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samedi 20 mars 2010

Mes notes du cours de Jacques-Alain Miller des 17-02 et 17-03

mbelilos


http://mbelilos.wordpress.com/2010/03/17/notes-du-cours-de-jacques-alain-miller-du-17-mars/











Jacques-Alain Miller,
au Théâtre Dejazet à Paris,
le 17 février 2010


17-02 « Vie de Lacan »
J’essaie d’attraper Lacan par le trop, par le plus, et maintenant j’essaie de l’attraper par le un, le un dont il a fait abondamment enseignement.A vrai dire, j’ai toujours essayé d’attraper Lacan. J’ai essayé de l’attraper pendant des années de l’attraper par son enseignement, conçu comme ce qui demandait à en être transmis, dans la mesure où cet enseignement – qui avait fait sensation sur le moment- offrait néanmoins un certain nombre d’obstacles à être entendu comme je pensais qu’il devait l’être. Et j’ai été moi-même attrapé dans cette explication de Lacan.

Le moment était venu de m’affronter à ce qui reste intransmissible par l’explication, à savoir une singularité que j’ai toujours reconnue, admise, à laquelle je me suis plié, dans la dimension de la relation personnelle : « Ca c’est Lacan, je ne le changerai pas ».

Donc je l’ai profondément admis, admis dans sa fantaisie, comme le prix à payer pour ce qu’il pouvait délivrer de savoir et de révélation.

C’est un fait que, si je me retourne sur le passé, j’ai été hostile à ceux qui lui faisaient des problèmes, j’ai dû penser qu’il méritait qu’on ne lui en fasse point, et qu’on dégage la voie sur laquelle il s’avançait.

J’ai donc adopté ses détestations, ses animosités et je me suis, moi-même, efforcé – je ne pourrais dire mieux que par cette expression commune – je me suis efforcé de lui simplifier la vie. J’ai aspiré certainement à ne pas être pour lui un problème. Évidemment, il n’était pas en mon pouvoir de m’effacer concrètement comme problème. Si j’y repense, j’en fus un, fugitivement.

Un soir de la Saint Sylvestre, à Guitrancourt, nous roulions dans une voiture conduite par sa fille. C’est une nuit où un certain nombre de personnes sont avinées, il faut croire. Le véhicule où je me trouvais fut percuté violemment par l’arrière et moi, qui occupais la place du passager, je fus projeté contre le pare-brise. Pendant que le chauffard s’éclipsait, la partie droite de mon occiput se mit à gonfler, jusqu’à atteindre des proportions importantes, et quand la police arriva, on jugea indispensable de me conduire à l’hôpital, alors que j’étais parfaitement conscient, histoire de s’assurer d’éventuels dégâts qu’avait causés le choc.

On me laissait entrevoir que, peut-être, j’avais un traumatisme fatal à mon intelligence. On me déposa donc dans la nuit dans une salle où hurlaient un certain nombre d’infirmes victimes de tels traumatismes, et je me dis que je n’en avais peut-être plus pour très longtemps à être lucide, ce qui fait que je m’emparai d’un ouvrage que je promenais avec moi, l’Ethique de Spinoza – je lisais ça à 20 ans- et je me dis que ce serait une belle fin que de s’éteindre au milieu du LivreI I .

La conductrice du véhicule alerta son père de ce qu’il m’était advenu, que j’étais retenu entre la vie et la mort de mon intellect, à l’hôpital de Mantes-la–jolie. Elle me communiqua la réaction du-dit Lacan sur le moment, la réaction « ex tempore », réaction qui me resta gravée jusqu’à aujourd’hui et qui fut la suivante : « Tout pour m’emmerder ».

Le Docteur Lacan, arguant de sa qualité de médecin, se déplaça à mon chevet quelques moments plus tard et, m’observant en train de lire L’Ethique de Spinoza, recommanda que je sois immédiatement libéré. Et, avec mon énorme bosse, et en dépit de celle-ci, je fus relâché.

Depuis lors je n’ai pas gardé de séquelles de cet incident, je n’ai pas gardé de séquelles qui du moins m’empêchent de paraître devant vous.

Mais j’en ai gardé l’idée que ce n’était pas la compassion qui était le premier mouvement de Lacan, et que ce type d’incident, il le rapportait avant tout, sinon à lui-même, au moins à savoir si ça constituait ou non un obstacle ou une aide dans le chemin qu’il traçait.

Tout le temps que je l’ai connu, c’est-à-dire, 16 années, je me suis employé à ne pas l’emmerder, et à faire en sorte que beaucoup d’événements qui avaient lieu autour de lui – je l’ai connu à ce moment-là dans son école- lui fassent le moins de difficultés possible. J’ai été en rapport actuel, vivant, avec quelque chose du un de Lacan, avec un certain « unisme » de Lacan, qu’au fond j’ai non seulement parfaitement supporté, mais que j’ai trouvé allégeant, allégeant de me véhiculer dans une zone où l’altruisme était envisagé comme illusion. Et pour tout dire ça m’a donné à un certain goût du réel.

Si j’ai donné d’abord, à l’orée de ce cours, un moment aux « Vies de Plutarque », c’était pour déjouer l’attente d’une biographie à la mode scientifique ou pseudo- scientifique, qui aurait déroulé une chronologie . Une Vie à l’antique est faite pour fixer une position subjective, dans le registre de l’éthique. Qu’est-ce que l’éthique ? C’est un rapport aux valeurs, comme on dit , mais au fond l’éthique c’est un rapport à la valeur de jouissance. Ce rapport, c’est celui que je vise sous le nom de « Vie de Lacan ». Seulement, il y a un os. C’est que « L’éthique de Lacan » s’inscrit en faux contre l’éthique que nous héritons de notre tradition antique et chrétienne. L’éthique de Lacan, si on la juge, si on l’étalonne au regard des siècles, c’est une éthique déviante, elle est – je l’ai souligné- à l’opposé de l’éthique traditionnelle. Car l’éthique de Lacan repose sur la négation de l’axiome « mèden agan »[ Μηδέν Άγαν], rien de trop.

Et de ce fait, se dessine une autre voie qu’on pourrait vouloir emprunter, et qui consisterait à tenter une psychanalyse de Lacan. Comment ne pas y penser puisque Lacan est psychanalyste ? comment ne pas être titillé par l’idée d’interpréter Lacan, il faut reconnaître qu’il s’y prête. Sans doute, n’a-t-il rien laissé qui ressemble à une autobiographie, mais à partir de 1951 et jusqu’à sa mort- 30 ans plus tard-, il a fait séminaire.

Il s’est voué à parler pendant près de 20 ans toutes les semaines, et puis ensuite à partir du séminaire XVII, tous les 15 jours.

Je me souviens du moment où, devant moi, il soupirait de la charge que lui donnait ce séminaire, je lui suggérai qu’il ne tenait qu’à lui de le donner tous les 15 jours. Il ne me répondit pas, mais je constatai à la rentrée suivante qu’il avait détendu son rythme.

Nous avons de ce qu’il pouvait penser un témoignage hebdomadaire, sur presque 30 ans.

Ces Séminaires se déroulaient comme une quasi-improvisation, sur la base d’un canevas, préparé, encadré, il lui arrivait souvent de préparer autre chose, et quand c’était dans le même fil, de laisser de côté un certain nombre de développements qu’il aurait pu faire.

Peut-on parler durant 30 ans en improvisant sur un canevas sans se trahir ? Et c’est sans doute ce qui a lancé sur sa trace un certain nombre d’élèves qui font la chasse à ses lapsus ou à ses erreurs. Comment n’y en aurait-il pas ? Ils m’en veulent aussi de gommer ces lapsus et ses erreurs dans la version que je donne de cet enseignement.

Il est très singulier que la pensée de Lacan ait pris la tournure du Séminaire, bien qu’on y soit aujourd’hui habitué. C’est qu’il avait le désir, qu’il a explicité, d’apporter à chaque fois du nouveau, de ne jamais répéter ; ce qui veut dire que l’enjeu pour lui à chaque fois était de surprendre. Il se campait dans la posture, qui était celle dans laquelle on l’attendait, d’un fauteur de surprises. Et surprendre, c’est déjouer la prise. Jusqu’à 80 ans, depuis l’âge de 50 ans, il a à la fois voulu se présenter devant un public, s’exprimer, et rester insaisissable. Il y avait là une attente d’autant plus intense qu’on le savait imprévisible. Sans doute, il n’y avait pas que son Séminaire, il lui arrivait d’écrire, mais son Séminaire était néanmoins son exercice majeur, son mode d’expression privilégié, au point que lui-même a pu présenter ses Écrits comme un sous-produit de son Séminaire ; comme des rebuts de son élaboration qu’il avait déposés dans son écriture, ou bien parce qu’il n’avait pas trouvé le temps de les développer en public, ou parce qu’il avait eu le sentiment qu’à les développer, ils seraient accueillis avec réticence, et qu’il lui fallait insister, qu’un point sensible était touché qui demandait à être cerné par l’écriture. Et donc, s’il a été parfois son propre Platon , c’est tout de même le mode oral de l’enseignement qui a marqué la vie de Lacan à partir de ses cinquante ans, et le mode oral implique que c’était devant un public. Il n’était pas tenu de s’exprimer devant un public, ce n’était pas un universitaire. Il y avait là un choix, un choix de penser en public, de rapporter en public, pour un public ce qu’il avait pu penser, et je prends au sérieux l’expression qu’il avait pu avoir pour qualifier ce qu’il accomplissait là, quand il parle de l’exploit – c’est son mot- que représente chacune des leçons de son Séminaire. L’exploit, il faisait un exploit hebdomadaire, ce mot le montre attaché à une position que je qualifierai de triomphe. Il y avait chez Lacan un goût, un appétit de triomphe, dans ce que représentait le public. Ce public, je dirais c’était le sens commun. Ce fut d’abord le sens commun des psychanalystes, quand l’auditoire était concentré sur ses élèves, les membres de la Société française de psychanalyse – la SFP- et quelques petits apports extérieurs. Ensuite, quand il déplaça son séminaire à l’Ecole Normale supérieure, ce fut le sens commun de la masse cultivée, la masse intellectuelle, – disons le sens commun du Quartier latin. Le public où il s’agissait d’obtenir un triomphe, contre une masse de préjugés, c’est à ça qu’il s’adressait : la concrétion du prêt-à-penser, c’est cet Autre-là qu’il s’agissait de stupéfier, de bousculer, de déjouer. Une fois qu’il avait apporté le nouveau qui n’était pas préinscrit dans les préjugés et qu’à sa façon il avait fait passer, après-coup le public se trouvait habité d’un massif « Je n’en veux rien savoir », comme animé d’une mauvaise volonté, comme le lieu du refoulement. Le public de Lacan, c’était pour lui l’incarnation du refoulement. Ce qui veut dire que sa position à lui, était celle du « retour du refoulé ».

