temps ont changé, avec leurs scènes nouvelles, habitées par des acteurs hétérosexuels, homosexuels et transsexuels, par des familles classiques, reconstituées et monoparentales, pour ne citer que quelques-unes des constellations possibles : ils exigent de nouveaux outils pour travailler ce passage complexe et plein d’ambivalence.
Lucide et sans dogmatisme, l’auteur se propose de questionner les enseignements reçus de la psychanalyse afin de reformuler la théorie de la castration et du complexe d’Œdipe. Elle ne désire pas provoquer un débat superficiel, mais une posture de maturité critique voulant retrouver l’enthousiasme en rouvrant le chemin « pour réviser, séparer, écarter et récupérer en nouveaux développements ce que nous possédons déjà ». Il s’agit de « pousser la théorie jusqu’à ses limites et balayer les miettes du préjugé » en s’appuyant toujours sur un bagage indéfectible de respect et de connaissance.
L’auteur revisite ainsi des théories héritées, rassemble des recherches anthropologiques surprenantes et recourt constamment à sa propre pratique d’analyste pour élaborer une hypothèse originale et polémique sur la constitution de la masculinité. Elle place ce qui jusqu’alors était catalogué comme « simple fantaisie homosexuelle » à une place fondamentale, jette une lumière nouvelle sur les rituels de masculinisation, resitue l’asymétrie constitutive entre l’enfant et l’adulte, et propose un autre regard sur les possibilités de subjectivation. Tout ceci sans négliger la perspective éthique, qui doit accompagner toute réflexion sur un sujet aussi central. Un livre critique et ouvert qui pose les bases des discussions qui sans aucun doute marqueront le XXIe siècle.

Les livres de la psychanalyse

Manie, mélancolie et facteurs blancs

German ARCE ROSS


 








Parution : mars 2010
Edition : Beauchesne
Collection : Le Miroir des Savants
Prix : 48 €

Cet ouvrage de 400 pages, résultat d'une recherche théorique et clinique de plus de quinze ans, propose un regard nouveau sur la clinique de la psychose maniaco-dépressive, en apportant des notions originales concernant le déclenchement et l'évolution du délire à l'oeuvre dans cette pathologie ainsi que les aspects essentiels de son étiologie. Nous pouvons désormais nous référer à des termes nouveaux : forclusion maniaque (forclusion à caractère altruiste d'un aspect mortel de la fonction paternelle, dont l'acte suicidaire est le point de perspective) ; délire de mort, défini comme l'ensemble délirant propre à la psychose maniaco-dépressive ; facteurs blancs, pivot d'une théorie originale sur le déclenchement. Les facteurs blancs réactualisent la valeur vide et suicidaire de la forclusion maniaque du Nom-du-Père et sont impliqués dans le déclenchement. Partant de situations négatives - pertes, ruptures, deuils, ruines financières ou modifications radicales des conditions habituelles de vie -, ils représentent des événements à valeur de nuisance qui demeurent pourtant vides de toute valeur de nuisance. Ils produisent des espaces vides dans le déroulement de la chaîne signifiante, laquelle est censée représenter un à un, de manière enchaînée et selon une logique propre, les événements cruciaux d'une vie. Ce livre est destiné aux praticiens (psychiatres, psychologues, psychanalystes, psychothérapeutes), aux chercheurs (enseignants, érudits, étudiants) en psychopathologie, ainsi qu'aux patients et aux familles confrontés aux questions et aux problématiques posées par les troubles bipolaires maniaco-dépressifs, les mélancolies anxieuses, les tendances suicidaires, les deuils pathologiques et, dans une certaine mesure, les troubles de l'alimentation.

jeudi 8 avril 2010




"Le cognitivisme ça sert à faire la guerre!"

Article de Thierry Fromentin
http://www.freud-lacan.com/article/article.php?url_article=tflorentin290310#










La troisième vague
, tel est le titre d'un des derniers ouvrages francophones destiné à présenter le cognitivo-comportementalisme, à la suite du cognitivisme et du comportementalisme.

