La prise en charge de la schizophrénie est quelque peu paradoxale, soulignent deux psychiatres australiens : alors que «la plus grande part de l’invalidité » liée à cette affection résulte de sa symptomatologie négative (aboulie, amimie, apragmatisme) et de son impact sur le fonctionnement cognitif, nos traitements ciblent toujours principalement la réduction des symptômes positifs (hallucinations, délire). Pourtant, la responsabilité majeure des symptômes négatifs est bien établie dans la « limitation de la capacité du sujet à nouer des relations, à obtenir un travail, à assurer son autonomie et sa sécurité financière. »
Il est certes utile de combattre à court terme les signes positifs de la maladie, comme le permettent généralement les neuroleptiques disponibles, mais il serait au moins aussi important (voire davantage) de réduire sur le long terme les difficultés liées à la symptomatologie négative, aux troubles cognitifs et à leur impact préjudiciable sur la qualité de la vie des intéressés. Cet objectif de réhabilitation personnelle et sociale des schizophrènes représente probablement le plus grand défi à relever dans leur prise en charge, parallèlement à l’amélioration de leurs mauvaises conditions de santé somatique.
Si l’avènement de neuroleptiques ciblés sur les symptômes négatifs et le dysfonctionnement cognitif ne paraît pas encore d’actualité, il existe d’autres types d’interventions, rappellent les auteurs, que nous pourrions promouvoir, pour pallier le manque de traitements médicamenteux à ce sujet. Il est regrettable que ces interventions de type psychosocial (proches par exemple des actions proposées en France par les Services d’Accompagnement à la Vie Sociale) [1] demeurent sous-utilisées, d’autant plus qu’elles existent depuis une quarantaine d’années et ont déjà fait preuve de leur efficacité. Mais une étude récente montre qu’à peine plus d’un tiers des psychotiques (36,5 %) avait participé, dans les douze mois précédents, à un tel programme de « réhabilitation communautaire » (community reha¬bilitation) ou à une autre forme d’intervention psychosociale. Il est donc urgent, affirment les auteurs, de promouvoir ce type d’interventions psychosociales qui devraient être « au centre de nos prestations plutôt qu’à la marge. »
Dr Alain Cohen
Harris A & Boyce P : Why do we not use psychosocial interventions in the treatment of schizophrenia ? Australian & New Zealand Journal of Psychiatry, 2013; 47: 501–504
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