Quand je dis « public » cela demande à être nuancé, car le public c’était aussi lui-même, le public figurait aussi bien ce qu’il avait déjà pensé et enseigné. Le public matérialisait en quelque sorte sa propre conversion de sa pensée en inertie. En triomphant du public, de sa réticence, de son incompréhension, en médusant le public, c’était avec lui-même qu’il débattait, ce qu’il m’est arrivé d’appeler jadis « Lacan contre Lacan ». Un séminaire de Lacan, c’était la déprise de Lacan, ce par quoi Lacan n’était pas lacanien. Comme il l’a dit lui-même, être lacanien, il laissait ça aux autres, à ceux qui se nourrissaient de ce qu’il avait pensé avant. Le triomphe, c’était le résultat espéré de ce que chaque séminaire comportait de forçage, Lacan ne s’occupait pas de donner à penser, il se vouait à interrompre la routine de la pensée. Au fond, répéter à l’identique lui paraissait toujours être marqué d’un oubli. Et donc, ce n’est pas répétition que de repenser, en revenant à l’origine. Si son enseignement a pu à un moment se placer sous le slogan de retour à Freud, c’est un mouvement qui s’inscrit comme démenti à la répétition. Retour à Freud n’était aucunement répéter Feud, retour à Freud voulait dire repenser Freud. Dans cette « repensée », il y avait un élément qui ne peut pas complètement être voilé, un certain triomphe sur Freud, repenser Freud mieux que Freud n’avait pensé. De telle sorte que chaque leçon du Séminaire, que la forme du livre invite à lire, comme dans la continuité avec ce qui précède et comme un préliminaire à ce qui suit, chaque leçon de séminaire est un franchissement. C’est en quoi la forme livre n’est qu’un dépôt de ce qui se jouait semaine après semaine. C’est bien cette allure de franchissement donné à l’enseignement, qui autorisait Lacan à dire qu’il faisait la passe constamment. Chaque leçon du séminaire vaut comme clôture de ce qui a été dit, comme point de vue d’après-coup, par rapport à quoi Lacan ne s’oblige pas du tout à la continuité mais jouit des libertés que l’après-coup délivre. Autrement dit, chaque prise de parole de Lacan était supportée par un « Je me sépare », « je me sépare de ce que j’avais pensé et dit . »

Pour le suivre il faut recomposer ce processus par quoi il avance par ruptures incessantes, qui sont camouflées, qui sont camouflées par la revenue des même signifiants. De telle sorte qu’il peut paraître qu’il redit la même chose, parce qu’il emploie les mêmes mots, si on est plus attentifs, on s’aperçoit que la disposition de ces mots, leur articulation, leur mode de faire système, est incessamment modifié.

Ce n’est pas une psychanalyse de Lacan qu’il s’agit de tenter, c’est de cerner sa position d’énonciation, et si on la cerne au plus juste, on est amené à dire ce qui m’est venu la dernière fois, que cette position est celle d’un seul contre tous, et ce tous, contre lequel il se dresse, inclut lui-même . L’insistance avec laquelle il revient sur ses axiomes électifs -la structure de langage de l’inconscient, le signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant- toutes ces formules où il ressere sa visée, l’insistance même qu’il met à forger des formules et à les faire revenir, tout cela dénonce, démontre, le caractère ondoyant, labile, de son approche. Les Ecrits viennent comme des fixations, qui sont comme des repères, dans ce qui est tissé, de coupures et de revirements et modifications incessantes. Son énonciation de « seul contre tous, y compris moi-même » est essentiellement polémique, elle se pose contre. Elle va jusqu’à le diviser contre lui-même. Ce qui a faire surgir, pour qualifier la position d’énonciation de Lacan, le terme de solitude. Lacan n’a nullement aspiré à être chef d’école. Si on a cette illusion, si c’est le Lacan qu’on décrit le plus souvent, le Lacan directeur de l’Ecole Freudienne de Paris, entre 1964 et en 1980, qu’il fonda et décida de dissoudre, – si c’est ce portrait que l’on conserve, c’est qu’il a accédé à la notoriété, à la très grande notoriété en 1966 avec la parution de ses Ecrits, le déplacement de son séminaire à l’Ecole normale supérieure en 1964, et la fondation de l’Ecole freudienne en juin 64. C’est dans cette conjoncture que Lacan a été livré au public, qu’il est devenu un homme public. Et donc, si on le photographie à ce moment-là, si on le filme pour les années qui ont suivi, on en fait un portrait en chef d’école, en roi, ou en dictateur.

Le Lacan que je présente, celui dont je crois pouvoir recomposer la position n’est cela que secondairement. Mon Lacan, si je puis m’exprimer ainsi, c’est d’abord un solitaire et j’en vois le témoignage, dans la phrase fameuse, par laquelle il commente la création de son Ecole. Je ne dis pas l’Ecole Freudienne de Paris, car il l’avait nommée d’abord -vous pouvez vous reporter aux textes parus- l’Ecole française de psychanalyse, mêmes initiales EFP. Il ne l’avait pas nommée tout de suite l’Ecole freudienne de Paris, car il se méfiait. Il n’avait pas la moindre confiance, au départ, dans ceux qui allaient se placer sous ce drapeau. Comme il l’a dit : « J’avais gardé ça en réserve », histoire de voir ce que ça allait provoquer, cet appel qu’il lançait. Il avait pris toutes les précautions surtout pour que ce ne soit pas du tout démocratique. Il en avait déposé les statuts, avec un conseil d’administration tout à fait extérieur au milieu analytique, sur lequel la foule- la foule réduite, ça faisait 500 (?)personnes – qui allait peupler cette invitation, n’avait aucune prise. Ce n’est que quelque dix ans plus tard, que quelqu’un s’aperçut, en effet, que le conseil d’administration était composé de la première femme de Levi-Strauss, de Merleau-Ponty qui était décédé et de quelques autres noms tout à fait étrangers au milieu, et qu’entretemps l’on s’était gardé de toutes les procédures des lois et réglements de la loi des associations de 1901. Ca a fait tout un ramdam et ce n’est que plus tard que furent rédigés des statuts conformes aux lois en vigueur. Lacan avait commencé son école par la méfiance, la méfiance à l’égard des autres, et il tenait avant tout à préserver sa liberté d’action, sans se lier les mains par des formes très strictes.

Ce qu’il a pu formuler de sa volonté d’être Autre malgré la loi se vérifie au moment même de la fondation de l’Ecole freudienne de Paris, quand il dit : « Je fonde l’Ecole française de psychanalyse de Paris », alors qu’il fonde l’Ecole freudienne de Paris. Là se place une incise qui a retenu mon attention : « Je fonde, aussi seul que l’ai toujours été dans ma relation à la cause psychanalytique… ». « Aussi seul que je l’ai toujours été », c’est une incise qui avait à l’époque – en juin 1964-, sa valeur d’actualité. Certains de ses élèves parmi les plus notables, – ceux qui se considéraient eux-mêmes comme de jeunes maîtres – étaient sur le point de s’associer entre eux, pour fonder l’école où serait abrité Lacan. Ils avaient renoncé à être membres de l’Association Internationale de Psychanalyse, l’IPA, à passer par les fourches caudines qui avaient été disposées à cette fin, et ils admettaient qu’il ne le seraient jamais. Mais en retour, ils entendaient, eux, petite oligarchie, fonder une école.

L’Acte de fondation de Lacan, ce fut un court-circuit, ça avait la valeur « de moi, pas vous », « c’est moi qui fonde, pas vous ». « Aussi seul que je l’ai toujours été, vous ne me faite pas compagnie, je ne le fais pas avec vous ». J’en assez senti l’accent pour, par la suite, insister sur le syntagme « L’Ecole de Lacan ». Parce que Lacan avait présenté son Ecole comme fondée par lui, aussi seul qu’il l’avait été, j’avais considéré que ce qui s’inscrivait dans cette dynamique, ne devait pas me la faire considérer comme l’école de ceux qui sont dedans , mais comme procédant de l’Acte de fondation de celui que j’appelais un « solitaire ».

Dans les Autres Ecrits, son « Discours à l’Ecole freudienne de Paris », fin 1967, rédigé en 1968, où Lacan plaide pour sa proposition de la passe, répercute sa solitude initiale, puisque ce qu’il énonce à ce moment est en rupture avec toutes les formes convenues aux yeux de ceux qu’on appelait « les titulaires de société ». Dans le débat qui précède son discours – un document que je pourrais peut-être publier, Lacan s’en était servi pour composer son discours, et, n’en ayant plus usage il me l’avait donné à tire documentaire – dans ce débat quelqu’un lui faisait reproche. Et Lacan répond, page 263 : « Si j’étais seul, seul à fonder l’Ecole [....]me suis-je cru le seul pour autant ? Je ne l’étais plus, du moment même où un seul m’emboîtait le pas, pas par hasard celui dont j’interroge les grâces présentes. » Il visait celui qui lui faisait reproche de s’être dit aussi seul. « Avec vous tous pour ce que je fais seul , vais-je prétendre être isolé ? »

Ce passage, je l’ai trouvé sophistique. Lacan dit, « Je ne suis plus seul dès lors qu’un autre dit, je te suis. » Au fond, ça ne dément pas, mais ça confirme que ce qu’il fait, il le fait seul. C’est précisemment parce qu’il le fait seul qu’on est porté à croire à être le seul à le suivre, et le reproche fait à Lacan d’être seul , de se croire seul , recouvre l’infatuation d’être seul à le suivre. Lacan a beau jeu de formuler :« Il n’y a pas d’homosémie entre le seul et seul ». Homosémie, ça veut dire, ça n’a pas la même signification. Ca ne dément pas sa position d’avoir été seul, et de l’avoir toujours été dans la psychanalyse. En quoi, n’y a-t-il pas homosémie ? L’énoncé « Je suis seul », veut dire « il n’y en a pas d’autre ». L’énoncé :« Je suis le seul » ne peut se poser que dans la mesure où je suis en rapport avec tout ce qu’il y a , et par rapport à ce nombre, je me distingue comme « le seul à faire ceci , le seul à être capable..». Ce que Lacan souligne, c’est qu’en effet, en fondant une école, il est passé de la solitude à la primauté. « Ma solitude, c’est justement à quoi je renonçais en fondant l’Ecole ». Là, je me contente de prendre Lacan à la lettre. Je ne piste pas un lapsus, je suis un écrit de Lacan, tous les termes confirment que c’est ainsi qu’il pense sa position. Fonder une école pour lui, ça a été échanger la solitude vraie pour la primauté. Jusqu’en 1964, Lacan a pensé et a agi dans la solitude. On peut dire que c’est à cette date que commence la calomnie, qu’elle prend son essor, et que l’on décrit un Lacan attaché à écraser les autres.