S'agit il d'une vague d'assaut ?

Avons-nous suffisamment pris conscience, les uns et les autres, que nous n'avons ici pas seulement affaire à des théories, faut-il encore prouver qu'elles existent, à une pratique, ni même à des applications, mais à un programme.

Et que ce programme, qui revendique son appui sur les neurosciences, est en train de s'emparer à petit pas du contrôle plein et entier d'un certain nombre de domaines majeurs de la vie, individuelle, publique et collective, et pas seulement la vie psychique.

Pas seulement la psychanalyse, même si celle-ci se trouve être dans sa première ligne de mire.

Avez-vous par exemple entendu parler du Law and neurosciences project, fruit de la coopération entre plusieurs universités et administrations américaines, qui se donne pour objectif d'utiliser les données de l'imagerie cérébrale comme preuve à charge afin de démontrer la culpabilité d'un suspect, sa responsabilité pénale, ou ses tendances déviantes, afin de parvenir à changer les lois aux États-Unis (1) ? Connaissez vous leur devise ? The time is now, "le moment est venu".

Nous assistons à l'extension hégémonique d'un scientisme des temps nouveaux, sous sa forme la plus moderne, le neuroscientisme.

Le cognitivo-comportementalisme en est un de ses fers de lance, sans en être pour autant le seul.

Quelle en est sa visée ?

Parvenir à constituer un homme nouveau, littéralement un changement de la nature humaine.

Ceux qui auront apprécié les grands évènements du XXème siècle que furent le nazisme et le stalinisme sauront reconnaitre la patte inhérente à tout système totalitaire.

Et notre fascination, la fascination collective pour ce type d'entreprise, la servitude volontaire, montre que nous, l'espèce humaine, justement, l'affaire homme disait Romain Gary, n'avons non seulement su tirer aucune leçon du passé, mais que nous sommes prêts à en redemander.

Cette fois cependant, il n'y aura besoin d'aucune violence ni contrainte pour nous l'imposer, le neuromarketing, aux techniques déjà bien rodées, ayant quant à lui largement et au-delà de ses espérances, réussi sa percée et son implantation durable dans nos vies et dans nos habitudes de consommation. Il suffit de se promener dans les allées d'un supermarché, pour que vos sens olfactifs, visuels, et auditifs, soient pris en charge de façon subliminale pour amener vos pas là où il a été décidé de vous emmener.

Et la neuroéconomie ?

L'ultra libéral Guy Sorman nous donne les linéaments de ce qui nous attend (2) :

"Les acteurs économiques ont tendance à se conduire à la fois rationnellement et irrationnellement. Les travaux en laboratoire ont démontré qu'une partie de notre cerveau endosse la faute pour nombre de nos décisions à court terme économiquement erronées, tandis qu'une autre est responsable des décisions sensées dans ce même domaine de l'économie, prises généralement à plus long terme. Tout comme l'Etat nous protège des asymétries d'information chères à Akerlof en condamnant le délit d'initié, ne devrait il pas aussi nous protéger de nos propres impulsions irrationnelles ?"

Tout en nuançant, cependant : "...Il serait absurde de recourir à l'économie comportementale pour justifier la restauration des régulations étatiques excessives. Après tout, l'Etat n'est pas plus rationnel que l'individu, et ses actions peuvent avoir des conséquences énormément destructrices. La neuroéconomie devrait nous encourager à rendre les marchés plus transparents, et non pas plus régulés"

A la fin de sa vie, en 1936, le prix Nobel Ivan Pavlevitch Pavlov, qui aimait à se présenter à ses collègues scientifiques en Occident comme un réfractaire au système bolchevique, et qui avait pourtant reçu tous les pouvoirs, et tous les privilèges de la part de Lénine, puis de Staline, déclarait dans un aveu renversant, et ce au moment même où plus de cinq millions de paysans étaient déjà morts, des suites de la famine ou de la déportation, et alors que l'URSS vivait sous terreur, que "ses découvertes étaient la base scientifique de l'expérimentation sociale réalisée en l'URSS en vue de l'édification du surhomme soviétique. (3)".

