16 octobre 2014
« Patient et soignant sont tous deux des humains. Ils arpentent tous deux la route dangereuse, imprévisible et finie de la vie. Peu de chose, symboliquement, les différencient. En pratique, ce qui les sépare est leur situation. Le patient est un humain tombé dans un fossé (un ravin, un gouffre) et souffre. Il demande de l’aide à ses proches et, parfois, à un soignant. Le soignant est un humain qui dispense des soins. Parfois c’est un geste spontané, désintéressé ; parfois, c’est un métier choisi et il en vit. Dans un cas comme dans l’autre, c’est son attitude qui fait de lui un soignant, et non son statut. » Ces paroles de M. Winckler lors de la Conférence d’éthique clinique à Paris en avril 2014, situent d’emblée les enjeux de ce qui nous rassemble : notre humanité commune (patients et soignants) et l’hospitalité nécessaire à la souffrance psychique.
Pour nous, la relation est première dans toute démarche de soin. Seule garantie d’une prise en charge cohérente, elle repose sur l’existence d’espaces de travail et d’élaboration collectifs dans lesquels chacun s’engage, s’appuyant sur ce collectif dans les difficultés auxquelles le travail le confronte. Pour nous, ceci est nécessaire aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé (libéral et institutionnel. Car, l’existence d’une fonction soignante ne va pas de soi, elle doit être remise en cause chaque jour pour chaque patient. Pas de recette à priori, mais une élaboration des expériences du quotidien, tant dans leur banalité que dans leurs impasses, et de façon régulière avec d’autres soignants.
On constate de plus en plus un manque d’attention à l’égard des patients et des familles, des contraintes pour imposer aux patients une continuité de ce qui ne peut plus avoir le nom de « soin ». Car le soin consiste avant tout à travailler la qualité du lien thérapeutique, ce qui est le contraire de la démarche qualité qu’on nous impose aujourd’hui. En effet, le soin ne peut être de qualité que si est pris en compte le lien des soignants avec les patients, leur famille, leur environnement ainsi que le lien des patients entre eux et celui des soignants dans l’institution qui les abrite.
Or il n’y a plus d’abri pour le soin aujourd’hui.
Comment en est-on arrivé là ?
Depuis 2007, avec la Révision Générale des Politiques Publiques, puis avec la Loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST), suivie en 2012 par la Modernisation de l’Action Publique (MAP), les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de transformer le Secteur et le Médicosocial en entreprises soumises à la concurrence du privé dans des missions de service public. Ils ont ainsi transformé ceux qui se trouvent sur une route difficile, du fait de multiples facteurs autant subjectifs que sociétaux, en simples clients auxquels est faite l’offre d’un panel de réponses codifiées : le modèle hégémonique proposé est celui d’un homme dont la vie et l’existence sont réduites à un ensemble de neurones à médiciner et de comportements à rééduquer, réduisant les professionnels de la santé et du médicosocial à n’être que de simples « techniciens ».
La Haute Autorité de Santé (HAS), avec son volet «Psychiatrie» dont nous demandons la suppression, est une machine qui produit en continu des normes et des techniques qui n’ont rien à voir avec le lien thérapeutique tel que nous l’entendons, patients, familles et soignants réunis dans le Collectif des 39. La notion de « profession » et celle de « soin » sont abolies dans cette orientation