Rien n’est plus loin de ce que l’on peut percevoir du désir de Lacan, sinon de sa passion, sa passion, ce dont lui-même a pâti. La calomnie a commencé avant. Il ne faisait rien comme les autres. Il faut apercevoir que pour un Lacan, devenir chef c’est un renoncement. Pensez à ce personnage, certes un peu kitsch, mis en scène par Nietzsche, ce Zarathoustra qui vit dans sa caverne dans la montagne, et qui à un moment se met en route pour enseigner les autres. Il renonce à la solitude et ça lui coûte. Je m’appuie là-dessus pour dire que je ne repère pas chez Lacan la passion de dominer, de diriger en écrasant. La seule direction qui l’intéressait, c’était celle de son propre entendement.

La passion de Lacan, moi, j’en trouve l’index, l’indice dans les premières phrases de son écrit intitulé « Propos sur la causalité psychique », dans le recueil des Ecrits, page 152. Cet écrit, je ne sais pas s’il a été rédigé avant ou après les événements , marque le retour de Lacan devant un public au retour de la 2ème guerre mondiale. Pendant l’occupation, il avait gardé le silence. A la Libération, il livre deux petits écrits à caractère marginal l’un, « Le temps logique », et l’autre sur « La logique de la suspicion », qui figure dans les Autres Ecrits. C’est en 1946, avec: « Propos sur la causalité psychique » qu’il renoue avec un public en discutant avec son vieux camarade d’études Henri Ey de la causalité psychique. C’aurait pu être le début de son enseignement, mais ça attendra encore cinq ans.

C’est le moment où il sort de son silence. Il n’a pas été un héros, il a caché des résistants, mais ne n’a pas été lui-même. Dans la solitude, il a recomposé son savoir des mathématiques, son savoir du chinois, et il a pensé la psychanalyse, à quoi désormais il se vouait.

Une petite phrase m’a toujours frappé, comme étant l’indication d’une passion à lui, une phrase qui qualifie son attitude dans les années précédentes : « Je suis abandonné- d’après Fontenelle- à ce fantasme d’avoir la main pleine de vérités pour mieux la refermer sur elles. » Je ne vais pas développer sur la personne de Fontenelle [ 1657-1757] deuxième partie du XVIIème siècle, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, à qui l’on doit ces mémorables Entretiens sur la pluralité des Mondes, présenté de manière galante. J’avais à l’époque recherché le texte où figure "avoir la main pleine de vérités". Lacan confesse le ridicule de ce fantasme, il admet même que ça marque ses limites, il n’exclut pas que ce soit de sa part une défaillance par rapport aux exigences du mouvement du monde, et que sa recherche ait pu pâtir de cette position, de cet enferment dans la solitude du savoir, c’est pourquoi il parle de passion.

Cette notation indique la position primordiale de Lacan, comme étant la solitude dans son rapport à la vérité et au savoir. Le partage de la vérité que seul on a acquise, ce partage qu’on appelle l’enseignement de Lacan, c’est une concession faite aux autres en leur permettant d’assister à l’élaboration qui se fait seul.

Lacan qui crée une Ecole, Lacan qui crée des cartels, ce Lacan est aussi bien celui qui pense que ce qu’il fait, il le fait seul. Celui qui, à l’endroit du nombre, garde une méfiance d’aristocrate. Page 285, ( ?) des Ecrits, on a cette notation que j’ai évoquée la dernière fois, j’ai dit que je vous la donnerai comme citation, où Lacan dit « Faire état du petit nombre de sujets qui supportent la création serait céder à la perspective romantique ». Il se défend de céder à cette perspective, mais il l’énonce. C’est un petit nombre de sujets qui supporte la création. La création est d’un autre ordre que la répétition et la routine. Il a un mouvement de recul devant cette perspective, c’est romantique. Ce serait croire aux grands hommes, il n’y a pas à mettre en balance ce qui est de l’ordre de la qualité et ce qui est quantité. L’enseignement de Lacan prend justement sa valeur, dans ce mouvement contrarié d’ ouvrir la main pour savoir dispenser les vérités qu’on a élaborées seul. Quand il commence à enseigner, cinq ans plus tard, avec « Fonction du champ de la parole et du langage », il consacre un moment de son texte, à la fonction de l’enseigneur, et on ne peut pas se défendre d’entendre ici, seigneur de l’enseignement.

La fonction de l’enseigneur des notions qui s’amortissent, quand elles sont utilisées par le nombre, il faut en dégager le sens et pour en dégager le sens, il faut faire retour sur leur histoire.Faire retour sur l’ histoire, cela prendra la forme de son retour à Freud, d’un retour à l’origine de l’actualité, réflexion sur le sujet dans l’actuel, au présent. Son enseignement sera tendu entre ces deux pôles : Freud et l’aujourd’hui, ici et maintenant C’est ainsi que cette solitude, la solitude de Lacan, c’est une solitude qui s’est déployée avec Freud, ou sous l’égide de Freud.

Quel commentateur a-t-il été ? Il s’est mesuré à Freud. Il a d’emblée cherché ce qui manquait à Freud, ce que Freud avait manqué. Autrement dit, il n’a suivi Freud que dans la dimension de ce qu’il appelé, dans les derniers temps de sa vie- un « transfert négatif ». C’est déjà le casdans son écrit des « complexes familiaux » , où il utilise la notion de complexe, qu’il reprend de Freud, pour la généraliser. Quand il écrit « Au delà du principe de réalité », il reproche à Freud de restreindre l’objet de la psychologie, au fait du désir ; d’essayer d’écrire une relativité générale de l’objet de la psychologie. Ensuite, il cherchera à donner à la psychanalyse, un nouveau fondement avec le langage. Aussi, je vois la passion de Lacan traverser son enseignement, la passion qu’il subit d’être seul, et en même temps, son mouvement propre est celui d’échapper à la clinique, que promet la passion d’être seul.

Si Lacan a commencé par une clinique de la paranoïa, dans sa thèse de psychiatrie – c’est peut-être le premier concept sur lequel il a enseigné -, s’il a ensuite promu le thème de la connaissance paranoïaque, s’il a choisi dans Hegel de donner cette valeur au moment de la reconnaissance, c’est précisément parce que sa pensée s’est dressée contre la paranoïa. Sa passion d’être seul est précisément une « paranoïa renoncée », et son enseignement, sa doctrine du sujet, est précisément ce par quoi, il y a comme une cure de Lacan, et c’est la valeur également que je donne à la scission qu’il opère du moi et du sujet : le moi tel qu’il l’a cerné est gros de paranoïa, et le sujet tel qu’il a d’abord amené, est fonction de l’Autre, est fonction intersubjective.

J’en infère que le débat foncier de Lacan est son débat avec sa passion d’être seul, et à cet égard, de la même manière qu’il peut dire que Gide s’est accompli avec le message de Goethe, Lacan s’est accompli avec le message de Hegel, c’est-à-dire , avec une dialectique qui lui a permis de renoncer à la passion d’être seul, dès avant la fondation de l’Ecole freudienne de Paris, de renoncer à la méconnaissance qui va avec la passion d’être seul.

Je vous retrouverai le 17 mars.

Publié dans art, miller-lacan |



17-03
« Vie de Lacan »
Je me suis la dernière fois arraché cette phrase « la paranoïa renoncée de Lacan ». Ce sont des choses qui ne viennent pas ex-tempore devant vous, c’est quand je réfléchis à ce que je vous dirai. J’ai décidé de lâcher ça.

Ce mot de paranoïa accolé au nom de Lacan ne pouvait qu’inquiéter, certains s’en sont indignés. Je rassure les inquiets. Lacan n’était pas paranoïaque. Je prends tous les risques car la mémoire de Lacan est entourée de toutes les calomnies, fait partie du discours de Lacan ; elles sont moins suspectes que l’éloge de Lacan, qui repose sur des malentendus. Les calomnies ne vont pas assez loin, ce sont des calomnies au petit pied. Lacan mérite mieux. Il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps. C’est un espoir qu’il reste inavalable, ingérable, dans la mort, comme il le fut dans sa vie. On s’en plaignait assez qu’il ne se laissât point manœuvrer, qu’il conduise les différends jusqu’ au point de rupture, qu’il soit immodéré, qu’il repousse les arrangements. Son enseignement est scandé par ses refus.Il ne prend pas son parti des résistances qu’il éprouve pour justifier quelque tempérament que ce soit. Il relance sa mise initiale en la maintenant indéfiniment au niveau de la même incandescence.

Le très beau vers classique « tel qu’en lui-même l’éternité le change ». Cette vie achevée révolue, on pense à ça ce changement en soi-même.Si on y réfléchit ce qu’on appelle une analyse a à voir avec « se changer en soi-même ».

Une analyse est faite pour vous « changer en vous-même », c’est la visée d’une analyse, de lever les refoulements, on entrevoit des vérités pour qu’émerge le « tel qu’en soi-même » qui se laisse cerner en 5 heures de temps, 5 heures d’énoncés clairs dans ce qu’on appelle « la passe » où l’on tire les leçons de ce qu’elle vous a appris, ce qu’elle vous a changé.

Bien au-delà d’un diagnostic, qui n’est qu’un fait de classement.

La clinique n’est , qu’un ensemble de tiroirs névro-psycho, faite pour rassurer le thérapeute.

L’analyse on peut le constater au-delà de la clinique, on rabat, on lamine, ce que l’expérience psychanalytique a de plus aigu. C’est la valeur que je donne au « tout le monde est fou », ça porte vers un au-delà de la clinique ; ça dit que tout le monde est traumatisé. Il y a quelque chose qui et pour tout le monde, pour l’ensemble de ce qui parle. Pour ceux qui ont la parole « fonction et champ ». ce qu’il y a pour tout cela c’est un trou.

Lacan n’a pas cessé de le présenter, c’est au niveau de tout le monde, de l’universel, de la nécessité. Et ça on peut le démontrer, quand on pose les axiomes de l’ordre du démontrable. Lacan a utilisé le tableau pour démontrer cette nécessité d’un trou dans ce qu’il a appelé « l’univers du discours »

Il m’est arrivé d’exposer ce que la logique du signifiant de l’univers du discours, que cet univers manque de fondements, tremble sur sa base.

Trou discursif se répercute comme ouverture. Trou et ouverture sont corrélatifs. Quand vous écoutez quelqu’un en analyse, vous repérez ce trou, différent pour chacun. Cet énoncé universel se différencie au niveau de chacun, pas du registre de la nécessité, mais de la contingence, ça se constate, pour le sujet ca se rencontre pour tout le monde. Il y a cette place faite au hasard dont une rencontre primordiale qui s’inscrit à la place de ce trou nécessaire et ensuite développe ses effets.

Ceux qui viennent en analyse pâtissent d’un trou discursif nécessairement livrés à la contingence. Ce que je distingue du trou « ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, c’est un impossible » et le contingent vient en opposition. Ce qui ne cesse pas,de ne pas s’écrire, ça diffère toujours, ça s’analyse, un par un, tout le monde est fou, ce n’est pas comme dire : « toutes les vaches sont grises ou noires ». Chacun l’est de façon singulière.