Il y a tout de même une différence d'avec un régime totalitaire, c'est que nous ne pouvons identifier aucune tête véritable à ce programme, qui viendrait en répondre devant un Nuremberg de l'humanité.

Il n'y a pas de théorie du complot à dénoncer, pas de grand décideur, pas de Big Brother qui superviserait les recherches en neurosciences.

Il n'y a pas une tête, mais des têtes, des têtes bien faites pourtant, des chercheurs émérites et doués, aux motivations variées, et qui avancent, en rang dispersé, mais tout à fait déterminé et cohérent, au service d'une cause, celle de la modernité.

Quelle est cette modernité ?

S'agit il de la modernité des Lumières, comme certains, ici ou là, ont pu le soutenir ?
Cependant les Lumières n'ont jamais renié la subjectivité telle que ce nous voyons aujourd'hui à l'œuvre.

Pourrait on parler d'une modernité de la modernité, une "seconde modernité", une modernité d'un type nouveau, comme tendrait à l'avancer Marie-Jean Sauret dans son ouvrage, L'effet révolutionnaire du symptôme.

Une modernité composée, dit-il, de "l'alliage d'une technoscience entendant fabriquer l'objet qui manque à chacun, et d'une idéologie scientiste soutenant que rien ne doit plus jamais rester impossible ?"

Il y aurait donc un grand Autre de l'Autre, revendiqué par les neurosciences et ce sont les techniques cognitivo-comportementales, des instruments qui permettraient d'agir directement et immédiatement sur le réel.

Pourrions nous cependant être à ce point naïf pour penser que tout cela s'arrêterait là, et que l'homo cognitivus, enfin débarrassé des tracas de la castration, et qui vient de faire chuter la muraille de l'impossible, ne vienne relancer sans cesse l'offre cognitiviste ?

Nous ne le savons pas, mais nous dirigeons vers des techniques encore et toujours plus performantes, d'augmentation cognitive, de "rehaussement" cognitif.

Il s'agit, entre autres, de programmes d'interventions invasives sur le cerveau, on appelle cela la nanorobotique cérébrale, par implantation de microprocesseurs dans telle ou telle zone du cerveau, l'hippocampe par exemple, programmes mal connus du grand public, et pour le moment réservés à l'ingénierie militaire.

Mais oui, l'ingénierie militaire.

Vous pensiez sans doute aux services hospitaliers de rééducation neurologique, où cette recherche viendrait contribuer à proposer une suppléance à des grands déficits neurologiques invalidants, et vous n'y êtes absolument pas.

Car comme l'écrit Joelle Proust, qui présente ces travaux dans un récent numéro de la Revue Le débat (4), avant qu'il soit proposé à tout un chacun de faire librement son marché parmi les dispositifs d'augmentation cognitive, de choisir d'améliorer son raisonnement, sa capacité de planifier, ou la capacité de ses affects, ces programmes sont avant tout destinés à faire la guerre, à fabriquer une nouvelle espèce dans l'humanité, hybridée de l'homme et de la machine, où les limitations de la biologie auraient disparu.

"Que deviendrait l'humanité", demande-t-elle, "si ces techniques étaient confisquées par une faction décidée à imposer ses vues industrielles, religieuses, ou sa domination politique ?".

Fiction, spéculation hasardeuse ?

On repense à Pavlov, aux hommages appuyés qui lui furent rendus par les gouvernements soviétiques, longtemps après sa disparition, au soutien continu qu'il reçut de Staline pour ses recherches.

