REPORTAGE Dans les quartiers du nord et de l’est de la capitale, sans-abri et toxicomanes errants sont les dernières âmes qui vivent dans les rues désertes. Le secteur associatif tente de leur venir en aide, alors qu’ils sont surexposés à la maladie.
Nul ne veut mourir seul sur le boulevard de la Chapelle. Allongé sur le bitume crasseux, le corps comme désarticulé, appuyé sur le grillage qui surplombe les trains de la gare du Nord, un homme d’une cinquantaine d’années quitte doucement ce monde à l’arrêt. Hagard et désorienté, il ne prête même plus attention à Barbès et à ses rues vides où, ce vendredi 10 avril vers 17 heures, ne grouillent plus que des petits dealeurs et des toxicomanes aguerris à toutes les combines de la survie dans Paris.
Même les rayons de soleil de ce printemps qui démarre paraissent l’accabler un peu plus. Il n’a ni toit ni d’autres habits que cette tenue d’hôpital trop large pour son corps fluet. Il ne parle plus. Des pompiers ont été alertés par des policiers écumant les 10e et 18e arrondissements, qui suspectent une infection au coronavirus.
Depuis la mise en place du confinement, il n’est plus possible de regarder ailleurs. Les ombres qui errent en quête de survie ont investi le nord-est de Paris. « On ne fait quasiment plus que du Covid-19 », dit l’un des policiers, inquiet de la dégradation rapide de l’état de santé de l’homme sans nom. Un pompier en combinaison intégrale tente de le soulager en lui apportant de l’oxygène médical. Il faut le transporter à l’hôpital Lariboisière, tout proche. Il est bientôt 18 heures. Il ne mourra pas sur le boulevard de la Chapelle.