A proprement inclassable. Lacan n’a pas inventé la passe pour qu’on classe les sujets.

Il n’y a qu’un classement « le tout le monde est fou ».

De quelle façon c’est compatible avec ce que le sujet fasse,au niveau du « tel qu’en lui-même » pour que ça se dépose, chacun est une exception. Ce que nous appelons du nom propre de Lacan, Jacques Lacan, 1901-1981, c’est quelqu’un dont il est patent que de son vivant, il s’est assumé comme une exception, c’était sa façon de renoncer à la paranoïa.

C’est comme ça que je traduis : « il y a de l’Autre malgré la loi » ». Ça évoque pour moi, un couplet que je voulais placer, un mot d’esprit de Martin Heidegger sur Aristote : « Aristote est né, il a vécu, il est mort ». C’est l’essence d’une biographie.

Je vois là que ironie supérieure. Ce qui tient à la vie organique, animale, n’est rien à côté de la pensée, il ne se distingue pas des autres animaux. Ces 3 phrases disent implicitement que la pensée vient de surcroît à cette vie.

Rien n’est plus distinct de la perspective psychanalytique de ce qu’est une vie. Selon une modalité qui n’était qu’à lui, sa pensée avait affaire avec sa jouissance.
Aristote auquel Lacan n’a pas cessé de se rapporter. Aristote à portée de sa main, dans sa vie il n’y avait que ça.

Dans la bibliothèque du Dr Lacan, à un endroit, à côté de la porte d’entrée, il y avait les dictionnaires de langues, Bloch et Wartburg, et au même endroit Aristote en grec, en français, c’était du même ordre. Pour l’un, l’index de la doxa, à laquelle il se rapportait, passée dans St Thomas qui l’avait intégré à la doctrine canonique de l’Eglise, témoigne de la flexibilité du signifiant- Aristote n’en pouvait mais. Ni Kant ni Descartes ne se sont dépris de la pensée scolastique.

Traitement préliminaire de la psychose, il s’efforce de sortir la clinique psychanalytique de la prison aristotélicienne, où elle réduite, laminée.

Un dialogue avec Aristote, une extraction d’avec Aristote, nous sommes encore trop aristotéliciens. La pensée et l’âme pour Aristote, la pensée tient au corps, elle n’en est que la forme. La séparation pour Lacan, la pensée comme ex-istante à l’âme par rapport à ce que l’on recherche dans l’harmonie de l’âme et du corps. La sagesse se règle sur cette harmonie supérieure de l’âme et du corps, cherche à la rétablir, cette hygiène est aristotélicienne, par les bouts de la gymnastique physique et spirituelle dont se multiplient les manuels.

Tout ça a pour principe cette illusion qu’il y a une totalité qui réunit les fonctions de l’âme et du corps, une harmonie, cette totalité même. Au fond la psychanalyse s’inscrit en faux contre cette sagesse du siècle. La pensée s’introduit de l’extérieur dans cette paire âme et corps. Dans « Télévision » pour cisailler le corps ; d’autre part pour embarrasser l’âme aristotélicienne, je ne peux pas m’empêcher de penser ça conduit à dire que la pensée épinglée vient en trop comme la jouissance. La pensée témoigne d’un embarras avec la jouissance, la pensée est un traitement de la jouissance.

De ce fait l’expression de « Vie de Lacan » conduit à s’interroger sur la pensée de Lacan. Dans « Vie de Lacan », autre sens, autre tonalité, angle inédit sur cette pensée.

Comme l’envers de ce que j’ai professé depuis le début.

J’ai professé la pensée de Lacan pour tous, je me suis évertué à dégager « sa vérité objective » quant à Freud, quant à la psychanalyse. En y repensant, je ne vois rien à renier à cet effort. Je passe à sa vérité subjective. La pensée de Lacan comme traitement de son embarras avec la jouissance, comme impliquant son sinthôme, son mode de jouir. Dans son tout dernier enseignement, Lacan fait une place à son sinthôme et ce que pourrait être l’incidence de son sinthôme tel qu’il était amené à le présenter.
Tout cela est scabreux, tenir le fil, je n’ai jamais pris les choses comme ça, n’y ai jamais songé. En relisant Lacan une fois de plus, j’ai laissé tomber ce qui n’était pas opératoire. La pensée de Lacan n’allait pas de soi, que ça prenne la tournure d’un enseignement, à partir de 1959 et tenir le coup pendant 30 ans, n’était pas une vocation de jeunesse. A toujours insisté sur le fait qu’on le lui a demandé, pouvait être une coquetterie, ce qui est un topos dans la la littérature gréco-latine , l’auteur vient s’excuser sur scène. S’agissant de Lacan, je ne vois pas pourquoi on lui refuserait que cette réticence ait été authentique.: solitaire du savoir. Chez les grands mathématiciens gardent leurs papiers et les sortent des décennies après: Gaus. On a chez Lacan dans « Propos sur la causalité psychique », la main qui se referme sur les vérités. Un certain »garder pour soi », pourquoi les autres auraient besoin de savoir, dans la chaleur du séminaire, Lacan enchaînant année après année. Pas d’enseignement jusqu’à l’âge de 50 ans, a commencé dans son salon du 3, rue de Lille, nous n’étions pas plus de 30, serrés. L’enseignement n’est pas une aspiration mais un renoncement à la jouissance solitaire du savoir. Pour chaque séminaire préparerait plus que ce qu’il pourrait présenter au public. Quand il évoque l’enseignement dans les « Écrits »- page 297, en 1970, il fait part de sa réticence. Le savoir est autre chose que ce que l’enseignement imagine. L’enseignement est un obstacle au savoir et en particulier pour l’analyste « à ce qu’il sache ce qu’il dit ». Ce que dit l’analyste en tant qu’analyste est interprétation n’est pas enseignement , peut espérer que ses principes lui interdisent d’espérer que son discours soit pris comme un enseignement. Quand il traite la question, l’analyste n’a rien à faire de l’enseignement. Lacan fait entendre « mon enseignement c’est une interprétation », grand effet de la conjecture, ne se laisse pas universaliser à tire-larigot. je me suis consacré à le transformer en enseignement ce qui était interprétation, à le détacher de la conjecture. Les autres faisaient enseignement de ce qui était matière à interpréter. Un enseignement qui est interprétation.

J’avais l’idée de ne pas répéter et de poursuivre une avancée. J’ai interprété.Ce n’est pas les autres qu’on interprète, c’est soi-même. Ce qui explique que Lacan ayant crée une école, ne s’est pas voulu de disciples, n’était pas animé de quel libido dominandi.
Il avait assez de ressort pour être un homme politique: un tyran. A moi, il a dit » Vous êtes gauchiste, alors soyez Lénine ».

Lacan ne s’est pas voulu de disciples; je rédige en ce moment "Logique du fantasme", je vois la répugnance de Lacan pour l’idée même de disciple.

En février, 1967, recevant Jakobson, il lui demande ce que c’est que se former à être linguiste, quelles conséquences ça a pour le sujet de se soumettre à une discipline de pensée. Jakobson se dérobe « Oh, la la ». C’est la réponse que contient la question. Une certaine inflexion, pas une ascèse « ca a un sens le mot disciple…pour moi ca n’en a pas »

Discipline psychanalytique n’a pas de disciples. Notre parole n’exige pas de disciples. Un disciple est formé à partir d’un enseignement. Vise un effet subjectif qui excède les limites de l’enseignement: la structure du langage. La linguistique et la psychanalyse, la formation ne donne pas de disciples « un cachet original ». Sur un mode distinct qui porte l’empreinte de sa discipline de pensée avec un cachet original.

Lumière crue sur le statut d’une école, comme formation. Chef d’école, a été une concession, a cédé aux effets de transfert. Le renoncement à la solitude, solitude renoncée, exception assumée. Octobre 67- page 245 des Écrits Avec la » Proposition de la passe ». Comment Lacan présente l’Ecole, la seule qu’il ait fondée, l’Ecole freudienne de Paris, au groupe de ceux pour lesquels est plus précieux que la reconnaissance de l’IPA. Exception précieuse unique dans la psychanalyse, ils ont dit Lacan, et Lacan, a dit l’Ecole. S’il y a ici du collectif, on ne joue pas à la démocratie, à l’exception que constitue son travail, au choix que constitue un certain nombre, leur fait la grâce de leur fonder l’Ecole, a pris consistance. La consistance d’un enjeu a fait l’objet d’un choix, sans rival, pas un autre , c’est un fait ailleurs on ne se soucie que de conformité à la doxa, à Aristote , conforme selon la loi, ce lui qui nous vaut au statut du « sans rival ». A fait de sa passion de l’exception « le statut de la psychanalyse ». Le sinthôme c’est celui de la solitude qui aurait pu prendre le symptôme de la paranoïa, effet de quart de tout., a fait glisser les sujet de la paranoïa à l’exception. Sa thèse consacrée à la paranoïa, son premier enseignement dont il a la charge de cours, le consacre à la connaissance de la paranoïa pure. C’est le stade du miroir où ce qui est clinique c’est la rivalité inaugurale, impossible à supporter(pp36-37, Autres Ecrits.) Intrusion lorsqu’il se connaît des frères , St Augustin, un des topos de Lacan.

Le stade du miroir, expérience de paranoïa primitive, sublimer dans le symbolique. Texte de Freud sur la jalousie, Agressivité, thème de l’époque de l’egopsychology. Conçoit la psychanalyse en termes paranoïaques, comme une « paranoïa dirigée ». Les différents imagos de l’autre qui ont été pour lui, premières orientations paranoïaques de la clinique de Hegel, comme référence plane, discours propre à transcender le délire de la bonne âme, le désordre qui la constitue et le rejette sur le monde. L’Autre est impossible à supporter, le semblable , l’Autre peut passer pour le traitement de la paranoïa avec passage de l’imaginaire au symbolique. Se réfère à Durkheim, sociologue de l’époque. Le socius est là. 1964 avant dernier texte des Écrits » La primauté.. » On ne lui parle pas ça parle de lui.Le style est continuellement polémique. Un sujet qui s’exprime avec la méconnaissance des conformismes. Continuelle polémologie, adresser en position hostile, apaisement dans le Discours de la Science. Le mathème comme remède à la paranoïa. A l’âge de 13 ans reproduisait l’Ethique de Spinoza. Postulation vers le mathème….

mardi 16 mars 2010




SOCIÉTÉ
Article paru
le 11 mars 2010


Quand l’anormal rejoint le criminel


L’ouverture prochaine à Lyon d’une unité réservée aux prisonniers au cœur de l’hôpital psychiatrique du Vinatier a suscité un riche débat autour de la criminalisation de la déviance.