On repense aussi à Burrhus Frederic Skinner, ce théoricien du behaviorisme à qui la plus grande association de psychologues des Etats Unis, l'Association Américaine de Psychologie, décerna en 1990 le titre de "the most prominent psychologist of the century", et à son roman Walden Two, récemment traduit en français (5), qui décrivait ce que pourrait être une démocratie idéale qui organiserait sa base sociale sur des concepts behavioristes.

On sait qu'à la suite de ce roman, un certain nombre de communautés furent encouragées à se créer, il en persiste toujours une, active depuis plus de trente ans, Los horcones (6), au nord du Mexique, forte d'une cinquantaine de membres, et qu'elle continue à étudier sur ceux-ci l'interaction socio-comportementale.

Le chef de file actuel de la psychologie comportementale sur le continent latino-américain, Ruben Ardila, fit encore mieux, en écrivant un Walden Tres, qui concernait cette fois non plus une communauté d'individus, mais un État, une nation, même si pour les besoins du roman, l'expérience tournait mal, et que les protagonistes se retrouvèrent assassinés par la C.I.A., ou finirent en prison.

Pour les besoins du roman, seulement, car pour les comportementalistes, il ne fait aucun doute que le type de gestion sociale imaginé par Skinner, l'ingénierie comportementale, devrait inspirer les dirigeants politiques actuels, qu'il s'agisse de l'économie, de l'éducation, des médias, des loisirs, etc...

Roman utopique, vraiment ? Dans Walden deux revisité, calqué sur Retour au meilleur des mondes, d'Huxley, qui avait lui parfaitement décrit les dangers de tous ces mécanismes, et s'était démarqué du 1984 d'Orwell, précisément par l'absence de toute coercition violente sur ses membres, Skinner raconte qu'il reçut un jour un coup de fil d'un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, qui lui confiait que les Etats-Unis devaient arrêter d'exporter l'"américan way of life", et se consacrer à exporter des Walden two à la place. Et Skinner conclut :"De grands changements doivent être réalisés... Quelque chose comme Walden Two ne seraient pas un mauvais commencement".

L'exploitation du thème écologique à l'œuvre dans Walden two, ne peut ici qu'entrainer l'adhésion du lecteur, qui en effet ne serait pas contre le gaspillage des ressources de la planète, et contre la pollution ? Cependant, qu'en serait-t-il de ceux qui n'adhèreraient pas, justement, de ceux qui seraient rebelles au programme de renforcement cognitif, de ceux qui loin de présenter le "réflexe de servitude" cher à Pavlov lorsqu'il parlait des koulaks russes exterminés, présenteraient "le réflexe de liberté" ?

Quel rapport avec les pacifiques thérapies cognitivo-comportementales ?

Il s'agit tout simplement du même programme politique, et des mêmes conceptions.
Ouvrons les premières pages d'un ouvrage de vulgarisation du cognitivo-comportementalisme, où l'auteur explique au lecteur profane qu'il existe deux types de vulnérabilité, une vulnérabilité génétique individuelle, liée à la personnalité, qui entrerait pour moins de 50% dans la décompensation psychique, et que le reste est expliqué par l'histoire individuelle et les évènements récents, c'est la vulnérabilité historique.

Qu'est ce que cette vulnérabilité génétique signifie ? Où nous mène t elle ?

A l'eugénisme ?

Nous ne sommes pas si éloignés des présupposés et des discours sur la dégénérescence.

Dans ce qui fût certainement sa dernière intervention publique, alors qu'il était déjà très malade, Edouard Zarifian, qui fût, rappelons le, l'un des pionniers en France de l'imagerie cérébrale, dénonçait les limites méthodologiques et l'usage biaisé de tous ces merveilleux appareils qui permettent de visualiser les structures cérébrales.

"Tout ce que l'on peut voir avec ces techniques", disait-il, "c'est ce qui existe chez tous les êtres vivants, à savoir l'universalité des fonctions cognitives du cerveau. En aucun cas, il ne s'agit de la spécificité du fonctionnement psychique d'un individu particulier et unique".

