Par Jean-Baptiste Jacquin Publié le 26 septembre 2019
REPORTAGEAlors qu’une réforme de la justice des mineurs est à l’étude, « Le Monde » a constaté, au tribunal pour enfants de Chartres, le manque de moyens auquel sont confrontés les juges, qui pénalise les mesures de protection ou de sanction.
Yasmine, 4 ans – tous les prénoms des enfants ont été changés –, prend la petite chaise en plastique bleu ciel et la pose au pied du bureau de la juge. Maintenant qu’elle s’y assoit, on ne voit plus que ses yeux de jais et sa chevelure noire dépasser du bureau.
Seule face à Marie Limousin, juge des enfants au tribunal de Chartres (Eure-et-Loir), et à sa greffière, la fillette semble perdue dans cette grande pièce mansardée. Sa mère, dans la salle d’attente, a été rejointe par ses autres enfants – Esma, 8 ans, et Bilal, 11 ans et demi, déjà entendus séparément par la juge. Yasmine répond à peine à quatre ou cinq questions, puis se frotte les yeux. « Tu es fatiguée ? » La juge n’insiste pas.
L’entretien avec la mère, une femme approchant de la quarantaine vêtue d’une robe d’été bleu nuit à fleurs blanches, est d’une autre nature et se tend très vite. Ses enfants risquent de lui être enlevés pour être placés, et elle entend s’y opposer. Le père, convoqué à cette audience et informé de l’enjeu, n’est pas venu. « Il dit toujours qu’il vient nous voir demain, et il ne vient pas », a confié Bilal. Le couple est séparé depuis décembre 2018. Six mois d’hébergement d’urgence à l’hôtel ont suivi grâce au dispositif Relais Logement avant de trouver une solution dans un quartier défavorisé de Dreux.
Installée depuis deux ans à Chartres, son premier poste en sortant de l’Ecole nationale de la magistrature, Mme Limousin, 28 ans, rencontre cette famille pour la troisième fois en audience d’assistance éducative. Ces audiences civiles sont destinées à mettre en place un accompagnement des familles en grande difficulté dans la prise en charge des enfants ou à décider des mesures de protection de mineurs en danger.