Plus de trois cents personnes se sont pressées, mardi soir, dans la salle des organisations de l’hôpital du Vinatier, à Lyon, pour la « nuit blanche de résistance » à la première unité d’hospitalisation spécialement aménagée (UHSA) et à l’instrumentalisation de la psychiatrie au service de la politique sécuritaire. L’UHSA devrait officiellement améliorer les soins délivrés jusqu’à présent en prison aux détenus malades mentaux. L’administration pénitentiaire y contrôlera les entrées et sorties de prisonniers, le « maintien de l’ordre » et la surveillance. L’équipe médicale, selon le professeur Lamothe, responsable de l’unité, garderait la liberté de choix des patients et se verrait garantie la confidentialité des soins. Une structure hybride, dénonce la CGT, qui mélange des catégories professionnelles de traditions, de fonctions et de statuts différents et parfois contradictoires, et où le pénitentiaire a toutes les chances de prédominer.

L’apparition des UHSA aujourd’hui s’inscrit dans la logique, dénoncée par Michel Foucault, où le criminel et l’anormal se rejoignent comme ennemis de la société. Une logique que le Conseil national de la Résistance et ses héritiers ont tenté de battre en brèche, a expliqué le psychiatre Jean Darraud. « Mais aujourd’hui, tout cet édifice est menacé, ciblé par la politique de la peur et de l’hôpital entreprise, axée sur la liquidation des acquis du CNR… Et ce alors que, de toute façon, enfermer les schizophrènes n’a jamais rassuré les paranoïaques. » Représentant du PCF sur ces questions, Serge Klopp a rappelé les conséquences de « la criminalisation de la déviance ». « Elle fait considérer comme des délits des faits autrefois classés sans suite et octroie aux patients la peine maximum parce qu’ils ont des antécédents psychiatriques et qu’ils récidivent ».

Dans le public, les remarques se sont succédé sur la culpabilisation, la marginalisation des pauvres, la dégradation des soins hospitaliers, le besoin d’agir, d’élargir et d’approfondir le débat. « Parce qu’à travers les patients et la prison, c’est toute la société qui est malmenée aujourd’hui. » À telle enseigne qu’une jeune fille expliquait avoir dû abandonner son travail en soins somatiques parce qu’elle ne supportait pas qu’on la contraigne à se comporter en gardien de prison. Une éthique que n’aurait pas reniée Franz Fanon, qui passa au Vinatier avant de diriger l’hôpital de Blida puis d’abandonner la psychiatrie : cet anticolonialiste pensait ne pouvoir désaliéner que des hommes libres.

Émilie Rive






Une clôture fait débat au pôle de santé mentale - Mayenne
mercredi 10 mars 2010

Installée par la direction de l'hôpital, elle cerne deux pavillons de 27 places. Les syndicats s'insurgent contre une mesure « rétrograde ».








La polémique


Une clôture renforcée de trois mètres de haut qui cerne depuis quelques jours la cour des pavillons P3 et P4, au service de psychiatrie du centre hospitalier, boulevard Paul-Lintier. Une façon de protéger la population de la menace que constituent les patients ? « Cette clôture est destinée aux patients qui nécessitent une surveillance accrue, répond Véronique Hamon, directrice du centre hospitalier. Mais ils ne sont pas plus dangereux que d'autres, qui ne sont pas hospitalisés, ou pas reconnus comme malades. Cette mesure vise aussi, et surtout, à protéger certains patients contre eux-mêmes ».

La clôture est aujourd'hui activement critiquée par les syndicats. « La direction du centre hospitalier vient de franchir un nouveau pas dans la stigmatisation des malades mentaux, dénonce Jean Thouroude, secrétaire de la CFDT santé sociaux de la Mayenne. Elle transforme des services de soins en véritables lieux carcéraux. Les malades mentaux ne sont pas dangereux. Ils meurent davantage par manque de soins, en prison, par suicide, qu'ils ne commettent d'actes délictueux. »

« Du personnel, pas de grillages »

Une idée partagée par la CGT : « Nos patients sont plus souvent victimes que coupables, souligne Bernard Chemin, délégué syndical et infirmier psychiatrique. Cette clôture rétrograde est à l'opposé de notre approche humaine des soins. C'est choquant pour les familles en visite. Et vraiment triste pour le service de psychiatrie de Mayenne, érigé en modèle national dans les années 70. »

Et qu'en est-il de l'effet produit sur les patients eux-mêmes ? « Ce sentiment d'enfermement peut consolider une dépression, avance un membre du personnel. Nous accueillons aussi des personnes qui ont tenté de se suicider. Certaines sont là de leur plein gré. En voyant cette clôture, elles doivent se croire à l'asile. »

Pour la CFDT, cette réaction est « l'application du discours du 2 décembre 2008 du président Nicolas Sarkozy, qui réclamait une psychiatrie sécuritaire, en proposant aux établissements des financements spécifiques ». Les syndicats réclament au contraire « plus de personnel, formé à l'écoute des patients. Mais pas de murs, ni de grillages ». Réponse de la direction : « Nous avons des moyens pour du matériel seulement ».

Jean Thouroude accuse également la direction d'avoir pris cette décision « sans concertation avec le personnel ». « Faux, rétorque Véronique Hamon. Mais il est vrai que ces clôtures sont peut-être plus impressionnantes que certains ne l'imaginaient. Elles sont cependant nécessaires, puisqu'elles agrandissent les espaces fumeur des patients, devenus trop étroits. Et seront rendues plus agréables, mieux aménagées. »

Julien BELAUD.





Folie et cures de la folie chez les médecins de l'Antiquité greco-romaine

La manie

Jackie Pigeaud












Deuxième édition
Livre broché - 35,00 €
À paraître


Ce livre est le compagnon inséparable de La Maladie de l'âme. Il a une finalité : donner, de manière la plus claire possible, ce qui va être pour des siècles l'outillage de la réflexion des médecins sur la folie. L'histoire de la médecine est, pour une grande part, jusqu'à une période assez proche, une histoire des textes et de leur interprétation dans laquelle philologie et médecine collaborent. Le sens de manie est délicat. C'est le terme le plus général pour indiquer la folie. Mais, au cours du temps, la manie est devenue une maladie bien définie dans l'usage médical : de telle sorte qu'il faut toujours prendre garde au contexte et à l'époque où l'on se trouve. Parfois le sens large et le sens technique peuvent coexister. L'auteur pense déjà à Philippe Pinel, le fondateur, au tout début du XIXe siècle, de ce qui s'appellera la psychiatrie. On trouvera traduits et analysés les textes fondateurs de la médecine antique, mais aussi, accompagnant inévitablement la réflexion sur la folie, la question de la phantasia, renouvelée à l'époque hellénistique, et celle du traitement qui ne pouvait éviter un examen de la catharsis aristotélicienne.

Sommaire

Première partie : Hippocrate et la folie
Les troubles du comportement
La manie hippocratique
Régime et Maladie Sacrée

Deuxième partie : La manie comme concept médical
Introduction : nouveau sens du terme de la manie
La manie chez Arétée de Cappadoce
Quelques remarques sur l'hallucination et l'illusion dans la philosophie stoïcienne, épicurienne, sceptique, et la médecine antique
La manie chez Caelius Aurélien

Troisième partie : Les traitements de la manie
Introduction
Le traitement relationnel
Les traitements par les médicaments, les exercices, le régime dans la manie

Conclusion générale





CULTURE
Publié le 09/03/2010 à 15:12 Le Point.fr
ANALYSE


Éros et Thanatos, version Pérou : Et si les Mochicas éclairaient notre présent ? Par Michel Schneider







Illustration d'objets de l'exposition
"Sexe, mort et sacrifice dans la religion Mochica" au quai Branly.
À gauche et à droite : terres cuites sexuées.
Au centre : viatique funéraire. ©Daniel Giannoni et Steve Bourget


EXPOSITION

Mochicas, le sexe culte

L'art a toujours fait des deux grands tabous de l'humanité ses thèmes essentiels, depuis Niklaus Manuel Deutsch (vers 1484-1530), auteur du célèbre tableau La Jeune Fille et la Mort , jusqu'à Six Feet Under , l'une des séries télévisées américaines majeures de ces dernières années (qui a prêté son titre, il y a quatre ans, à une exposition au Kunstmuseum de Berne). De même, dans la biologie de la reproduction et les représentations que notre psychisme en donne, le sexe et la mort s'opposent et se conjuguent. Entrant dans la vie par l'Éros, il n'est pas illogique que l'homme en sorte, comme dans certains rites funéraires, en parant Thanatos des attributs sacrés et obscènes du sexe.

C'est le cas de la religion mochica. L'actuelle exposition des céramiques issues d'une civilisation du nord du Pérou, disparue au VIIe siècle, vient illustrer un troisième élément : le sacrifice. Certes, on trouvera, dans la culture moderne occidentale, des oeuvres littéraires (Baudelaire et les décadents "fin de siècle") ou plastiques (Schiele, Bacon) qui marient ces trois thématiques. Ainsi, fasciné par le sacrifice humain, Georges Bataille écrit : "L'érotisme accroît la conscience douloureuse de l'échappée hors du monde, mais c'est seulement à la limite de la mort que se révèle avec violence le déchirement qui constitue la nature même du moi." Il va même jusqu'à fonder une société secrète, Acéphale, dont le symbole est un homme décapité. Selon la légende, les membres auraient envisagé d'être chacun la victime d'un sacrifice. Mais aucun n'accepte finalement d'être l'exécuteur des hautes oeuvres. Jusqu'à la dissolution du groupe, avant la Seconde Guerre mondiale, qui, hélas, s'acquitta en masse de cette tâche... Mais ces créations ont-elles le sens que l'on croit trouver dans les traces de la civilisation mochica ? Certainement pas.

Il y a des "manières de mort" comme des "manières de table" dans toutes les cultures
On ferait un contresens en donnant aux représentations sexuelles un caractère érotique ou pornographique. Le mot "sexe" désignant la sexualité, et non le genre ou l'organe qu'elle met en jeu, n'apparaît que très tard dans la langue. En fait, peu avant la découverte de l'inconscient. Comme le montre Michel Foucault, la sexualité est une invention de l'humanisme moderne totalement ignorée des anciens et des sociétés holistes. Il y a des "manières de mort" comme des "manières de table" dans toutes les cultures, et elles ne sont pas transposables. Erreur que commet Freud dans Totem et tabou , paru en 1912, quand il s'interroge sur l'attitude de l'homme primitif face à la mort. Lorsqu'ils figurent l'acte sexuel, hors de toute visée d'érotisme ou de pornographie, les artisans mochicas pétrissent dans leurs poteries des thèmes rituels relevant d'une cosmogonie et d'une cosmologie dans lesquelles le sexe est une représentation d'un ordre de pouvoir, de sa permanence au-delà de ceux qui l'incarnent, de sa transcendance. Leur but n'est pas de représenter la part de sexe dans la mort ou de la mort dans le sexe. Il est de fonder une religion de la création-destruction du monde politique et social. L'apparition de la vie n'est qu'une métaphore de celle de l'univers.