L'usage biaisé, voilà bien l'"evidence biaised medecine", qu'il dénonçait, c'est celui de prétendre pouvoir évaluer un sujet dans sa singularité avec les critères quantifiés et les statistiques des groupes.

Dans le compte-rendu qu'il donne de cette intervention qui avait été organisée sur le thème "La science jusqu'où ?" en 2005 par nos collègues Olivier Douville et Robert Samacher, et publié in extenso dans le numéro 23 de la Revue Psychologie Clinique (7), le Professeur Zarifian raconte qu' invité à un Colloque de l'INSERM où on lui demandait de faire le bilan de sa carrière de chercheur, il avait publiquement déclaré qu'il n'existait aucun index biologique des maladies mentales, aucun index biologique capable de prédire l'évolution d'un trouble psychique, aucun index biologique pas même en pharmacocinétique, capable de prédire la réponse à un traitement médicamenteux.

C'est alors, raconte-t-il, que quelqu'un assis à coté de lui sur la tribune, lui souffle à mi-voix qu'il est en train de scier la branche sur laquelle il est assis.

Le vertueux Édouard Zarifian ne veut pas dire dans son compte-rendu qui est cette sommité qui vient de lui sortir cette énormité. Mais Émile Jalley, autre organisateur de cette manifestation, et qui rend compte par ailleurs de cette intervention, lui, nous vend la mèche (8), il s'agissait de Jean-Pierre Changeux.

Il n'empêche, les thérapies cognitivo-comportementales, nous dit encore Édouard Zarifian, sont devenues, avec la caution de la neuro-psychologie cognitive, la roue de secours des neurosciences, leur plan B, lorsque celles-ci durent admettre leur déception face aux limites des psychotropes, qui soulagent sans guérir.

Aux neuro-sciences les crédits, les bourses de recherche, les chaires d'enseignement, fortes de leur application pratique que sont les TCC, à ces dernières la caution des neurosciences, sur lesquelles elles trouvent leur point d'appui, et d'argument pour éliminer la rivalité que leur cause la psychanalyse.

Car c'est bien d'élimination qu'il s'agit, c'est d'ailleurs le nom littéral que porte le courant "éliminationniste" en France et aux États-Unis, pour réclamer la fermeture des départements de psychologie clinique dans les universités, au prétexte que seule existerait la neuropsychologie.

Le scénario de l'éliminationnisme est banal, à force d'être toujours le même, et chacun a pu le rencontrer dans sa vie, personnelle ou professionnelle. Il s'applique facilement à des individus, comme à des groupes.

Il est tout autant recyclable au sein d'une famille à l'encontre d'un des leurs, que d'une entreprise envers des salariés ciblés, ou par un Etat totalitaire envers ses opposants.

D'abord il s'agit de disqualifier l'autre, par déformation grossière de ses propos, ou par divulgation de mensonges.

C'était par exemple le sinistre Livre noir de la Psychanalyse, ou encore cette réduction infantile de la psychanalyse, définition prise parmi d'autres, dans le dernier ouvrage, bien nommé, TCC et neurosciences, de Jean Cottraux, chef de file actuel des thérapies cognitivo-comportementales en France : "l'exagération de l'insight est la recherche obsessionnelle de manifestations cachées et de pensées forcément abominables qui pourraient expliquer notre comportement. (9)"

Ensuite chercher à l'isoler.

L'étape qui succède immédiatement est de lui faire creuser par lui-même sa propre tombe, en s'assurant de sa collaboration, ce qu'acceptent sans se faire prier un certain nombre de courants analytiques, de les encourager comme étant "la seule psychanalyse acceptable", ce que Pierre Fédida avait résumé d'une formule : La mascarade de la neuropsychanalyse (10).

Une autre tactique est de convoquer Freud comme précurseur des neurosciences pour mieux le récuser par la suite, en donnant l'impression, par un tour de passe-passe, de le reformuler.

