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jeudi 5 juillet 2012

Du poids du visiteur médical sur l’ordonnance

2 juillet 2012

Par ERIC FAVEREAU

C’est assez rare qu’une thèse de médecine commence par une histoire. Coup de téléphone : «Bonjour, je suis du labo X, je voudrais vérifier le nom des internes en stage dans le service.» Le jeune interne qui répond est sidéré : «Mais dites-moi qui vous a fourni cette liste.» Réponse :«Ben, l’administration, évidemment.» Ce jeune fait part de sa stupéfaction à d’autres étudiants. Réponse agacée : «Je vais souvent aux repas des labos, c’est sympa, on y mange bien.» Puis : «Quand je prescris des médicaments, je ne pense pas au labo qui m’a invité la veille, je sais rester objectif, je suis libre de ma prescription. On est formé pour ça, non ?»
Etonnant dialogue. Etienne Foisset, qui le raconte, vient d’achever une «étude de l’impact de la visite médicale sur la qualité des prescriptions des médecins généralistes bretons». Un beau travail. Ce jeune médecin, étudiant au CHU de Brest, a analysé les prescriptions de 179 généralistes tirés au sort. «Les résultats obtenus ont été mis en parallèle avec la fréquence à laquelle ces médecins reçoivent des visiteurs médicaux des laboratoires pharmaceutiques.»
Résultat limpide : plus les médecins reçoivent de visiteurs médicaux, plus leurs prescriptions vont refléter des objectifs commerciaux des firmes pharmaceutiques, «au détriment des intérêts des patients, des caisses d’assurance maladie et de la gestion des risques sanitaires».
Avec des exemples frappants. Ainsi, dans les maladies cardiaques, en particulier l’hypertension : la vente des médicaments dits «sartan» se fait au détriment des IEC, autre classe thérapeutique, à l’efficacité similaire. Seule différence : les sartans sont beaucoup plus récents et beaucoup plus chers. «Leur prescription est liée au passage des visiteurs médicaux», note Etienne Foisset.
Corruption passive ? Que non… Les médecins interrogés sont sûrs d’eux. Ils estiment ne pas être très influencés par la visite médicale. Ils se croient incorruptibles. Accablante, au final, cette étude ? «Non, répond notre thésard, même si tous les critères retenus de liens se confirment. Mais ce qui me frappe, c’est que notre conclusion confirme toutes les données que la littérature médicale accumule. Et il ne se passe rien. On laisse faire.»
Etienne Foisset a 33 ans. Sa thèse soutenue, il est devenu généraliste, en remplacement sur l’île de Sein. En septembre, il s’installe en Ariège, dans un cabinet. «Nous sommes plusieurs. C’est à moitié isolé. L’hôpital est à une demi-heure.» Il est ravi. Et attend de pied ferme les visiteurs médicaux.

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