Mais convenons qu'il est singulier d'entourer les morts d'objets évoquant ce qui reste la source même de la vie (du moins jusqu'à nouvel ordre, si le clonage s'y substituait un jour prochain) : le rapport sexuel. Psychanalyse et littérature nous éclairent au moins sur un point commun à toutes les cultures : la sexualité humaine comporte toujours une dimension de secret, de sacrifice de l'identité. Pas en tant que personne, sujet, moi. Le rapport sexuel est sacrifice du "je" par lui-même. "Quand elle est là, je ne suis plus là", disait Épicure. On peut le dire de la sexualité comme de la mort. C'est la leçon de Freud, la sexualité est "la maladie" humaine : l'animal humain est le seul à savoir qu'il doit mourir et le seul qui s'accouple en dehors des nécessités de la reproduction.

La vie est la vérité de la mort

Éclairant pour notre présent, cet autre constat : dans les sociétés anciennes et en Occident jusqu'à l'époque postmoderne, la mort s'accompagnait d'un rituel social, public, et le sexe relevait du secret, du privé. Aujourd'hui, des clubs échangistes aux débats de société en passant par le récit à voix haute de ses ébats sur portables, on exhibe sa sexualité dans l'espace public, mais on enterre ses morts en privé. Un dernier axe de réflexion suscité par l'art des Mochicas aide à comprendre l'étrange conjonction du sexe et de la mort. Des stoïciens à Heidegger en passant par Montaigne, la philosophie nous appelle à éclairer notre vie d'une lueur mortelle. La mort n'est pas qu'une ombre, un trou noir dont on ne sait rien. Elle fait aimer la vie, précisément parce qu'elle y met fin. En ce sens, opposée aux cultures du Mexique où la mort est la vérité de la vie, la civilisation mochica, dont l'écriture est absente, inverse les choses : la vie est la vérité de la mort.

C'est une belle leçon en un temps où l'on ne croit plus à la mort sans croire à l'immortalité. Comme l'écrit Freud dans son article sur "la fugitivité" : "Ce qui est frappé par l'éphémère prend une unicité rare dans le passage du temps." Regardons avec émotion la fugitivité des poteries péruviennes vieilles de douze siècles où s'enlacent Éros et Thanatos.








LES LIVRES DE PSYCHANALYSE

MERCREDI 3 MARS 2010

L'oeil absolu

Gérard WAJCMAN










Parution : février 2010
Editeur : Denoël
Prix : 20 €


Voir est une arme du pouvoir. Depuis la vidéo-surveillance jusqu'aux balayages satellitaires de la planète, en passant par l'imagerie médicale et la télé-réalité, d'innombrables dispositifs s'acharnent à nous rendre intégralement visibles et transparents. On sait que sortir faire ses courses à Londres aujourd'hui, c'est être filmé plus de trois cents fois. La science et la technique ont bricolé un dieu omnivoyant électronique, un nouvel Argos doté de millions d'yeux qui ne dorment jamais. Plus que dans une civilisation de l'image, nous sommes désormais dans une civilisation du regard. On surveillait jadis les criminels, aujourd'hui on surveille surtout les innocents. Pour la politique sécuritaire, nous sommes tous des dommages collatéraux. Mais au-delà de la surveillance, ce regard global infiltre aujourd'hui tous les domaines de nos vies, de la naissance à la mort. La transparence n'est pas qu'une affaire sociale, elle vise aussi le privé de nos maisons et l'intérieur de nos corps, dissolvant chaque jour un peu plus l'espace de l'intime et du secret. Dans une langue brillante, documentée et très accessible, Gérard Wajcman explore et questionne cette idéologie de l'hypervisible.
LES LIVRES DE PSYCHANALYSE

Quel avenir pour l'adolescence ?

Mental n°23












Sommaire

L'adolescent freudien, Francisco-Hugo Freda
L'adolescence prolongée, hier, aujourd'hui et demain, Philippe La Sagna
L'adolescence comme ouverture du possible, Marco Focchi
Si les adolescents sont notre avenir, alors quelle transmission ?, Philippe Lacadée
L'initiation à l'adolescence : entre mythe et structure, Domenico Cosenza
Protection de l'adolescence, Daniel Roy
Le discours du maître dans la société adolescente, Luis Segui
Les adolescents, à l'avant-garde, Philippe Lacadée, Jacqueline Dhéret, Yves-Claude Stavy, Daniel Roy, Normand Chabot et Ricardo Chabelmann
La clinique de l'adolescent : entrées et sorties du tunnel, Vilma Coccoz
Sortir de l'adolescence, Hélène Deltombe
Solitude de l'être parlant, Laure Naveau
L'éveil de la sexualité et le symptôme, Omaïra Meseguer
Un lycéen où le coupable peut devenir le roi, Donata Roma
De l'enfance à l'adolescence, rupture ou continuité ?, Clara Bardon
Du corps-machine à l'analyste-machine, Anne Béraud
Être " unique ", Marie-Hélène Blancard
Le symptôme à la croisée des chemins : un cas extrême de refus, Pierre Naveau
Fantasme nécrophile et structure psychotique (II), Jean-Claude Maleva



LANGAGE COLLOQUE

Lundi 02 août 2010 | Cerisy-La-Salle (50210)

Colloque de Cerisy : Saussure et la psychanalyse

Publié le mardi 02 mars 2010 par Delphine Cavallo

RÉSUMÉ

Le présent colloque invite, d’un côté, à réfléchir sur Saussure vis-à-vis de l’œuvre de Freud et Lacan, et souhaite, d’un autre côté, attirer l’attention sur le drame inhérent à la biographie de Ferdinand dont la souffrance est passible d’analogies vis-à-vis d’autres « cas » (...).

ANNONCE
DU LUNDI 2 AOÛT (19 H) AU JEUDI 12 AOÛT (14 H) 2010

DIRECTION :

Izabel VILELA

ARGUMENT :

Lire Saussure comme Freud et ses successeurs ont lu Schreber? Comme on lit Wolfson?
Ce "mal' sous les mots" sous-jacent à la biographie et aux écrits de Saussure, au-delà de ses fantomatiques anagrammes, interpelle à la fois les recherches sur le langage et sur l’inconscient. Car "[le mal], ... s’il attaque le moi et le corps, il s’en prend tout aussitôt et du même coup à ce qui les conjoint ensemble: le langage" (M. Pierssens, 1976). Si "tout dans la psychose passe par le langage"(Gilles Deleuze, 1970), ce dernier, dans ses rapports à l’inconscient — "normal" ou "pathologique" — y est à la fois mobile, symptôme et antidote donnant lieu à une paragrammaire qui rassemble patients, linguistes, poètes, fous littéraires. Saussure en ce point rencontre tout "un peuple de la parole": Mallarmé, Proust, Wolfson, Schreber, Unica Zürn, Roussel, Brisset, Artaud, Pichon, les patients "Z", "Renée" ... tous en quelque sorte des "logophiles", "naufragés de l’alphabet", dans la tourmente de la langue. Chez ces sujets en souffrance de pensée et de langue, au rebours du temps et de toute convention, l’accent est mis sur un attachement démesuré aux mécanismes du langage, notamment sous ses aspects formel et sonore, au détriment du sémantique. Ici, langue et lalangue (Lacan), grammaire et paragrammaire, normal et pathologique, psychanalyse et linguistique entretiennent des rapports plus étroits qu’on ne peut souvent le soupçonner...

Le présent colloque invite, d’un côté, à réfléchir sur Saussure vis-à-vis de l’œuvre de Freud et Lacan, et souhaite, d’un autre côté, attirer l’attention sur le drame inhérent à la biographie de Ferdinand dont la souffrance est passible d’analogies vis-à-vis d’autres "cas".

COMMUNICATIONS :

* Michel ARRIVÉ : La notion de "conscience de la langue" chez Ferdinand de Saussure
* Waldir BEIVIDAS : Pulsion et affect: phénoménologie ou sémiologie?
* Gilles BOURLOT : Genèse du signifiant: Lacan, lecteur de Freud et de Saussure
* Catherine CALECA : Malaise dans la langue: quand notre langue devient étrangère
* Hervé CASTANET : Référent saussurien et jouissance lacanienne
* Anne COSYN & Bernard HARMEGNIES : Le paradoxe sausurien, l'objet voix et la lalangue
* Mauricio ESCRAGNOLLE : La valeur chez Saussure, un concept métapsychologique ?
* Irène FENOGLIO : Héritage saussurien et héritage freudien chez Emile Benveniste
* Claudie FRANGNE : L'anagramme, le nom propre et l'incidence clinique de l'écrit: de Saussure à Lacan
* Anne-Marie HOUDEBINE-GRAVAUD : Saussure et Freud la résistible rencontre ?
* Marie JEJCIC : L’incidence politique du signifiant lacanien
* Chloé LAPLANTINE : L'inconscient dans le langage: une sociation psychologiqueinévitable et profonde
* Josette LARUE-TONDEUR : Saussure et les anagrammes
* Josette LARUE-TONDEUR : Saussure et le personnage mythologique
* Alain LEMOSOF : Cliniques de lalangue et de la langue maternelle
* Janeta MASPERO : Saussure et le paradoxe des entités abstraites. La syntaxe, fait de parole ?
* Cécile MATHIEU : Des mots à la pensée au Cours de linguistique générale, rencontres et points de rupture
* Claudine NORMAND & Moustafa SAFOUAN : Différences, valeurs, négation: peut-on encore en dire quelque chose?
* Joëlle NOUHET-ROSEMAN : Les onomatopées en japonais: à mi chemin entre les pulsions et le langage, entre le mot et la chose. Qu'en est-il chez Saussure?
* Marina de PALO : La philosophie structuraliste face à Saussure et à la psychanalyse
* Maribel PENALVER : Un soupçon de folie sur Saussure
* Tereza PINTO : Être fou et ne pas être à lier: à propos des "fous de la langue" et de la notion de suppléance en psychanalyse
* Tiago RAVANELLO : L'affect depuis Lacan: éléments pour un traitement langagier de l’affect
* Jacqueline ROUSSEAU-DUJARDIN : Au prix le plus élevé
* Marlène SAINTE-MARIE PERRIN : Saussure un surdoué aux marges de la psychose
* Estanislao SOFIA : Du symbolisme freudien au formalisme lacanien: Saussure lu par Jakobson lu par Lacan
* Anne-Gaëlle TOUTAIN : La théorie de la psychose du psychanalyste Alain Manier: une articulation inédite entre linguistique et psychanalyse
* Izabel VILELA : Les "Souvenirs" de Ferdinand de Saussure
* Alain ZAEPFFEL : La souffrance de Ferdinand de Saussure
* Mareike WOLF-FEDIDA : Le bilinguisme sur les traces de Saussure. Approche psychanalytique et phénoménologique

Lieu
* Cerisy-La-Salle (50210) (Centre Culturel Internatinoal de Cerisy, Le Château)

Dates
* lundi 02 août 2010
* mardi 03 août 2010
* mercredi 04 août 2010
* jeudi 05 août 2010
* vendredi 06 août 2010
* samedi 07 août 2010
* dimanche 08 août 2010
* lundi 09 août 2010
* mardi 10 août 2010
* mercredi 11 août 2010
* jeudi 12 août 2010

Contact
* Centre Culturel International de Cerisy
courriel : info [point] cerisy (at) ccic-cerisy.asso [point] fr
Le château 50210 Cerisy-La-Salle

Source de l'information
* Michaël Morel
courriel : michael [point] morel (at) ccic-cerisy.asso [point] fr


Pour citer cette annonce
« Colloque de Cerisy : Saussure et la psychanalyse », Colloque, Calenda, publié le mardi 02 mars 2010, http://calenda.revues.org/nouvelle15884.html


samedi 13 mars 2010




Article paru
le 9 mars 2010


SOCIÉTÉ

La prison entre à l’hôpital

Lyon accueille la première « unité d’hospitalisation spécialement aménagée ». Une prison dans un hôpital, dénonce la CGT.


