par Christian Lehmann, médecin et écrivain publié le 21 mai 2023
L’OMS a sifflé une fin de partie. Le virus est toujours là, mais les mesures barrière ont été reléguées aux oubliettes. Rares sont ceux qui s’inquiètent encore de sa propagation en l’absence de suivi. La solidarité et les beaux discours ont cédé à la reprise économique. Tant que les hôpitaux peuvent encaisser, tant que le vaccin réduit suffisamment la gravité d’une infection pour qu’un travailleur atteint ne soit pas contraint d’arrêter son activité, tant que l’économie tourne, nul besoin de faire davantage d’efforts. Les immunodéprimés peuvent crever, mais pas les usines. Le gouvernement a d’ailleurs repris le cours des réformes, tandis que les bruits de casseroles résonnent. Les néonazis paradent dans Paris avant de faire la fête à coups de saluts nazis dans l’espace Simone Veil. Des extrémistes brûlent la maison d’un maire trop solidaire avec les migrants à leur goût. Bref, tout va bien dans notre monde. Mais il existe un autre monde, un monde parallèle, que l’on découvre en visitant la commune de Saintes en ce week-end de l’Ascension. Saintes, où l’association covido-sceptique Réinfoliberté a attiré 1 500 personnes pour des conférences sans contradicteur. Alexander Samuel, enseignant, docteur en biologie moléculaire, fait partie des rares vigies qui observent ce monde parallèle :
«Dans ce monde, l’extrême droite n’affronte plus l’extrême gauche. Personne ne dénonce la proximité avec des néonazis, fascistes ou autres extrémistes. Tout est amour et paix. Pourtant, ce monde parallèle est au final plus inquiétant que le monde réel. On y entend certains responsables politiques exprimer les idées les plus crasses, mais personne ne s’en offusque. Tout y est relatif, tout y devient possible, il suffit de “remettre en cause ce qu’on pense”, ou plutôt ce que le cabinet McKinsey et la doxa nous auraient imposé. Dans ce monde parallèle, les “résistants” autoproclamés avaient raison. Leur orgueil est à l’épreuve des faits. Il suffit de réécrire l’histoire de la pandémie en insistant sur l’inutilité du confinement, des masques et des vaccins. La première journée s’ouvre sur une réaction très virulente à une défection inattendue. Ancienne alliée prompte à dérouler les narratifs conspirationnistes, la députée européenne Michèle Rivasi s’est désengagée par tweet à la dernière minute, après avoir été rappelée à l’ordre par Marine Tondelier. ”La science mérite mieux que l’extrême droite”, tweete-t-elle. Devant un public aussi confus, ces mots ne passent pas. Les politiciens invités sont pourtant tous bien identifiés : que ce soit Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan, Virginie Joron (eurodéputée RN), Jean Lassalle, Jean-Frédéric Poisson ou Laurence Muller-Bronn, qui a parrainé la candidature d’Eric Zemmour.