Derrière la vitre blindée, le douanier italien hésitait. Avait-il mal lu ? Non, le passeport albanais ouvert devant lui était bien celui d'une femme. Mais la main qui le lui avait tendu était celle d'un vieil homme. Etrange personne, en vérité, avec ce visage buriné, ces cheveux argentés coiffés d'un béret repoussé sur le côté, façon militaire, et cette voix grave. Mettant fin à ses atermoiements, le fonctionnaire déclara ce qui s'imposait : « Il y a un problème, monsieur, c'est un passeport de femme, alors que vous êtes un homme. »
Une semaine plus tard, Diana (son prénom a été changé) raconte la scène avec un mélange d'amusement et d'indignation. Pour qui se prenait-il, ce douanier italien ? Elle a insisté : « Si, c'est bien moi. » Et le fonctionnaire s'est excusé. « Passez, madame. Enfin, monsieur. »
Madame ou monsieur ? La question se pose. Diana est une burnesha, une des dernières « vierges jurées » albanaises, des femmes ayant choisi de vivre en homme pour échapper à la domination d'un système patriarcal. De devenir socialement des hommes, au prix d'un vœu de virginité et de célibat. Socialement seulement : le fait n'a aucun rapport avec une sexualité lesbienne ou une transformation physique.