L’hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon, ouvre la première « unité d’hospitalisation spécialement aménagée », dans le parc de l’hôpital, dans un bâtiment de 380 mètres, derrière un mur de six mètres, bardé de caméras, avec accès direct au périphérique. Il s’agit d’accueillir, dans un lieu spécifique où cohabiteront personnels pénitentiaire et médical, des prisonniers souffrant de maladie mentale. Le projet initial prévoyait vingt-deux unités totalisant 748 lits. Seulement celui de Lyon ouvre pour l’instant, avec un an de retard. Vingt lits seront disponibles ce printemps, vingt autres cet été et les vingt derniers à l’automne, pour les détenus de Rhône-Alpes, Auvergne et Bourgogne. Un peu juste pour une population carcérale qui avoisine les 9 000 détenus, dont 30 % de malades mentaux. L’inauguration, prévue ce mercredi en présence du chef de l’État et des ministres de l’Intérieur et de la Santé, a été reportée.

Les syndicalistes CGT de l’hôpital, qui ont été les seuls, en conseil d’administration, à s’opposer au projet, avaient pris l’initiative d’une « nuit blanche de résistance », organisée ce soir. Celle-ci est maintenue. Plus d’une vingtaine d’organisations, syndicats ou collectifs (CGT santé, FSU, Syndicat de la magistrature, SUD santé, PCF, Parti de gauche, Gauche unitaire, NPA, Appel des appels…) appellent donc à débattre du rôle de la psychiatrie et de la réponse sécuritaire aux dysfonctionnements de la société. C’est à partir de 19 heures, au Vinatier, salle des organisations, près de la chapelle.

Emilie Rive


UN MONDE SANS FOUS ?
un livre et un film
de Philippe BORREL










Un monde sans fous ? par BORREL Philippe
Collection : Questions actuelles
dirigée par Yannick Breton
Nombre de pages : 176
Version imprimée (Livre)
18.00 € Nouveauté
Éditeur : Champ Social Editions
ISBN : 9782353710805
Année d'édition : 2010


Réservez cette date :

Mercredi 31 mars à 20h00
Projection en avant première du film
Un monde sans fous ? de Philippe Borrel - 66 mn
Une coproduction CINETEVE - Forum des images
au grand auditorium du Forum des images - 2 rue du Cinéma - 75001 Paris

La folie déborde dans les rues et en prison. En 30 ans, plus de 40 000 lits d'hospitalisation ont été fermés sans que suffisamment de structures alternatives de prise en charge aient vu le jour, et nous assistons depuis quelques années au retour des chambres d’isolement, des camisoles et des médicaments administrés sous contrainte.

Faute d’avoir trouvé une prise en charge adéquate dans les services d’une psychiatrie publique en crise profonde, les malades psychotiques chroniques se retrouvent de plus en plus exclus de notre société. Et au même moment nous assistons au retour des chambres d’isolement, des camisoles et des médicaments administrés sous contrainte.

Pourtant des voix s'élèvent pour dénoncer ce climat de violence et d’abandon que l’on pensait aboli.

En 2010, le parlement Français doit voter une réforme de la psychiatrie et fixer les objectifs d'une nouvelle politique de santé mentale. On ne parle plus de folie mais de troubles cérébraux... plus de malaise dans la société mais de comportements à rééduquer...
En encourageant des programmes de détection et de prévention dans les écoles ou dans les entreprise, la santé mentale ne concernera pas les seuls malades psychiques, ou leurs familles, mais l'ensemble des Français.

Avec Roland Gori, Marie-Anne Montchamp, Hervé Bokobza, Yves Agid, Olivier Labouret, Marion Leboyer, Patrick Chemla, Christophe Dejours, Michaël Guyader, Franck Chaumon, Serge Portelli, Jean Oury, Emmanuelle Perreux, Pierre Suesser, Brigitte Font le Bret, Sylviane Giampino, Catherine Paulet, Mathieu Bellahsen, Catherine Herszberg et des soignants, et des patients.
Une coproduction CINETEVE - Forum des images avec la participation de France Télévision et de Planète version 52 mn le mardi 13 avril 2010 à 20h35 sur France 5 version 66 mn à partir du 20 avril 2010 sur http://www.mediapart.fr/




L' "A quand l'amour ?" de Jean Allouch
[mardi 09 mars 2010 - 12:00]

PSYCHANALYSE

Résumé : L'incontestable chef-d'œuvre d'un genre bien spécial, le "commentaire raisonné" de Lacan, servi par une liberté de ton, une passion pour la psychanalyse, et une érudition exemplaires.

Pierre-Henri CASTEL









L'AMOUR LACAN
Jean Allouch
Éditeur : EPEL
33,25 €


"L'un des plus curieux sillages de 1968 sera de susciter dans l'Université et ses alentours, jusque dans les endroits les plus inattendus, des séminaires de "lecture de Lacan" qui, pour le malheur de la littérature universelle, n'ont pas trouvé leur Flaubert" . Pour être cruel, ce mot de Marcel Gauchet n'en est pas moins juste. N'est-il pas politiquement et intellectuellement stupéfiant que, trente années après la mort de Lacan, dans un univers où la linguistique, la psychologie, les sciences humaines et sociales, les arts et la littérature (je ne parle même pas de la psychiatrie) se soucient de la psychanalyse comme d'une guigne, de nouvelles générations de jeunes gens remplissent encore les amphithéâtres pour recueillir de la bouche des élèves des élèves de Lacan une interprétation enfin éclairante de ses propos les plus obscurs ? Le plus sidérant en l'espèce, c'est qu'un travail qui fut en son temps aussi sensible aux avancées contemporaines, qui affûtait les oreilles des auditeurs en sorte de leur faire lire, bien avant leur vogue ultérieure, la linguistique structurale, la philosophie analytique, et mille autres choses recueillies à même le bouillonnement de l'époque, se soit pendant ces trente années transformé en un ensemble dogmatique aussi rigide, aussi imperméable à la vie réelle des sciences, et pas simplement de la médecine, pour ne rien dire de la vie sociale , n'accueillant pour finir, et encore, avec des pincettes, que la partie la moins menaçante de tout ce qui se passe et se dit autour de nous. D'où ce paradoxe que les mots-clés de la doctrine ne sont plus désormais intelligibles qu'en consultant des dictionnaires historiques ("signifiant", "structure", etc.), tandis que le gros des défenseurs explique sans rire aux nouveaux disciples médusés que c'est l'époque, notre bien triste époque, qui résiste, elle, à la vérité inaltérable du lacanisme.

Il est amer de constater combien les moins imitables des penseurs, ceux qui n'auront eu de cesse de s'étonner qu'on puisse même les suivre un tout petit peu dans des voies frayées pour résoudre leurs plus intimes difficultés (et je pense à Wittgenstein autant qu'à Lacan), auront suscité tant d'épigones, de commentateurs obséquieux et d'insupportables rabacheurs, ne retenant d'eux qu'une inexpugnable totalité d'énoncés finement agencés, moins l'essentiel : la voix solitaire de qui les prononçait sans se prendre, lui, pour leur auteur. C'est donc avec un mélange d'anxiété et de prévention soupçonneuse (que calme à peine le doux frisson de la main se tendant timidement vers un livre sur l'amour, un regard en coin vers les autres clients de la librairie, un ange muet sur la couverture pour unique complice), qu'on fera discrètement l'emplette du pavé de Jean Allouch.Car Allouch (et le petit groupe auquel il rend hommage à la dernière page de son livre) fait partie des très rares qui échapperont, peut-être, au Flaubert que leur promet Gauchet. Mais si c'est bien un jour le cas, se dit-on à la dernière page, encore sous le choc de l'émotion la plus vive qu'un simple amoureux de Lacan ait ressenti dans toute sa vie de lecteur, ç'aura été de haute lutte. Car le défi relevé dans L'amour Lacan ne peut apparaître, après coup, que plus énorme.

Disons donc tout d'abord que le livre d'Allouch s'appuie sur un relevé exhaustif, au sens de la philologie la plus rigoureuse, des références de Lacan à l'amour. C'est un labeur dont bien peu se soucient, hors des études anciennes, et ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si David Halperin, le grand scholar américain, se trouve pour finir remercié. Comme je suis bien décidé à épouvanter le lecteur, ou à lui faire écarquiller les yeux d'incrédulité, j'ajouterai qu'Allouch n'a pas seulement relevé toutes les occurrences de l'amour chez Lacan. Il les a minutieusement contextualisées, et, comme il se doit quand on pratique comme il se doit l'histoire des sciences et des idées, il en a expliqué le sens et la portée dans les moments successifs de l'élaboration de Lacan, il en a défendu la pertinence contre des objections sérieuses, psychanalytiques mais aussi philosophiques, et il en a dissipé l'obscurité de façon convaincante, en les extrayant de la gangue oraculaire et mystificatrice où la négligence intéressée des commentateurs (qui veillent à ne pas gâcher aujourd'hui leur pain du lendemain) les avaient tout simplement abandonnées.
C'est ce dernier trait qui retiendra d'abord l'attention.
Car, avec Lacan, certains décoiffent. Allouch décape. Tout sort de ses mains patientes et précises plus brillant et plus tranchant. Et cependant, seconde surprise, l'éclat des grandes formules de Lacan sur l'amour s'avère, dans l'opération, ne jamais procéder exclusivement de lui. Foin du mythe du génie solitaire : mille sources poétiques, théologiques, d'innombrables tableaux (ce qui est une surprise : Lacan et la peinture. de l'amour !), des pièces de théâtre, d'autres textes souvent oubliés projettent sur ces propositions leurs lumières propres : c'est un peu des années 1950, puis des années 1960 et 1970 qui revivent alors, et qui nous restituent un Lacan bien attachant dans sa curiosité inaltérée pour tout ce qui l'entourait. En même temps, c'est sa vraie fragilité qui s'expose : ce dont il disposait, ce qu'il s'appropriait sans le dire, ce dont il dépendait et qui pouvait d'un moment à l'autre lui retirer son appui.
Bref, Allouch nous montre une continuelle expérience de la pensée qui n'a rigoureusement rien à voir avec un système en train de se former (sauf quand il est à la mode, et pratique pour recruter, d'en fabriquer un) - en somme, la vie quand on sait qu'on en a qu'une, et qu'on s'est bien pénétré de ce que son nom propre finira un jour par s'effacer sans retour. Ce Lacan rafraîchi, sinon décrassé, ce n'est plus un Lacan qui ne dit que ce qu'il aurait voulu dire. C'est un Lacan qui en dit à la fois bien plus et bien moins, un Lacan qui se trahit dans ses apories, un Lacan qui ne s'entend pas se dépasser lui-même en se heurtant aux multiples impossibilités contre lesquelles il se cogne. C'est un Lacan dont on peut enfin sourire quand il nous fait le coup du "retour à Freud". C'est un Lacan dont on découvre à quel point il aura recouru à la formule "Jamais, ô grand jamais je n'ai dit une chose pareille" pour se dégager en bouffonnant de positions défendues avec acharnement pendant des années - laissant ses auditeurs bien en peine d'en comprendre le pourquoi.