Car il est toujours possible, c'est un exercice des plus faciles, d'isoler une phrase, voire un paragraphe entier, des textes de Freud, pour les orienter dans la direction que l'on souhaite, et leur faire dire ce qu'on veut.

Ne cherchez pas, je vous en donne un, de toutes les façons, vous n'auriez pu y échapper à la lecture des pèlerins du cognitivo-comportementalisme : "Toutes nos conceptions provisoires, en psychologie, devront être un jour placées sur la base de supports organiques" (11). Freud. "Pour introduire le narcissisme" (1914).

Mais il vous sera cependant difficile de ne pas lire la tautologie conclusive sur la théorie psychanalytique qui n'est jamais qu'une "fiction mentale consciente, dont il faut bien se garder de chercher une réalité tangible, biographique et biologique, dans l'histoire des rouages cérébraux du sujet analysé (12)".

Troisièmement, acheter le silence des témoins, et des complicités, c'est par exemple les postes que l'on promet aux jeunes chercheurs.

Enfin, nier qu'elle ait jamais existé, et effacer toute trace de son existence, quitte sans craindre les contradictions et les paradoxes, à ouvrir un musée des civilisations disparues. Encourager par exemple à lire Freud, sans jamais citer Lacan, et en soutenant qu'il était le découvreur non pas de l'inconscient, mais du conscient.

Il ne faudra pas oublier de reprendre à son compte les critiques telles que celles que je viens de vous énoncer, pour mieux les qualifier de "neuro-résistances (13)", comme il a pu y avoir en son temps, heureusement défunt, exacte symétrie, des résistances à la psychanalyse.

Il sera ensuite très simple d'entretenir la confusion entre la cause de la souffrance psychique et ses effets.

Tout devient alors possible, et l'autonomie de la vie psychique sur notre vie consciente, sera alors rabattue sur de simples effets des fonctions neurobiologiques.
À suivre...

Notes :
(1) Voir le site internet http : www.lawandneuroscienceproject.org
(2) Guy Sorman Economics does not lie. City journal, été 2008, disponible en ligne sur www.city-journal.org. Cité par Slavoj Zizek Après la tragédie, la farce ! ou comment l'histoire se répète. Flammarion. Bibliothèque des savoirs. 2010. pp.40-41
(3) Voir le documentaire de Boris Rabin : La fabrique du surhomme soviétique. 2009 (All.), première diffusion Arte. Novembre 2009
(4) J. Proust, "Le contrôle de soi : vers un homme nouveau", Le débat, N°157. Novembre-décembre 2009, pp. 124-143
(5) B.F. Skinner, Walden Two. Communauté expérimentale, Éd. In Press, 2005.
(6) Voir leur site internet (en anglais et en espagnol) : www.loshorcones.org
(7) E. Zarifian, "Neurosciences et psychismes : les risques et les conséquences d'un quiproquo", In "Les progrès de la science jusqu'où ?", Revue Psychologie clinique, N°23, p.18.
(8) E. Jalley, La guerre des psys continue. La psychanalyse française en lutte, L'Harmattan, 2007, p.369
(9) J. Cottraux, TCC et neurosciences, 2009, Masson, p.VIII
(10) P. Fédida, "La mascarade de la neuropsychanalyse", La recherche Hors Série . n°3.
(11) S. Freud, "Pour introduire le narcissisme" (1914), In La vie sexuelle, Paris, PUF, 1973. 4ème édition. p.86
(12) L. Naccache, Le Nouvel inconscient. Freud, le Christophe Colomb des neurosciences, Odile Jacob Poches, Février 2009, p.432
(13) L. Naccache, "Neuro-résistances", Le débat, n°152, Nov.-Déc. 2008, pp.154-161

© ASSOCIATION LACANIENNE INTERNATIONALE 2008 - RÉALISATION : OMAR GUERRERO -OGUERRERO@FREUD-LACAN.COM - PATRICK PETIT - PPETIT@FREUD-LACAN.COM - PLAN DU SITE