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mercredi 21 septembre 2011


Phobie scolaire : un symptôme qui cache autre chose

FLORENCE TRAULLÉ Publié le mardi 20 septembre 2011 Elle touche aussi bien les petits que les ados. La phobie scolaire suscite souvent l'incompréhension. À Villeneuve d'Ascq, une clinique soigne, au-delà de ce seul trouble.

C'est la seule clinique du genre dans la région. Une équipe médicale pluridisciplinaire mais aussi des profs et un vrai chef d'établissement de l'Éducation nationale car la clinique des Quatre Cantons est à la fois lieu de soins psychiatriques et établissement scolaire. On y soigne et on y enseigne. Une unité soins/études. « Nous sommes une clinique où il y a des cours. Les deux sont articulés. Je précise toujours aux parents que ce n'est pas une école pour enfants difficiles » explique Robert Vanovermeir, le directeur des études. « Ce n'est pas non plus un lycée avec une grosse infirmerie ni l'école à l'hôpital » ajoute le Dr Catherine Goudemand-Joubert, psychiatre. Un bon tiers des jeunes hospitalisés ici arrive pour un problème de phobie scolaire. C'est la demande initiale. « La phobie scolaire, c'est un symptôme qui peut recouvrir beaucoup de choses » affirme d'emblée le Dr Goudemand. Elle parle de « refus anxieux de l'école » qui se traduit par des crises de panique ou d'autres somatisations. « L'enfant ou l'adolescent est incapable d'aller en classe. Ce n'est pas du tout du caprice, et cela n'a rien à voir avec l'école buissonnière. » Elle parle de « symptôme bruyant » derrière lequel « il y a souvent une angoisse de séparation majeure, même si elle est inconsciente. Ou une inhibition de la pensée. Ils n'osent plus penser, plus apprendre. » Un symptôme devant lequel les parents se trouvent totalement désemparés et qui nécessite une prise en charge thérapeutique car « la phobie scolaire mène parfois à la phobie sociale et peut conduire à un état dépressif » ajoute le Dr Goudemand. Isolement, rupture avec les copains, journées passées à ne rien faire, un engrenage dangereux. Les jeunes arrivant ici avec un symptôme de phobie scolaire sont souvent déscolarisés depuis un an en moyenne. « Certains ont des scolarités très "explosées". Ils ont plusieurs fois changé d'établissement ou de filière en pensant que ça ira mieux » note Robert Vanoveirmer mais, en remontant le fil de leur histoire scolaire, il constate que, beaucoup, ont eu une scolarité régulière en primaire avant de « décrocher un peu en troisième. Même s'ils boitillaient, ils s'en sortaient. Souvent, l'effondrement se produit après le passage au lycée ». Le Dr Goudemand rencontre « beaucoup de perfectionnistes qui, avant, étaient de très bons élèves ».
Entretiens directs avec un psychiatre, thérapies de groupes, ateliers et thérapies familiales sont mis en place par l'équipe médicale. Toute une palette d'outils déclinée pour chaque jeune, en y associant la famille. « Cela se fait progressivement » explique le Dr Goudemand. « Souvent, les familles ont déjà consulté avant de venir ici. Le symptôme de leur enfant a perturbé la famille et l'a fait réagir de telle ou telle façon.


