Rassemblant plus de 300 œuvres venues de 21 pays, le Kunstforum réhabilite les créations surprenantes de femmes internées, célèbres ou méconnues.
«Sans titre», vers 2016, de Misleidys Castillo Pedroso. Photo Misleidys Castillo Pedroso
Dans le sillage du mouvement #MeToo, les expositions consacrées aux femmes artistes fleurissent un peu partout. C’est ainsi que le Kunstforum de Vienne, en Autriche, rassemble 93 femmes de l’art brut, une initiative inattendue et bienvenue, imaginée pourtant (nous assure-t-on là-bas) avant l’apparition de la déferlante. Vingt ans après l’expo «Kunst und Wahn» qui explorait les liens entre art et maladie mentale, le Kunstforum réitère la thématique, mais cette fois-ci avec des femmes artistes. «A l’époque, nous n’avions montré que des hommes. Il était temps de compléter cette première expo par un deuxième volet consacré aux femmes»,affirme Veronika Rudorfer, commissaire de «Flying High» qui a réuni plus de 300 œuvres venues de 21 pays. Le titre, que l’on peut traduire par «voler haut», s’inspire d’une magnifique aile d’oiseau de la Tchèque Anna Zemankova (1908-1986). Dessiné aux crayons de couleur, composé de papiers découpés et de broderies, l’ouvrage de patience très coloré semble puiser sa délicatesse dans une force souterraine.
Sucettes.
Artiste contrariée par ses parents qui l’exhortent à devenir prothésiste dentaire, Anna Zemankova, qui a dû arrêter de travailler pour élever ses enfants, entre en dépression après la mort d’un de ses fils. Amputée de ses deux jambes à cause d’un diabète, elle se met à dessiner à l’âge de 50 ans, de 4 à 7 heures du matin et dans une sorte de transe. Ses œuvres élégantes - un herbier fantastique poussant dans un jardin merveilleux -, font désormais partie des classiques de l’art brut, cet art des marginaux et des autodidactes défini par Jean Dubuffet. Venues justement de la collection de Lausanne initiée par Dubuffet - où sont conservées les œuvres de patients psychiatriques, de prisonniers et d’artistes réprouvés - les sensibles réalisations d’Anna Zemankova s’insèrent parfaitement dans le parcours du Kunstforum.