Titre du livre : L'amour Lacan Auteur : Jean Allouch Éditeur : Epel Collection : Monographie Date de publication : 27/10/09 N° ISBN : 2354270100





http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2010/02/23/canular/

Canular : Perec, reviens, ils sont devenus fous !









Il y avait déjà les écrivains Émile Ajar et Jean-Baptiste Botul, les artistes Nat Tate, Sacha Ackas, Art Keller et le collectionneur Paul Devautour, voici l’artiste brut Marco Decorpeliada. Son nom sonne déjà comme désincarné. Souffrant de graves problèmes psychiatriques, il entreprend d’établir une correspondance entre le catalogue des maladies mentales DSM IV et le catalogue des surgelés Picard. C’est ainsi qu’à 64.0 ‘Troubles de l’identité sexuelle adulte’ correspond 64.0 ‘Crêpes dentelle’, etc… ad nauseam.

Exposé dans les tréfonds de la Maison Rouge jusqu’au 16 mai, c’est en soi moyennement drôle et assez simpliste. Ça l’est moins (drôle) quand on découvre que les auteurs de ce canular artistique sont, à côté d’un OuLiPien de renom, des psychanalystes lacaniens regroupés dans l’OuPsyPo* (c’est à partir de leurs noms qu’a été forgé le nom De Cor Peli Ada) et qu’on devine derrière leurs propos une attaque contre la psychiatrie hospitalière et les thérapies comportementales. Pour peu qu’on se sente un peu concerné par ce sujet, on en sort assez furieux. Tout le monde n’est pas Georges Perec.

* au nom fluctuant : Ouvroir de Psychiatrie ou de Psychanalyse Potentielle ou Poentielle, selon les sources, voire même OUSPYPO en 4ème de couverture du ‘livre‘ de Decorpeliada. C’est sans doute voulu, je le crains…

L'interne et le labo

L'hiver du piano
Bla bla parfois musical, souvent photographique, médical, pianistique..

jeudi 4 mars 2010

Il y a quelques semaines, Madame "Zyprexa" ® m'aborde de bon matin dans le couloir; pour une fois, allez je vais rester plus de 3 secondes avec elle... Elle commence tout de suite à me demander si j'ai reçu l'invitation à la conférence prochaine organisée par son labo... je cherche en vain dans ma mémoire, je ne retrouve pas mais lui dis "je n'irais pas"; elle me regarde, très étonnée, en me disant "ah bon, mais pourtant c'est trèèèès important, c'est une formation (sic) pour la nouvelle forme retard du ZYPREXA ®".
Je lui souris et lui redis "oui mais je ne pourrai y aller". Elle répond de nouveau "ah mais vous savez, c'est une formation OBLIGATOIRE pour les internes comme vous". Là j'ai du hausser un sourcil. Elle insiste "vos collègues y vont vous savez". Je re-hausse un sourcil. Elle me dit alors "si vous ne pouvez vraiment pas venir à cette formation OBLIGATOIRE, alors il faudra qu'on prenne rendez-vous pour que vous puissiez vous former -mon cerveau rit- via internet et vidéo- conférence -hein mais qu'est ce qu'elle dit...-.
Elle garde son petit air mi-outré mi-culpabilisateur -comment! une interne en psychiatrie en pleine formation qui n'est pas attachée à sa formation !- et me dit que "c'est dommage tout de même". En passant je lui ai glissé tout de même mes humbles réflexions sur l'effet indésirable du mécanisme désinhibiteur du CYMBALTA ® (même labo que le ZYPREXA ®) en début de traitement et la survenue de TS dans les premières semaines de traitement (constation faite dans mon travail aux urgences; aussi constaté pour le SEROPLEX ®), encore une fois, petit air outré et réponse "ah oui, le SEROPLEX, OUI IL EST DESINHIBITEUR, mais alors NON, le CYMBALTA on ne connaît pas cet effet là...". -Parle à mon cul, ma tête est malade... -L
a prochaine fois, maximum 3 secondes, au bout de 20 je ne sais plus quel attitude adopter...









« Si tu me regardes, j’existe » ou la folie du vide au théâtre

Quatre jeunes comédiennes prennent des risques avec « Si tu me regardes, j’existe », une pièce au sujet fort : l’anorexie. Défi relevé avec brio. Nous les avons découvertes la saison dernière : elles reviennent "à la folie Théâtre" dès le 14 janvier. A ne pas rater.
L’esquisse…

Claire, toute de blanc vêtue dans un sombre univers, glisse dans le monde sans faire de bruit. Sans prendre de place. Pourtant, dans son esprit, c’est le chaos. L’anarchie des voix qui lui dictent la marche à suivre pour être la belle, saine et judicieuse femme qu’elle voudrait être. Ces voix lui ordonnent de s’effacer, l’agressent en permanence. Tout comme le font ces gens bruyants qui gravitent autour d’elle. Claire n’a pas de répit. Claire est anorexique. Elle ne veut plus grandir, craint les changements, refuse d’affronter la vie qui lui échappe et se cloître dans sa chambre.
Là, elle se focalise sur ses souvenirs d’enfance, ses angoisses alimentaires, ses devoirs d’éliminer, de se purifier, sur son poids, sur son corps qu’elle modèle jusqu’à la disparition … Elle se concentre sur le maîtrisable en somme.












La critique [réjouie] d’A-Laure B.

« Si tu me regardes j'existe » ne parle pas qu’aux anorexiques en quête d’échos à leurs maux ni seulement à leurs proches, qui chercheraient à les comprendre. « Si tu me regardes j'existe » parle de l’anorexie sans tomber dans les innombrables et stupides clichés qui lui collent habituellement aux os. Il est ici question de ce qui se trame dans l’esprit des malades, des non-dits qui défilent dans leurs regards. Des rites, des peurs irraisonnées, des sentiments d’agression engendrés par la nourriture, par les autres, du poids du corps sur l’image de soi, du regard des autres, de l’incompréhension de l’entourage, du besoin de contrôle, des obsessions de pureté … Toutes ces choses ficelées à cette pathologie, qui dépassent la malade elle-même.








La mise en scène vise le minimalisme pour retranscrire le quotidien et des êtres chers. Pas de décor, peu d’accessoires. Quelques effets de lumières, de sonorisation aussi. Cependant, ils restent secondaires. Car l’essentiel n’est pas là. Mais dans les incessants monologues parallèles, qui se répondent et se nient dans la même tirade. Les choix scéniques évoquent parfaitement les luttes internes des anorexiques, tiraillées entre deux mondes. D’un côté, le leur ; de l’autre, celui de la vie (représenté ici par les parents de Claire, sa famille, ses voisins, ses propres élans avortés).

Pour sa première création théâtrale entièrement écrite (en italien, puis traduite) et mise en scène par ses soins, la dramaturge, à qui le sujet de l’anorexie tenait à cœur, s’est entourée d’une jeune distribution. Les quatre comédiennes ont entre 19 et 26 ans, et côtoient la scène ou les plateaux de cinéma depuis une dizaine d’années pour les plus expérimentées. Elles ont su transmettre du souffle au poétique texte de Francesca Volchitza Cabrini. Marion Monier (qui incarne Claire) est surprenante. Sa capacité à moduler les expressions de son visage lorsque les voix lui assènent des coups est saisissante. Glaçante parfois. Vanessa Bile-Audouard, Charlotte Victoire Legrain, Giada Melley détonnent par leur aptitude à passer d’un personnage à un autre (et même à un personnage masculin). Elles ont su donner corps à leur voix. Et ce ne sont pas les petits couacs dans le texte au cours de cette deuxième représentation qui aurait gâché le plaisir du public.

Tension et vitalité se mêlent dans « Si tu me regardes j'existe ». La pièce emporte, ouvre une porte sur une maladie que l’on croit connaître, pousse à changer de point de vue. Des comédiennes efficaces et un texte ciselé pour une pièce nécessaire.

A la Folie Théâtre
6, rue de la Folie Méricourt 75011 Paris

Du 14 janvier au 14 mars 2010
Du Jeudi au Samedi à 22h
Le dimanche à 18h
Réservations : 01 43 55 14 80 / Fnac Spectacles











Lobbying : le canal hollywoodien











Le film Awake (« Conscient ») a remporté un certain succès aux États-Unis à sa sortie en 2007. Tourné à New York, c’est l’histoire terrifiante d’un éveil anesthésique – un patient, suprême cauchemar, revient à lui alors qu’il se trouve sur la table d’opération. Les Américains découvrent que la situation, même rarissime, peut se présenter. Ils apprennent, par la même occasion, qu’une nouvelle technique permet d’éviter un réveil prématuré grâce à un savant dosage de l’anesthésie. « Du jour au lendemain, on a vu des patients arriver et nous demander si on avait acheté l’équipement en question », relate un médecin new-yorkais. Pour qui l’anecdote illustre le pouvoir d’influence de l’industrie santé aux États-Unis. « Au départ, le labo avait voulu vendre son nouvel équipement aux anesthésistes, mais les médecins se sont montrés peu enthousiastes, considérant qu’ils avaient déjà les moyens d’éviter les réveils anesthésiques. Le labo a alors fait pression sur les patients, via ce film. Difficile, ensuite, de tenir tête aux patients. Qui se comportent en clients, en exigeant tel médicament après avoir entendu une pub à la radio ou à la télé. »

Le Quotidien du Médecin du 04/02/2010