Cela peut faire boule de neige. Démonter un peu tout ça permet d'aborder d'autres problématiques » constate la psychiatre qui reconnaît la subtilité de cette prise en charge. « Nous-mêmes n'avons pas toutes les réponses. C'est en cheminant avec la famille et le jeune que l'on va réussir à dénouer ce qui se passe. » Et d'ailleurs « la prise en charge au niveau des soins ne s'arrête pas quand le symptôme de phobie scolaire a disparu » ajoute le directeur des études. Il arrive que des jeunes patients retournent au lycée mais restent soignés dans l'établissement.Un projet global
La particularité de cette clinique, offrant une scolarisation sur place de la troisième au lycée « est de faire le pari que les cours participent au processus de soins. C'est un projet global. Nous avons des exigences scolaires », insiste le directeur des études. Dans un système psychiatrique où l'hospitalisation courte devient de plus en plus la règle, ici, on prend le temps. « En général, c'est assez long à soigner, reconnaît le Dr Goudemand. Cela dépend de la problématique. Les phobiques sont des personnalités évitantes, avec beaucoup de résistance. Il faut s'adapter au rythme des patients. » Seule structure de ce type, la clinique des Quatre Cantons affiche une liste d'attente qui, regrette René Vanoveirmer « fait perdre du temps à la prise en charge médicale et par rapport à la scolarité aussi ». w 
« IL Y A UNE FORME DE HONTE POUR LES ENFANTS COMME POUR LES PARENTS »
La présidente de l'association Phobie Scolaire milite pour qu'elle soit reconnue comme une maladie en tant que telle. Elle dit s'être retrouvée confrontée à la culpabilisation des parents et dénonce le manque de structures de soins.Comment vous êtes-vous intéressée au problème de la phobie scolaire ?>> Parce que ma fille a été touchée. Nous nous sommes retrouvés très démunis. En plus, je suis enseignante. Alors je me disais que si, moi, je me retrouvais dans cette situation d'incompréhension, qu'en était-il pour les autres parents ? J'ai fait des recherches sur la phobie scolaire et les possibilités de soins. Il n'y avait aucune association et on me renvoyait toujours le même schéma de la mère surprotectrice, du père absent, des parents pas assez investis, voire de la mère agoraphobique. Ça ne correspondait pas du tout à notre profil. On se posait plein de questions et on se trouvait très seuls.Vous vous êtes sentie culpabilisée en tant que parent ?  >> Énormément. Comme si, nécessairement, notre fille souffrait de carences affectives. Nous avons vraiment été déstabilisés par cette culpabilisation des parents, comme souvent dans les maladies dont on ignore véritablement la cause, comme l'autisme par exemple.Certains assurent que les phobies scolaires augmentent. Qu'en pensez-vous ?  >> C'est difficile à dire parce qu'il n'y a pas de statistiques officielles. C'est une maladie encore peu connue. Je pense qu'elle a toujours existé mais que la prise de conscience augmente. Parmi ceux qu'on appelle les « décrocheurs » du système scolaire, il y a sans doute aussi des phobiques qui ne sont pas détectés.Cela dit, les phobiques scolaires s'accrochent, malgré tout. Ils essayent vraiment d'aller à l'école, au collège, au lycée mais n'y arrivent pas. Ma fille faisait tout pour y aller. Elle partait de la maison et elle vomissait dès qu'elle était dans la rue. C'est une vraie souffrance, très difficile à dire. Il y a sans doute une part de déni, comme dans beaucoup de souffrances psychiques. Et, je pense, une forme de honte pour les enfants, comme pour les parents.Ça reste encore tabou.Alors que des psys pensent que la phobie scolaire est le symptôme d'autre chose, vous, vous militez pour qu'elle soit reconnue comme une maladie en tant que telle ?>> La phobie scolaire est qualifiée par les médecins de « trouble anxieux » comme pour les autres phobies. C'est pourtant très invalidant. Plus que la phobie des araignées, par exemple. On n'en rencontre pas tous les jours ! Alors que, pour un enfant, l'école c'est tous les jours... C'est aussi très angoissant pour eux car ils réalisent bien que cela compromet leur apprentissage. Beaucoup de phobiques n'ont, malheureusement, pas d'autre choix que de se tourner vers l'enseignement par correspondance.Qui, pour vous, n'est pas la bonne solution...  >> Non, car cela aggrave les phobies sociales. L'enfant ou l'ado passe sa vie chez lui, ne voit personne de la journée si ses deux parents travaillent. Ils sont en prison à la maison. Ce n'est pas une vie. Cela dit, les cours par correspondance en ont sauvé quelques-uns. La prise en charge thérapeutique est très compliquée. Il y a très peu de structures. Les meilleures sont les centres médico-psychologiques mais, comme pour tout ce qui est hospitalier, il y a trop d'attente. Pendant ce temps, l'enfant se dégrade. Reste le recours à des psychothérapeutes. C'est payant et non remboursé comme une orthophoniste ou un kiné. Ce n'est pas normal. w PROPOS RECUEILLIS PAR Fl.T.
ROMAIN : « LA NUIT, JE ME RÉVEILLAIS EN NAGE, COMPLÈTEMENT TREMPÉ DE SUEUR ET AFFOLÉ »
Romain a mis du temps à se faire entendre et comprendre. Sa phobie scolaire s'est installée insidieusement. Au début, ses parents ont cru à un caprice, imaginé toutes sortes d'explications. Lui-même comprenait mal ce qui lui arrivait.Il est très fier du bac qu'il a obtenu l'an dernier en candidat libre. « Pas de mention » rigole Romain « mais au moins je l'ai décroché. Ce n'était pas gagné ! » Pour lui, tout commence au début du deuxième trimestre en première. « L'année n'avait pas trop mal débuté. J'étais un élève correct, pas super brillant, pas mauvais, dans la moyenne. » Il se souvient d'un malaise diffus pendant les vacances de fin d'année. « J'avais un peu de boulot à faire, mais quand je m'y mettais, j'avais du mal à bosser. Anormalement. Je commençais à angoisser à l'idée de la reprise début janvier. » Romain le reconnaît, il est d'un naturel anxieux mais, « tout de même, ça n'avait jamais pris de telles proportions ».Début janvier arrive, il reprend le chemin du lycée. « Très vite, j'ai commencé à avoir des sueurs épouvantables la nuit. Je me réveillais en nage, complètement trempé et affolé. » Puis, viennent « les crampes au ventre le matin. J'étais incapable de prendre mon petit-déjeuner. Rien ne passait. Ma mère insistait pour que je mange avant de partir au lycée. J'ai commencé à vomir le peu que j'avalais ».Sa mère pense alors à une banale gastro. Romain sent bien que « c'était autre chose, de totalement inconnu pour moi, qui me dépassait ». Il se retrouve plusieurs fois à l'infirmerie du lycée « plié en deux de douleurs dans le ventre, vraiment pas bien » . L'infirmière s'interroge, conseille une visite médicale. « Mes parents sont très soucieux de notre réussite scolaire. Une fois que le médecin de famille a évacué tout problème genre appendicite, ulcère etc., mes parents ont pensé que je décrochais du lycée et que je jouais la comédie. Ils ont cru que j'étais racketté et n'osais pas le dire. Puis que je me droguais. Tout y est passé ! » Un jour, Romain s'effondre. « Je pleurais comme un môme. Je n'arrivais plus à m'arrêter. Ma mère s'est affolée. » Le médecin est appelé, conseille un rendez-vous en urgence dans une unité de psychiatrie. « C'était violent, je ne voulais pas me retrouver là, surtout pas. » Il accepte quand même, rencontre un psychiatre qui le met sous traitement et lui conseille surtout une psychothérapie. Elle va durer deux ans. « Ça m'a déculpabilisé. On m'écoutait sans me juger. Plein de choses sont remontées. » Impossible pourtant de retourner en classe.Romain prend des cours par correspondance, bénéficie de l'aide de ses copains. « J'étais coupé de mon univers mais c'était mieux que cette angoisse épouvantable qui me submergeait. » À cette rentrée, il s'est inscrit en fac. Dit qu'il va mieux. Qu'il va y arriver. « Sans ma thérapie, je serais resté au fond du trou. » wFl.T


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