En consentant à se laisser enseigner par ses patientes hystériques, Freud a découvert l’inconscient auquel une dimension jusque là inconnue et irrépressible du désir donne sa logique si paradoxale. Sans oublier celle, toute subjective et jouissive, de la vérité qui y tient le haut du pavé, que ce soit sous sa forme traumatique ou fantasmatique et qui se manifeste dans le symptôme.Car, avec l’hystérie, c’est le « mystère du corps parlant » qui vient au premier plan et qui s’affiche dans ses débordements de jouissance comme dans sa géographie anatomique aberrante. Quel sens donner à cette jouissance ?C’est dire combien l’hystérique sait faire parler l’inconscient mais aussi animer la structure au point que Freud a fait de l’hystérie le noyau de toute névrose et Lacan, un discours, autrement dit, un lien social. En faisant de sa division subjective, étendard, l’hystérique n’est-elle pas celle qui montre à ciel ouvert la condition de sujet de toutparlêtre ?C’est dire aussi qu’après plus de 50 ans de DSM, malgré l’éradication du terme dans la nomenclature médicale et après plus de 4000 ans de fidèle compagnonnage, l’hystérie est toujours aussi actuelle. C’est pourquoi, elle continue de rester une question cruciale pour la psychanalyse et, dans ses présentations les plus modernes, de servir de guide aux psychanalystes face aux effets des bouleversements de notre société sur la subjectivité.
Quel est le moi, qu'il soit de pixels ou de chair et de sang, sans le prolongement de l'autre ? Evoquant L'Exposition de soi. Du journal intime aux webcams d'Anne Cauquelin (Eshel, coll. "Fenêtre sur ", 2003), Arnaud Genon écrit sur Fabula.org qu'"au support premier de l'écriture de soi, la feuille de papier ou le livre, s'ajoutent aujourd'hui des cyber-supports tels que le journal sur Internet ou la webcam. C'est ainsi qu'il nous faut désormais parler "d'exposition de soi", cette formule permettant de prendre en compte ces nouveaux moyens d'expression" (bit.ly/YDDCyl).
Une exposition de soi, une "tendance expressiviste", qui, selon le sociologue Dominique Cardon, en octobre 2008, "n'est pas près de s'éteindre" (bit.ly/YDDyyq), pointant que "l'identité numérique est moins dévoilement que projection de soi".
Les résultats d'une enquête ("Sociogeek") pointaient, en 2008, l'émergence de deux nouvelles formes d'exposition, en marge des modalités classiques que sont l'exposition de soi traditionnelle et l'impudeur corporelle. Ces deux nouveaux archétypes, toujours pérennes en 2013, sont l'exhib', "qui correspond aux formes d'expression de soi selon lesquelles les personnes se mettent en scène" et le trash, ses "formes d'expression de soi outrancières" et ses "images négatives" (bit.ly/14uyHQH).
CULTURE DE L'ÉGOTISME EFFRÉNÉ ?
"Exposition", selon les termes d'Anne Cauquelin. "Projection", pour Dominique Cardon. Une terminologie associée aux arts et à la société du spectacle ? Sommes-nous en représentation, sur la scène de nos écrans, sur les planches virtuelles du Web, prêts à accrocher notre "moi éditorialisé" sur les murs de nouveaux e-musées ? Culture de l'égotisme effréné, dans le seul but de se constituer un capital social, voire un patrimoine culturel du soi ?
The Museum of Me, d'Intel.com, invite l'internaute titulaire d'un compte Facebook à "créer et explorer les archives visuelles de sa vie sociale"(intel.ly/11duMDk). L'individu, metteur en scène de sa vie sur "èfbi" fait dès lors son entrée au musée. Gros plan sur le titre de cette rétrospective : "Marlène Duretz", en lettres capitales, suivi des dates de l'exposition. Un panorama horizontal permet au visiteur de pénétrer dans la première salle et de découvrir les tableaux de l'"artiste". Sans le moindre égard pour le droit d'auteur, les photographies et reproductions engrangées sur mon Facebook deviennent ici "mes" créations.
La visite continue : une scénographie élégante et des installations originales et variées valorisent mes statuts, commentaires, profils et publications. Quelle démonstration, certes esthétiquement irréprochable mais nombriliste, de l'"exposition du soi" ! Encore heureux que l'entrée soit gratuite.
Marlène Duretz (C'est tout Net)